Dénonciation calomnieuse : 8 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/22151

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Dénonciation calomnieuse : 8 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/22151

8 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
18/22151

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 2

ARRET DU 08 JUIN 2022

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/22151 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6QRR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 17/04242

APPELANTE

SCI DU [Adresse 6]

immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro 433 939 386 prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur [K] [A], domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 2]

[Localité 15]

Représentée par Me Laurent ABSIL de la SELARL ACTIS AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 1

INTIMES

Monsieur [UO] [AW] [HR]

né le 15 Juin 1971 à [Localité 18]

[Adresse 5]

[Localité 17]

Représenté par Me Sandrine LEBAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1625

ayant pour avocat plaidant : Me Geoffroy LEBRUN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1566

Madame [W] [HR] née [M]

née le 14 Septembre 1969 à MARRAKECH

[Adresse 5]

[Localité 17]

Représentée par Me Sandrine LEBAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1625

ayant pour avocat plaidant : Me Geoffroy LEBRUN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1566

Maître [D] [I] Es qualité d’administrateur judiciaire de la société AE&CO BRITISH DECO

[Adresse 11]

[Localité 12]

DEFAILLANT

Monsieur [WC] [U] exploitant sous l’enseigne SPEED MOTO BIKE

[Adresse 3]

[Localité 17]

DEFAILLANT

SARL EASY CUISINE

[Adresse 4]

[Localité 15]

DEFAILLANTE

SARL TOUSTOCK

[Adresse 1]

[Localité 13]

DEFAILLANTE

Société CLP LOCATIONS

SARL immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro 442 822 888

[Adresse 16]

[Localité 14]

Représentée par Me Jean-Fançois CUIGNET, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 356

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

Madame Muriel PAGE, Conseillère

Mme Nathalie BRET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

– DEFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors du prononcé.

* * * * * * * * * * *

FAITS & PROCÉDURE

Suivant acte notarié en date du 5 juin 2009, la société du [Adresse 6], a cédé à M. [UO] [HR] un pavillon sis [Adresse 5], sur la parcelle cadastrée AO [Cadastre 7]. L’immeuble se trouve situé au fond d’une impasse et enclavé, de sorte que l’on y accède depuis la voie publique en empruntant d’abord le passage Boulmier, voie privée propriété d’une indivision successorale, puis en passant sur une parcelle cadastrée AO [Cadastre 8] appartenant a la société [Adresse 6].

Cette dernière est en effet propriétaire de plusieurs autres parcelles de terrain contiguës à celle vendue à M. [HR], à savoir la parcelle AO [Cadastre 9], sur laquelle sont implantés des locaux commerciaux et la parcelle AO [Cadastre 10] constituée d’un terrain sur lequel sont implantés deux appentis en tôle. Sur la parcelle AO [Cadastre 8], sur laquelle les époux [HR] passent pour accéder à leur pavillon, sont également implantés des locaux commerciaux.

Au cours de l’année 2009, la parcelle AO [Cadastre 10] a été divisée et Mme [M], aujourd’hui épouse [HR], a, par acte notarié du 29 septembre 2010, acquis une partie de ce terrain nu destiné à constituer un jardin attenant à la propriété de son époux.

A l’époque de la première vente, la société Carnot était en négociation avec un promoteur immobilier pour la vente de plusieurs de ses parcelles et la transformation des locaux commerciaux en locaux d’habitation, mais le projet n’a pas abouti.

A compter du mois de juin 2013, les époux [HR] se sont plaints de nuisances sonores imputables aux entreprises locataires des locaux commerciaux situés sur la parcelle AO [Cadastre 9], à savoir les sociétés Toustock, Easy Cuisine et Speed Moto.

Par actes d’huissier en date des 6 et 16 octobre 2014, les époux [HR] ont fait assigner la société du [Adresse 6], et les sociétés Toustock, Easy Cuisine et Speed Moto devant le tribunal pour obtenir réparation des préjudices qu’ils estiment subir du fait d’un trouble anormal du voisinage découlant de l’activité de ces sociétés. Par acte en date du 30 juin 2015, ils ont également assigné la société British Deco, puis la société CLP Locations par acte du 23 octobre 2015.

L’ensemble des procédures ont été jointes.

