Dénonciation calomnieuse : 5 juillet 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01579

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Dénonciation calomnieuse : 5 juillet 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01579
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5 juillet 2022
Cour d’appel de Riom
RG n°
20/01579

05 JUILLET 2022

Arrêt n°

CHR/SB/NS

Dossier N° RG 20/01579 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FPNX

S.A. LA POSTE

/

[K] [P]

Arrêt rendu ce CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A. LA POSTE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Valentine MOUREIX suppléant Me Antoine PORTAL de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

M. [K] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Emmanuelle RICHARD de l’AARPI JURIS LITEM AARPI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

Après avoir entendu M.RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 16 Mai 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [K] [P], né le 26 décembre 1977, a été embauché par la SA LA POSTE suivant contrats de travail à durée déterminée successifs de 1997 à 2000. Le 1er janvier 2001, la relation s’est poursuivie selon contrat de travail à durée indéterminée. Le salarié a été affecté au centre de tri de [Localité 4] en qualité d’agent de traitement colis.

Sa dernière rémunération mensuelle brute de base était de 1.596, 99 euros.

Monsieur [K] [P] a fait l’objet d’un rappel à l’ordre par lettre du 19 janvier 2015.

Convoqué à un entretien préalable au licenciement par lettre du 7 février 2017, il a été licencié pour faute grave par courrier en date du 10 avril 2017.

Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :

‘ Monsieur,

Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes graves de nature à rendre impossible la poursuite de votre contrat de travail. En effet, une procédure disciplinaire a été engagée à votre encontre suite aux événements que je rappelle ci-dessous :

Au mois de décembre 2016, Madame [B] [X] a demandé auprès du DRH du Colis Région Sud-Ouest, une intervention pour faits de harcèlement moral à son encontre. La Direction du Colis Région Sud-Ouest a donc enclenché le dispositif postal sur le traitement des situations présumées de harcèlement moral : Mme [B] [X] vous a alors désigné comme étant à I’origine des faits dénoncés.

Conformément à la procédure interne applicable, vous avez été entendu par une équipe pluridisciplinaire (composée du médecin du travail, de l’assistante sociale et du Chargé de développement RH) qui a eu pour objectif de mener des entretiens d’écoute afin d’analyser la situation. Ce groupe pluridisciplinaire s’est ensuite réuni afin de procéder à l’évaluation globale de la situation, recueillir les éléments nécessaires à l’élaboration du rapport de synthèse et proposer des mesures.

A l’issue, un rapport de synthèse a été élaboré afin que je puisse, en ma qualité de Directeur du Colis Région Sud-Duest prendre les décisions adaptées.

La Responsable des Ressources Humaines de la DOT COLIS SUD OUEST vous a restitué les conclusions du groupe pluridisciplinaire lors d’un entretien le 7 février 2017, au terme duquel elle vous a remis en main propre contre décharge (date et signature) une convocation pour un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

Cette convocation s’est accompagnée d’une notification d’une mise à pied à titre conservatoire.

Une enquête disciplinaire a par ailleurs été initiée et a permis de recueillir des témoignages individuels d’agents en poste sur la Plate-Forme. Ces témoignages ont mis en évidence vos comportements fautifs à l’encontre de Mme [X] et de certains de vos collègues:

S’agissant de Mme [X], ses déclarations, corroborées par des témoins, caractérisent des faits répétés inacceptables, une altération à ses conditions de travail, une atteinte à sa dignité et une altération de sa santé et une compromission de son avenir professionnel.

S’agissant de votre comportement à l’encontre d’autres agents, les témoignages permettent de relever, des intimidations et des menaces de votre part à leur encontre.

C’est dans ce contexte qu’un entretien préalable a donc eu lieu le 27 février 2017, vous y étiez accompagné de M. [R] [E], représentant du Syndicat CGT, entretien lors duquel vous n’avez présenté aucune remise en cause de votre posture et apporté aucune explication.

Cet entretien préalable ne nous a pas permis de modifier notre appréciation sur les faits qui vous sont reprochés.

En effet, comme vous le savez, un atelier ambiance au travail, a été déployé sur le site pour que chacun et chacune prenne conscience de son rôle dans le collectif de travail, afin de réfléchir sur les comportements à encourager pour mieux vivre ensemble.

Différents thèmes ont été abordés :

Le respect en entreprise : le manque de respect peut avoir une grosse incidence sur les agents (perte de confiance en soi, venir au travail la boule au ventre) et sur l’entreprise (productivité) ;

L’amélioration du respect sur le site : faire attention à l’autre, pratiquer l’entraide, dire bonjour, merci, prendre des nouvelles etc.

Vous avez suivi cet atelier le 5 mars 2015.

En outre, le règlement intérieur qui donne des instructions et règles de vie en collectivité à LA POSTE, rappelle notamment les dispositions pénales réprimant les faits de harcèlement, tel que cela est également repris dans l’extrait du référentiel de déontologie.

Or, Mme [X] a fait part de son mal-être au travail dans les conditions susvisées, et a par ailleurs été déclarée inapte temporairement au travail.

Concernant les faits décrits par Mme [X] et vous mettant notamment en cause, plusieurs personnes ont témoigné.

Comme évoqué en 1ère page de cette lettre, les faits ont révélé que la dégradation de l’état de santé de Mme [X] était liée aux relations de travail dégradées que vous avez instaurées avec elle, comme l’a déterminé le médecin du travail. Mais aussi les éléments recueillis lors de la phase d’investigation du protocole de harcèlement moral convergent vers une qualification des faits en harcèlement moral, manifesté par des comportements envers Mme [X] et se traduisant par les 4 thèmes caractérisant un harcèlement moral d’ un individu à un autre ([Localité 4] le BRH CORP-DRHR5-2014-0178 du 22 août 2014) :

– des refus de communication et d’isolement ;

– des atteintes à la dignité ;

– des violences non verbales et des menaces,

– atteintes aux conditions de travail.

Toutes ces atteintes ont pu être qualifiées et confirmées dans les conclusions du protocole émis à l’unanimité par le groupe pluridisciplinaire.

La procédure d’enquête disciplinaire a également mis en évidence les comportements fautifs graves et répétés que vous avez eus envers Mme [X], laquelle avait pourtant toujours eu un comportement irréprochable, mais également envers d’autres agents, soit plus particulièrement :

– refus de communication et mise en isolement :

Mme [X] précise notamment que ‘ Début 2016 les agissements de M. [P] ont repris : « la réussite professionnelle et le changement de service de mon mari n’ont fait qu’accentuer les choses (…) il s’est employé à le faire savoir haut et fort à table avec ses partisans, n’hésitant pas à remettre en cause l’intégrité de mon époux et à faire des sous-entendus grossiers. (…)

– atteintes à la dignité subies par Mme [X] :

Mme [X], qui indique : « j’en suis arrivée à penser à mettre fin à mes jours puis par me révolter », témoigne notamment : « avoir été victime de divulgation sur ma vie privée de la part de [P] [K] ayant appris des choses personnelles et intimes de mon passé de par mon ancien compagnon fin d’année 2014. Il les a divulguées à Mr [F] [W], qui en a parlé à son tour à sa compagne Mme [T] [U]. Tous les deux sont des collègues de travail, cette dernière me l’a ensuite répété. »

Pour autre exemple, M. [I], dit « (…) l’exemple le plus flagrant et par la même le plus inquiétant est celui de Mme [X]. J’ai été témoin de brimades, d’intimidations et autres attaques personnelles déplacées qu’elle subit au quotidien. (…) elle m’a clairement dit qu’elle n’en pouvait plus et qu ‘elle pensait de plus en plus au suicide (…).

(…) Je confirme être témoin du harcèlement que subit Mme [X] et de sa transformation inquiétante tant dans son état physique que moral.»

De même, M. [E], dit ‘ (…) j’atteste avoir été témoin des harcèlements répétés que M. [P] faisait subir à Mme [X]. Cela passait par des affronts, des bousculades, des regards pleins de mépris, méchants et provocateurs. Des humiliations tant en paroles que par des actions, des attaques personnelles déplacées et dégradantes. (…). Elle m’a confié avoir des envies de suicide, son comportement changeait de jours et jours et m’inquiétait de plus en plus.»

Ces faits dont vous êtes l’auteur, sont inadmissibles et ne sauraient être tolérés.

– violences non verbales caractérisées par des violences d’attitudes, du regard et comportementales :

A titre d’exemple, Mme [X], qui témoigne, en ce qui vous concerne, dit : « Il me tenait des propos négatifs et des allusions vexantes. Il avait une remarque humiliante pour chacune des paroles que je pouvais prononcer en présence d’autres personnes (…)» et, relate ainsi notamment les situations suivantes :

– (…) le fait de claquer une porte pour me faire peur juste après avoir vu que c’était moi qui était derrière lui ;

– cacher des denrées à la cantine ;

– enlever délibérément un tabouret qui bloque une porte pour qu ‘elle se referme sur moi;

– ouvrir une porte avec un coup de pied ou repousser les chaises sur son passage avec les pieds pour me faire sursauter et bien montrer qu’il est là ;

– le 24 décembre 2016, à la fin du service, je retiens la porte avec mon bras (…) il a préféré à un simple merci dire haut et fort en faisant mine d’avoir peur de moi « je ne veux pas attraper la gastro ” ;

– durant le travail quand je m’applique à lui demander gentiment et poliment les choses il a un malin plaisir à faire le contraire ;

– s’appliquer lorsque je suis dans une pièce dédiée à la réfection des colis, à taper fort contre la porte pour me faire sursauter (…)»

Mme [H], témoigne ainsi notamment que « (…) Mme [X] m’a confié ne plus pouvoir supporter le comportement outrancier et destiné à la faire craquer de M. [P] (…)».

Ces attitudes irrespectueuses ne peuvent être tolérées.

– atteintes aux conditions de travail :

Mme [X] affirme ainsi notamment, du fait de votre comportement, être ‘confrontée au dilemme insoluble de devoir choisir entre son travail qu’elle aime et qui est indispensable et le fait de se soustraire à M. [P] (…)”

A titre d’exemple, M [A], dit : « (…) elle m’a rapporté que M. [P] avait disposé un chariot garé entre les deux barrières devant la porte, celui-ci l’empêchant de sortir de son local. Devant l’état désespéré de Mme [X] et le constat des faits je suis donc allé demander à M. [P] de ne plus reproduire ce genre d’attitude et il n’a pas nié les faits. Le positionnement du chariot ne laissait pas la place au doute quant à l’intention de bloquer le passage. (…) ”

Les faits d’atteinte aux conditions de travail sont donc clairement démontrés et sont inadmissibles.

Cette situation est d’autant plus grave qu’en plus de votre comportement fautif vis-à-vis de Mme [X], d’autres agents subissent ou ont subi des comportements similaires, notamment des violences verbales et intimidantes, des brimades, des regards menaçants à la PFC, créant un climat de crainte et de stress au sein de l’équipe.

A titre d’exemples :

Mme [H], votre responsable opérationnelle de production, dit : « (…) M. [P] m’ignore, refuse de me dire bonjour et de me serrer la main. J’ajoute que M. [P] adopte au quotidien une attitude méprisante et hautaine à mon endroit (…)».