Depuis l’engagement de la procédure, les sociétés Toustock, Easy Cuisine et Speed Moto ont quitté les lieux loués et il ne subsiste que la société CLP Locations. La société British Deco a été placée en liquidation judiciaire et Me [I] a été attrait à la procédure en qualité de liquidateur.

Par jugement du 17 mai 2018, le tribunal de grande instance de Créteil a :

– condamné in solidum les société Toustock, Easy Cuisine et M. [U] exploitant sous l’enseigne Speed Moto, et la société du [Adresse 6] à payer aux époux [HR] la somme de 36.000 € à titre de dommages et intérêts,

– débouté les époux [HR] de toutes leurs autres demandes,

– ordonné aux époux [HR] de procéder au retrait des pancartes apposées sur leurs grilles, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de [Cadastre 8] € par jour de retard pour une durée de 3 mois,

– débouté la société Carnot de son appel en garantie à l’encontre de la société Toustock, de M. [WC] [U], de Maître [I] et de la société CLP Locations,

– déboute la société CLP Locations de ses demandes reconventionnelles,

– débouté la société Toustock et M. [U] de leurs demandes reconventionnelles,

– condamné in solidum la société Carnot, la société Easy Cuisine, la société Toustock et M. [U] à verser aux époux [HR] la somme de 5.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum la société Carnot, la société Easy Cuisine, la société Toustock et M. [U] aux dépens de l’instance, comprenant le coût du constat d’huissier du 4 février 2015 en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– rejeté la demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile présentée par la société CLP Locations,

– ordonné l’exécution provisoire.

La S.C.I. du [Adresse 6] a relevé appel de ce jugement à l’encontre de Mme [W] [M] épouse [HR] et M. [UO] [HR] seulement par déclaration remise au greffe le 12 octobre 2018.

Mme [W] [M] épouse [HR] et M. [UO] [HR] (ou ci-après M. et Mme [HR]) ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 12 octobre 2018.

Par ordonnance sur incident du 5 juin 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux affaires enregistrées au greffe sous les numéros RG 18/22151 et 18/22196 et dit qu’elles se poursuivront sous le numéro 18/22151.

Par ordonnance de médiation partielle du 4 mars 2020, le conseiller de la mise en état a désigné en qualité de médiateur Mme [Y] [X] afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose, pour une durée de quatre mois renouvelable une fois pour une même durée commençant à courir à compter du jour du règlement de la provision à valoir sur sa rémunération.

La procédure devant la cour a été clôturée le 9 février 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 3 février 2022 par lesquelles la S.C.I. du [Adresse 6], appelante, invite la cour, au visa des articles 1353, 1240 et suivants du code civil, 9 du code de procédure civile, à :

– la recevoir en ses écritures et ce faisant,

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée à payer aux époux [HR] la somme de 36.000 € à titre de dommages et intérêts, 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens comprenant le coût du constat d’huissier du 4 février 2015,

– débouter en conséquence les époux [HR] de toutes leurs demandes et vu l’effet juridique de cette réformatíon, condamner les époux [HR] solidairement à lui payer la somme de 36.000 € acquittée au titre de l’exécution provisoire,

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en paiement de ses frais írrépétibles et de ses dépens et statuant de nouveau, condamner solidairement les époux [HR] à lui payer, sur le fondement des articles 695 et suivants du code de procédure

civile :

la somme de 5.000 € au titre des honoraires qu’elle a dû payer pour se faire représenter en première instance,

la somme de 5.000 € au titre des honoraires qu’elle a dû payer pour se faire représenter en cause d’appel,

les dépens tant de première instance que d’appel, en ce compris les PV de constat de la société Chouraqui des 8/02, 13/02/2015, 18/02/2015, 2/03/2015, 6/03/2015, 9/03/2015, 11/03/2015, 12/03/2015 et les honoraires de la médiatrice,

subsidiairement, si la cour confirme le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer aux époux [HR] la somme de 36.000 € à titre de dommages et intérêts,

– réformer le jugement s’agissant des demandes accessoires et dire que chaque partie conservera pour soi, ses frais et honoraires, tant de première instance instance que d’appel ;

Vu les conclusions en date du 8 février 2022 par lesquelles M. et Mme [HR], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 544, 686, 701, et 1382 du code civil, de :

– rejeter les conclusions de la société CLP Locations comme irrecevables car tardives,

– rejeter les conclusions de la société CLP Locations tendant à voir prononcer la caducité de leur appel,

– débouter la société Carnot de ses demandes tendant à réformer le jugement dont appel sur les différents chefs critiqués,

– juger leur appel incident recevable et bien fondé,

en conséquence,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

‘ réduit à la somme de 36.000 € le montant des dommages et intérêts qui leur est dû en réparation des troubles anormaux de voisinages et d’atteinte aux respects des servitudes

‘ insuffisamment motivé puisqu’il a limité l’octroi de dommages et intérêts aux années 2013 à 2016 sans aucunement justifier une telle limitation,

‘ cru bon de relever d’office le moyen de défense tiré du principe d’antériorité sans le soumettre au débat contradictoire,

‘ débouté les époux [HR] de leurs demandes tendant à condamner la société Carnot à leur payer la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à leur vie privée en raison de l’installation d’une caméra dans le passage,

statuant à nouveau sur l’appel incident,

– condamner la société Carnot à leur verser la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à leur vie privée en raison de l’installation d’une caméra dans le passage,

– condamner in solidum la société Carnot et la société Toustock, la société Easy Cuisine et M [U] exploitant sous l’enseigne Speed Moto, la société British Deco et la société CLP Locations à leur verser la somme de 144.000 € avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation en réparation du préjudice de jouissance subi résultant des troubles anormaux de voisinage depuis juin 2013,

– condamner in solidum la société Carnot, la société Toustock, la société Easy Cuisine et M [U] exploitant sous l’enseigne Speed Moto, la société British Deco et la société CLP Locations à leur payer une somme de 30.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront le coût des constats d’huissier de justice du 4 février 2015 , du 4 juillet 2018 et du 29 janvier 2020 ;

Vu les conclusions en date du 26 août 2019 par lesquelles la société CLP Locations, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 550, 954, 905-2 et 910 et suivants du code de procédure civile, de :

– dire que les conclusions signifiées les 11 et 18 janvier 2019 par les époux [HR] irrecevables,

– en conséquence, constater la caducité de l’appel interjeté par les époux [HR],

– condamner les époux [HR] à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner les époux [HR] à payer la somme de 3.000 € à titre d’amende civile pour procédure abusive, en application des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire, si la caducité n’était pas prononcée,

– débouter les époux [HR] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

dans tous les cas,

– condamner les époux [HR] à lui payer la somme de 26.944 € à titre de dommages et intérêts suite aux surcoûts résultant des agressions commises contre le personnel de la société,

– condamner les époux [HR] à lui payer la somme de [Cadastre 8].000 € à titre de dommages et intérêts pour dénonciation calomnieuse auprès de la société Europcar aux entiers dépens, recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu la signification de la déclaration d’appel à la requête de Mme [W] [M] épouse [HR] et M. [UO] [HR] délivrée à la S.A.R.L. Easy Cuisine, le 3 décembre 2018 par remise de l’acte en l’étude de l’huissier instrumentaire ;

Vu la signification de la déclaration d’appel à la requête de Mme [W] [M] épouse [HR] et M. [UO] [HR] délivrée à M. [WC] [U] exploitant sous l’enseigne ‘Speed Moto Bike’ le 3 décembre 2018, par remise de l’acte à personne ;

Vu le courrier du 6 décembre 2018, par lequel l’huissier informe le conseil de Mme [W] [M] épouse [HR] et M. [UO] [HR] de ce que le pli devant être délivré à Maître [I] n’a pas été accepté par ce dernier car le dossier dans lequel il était nommé comme étant l’administrateur de la société ‘AE&CO British Deco’ a été clôturé en date du 29 novembre 2017 outre de l’impossibilité de signifier à la S.A.R.L. Toustock, son kbis portant mention en date du 26 février 2018 d’une clôture des opérations de liquidation et d’une radiation en date du 1er décembre 2017 ;

Vu la signification des conclusions d’appel n° 2 à la requête de Mme [W] [R] épouse [HR] et M. [UO] [HR] délivrée à la S.A.R.L. Easy Cuisine et à M. [WC] [U] exploitant sous l’enseigne ‘Speed Moto Bike’ le 23 janvier 2019, par remise des actes en l’étude de l’huissier ;