M. [S] dit «(…) M. [P] me regarde méchamment, me surveille sans cesse quelle que soit la position de travail où je me trouve. (…). Il vous menace ou vous provoque du regard, faits des mimiques pour bien vous faire remarquer le mépris ou le dégoût qu’il a pour vous. Il réussit par ses agissements à vous faire douter de vous, à vous faire perdre votre propre estime, ce qui est terriblement déstabilisant et angoissant (…).

(…) Un jour, celui-ci m’a lancé « volontairement » un container plein de colis contre mes chariots alors que je roulais avec le tracteur pour aller les déposer. Il m’a délibérément fait peur et mis en danger(…)

(…) Ce monsieur a réussi à me détruire. Il m’a fait perdre ma joie de vivre et le plaisir que j’avais de venir au travail. Aujourd’hui mon lot quotidien est boule au ventre et angoisse de par sa seule présence. Je passe mon temps à essayer de l’éviter (… )

(…) Mon angoisse grandissante de me retrouver face à lui et de devoir à nouveau me défendre a fini par prendre le dessus. C’était devenu une obsession qui a profondément perturbé ma vie (…). Je fuyais cette reprise, j’ai fini par craquer, j’étais à la limite d’un geste malheureux. (…) J’ai donc aussi été soignée pour un syndrome dépressif et placé sous traitement pendant de longs mois. (… )

Aujourd’hui, j’ai toujours cette appréhension de M. [P] et la boule au ventre. (…)»

M. [BE], votre responsable de ligne production, dit « (…) j’ai très souvent des remontées sur le comportement néfaste de M [P] (…) qui a de manière régulière des réactions agressives à l’encontre de ses collègues mais également de sa hiérarchie. (…) Je l’ai rencontré en date du 18 mars 2014 mais par la suite, il n’a plus souhaité communiquer avec la Direction, d’ailleurs et à cet effet, il n’avait même plus le respect de dire un simple « bonjour»

(…) Un agent étant dans l’équipe de demi-nuit a refusé une promotion car il savait que le poste était en équipe mixte, équipe de M. [P] et il ne souhaitait surtout par travailler avec celui-ci.(…)»

Mlle [C] dit: « (…) début 2014, j’ai vécu une année terriblement éprouvante (…). J’ai vécu avec la boule au ventre permanente (…). J’ai subi une période de doute et de stress interne de par sa faute. C’était régulièrement des remarques, des insinuations malsaines et des moqueries qui en sont venues à me faire perdre toute confiance et estime de moi-même.(…) »

M [I] dit « des manifestations de harcèlement permanent à l’égard de certains employés.(…). Le responsable de ces agissements est M [P] (…) certains vont même jusqu’à manger dans les vestiaires ou dans leur voiture pour éviter ce monsieur. (….)”

M. [E] dit : «(…) Moi-même je stressais de plus en plus, les derniers temps de devoir retourner au travail et de le croiser (…). (…) Il se montrait de plus en plus stressant et menaçant à mon encontre (…). ”

La situation est aggravée par le fait que vous n’avez tenu aucun compte des remarques orales de votre hiérarchie vous incitant à modifier votre attitude. Le rappel à l’ordre qui vous a été adressé dans ce cadre, était un message fort pour que de tels comportements ne se reproduisent pas. Nous constatons qu’il n’en est rien.

Vous n’avez pas tenu compte également des multiples rappels qui vous ont été formulés lors des entretiens annuels d’appréciation.

L’enquête a en effet mis en lumière le comportement menaçant que vous avez à l’encontre de plusieurs de vos collègues.

Compte tenu de ce qui précède, conformément aux dispositions de la Convention Commune nous avons recueilli l’avis de la Commission Consultative Paritaire le 29 mars 2017.

Par conséquent, au regard des éléments évoqués ci-dessus, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible y compris pendant la durée de votre préavis ; le licenciement sera donc effectif dès la date d’envoi de la présente lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Le solde éventuel de vos congés payés, ainsi que tout élément de rémunération vous étant dû, vous seront versés.

Un certificat de travail précisant que vous êtes libre de tout engagement, un reçu pour solde de tout compte, une attestation Pôle emploi et une demande d’allocation chômage vous seront par ailleurs délivrés.

Par ailleurs, vous allez être parallèlement informé par le CSRH du fait que vous pouvez prétendre, sous certaines réserves et conditions, au maintien des garanties dont vous bénéficiez en matière de complémentaire-santé et de prévoyance, dans la limite de 12 mois.

Veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.

Le Directeur Opérationnel Territorial

Colis Sud-Ouest

[YB] [AX] ‘

Le 21 septembre 2018, Monsieur [P] a saisi le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir

juger son licenciement nul, ou à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse, outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaire.

L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date des 15 novembre et 20 décembre 2018 (convocation notifiée au défendeur le 25 septembre 2018 ) et, comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 6 octobre 2020 (audience du 7 juillet 2020), le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND a :

– dit et jugé que la prescription des faits fautifs n’était pas acquise à la date du 7 février 2017 ;

– dit et jugé que le licenciement opéré par la société LA POSTE n’est pas attentatoire à une liberté fondamentale ;

– dit et jugé que le licenciement opéré par la société LA POSTE à l’encontre de Monsieur [P] repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;

– dit et jugé que Monsieur [P] n’a commis aucune faute grave ;

En conséquence,

– condamné la société LA POSTE prise en la personne de son représentant légal à porter et payer à Monsieur [P] les sommes suivantes :

* 17.708, 66 euros net au titre de l’indemnité de licenciement,

* 4.040 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 404 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis,

* 700 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– débouté Monsieur [P] du surplus de ses demandes ;

– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire pour les condamnations qui ne le sont pas de droit ;

– débouté la société LA POSTE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamné la société LA POSTE aux entiers dépens.

Le 5 novembre 2020, la société LA POSTE a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 9 octobre 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 5 octobre 2021 par Monsieur [P],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 8 novembre 2021 par la société LA POSTE,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 19 avril 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la société LA POSTE demande à la cour de :

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a qualifié le licenciement de Monsieur [P] comme reposant sur une cause réelle et non sur une faute grave ;

En conséquence,

– débouter Monsieur [P] de l’ensemble de ses demandes ;

Et en toute hypothèse,

– dire et juger que Monsieur [P] n’a pas subi de situation de discrimination ;

En conséquence,

– débouter Monsieur [P] de ses demandes liées à la reconnaissance d’un licenciement nul ;

– dire et juger le licenciement de Monsieur [P] fondé sur une faute grave ;

En conséquence,

– débouter Monsieur [P] de ses demandes de dommages et intérêts liées à la reconnaissance d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

– débouter Monsieur [P] de ses demandes de dommages et intérêts ;

– débouter Monsieur [P] de remise sous astreinte de délivrance de bulletin de salaire ;

– dire et juger que si une créance salariale devait être ordonnée, elle ferait l’objet d’un seul bulletin de salaire ;

– débouter Monsieur [P] de sa demande d’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

– débouter Monsieur [P] de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

-plus généralement, débouter Monsieur [P] de la totalité de ses demandes fins et prétentions ainsi que de son appel incident ;

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement dont appel ;

– condamner Monsieur [P] à lui payer et porter une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La société LA POSTE soutient tout d’abord, sur le licenciement, qu’aucune cause de nullité ne peut être retenue. Elle fait valoir que les arguments du salarié, à savoir qu’il aurait été victime d’une discrimination en raison de l’exercice d’une activité syndicale et que son licenciement serait nul comme constitutif d’une mesure de rétorsion consécutive à l’exercice de son droit d’ester en justice sont fallacieux. Elle ajoute que Monsieur [P] n’établit nullement une situation discriminatoire. Elle argue que les accusations et allégations du salarié constituent une vaine tentative de travestir la réalité dans le but d’éluder sa responsabilité sur l’origine du licenciement. Elle ajoute que les faits évoqués dans la lettre de licenciement sont extrêmement graves, justifient un licenciement et sont sans rapport avec l’appartenance syndicale du salarié.

Concernant les griefs évoqués à l’encontre de Monsieur [P], l’employeur expose que le salarié a eu un comportement totalement incompatible avec la poursuite de la relation de travail pouvant être assimilé à des actions de harcèlement moral, notamment sur la personne de Madame [X], une de ses collègues de travail. Elle indique que l’attestation de Madame [X] démontre le comportement inacceptable de Monsieur [P]. Elle argue, en outre, que les attestations produites par le salarié sont inopérantes car sont peu précises et concernent des personnes qui disent n’avoir rien vu et qui indiquent simplement que Madame [X] ne leur aurait pas parlé de Monsieur [P].

L’appelante relève que le salarié a eu un comportement inacceptable sur la personne de plusieurs autres salariés, à savoir Madame [H], Monsieur [S], Monsieur [BE], Madame [C], Monsieur [I] et Monsieur [E] qui témoignent tous du comportement néfaste de Monsieur [P]. Elle ajoute que Madame [D], Monsieur [VT], Madame [M], Monsieur [G] et Monsieur [V] attestent tous des problèmes relationnels de Monsieur [P], et pour certains, indiquent avoir été amenés à recevoir plusieurs fois Monsieur [P] pour des problèmes relationnels et de comportement.

La société LA POSTE soutient que la procédure de licenciement est régulière, étant précisé que les fait fautifs allégués ne sont en rien prescrits et que ladite procédure disciplinaire n’a pas été menée à charge. Elle fait valoir que la faute grave du salarié est caractérisée et démontrée. En effet, les agissements de Monsieur [P] étaient extrêmement graves, ont eu des conséquences désastreuses sur ses collègues de travail et sont démontrés par les attestations versées aux débats. Elle indique qu’elle avait l’obligation de protéger la santé et la sécurité de ses salariés, et que devant le comportement de Monsieur [P], elle n’a eu d’autre choix que de l’éloigner définitivement. Elle précise que le conseil de prud’hommes a reconnu la matérialité des faits mais n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations. En effet, elle soutient que les agissements justifiaient bien un licenciement pour faute grave et non un simple licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Dans ses dernières écritures, Monsieur [P] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– condamné la société LA POSTE à lui payer et porter la somme de 17.708,66 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement ;

– condamné la société LA POSTE à lui payer et porter la somme de 4.040 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 404 euros au titre des congés payés sur préavis ;

– débouté la société LA POSTE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société LA POSTE aux entiers dépens ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit et jugé que la prescription des faits fautifs n’était pas acquise à la date du 7 février 2017 ;

– dit et jugé que le licenciement opéré par la société LA POSTE n’est pas attentatoire à une liberté fondamentale ;

– dit et jugé que le licenciement opéré par la société LA POSTE à son encontre repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société LA POSTE à lui payer et porter la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– l’a débouté du surplus de ses demandes ;

Statuant de nouveau :

A titre principal :

– condamner la société LA POSTE à lui payer et porter la somme de 36.360 euros nets au titre de la nullité du licenciement ;

– condamner la société LA POSTE à lui payer et porter la somme de 90.000 euros nets (à parfaire) correspondant aux salaires dus pendant la période couverte par la nullité, de son éviction jusqu’au prononcé de la décision.