SUR CE,

La S.A.R.L. Easy Cuisine n’a pas constitué avocat, la déclaration d’appel lui a été signifiée par dépôt à l’étude de l’huissier ; l’arrêt sera rendu par défaut ;

Mme [W] [M] épouse [HR] et M. [UO] [HR] n’ont pas signifié leur déclaration d’appel à Maître [I], ès qualités d’administrateur de la société ‘AE&CO British Deco’ et à la S.A.R.L. Toustock ;

Leurs demandes formulées en appel dirigées contre ces parties sont irrecevables ;

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Postérieurement au jugement déféré, M. et Mme [HR] ont vendu leurs biens de sorte que le litige ne porte plus principalement que sur les troubles anormaux de voisinage, l’atteinte à la vie privée en raison de l’installation d’une caméra dans le passage outre la demande reconventionnelle de la société CLP Locations ;

Les moyens soutenus par les parties, ne font que réitérer sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation ;

Il convient seulement de souligner et d’ajouter les points suivants :

Sur la caducité de la déclaration d’appel

Aux termes de l’article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est, lorsqu’il est désigné et jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour prononcer la caducité de l’appel, pour déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910. Les parties ne sont plus recevables à invoquer la caducité ou l’irrecevabilité après son dessaisissement, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ;

En l’espèce, la société CLP Locations soulève le moyen tiré de la caducité de l’appel au motif que les conclusions d’appel de M. et Mme [HR] des 11 et 18 janvier 2019 sont irrecevables en l’absence de communication de pièces à l’appui de ces conclusions ;

Toutefois, la société CLP Locations n’a pas saisi le conseiller de la mise en état d’une demande de fixation de l’incident qu’il soulève devant la cour ;

Seul le conseiller de la mise en état était compétent pour trancher cet incident ;

Dès lors, la société CLP Locations n’est plus recevable à invoquer la caducité de l’appel ;

Sur l’irrecevabilité des conclusions de la société CLP Locations

Aux termes de l’article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est, lorsqu’il est désigné et jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour prononcer la caducité de l’appel, pour déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910. Les parties ne sont plus recevables à invoquer la caducité ou l’irrecevabilité après son dessaisissement, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ;

En l’espèce, M. et Mme [HR] soulèvent le moyen tiré de l’irrecevabilité des conclusions de la société CLP Locations au motif que ses conclusions d’intimée ont été notifiées au delà du délai imparti par l’article 909 du code de procédure civile ;

Toutefois, M. et Mme [HR] n’ont pas saisi le conseiller de la mise en état d’une demande de fixation de l’incident qu’ils soulèvent devant la cour ;

Seul le conseiller de la mise en état était compétent pour trancher cet incident ;

Dès lors, M. et Mme [HR] ne sont plus recevables à invoquer l’irrecevabilité des conclusions d’intimée de la société CLP Locations ;

Sur les troubles anormaux de voisinage

En application de l’article 544 du code civil, le dommage causé à un voisin qui excède les inconvénients normaux du voisinage oblige l’auteur du trouble à le réparer, quand bien même aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause ;

L’acte de vente du 5 juin 2009 portant sur la maison d’habitation prévoit la constitution d’une servitude de passage ;

L’acte de vente du 29 septembre 2010 portant sur le terrain prévoit également la constitution d’une servitude de passage et mentionne que ‘ Le passage doit être libre à toute heure du jour et de la nuit, ne devra jamais être encombré et aucun véhicule ne devra y stationner ‘ ;

En l’espèce, le tribunal a exactement relevé les éléments établissant les nuisances subies par M. et Mme [HR] à savoir notamment :

– le compte rendu de la réunion du 12 juin 2014 organisée par la société British Deco, qui mentionne :

‘Le climat semble s’être dégradé à partir de l’arrivée de Toustock et Easy Cuisine il y a quelques mois. En effet, ceux-ci travaillent le week-end et les jours fériés, et/ou tard dans la soirée, des changements, et déchargements de marchandises, un nombre important de clients bruyants, qui viennent en famille klaxonnent afin que l’accès leur soit ouvert, qui attendent, moteur en marche avant de charger leur marchandise ou alors discutent haut et fort dans la cour en attendant d’être servis. ‘

– le mail de Mme [G] [J], locataire de la société, à son bailleur, en date du 24 juin 2014 faisant suite à cette réunion du 12 juin 2014. ‘ Au demeurant, l’objectif de la réunion étant exclusivement de gérer cette mauvaise ambiance, j’ai clairement dit que je n’étais pas directement concernée, ce qui est vrai. Par contre, concernant les nuisances sonores, j’étais totalement concernée, d ‘ou ma présence également. Nous sommes obligés de fermer portes et fenêtres pour pouvoir entendre nos interlocuteurs au téléphone, alors qu ‘il s ‘agit de 80% de notre activité à l ‘agence. Et même au travers des portes et fenêtres fermées, le bruit des voitures ou camion au ralenti, les coups de klaxon peuvent rendre certaines journées particulièrement pénibles. Ces nuisances existent bien et elles vous concernent (c ‘est bien la raison pour laquelle votre présence m ‘a semblé tout à fait normale, comme elle concerne tous nos locataires, comme les autres riverains propriétaires ou locataires). Ces nuisances ont été constatées par tous, nous ont été notifiées par courrier AR, ont fait l ‘objet de plaintes diverses…la police est passée à plusieurs reprises dans la zone et en a certainement tiré ses conclusions.’ ;

– le compte rendu du conseil municipal du 9 avril 2015 qui évoque la question des commerces situés sur les lieux et mentionne ‘ Il (le maire) rappelle aussi qu’à plusieurs reprises, il s’est opposé au propriétaire notamment lorsque ce dernier a loué un de ces locaux à un cuisiniste ouvert le dimanche. Monsieur le député-maire indique que le cuisiniste est d ‘ailleurs parti sous la pression de la ville suite aux nombreux courriers qui lui ont été adressés l’informant que son activité était incompatible avec le statut résidentiel du secteur. Et lorsque la ville a découvert que l ‘ancien local occupé par le cuisiniste était à louer, il a immédiatement écrit au propriétaire pour lui signifier que les termes de l’annonce dans laquelle il était précisé notamment que l ‘accès était aisé pour les camions, n’étaient pas du tout conformes à la réalité de l’environnement immédiat’ ;

– le rapport d’enquête établi par le commissariat de police de [Localité 17] qui conclut en ces termes :

‘ Le litige vient de l’achat du pavillon sous condition que les locaux à proximité deviennent des lofts. La promesse n’ayant pas été respectée, il semble que la famille [HR] a développé une tolérance zéro au bruit. Il est à mentionner que la gêne causée par le bruit d’activité des entrepôts est cependant réelle (voir les déclarations recueillies). (…)

Au regard du P.L.U., il semble que l’activité des entreprises Toustock et Easy Cuisine ne soit pas compatible avec le caractère résidentiel du quartier. Une réponse claire devra être donnée par la mairie sur cette question.’

– le courrier du maire de [Localité 17] daté du 16 octobre 2013 adressé à la S.C.I. du [Adresse 6] lui demandant de faire respecter par la société Toustock, la tranquillité des riverains ;

A cela s’ajoutent :

– le courrier du 10 février 2014 du maire de [Localité 17] adressé à la société Easy Cuisine lui rappelant l’exigence du respect de la réglementation en vigueur concernant le bruit et celle de faire cesser le trouble à la tranquillité publique, ledit courrier commençant par :

‘ Régulièrement des riverains portent à notre connaissance les nuisances provoquées le plus souvent par les entreprises de transports de marchandises qui assurent la livraison des produits nécessaires au bon fonctionnement de votre commerce ainsi que les clients souhaitant accéder à votre entrepôt situé [Adresse 6] (…) ‘

– les attestations de Mme [C] [V], de Mme [OJ] [E], de Mme [L] [S], et de Mme [AY] [M], qui témoignent tous de la gêne et des nuisances sonores occasionnées par les activités commerciales des locataires de la S.C.I. Carnot

– le courrier de M. [F] [N], propriétaire au [Adresse 6] et qui confirme que des camions passent sur le passage Boulmier et créent des nuisances sonores pour ses locataires et les riverains ;

S’agissant des photographies prises par M. et Mme [HR], si elles ne sont pas datées et ne peuvent avoir la force probante d’un constat d’huissier, elles corroborent toutefois leurs dires quant à l’encombrement de la servitude, la présence et les allées et venues de véhicules et de camions devant leur maison d’habitation ;