A titre subsidiaire :

– condamner la société LA POSTE à lui payer et porter la somme de 36.360 euros nets au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dans tous les cas :

– condamner la société LA POSTE à lui payer et porter la somme de 10.000 euros nets en réparation du préjudice subi du fait des circonstances brutales et vexatoires de son licenciement ;

– ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

– condamner la société LA POSTE à lui payer et porter les sommes suivantes :

* 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance,

* 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel ;

– condamner la société LA POSTE aux entiers dépens ;

– débouter la société LA POSTE de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Monsieur [P] soutient que la procédure de licenciement était irrégulière. Il fait valoir que les faits allégués dans la lettre de licenciement sont prescrits, que cette procédure disciplinaire a été menée à charge, que le CHSCT a été mis à l’écart durant celle-ci et que la procédure devant la commission de discipline a été déloyale. Ainsi, il affirme qu’il a été privé de la possibilité d’exercer de manière effective son droit de se défendre lors de la procédure de licenciement.

Monsieur [P] soutient que les griefs évoqués dans la lettre de licenciement sont fallacieux. Il conteste les accusations proférées par Madame [X] et soutient qu’il n’y a manifestement eu, de la part de l’employeur, aucune vérification de celles-ci. Or, il argue que lesdites accusations sont invérifiables et qu’aucune dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel n’est invoquée. Il ajoute qu’il ne peut s’agir, au mieux, que d’une mésentente entre salariés se rattachant à des faits de vie personnelles et fait valoir que la version de Madame [X] et contredite par les attestations de Madame [T] et de Monsieur [F]. Il verse en outre de nombreux autres témoignages de salariés qui indiquent qu’ils n’ont jamais constaté le moindre propos ou geste déplacé à l’encontre de Madame [X]. Il précise que ces diverses attestations ont toutes été expurgées du dossier disciplinaire. Il indique en outre que les attestations versées aux débats par l’employeur sont inopérantes et qu’elles ne permettent aucunement de constater la matérialité des accusations formulées par Madame [X]. En outre, aucune investigation n’a été faite, aucun témoignage n’a été recueilli, aucune enquête n’a été menée avec le CHSCT afin de corroborer, au moins en partie, les graves accusations portées par Madame [X] et aucun élément à décharge n’a d’ailleurs été considéré lors de la procédure disciplinaire.

Il ajoute que le Président du CHSCT a expressément reconnu qu’aucun malaise n’existait sur la plate-forme, contredisant ainsi tous les témoignages produits par l’employeur, dont le sien, qui affirmaient le contraire. Il indique verser divers témoignages qui attestent de ses qualités humaines et qui confirment qu’il n’a jamais tenu de propos déplacés ni eu de comportement agressif et dégradant envers qui que ce soit. Il soutient ainsi que les accusations portées à son encontre sont fallacieuses, nullement démontrées et ne sauraient justifier d’un licenciement pour faute grave.

Monsieur [P] affirme qu’il a été victime en réalité de discrimination et d’une mesure de rétorsion en raison de son appartenance syndicale. Il fait valoir qu’il a subi une procédure disciplinaire débouchant sur son licenciement pour faute grave tout juste après une action en justice d’envergure menée par son syndicat, étant en outre précisé qu’il est le gendre de la principale animatrice de la section CGT de la plate-forme colis où il travaillait, Madame [Y]. Il indique que l’engagement de la procédure de licenciement était concomitant avec le contentieux judiciaire remporté devant les prud’hommes par la CGT à l’encontre de la société LA POSTE, mais aussi concomitant de sanctions disciplinaires infligées à plusieurs élus et représentants CGT. Il expose qu’il a été, lors de la procédure de licenciement, systématiquement visé par l’employeur, en tant que membre du syndicat CGT ou en tant que gendre de Madame [Y]. Il rappelle avoir déposé plainte pour dénonciation calomnieuse et discrimination syndicale et indique que le rapport d’enquête préliminaire pointait le rôle qu’avait pu avoir l’appartenance à la CGT dans cette procédure de licenciement pour faute.

Monsieur [P] soutient qu’il a été licencié pour faute grave sur la base d’accusations infondées, après une procédure expéditive, sans qu’aucune investigation ne soit effectuée, ni aucune vérification effectuée et affirme que son licenciement est en réalité fondé sur son appartenance syndicale à l’issue d’une procédure menée à charge, en violation d’un exercice effectif de ses droits de la défense. Il conclut ainsi à l’annulation de son licenciement.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le caractère discriminatoire du licenciement ne serait pas retenu, Monsieur [P] conclut à la réformation du jugement en ce qu’il a estimé que les faits, bien que non constitutifs d’une faute grave, étaient établis et procédaient d’une cause réelle et sérieuse.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

– Sur la procédure disciplinaire –

Il résulte des éléments versés aux débats qu’à la suite d’un courrier adressé le 22 novembre 2016 par l’une de ses salariées, Madame [X], par laquelle celle-ci décrit le harcèlement moral dont elle se dit victime de la part de l’un de ses collègues, Monsieur [P], la société LA POSTE a mis en oeuvre, le 2 décembre 2016, la procédure interne, dite ‘protocole harcèlement’, prévue lorsqu’est signalée une situation présumée de harcèlement moral.

En application de cette procédure, un groupe pluridisciplinaire a été constitué afin d’analyser la situation. Suite au dépôt du rapport établi par ce groupe, l’employeur a reçu Monsieur [P], le 7 février 2017, à un entretien dit de ‘restitution’ des conclusions émises au cours duquel il a été informé de l’avis du groupe favorable à des poursuites disciplinaires. Le salarié a alors été convoqué à un entretien préalable à son licenciement le 7 février 2017 (entretien qui a eu lieu le 27 février suivant) et l’employeur a saisi la Commission Consultative Paritaire dont la consultation est prévue par les règles internes de LA POSTE. La Commission s’est réunie le 29 mars 2017, réunion au cours de laquelle Monsieur [P] a été entendu ainsi que son conseil, après avoir été invité à prendre connaissance du dossier le 7 mars 2017 (ce qu’il a fait le 21 mars suivant). La commission a rendu son avis (consultatif) le même jour (partage de voix).