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, que comme l’a dit le tribunal, M. et Mme [HR] ont dû faire face à des allées et venues régulières de camions de livraison, à des opérations de déchargement pouvant bloquer l’accès à leur pavillon ou inversement à la voie publique, au mépris de la servitude de passage, à supporter les bruits liés à ces activités à des heures excédant les horaires habituels de travail, et ce, de façon répétée, y compris en fin de semaine et durant les jours fériés ; ces nuisances incontestables dépassant ce qui est normalement admissible, même en zone urbaine ;

Devant la cour, la S.C.I. du [Adresse 6] ne peut valablement contester les nuisances occasionnées alors que l’activité de la société Easy Cuisine le dimanche n’est pas contestée, et qu’il ressort notamment de l’audition de M. [B], dont la société British Déco est pourtant mise en cause par M. et Mme [HR], que cette activité du dimanche occasionne des nuisances ; que la société Toustock a reconnu dans un courrier du 16 septembre 2014, avoir entrepris des actions afin de limiter les nuisances et notamment le changement de son local et la fermeture le dimanche ;

Les procès-verbaux de constat d’huissier établis sur une période déterminée connue de la S.C.I. du [Adresse 6] sont insuffisants pour apporter la preuve contraire, même s’il est exact qu’aux dates et heures auxquelles l’huissier s’est déplacé, aucun véhicule n’encombrait le passage ;

Si le conflit s’est exacerbé et s’est traduit par des relations de voisinage très dégradées, avec des comportements excessifs et agressifs, dénoncés de part et d’autre, cet élément ne saurait permettre de dénier les nuisances subies ;

Enfin, les attestations de Mme [H] (laquelle a vu les lieux dans un état convenable et calme sans préciser à quelle fréquence), de M. [O] (qui lui ne subit aucune nuisance), de M. [P] et de Mme [Z] (lesquels ont vu des véhicules se rendre chez M. et Mme [HR]), ne sont pas de nature à remettre en cause celles produites par M. et Mme [HR] ;

Le tribunal a exactement énoncé que l’activité des sociétés Toustock, Easy Cuisine, et Speed Moto (dont l’activité a été visée lors de la réunion du conseil municipal) constitue un trouble anormal du voisinage, que la S.C.I. du [Adresse 6] en qualité de bailleur doit répondre de ce trouble, mais elle doit également en répondre du fait du non respect de la servitude de passage dont elle est redevable ;

Quant à l’appel de M. et Mme [HR], il doit être constaté que les sociétés British Déco (importation de meubles anglais) et la société CLP Locations (location de véhicules sous l’enseigne Europcar) étaient présentes sur les lieux lorsqu’ils ont acquis leur maison d’habitation en 2009 puis le terrain attenant en 2010 ;

Selon toutes les déclarations qu’ils ont faites, l’activité de ces deux sociétés ne leur a jamais causé aucune difficulté jusqu’en 2013 ;

Il n’est pas établi que les activités exercées par ces deux sociétés aient radicalement changé après cette date et leur aient occasionné une gêne excédant les inconvénients normaux de voisinage ;

Il n’est notamment pas établi que le parc de véhicules de locations de la société CLP Locations ait évolué vers des camions de plus de 3,5 tonnes comme l’affirme dans son courrier du 11 août 2015, l’avocate de M. et Mme [HR] ;

Il n’est pas davantage démontré que l’usage ponctuel de l’aspirateur pour le nettoyage des véhicules loués soit, depuis 2013, source de nuisances excédant les inconvénients normaux de voisinage ;

Egalement, M. et Mme [HR] échouent à établir la persistance des désordres après 2016 au titre de l’activité des sociétés Monsieur [T] et Direct Service, locataires de la S.C.I. Carnot respectivement depuis 2017 et 2016 ;

Les pièces qu’ils produisent ne sont pas probantes dès lors qu’il s’agit de plaintes qu’ils ont déposées et de photographies non datées et dont il n’est pas établi qu’elles concernent les deux sociétés qu’ils mettent en cause ;

Il sera observé que la société Monsieur [T], si elle a admis une livraison nocturne bruyante en juillet 2017, a indiqué avoir acheté un chariot composé de pneus gonflables pour éviter le bruit dans l’impasse et vouloir cesser ses livraisons nocturnes dès septembre 2017, ce qui n’est pas contesté ;