Monsieur [P] se plaint de ce que, à l’occasion de la procédure d’enquête, il a été privé de la possibilité d’exercer de manière effective son droit de se défendre devant une commission impartiale et il souligne qu’il s’agit d’une garantie de fond. Outre le fait qu’en cours d’enquête, il a été publiquement accusé de harcèlement, il dénonce la mise à l’écart du CHSCT et le caractère déloyal de la procédure devant la commission de discipline manifesté par la disparition sans explication en cours de procédure de la moitié des accusations et la disparition des éléments à décharge.

Dès lors que les dispositions statutaires de LA POSTE prévoient la consultation d’une commission de discipline chargée de donner un avis avant toute décision de licenciement, Monsieur [P] est bien fondé à soutenir qu’il incombait à l’employeur de respecter cette procédure tant en ce qui concerne les règles de fond que les règles de procédure. La consultation d’un tel organisme constitue une garantie de fond dont l’absence prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Il en va de même des irrégularités commises pendant le déroulement de la procédure disciplinaire lorsqu’elles ont privé le salarié des droits de la défense ou lorsqu’elles ont été susceptibles d’avoir exercé une influence sur la décision finale de l’employeur.

S’agissant de l’impartialité de la commission, il y a lieu de relever que celle-ci était constituée par deux représentants de la société et deux représentants du personnel, conformément à ce qui est prévu par les textes applicables. Il apparaît, en outre, que la procédure suivie correspond à celle prévue par ces mêmes textes. Il n’est allégué d’aucune anomalie sur ces points.

En revanche, Monsieur [P] explique qu’initialement, en plus de la plainte initiée par Madame [X], il avait fait l’objet d’une plainte émanant d’un autre salarié et que les accusations portées par ce dernier ont disparu en cours de procédure sans explications. Il fait valoir que la commission n’a jamais été informée des raisons de cette disparition soudaine et qu’il se trouve dans l’ignorance des conditions dans lesquelles ces accusations ont été portées.

S’il semble, ainsi que l’admet l’employeur, que des faits autres que ceux concernant Madame [X] avaient été initialement visés et que la commission a écarté certains éléments, l’employeur veut y voir la preuve de ce que l’instruction n’a pas été faite à charge. Il fait d’ailleurs valoir aussi, à juste titre, qu’au cours de la réunion du 29 mars 2017, l’un des membres de la commission a émis, à plusieurs reprises, des propos favorables au salarié.

Il doit donc être constaté qu’une partie des accusations portées à l’encontre du salarié a été abandonnée mais il convient également de relever que Monsieur [P] avait connaissance de celles-ci et qu’il a fait parvenir à la direction des ressources humaines des éléments destinés à faire la preuve de leur absence de fondement, ainsi qu’il l’explique lui-même. Dès lors, rien ne permet de vérifier que l’abandon de ces accusations qui tend plutôt à révéler que des éléments à décharge ont été retenus, aurait pu causer au salarié la moindre atteinte à ses droits.

Monsieur [P] se plaint, par ailleurs, de la disparition d’éléments à décharge constitués par les témoignages adressés à la direction des ressources humaines de [Localité 3] le 12 janvier 2017. Il se prévaut du procès-verbal de la réunion de la Commission Consultative Paritaire du 29 mars 2017 dans lequel il est indiqué, en réponse à sa question concernant l’absence de prise en compte de ses courriers, que la présidente de la commission a invoqué le caractère confidentiel de ces lettres en ce qu’elles font partie du protocole de harcèlement moral et qu’elles n’entrent pas en compte dans le cadre de la Commission Consultative Paritaire.

Monsieur [P] se réfère également à l’intervention de M. [E], membre de la commission en tant que représentant du personnel, qui s’est interrogé sur le point de savoir pourquoi les pièces ne sont pas dans le dossier. M. [E] a établi une attestation dans laquelle il explique que des salariés ont tenu à apporter leur témoignage sous forme

écrite, que Monsieur [P] a envoyé ces attestations à la direction pour sa défense mais que la direction n’en a pas tenu compte et que celles-ci sont devenues inexistantes. Monsieur [P] verse aux débats le reçu de dépôt d’un courrier recommandé adressé le 12 janvier 2017 ainsi qu’un certain nombre d’attestations dont la plupart sont datées du mois de janvier 2017.

Cependant, s’il semble que ces attestations ne figuraient pas dans le dossier présenté par l’employeur devant la Commission Consultative Paritaire, il convient de relever, d’une part, qu’une partie d’entre elles concernait l’autre procédure finalement abandonnée et que, pour l’autre partie, concernant Madame [X], elles ont été réitérées par d’autres attestations datées du mois de mars 2017 que Monsieur [P] a donc été en mesure de présenter devant la commission le 29 mars 2017.

Il convient, en outre, de relever, d’une part, que le dossier destiné à la Commission a été communiqué à Monsieur [P] le 21 mars 2017, ce dossier comprenant 169 photocopies et, d’autre part, qu’à l’occasion de cette réunion de la Commission, Monsieur [P], qui était assisté d’un conseil, a été invité à s’expliquer, qu’il a été mis en mesure d’évoquer les témoignages en sa faveur et que la présidente a demandé de lui remettre ‘les attestations détenues par la Défense’.

Dans ces conditions, aucune atteinte aux droits de Monsieur [P] n’est caractérisée.