La société Direct Services a quant à elle réfuté toute nuisance, indiquant que ses employés avaient connaisance des règles à respecter au sein de l’impasse ;

Les sociétés locataires ayant occasionné les nuisances dépassant les inconvénients normaux du voisinage ont quitté les lieux respectivement les 31 décembre 2014 pour la société Easy Cuisine, le 30 novembre 2015 pour la société Toustock et le 15 avril 2016 pour M. [U] (bail commercial consenti à [WC] [U] ‘enseigne speed moto bike 94″ à compter du 1er fevrier 2015 pour 8 mois), le tribunal a donc exactement retenu une période d’indemnisation de 36 mois de 2013 à 2016 ;

Le tribunal a évalué à juste titre l’indemnisation des troubles subis de 2013 à 2016 à hauteur de 1.000 € par mois ;

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée

Devant la cour, M. et Mme [HR] maintiennent leur demande de dommages-intérêts à hauteur de 30.000 € pour l’atteinte à leur vie privée constituée par l’enregistrement de leurs allées et venues par la caméra de surveillance installée dans le passage ;

Or, il résulte de l’attestation de la société Sucy Sécurité, que la caméra litigieuse était une caméra à poste fixe non pilotée et dont la visée ciblait la borne automatique de contrôle d’accès, que ce système a été installé dans l’unique but de permettre d’établir un éventuel constat en cas de dommage survenu sur la borne, la précédente borne ayant été détruite ;

A la date de cette attestation, soit le 10 mai 2016, la société Sucy Sécurité indiquait que le système de vidéo surveillance n’était plus opérationnel depuis plusieurs mois et n’avait plus qu’un caractère dissuasif sans aucun enregistrement d’image ;

Le tribunal a exactement énoncé que contrairement à ce qu’affirment M. et Mme [HR], sans apporter le moindre élément probant, il n’est pas établi que la caméra ait pu filmer leurs allées et venues et encore moins que ces enregistrements aient été diffusés aux voisins ou locataires des locaux commerciaux ;

Par ailleurs, M. et Mme [HR] n’établissent pas davantage devant la cour, que la CNIL serait intervenue pour mettre un terme à l’utilisation de la caméra litigieuse ;

M. et Mme [HR] n’établissent pas la réalité d’une atteinte à leur vie privée ;

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts ;

Sur les demandes de la société CLP Locations

La société CLP Locations maintient devant la cour ses demandes de dommages-intérêts au titre des surcoûts résultant des agressions commises contre le personnel de sa société et au titre de la dénonciation calomnieuse auprès de la société Europcar ;

Elle produit aux débats :

– deux mains courantes déposées par ses employés indiquant les difficultés relationnelles avec M. et Mme [HR]

– une main courante déposée par l’un de ses employés le 19 juillet 2016, indiquant que deux employés doivent être affectés à la préparation des véhicules, l’un pour travailler, l’autre pour faire le guet car M. et Mme [HR] leur projettent des oeufs

– trois bulletins de paye et un état du coût moyen d’un préparateur automobile

– le courrier de M. et Mme [HR] adressé à la société Europcar le 24 août 2016 ;

Ces éléments sont toutefois totalement insuffisants pour établir les préjudices allégués ;

Le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société CLP Locations de ces chefs de demande sera confirmé ;

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens, comprenant le coût du constat d’huissier du 4 février 2015 et l’application qui y a été équitablement faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

La S.C.I. du [Adresse 6] et M. et Mme [HR], parties perdantes, doivent être condamnés in solidum aux dépens d’appel ;

Le coût des constats d’huissier des 4 juillet 2018 et 29 janvier 2020 restera à la charge de M. et Mme [HR] ;

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l’article 700 du code de procédure civile formulée par la S.C.I. du [Adresse 6] et M. et Mme [HR] ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, par défaut,

Dans la limite de sa saisine :

Déclare irrecevables les demandes formulées en appel par M. et Mme [HR] dirigées contre Maître [I], ès qualités d’administrateur de la société ‘AE&CO British Deco’ et à la S.A.R.L. Toustock ;

Déclare la société CLP Locations irrecevable à invoquer la caducité de l’appel ;

Déclare M. et Mme [HR] irrecevables à invoquer l’irrecevabilité des conclusions de la société CLP Locations ;

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum la S.C.I. du [Adresse 6] et M. et Mme [HR] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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