Monsieur [P] n’est pas non plus fondé à se plaindre de ce que le CHSCT n’a pas été informé de la mise en oeuvre du protocole harcèlement, aucune disposition de ce protocole ne prévoyant une telle information. Si le CHSCT a vocation, en principe, à traiter des questions relatives à la santé des salariés, le protocole poursuit, quant à lui, comme objectifs d’aider les personnes concernées, d’aider l’entourage à témoigner, à sanctionner les faits et à mettre en place les mesures de prévention appropriées après analyse globale de la situation. Il vise à répondre aux demandes individuelles émanant de salariés se plaignant d’une situation présumée de harcèlement moral et donne lieu à intervention d’un groupe pluridisciplinaire constitué par le directeur des ressources humaines, l’assistant social, le médecin du travail et le cas échéant un responsable des ressources humaines. Il s’agit donc d’une procédure particulière, adaptée spécifiquement aux situations de harcèlement moral et destinée à traiter des situations individuelles. Compte tenu que cette procédure ne vise qu’à faire une analyse de la situation et à donner un avis à l’employeur et que la procédure disciplinaire qui peut en être la suite donne lieu à un débat devant un organisme disciplinaire au cours duquel le salarié mis en cause est mis en mesure de se défendre et de présenter des éléments en sa faveur, le fait que le CHSCT ne soit pas associé à la procédure d’enquête ne peut avoir eu aucune incidence sur les droits de la défense de Monsieur [P] ni sur la décision de l’employeur.

Quant à l’accusation publique de harcèlement dont il dit avoir été l’objet alors qu’il n’avait pas encore été entendu par la commission, Monsieur [P] se réfère au procès-verbal de la réunion du CHSCT du 14 mars 2017 dans lequel les représentants du personnel déplore que le président ait annoncé devant tout le personnel la mise à pied du salarié pour harcèlement, ledit président répondant qu’il est normal d’informer les membres de la même équipe des raisons pour lesquelles un de leur collègue n’est plus là. Si ce procès-verbal tend à apporter la preuve de l”information’ ainsi donnée aux collègues de Monsieur [P], cette circonstance n’est pas de nature à révéler une quelconque irrégularité dans la procédure suivie par la Commission Consultative Paritaire qui aurait pu porter atteinte aux droits du salarié.

Il ressort des pièces produites que la Commission Consultative Paritaire a procédé à ses opérations dans le respect des règles qui lui sont applicables, que Monsieur [P] a été mis en mesure de s’expliquer normalement sur les faits qui lui sont reprochés et qu’il a pu faire état de l’ensemble des éléments en sa faveur. Il ne peut se plaindre d’aucune irrégularité qui serait de nature priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

– Sur la prescription disciplinaire –

Monsieur [P] invoque les dispositions de l’article L.1332-4 du code du travail aux termes duquel « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».

Il convient de relever, d’une part, que ce délai ne court qu’à compter du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié et, d’autre part, qu’il est interrompu par l’engagement de poursuites disciplinaires constituées par la convocation de l’intéressé à l’entretien préalable.

En l’espèce, Monsieur [P] fait valoir que les attestations produites par l’employeur démontreraient que les griefs formulés à son encontre seraient antérieurs à la lettre que Madame [X] a adressée à l’employeur le 22 novembre 2016. Cependant, si, en effet, certaines attestations font état de faits plus anciens, rien ne permet de vérifier que l’employeur aurait eu connaissance des faits reprochés à Monsieur [P] par Madame [X] avant la réception de la lettre du 22 novembre 2016.

Par ailleurs, si le salarié n’a été convoqué à l’entretien préalable que le 7 février 2017, soit plus de deux mois après cette lettre, l’employeur est bien fondé à soutenir qu’il ne pouvait avoir une connaissance précise des faits reprochés au vu de la seule lettre de Madame [X] laquelle se plaignait d’agissements de Monsieur [P] qui ne pouvaient donner lieu à des poursuites disciplinaires sans que des investigations soient menées afin d’apprécier la nature exacte et la gravité du comportement dénoncé.

Il ressort, en effet, du rapport effectué dans le cadre de la réunion du 29 mars 2017 de la Commission Consultative Paritaire que Madame [X] a fait part à son directeur, M. [L], de son mal être au travail suite au comportement de Monsieur [P] par lettre du 22 novembre 2016, qu’une demande d’ouverture de protocole harcèlement moral a été transmise à Madame [X] le 30 novembre 2016 à laquelle celle-ci a répondu favorablement le 2 décembre suivant. Le protocole a été mis en oeuvre du 2 décembre 2016 au 7 février 2017.

Rien ne permet de caractériser que l’employeur pouvait, à une date antérieure à la date de restitution de l’enquête diligentée dans le cadre de ce protocole, avoir une connaissance suffisamment précise de la situation pour lui permettre d’envisager des poursuites disciplinaires.

C’est seulement à la suite de l’analyse faite par le groupe pluridisciplinaire dans le cadre du ‘protocole harcèlement’ que l’employeur a pu avoir une connaissance complète de la situation dénoncée. Ce groupe ayant rendu compte de ses travaux le 7 février 2017, c’est à cette date que le délai de l’article L. 1332-4 précité a pu courir. Comme Monsieur [P] a été convoqué à l’entretien préalable le même jour, le délai de prescription n’a pas couru.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [P], il n’est aucunement fait état, dans la lettre de licenciement, de griefs anciens atteints par la prescription, la sanction n’étant motivée que par des faits constatés dans le délai de prescription. Si l’employeur fait référence à des incidents antérieurs, c’est pour souligner que le salarié n’a pas modifié son attitude avec ses collègues malgré un précédent rappel à l’ordre. Il est, en effet, justifié que, le 19 janvier 2015, Monsieur [P] avait fait l’objet d’un ‘rappel à l’ordre’ parce qu’il était intervenu auprès de ses collègues ‘avec un manque de respect inacceptable’.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [P] sur ce point.

– Sur le licenciement –

Aux termes de la lettre de licenciement, la sanction a été prononcée pour faute grave constituée par des faits de harcèlement moral.

En droit, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire.

S’agissant d’une faute constituée par des faits de harcèlement moral, il convient de rappeler qu’en application de l’article L 1152-1 du code du travail, le harcèlement moral s’entend d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Si, selon l’article L.1154-1 même code, il appartient au salarié concerné de présenter des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement, le cadre probatoire posé par l’article L. 1154-1 du code du travail, prévu au bénéfice du salarié s’estimant victime de harcèlement moral, n’est pas applicable lorsque survient un litige, auquel ce dernier n’est pas partie, opposant l’employeur à un salarié auquel il est reproché d’être l’auteur de tels faits.

Il incombe, dans cette hypothèse, à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il invoque, l’absence de preuve d’une faute ayant pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L’employeur étant tenu, en application des articles L 4121-1 et suivants du code du travail, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, il doit, en matière de harcèlement moral, prendre les mesures nécessaires pour prévenir et sanctionner de tels agissements. La faute du salarié devant être appréciée en considération de l’obligation qui pèse ainsi sur l’employeur, le licenciement pour faute grave ne peut être justifié que si la faute du salarié revêt un caractère d’une particulière gravité telle qu’elle rend impossible la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, l’employeur se réfère à l’attestation établie par Madame [X] dans laquelle elle explique :

‘ J’atteste d’avoir été victime et de divulgation sur ma vie privée de la part de Monsieur [P] [K]. Ayant appris des choses personnelles et intimes de mon passé de par mon ancien compagnon, Monsieur [O] [CB] fin d’année 2014. Il les a divulgués à Mr [F] [W] qui en a parlé à son tour à sa compagne Mademoiselle [T] [U]. Tous les deux sont des collègues de travail. Cette dernière me l’a ensuite répété.

Je fus énormément blessée et salie par cette situation qui était le début d’un long calvaire. En effet, suite à celle-ci Monsieur [P] fort de ses révélations a pris un ascendant sur moi. Il a commencé par des propos et remarques méprisantes à mon égard. Il s’amusait à la cantine à me ridiculiser en parlant de choses sales et choquantes à table me sachant de nature sensible, cela m’affectait. Il visait à m’éc’urer ou à solliciter des réactions de ma part comme me porter à la limite de mes moyens pour me couper l’appétit et de me faire quitter la table, ce

qui s’est produit à plusieurs reprises à mon grand désarroi.

Ma santé s’est fragilisée et en raison d’un arrêt de travail les choses se sont calmées en 2015.

Malheureusement dès le début 2016 ces agissements ont repris. La réussite professionnelle et de changement de service de mon mari n’ont fait qu’accentuer les choses. Pour une raison que j’ignore il n’a pas semble-t-il accepté cette situation. Il s’est employé à le faire savoir haut et fort à table avec ses partisans en n’hésitant pas à remettre en cause l’intégrité de mon époux et à faire savoir des sous-entendus grossiers. Événement qui a conduit à m’éloigner de lui et de sa table le midi. Sa longue absence n’a été que trop courte. Dès sa reprise de travail, les choses n’ont fait qu’empirer. A partir d’octobre 2016 la situation est devenue vraiment infernale pour moi. Il a multiplié les provocations et à chaque occasion, il me lançait un regard hautin et menaçant. Il faisait preuve d’un comportement impoli et irrespectueux. Il me tenait des propos négatifs et des allusions vexantes. Il avait une remarque humiliante sur chacune des paroles que je pouvais prononcer en présence d’autres personnes. Il me fallait endurer ses brimades. Des mots ou des phrases prononcées volontairement assez forts pour je les entende suivi de son regard vers moi.

Au quotidien, il guettait la moindre occasion pour me provoquer et me pousser à bout. C’était des gestes et des actes insignifiants quand ils sont isolés mais qui répétés ‘volontairement’ et toujours à l’insu du regard des autres, ce qui démontre qu’il avait bien conscience du côté néfaste de son attitude, m’infligeait une peur et une souffrance permanente. Son attitude désagréable revient tous les jours inlassablement et toujours de la même façon. L’impact allait au-delà du travail. Ce sentiment d’impuissance et de se trouver dans une impasse était devenu insupportable et affectait mon quotidien. Je n’avais plus d’appétit, impossible de trouver le sommeil, un contexte nuisant à mes relations de couple et avec mes enfants ».

A titre d’illustration, je peux citer :

– le fait de claquer une porte pour me faire peur juste après avoir vu que c’était moi qui étais derrière lui,

– cacher des denrées à la cantine et s’amuser de me voir les chercher pour les remettre en place une fois que j’abandonnais,

– enlever délibérément un tabouret qui bloquer une porte pour qu’elle se referme sur moi,

– ouvrir une porte avec un coup de pied ou repousser les chaises sur son passage avec les pieds pour me faire sursauter et bien montrer qu’il est là,

– le 24 décembre 2016, à la fin du service, je retiens la porte avec mon bras pour qu’elle ne se referme pas sur la personne qui me suivait. Malheureusement, cela s’est trouvé être lui il a préféré à un simple merci dire haut et fort en faisant mine d’avoir peur de moi « je ne veux pas attraper la gastro »,

– durant le travail quand je m’applique à lui demander gentiment et poliment les choses il a un malin plaisir à faire le contraire. Par exemple, quand je lui demande de laisser le matériel vide que je venais de positionner alors qu’il était tracteur, à peine ai je le dos tourné qu’il enlève délibérément ce matériel,

– s’appliquer lorsque je suis dans une pièce dédiée à la réfection des colis, à taper fort contre la porte pour me faire sursauter ou encore s’appliquer à positionner avec application un chariot de telle manière à ce qu’il m’enferme et m’interdise le passage.

Au début, sur les conseils de mon mari ou d’amis, j’ai tenté de l’ignorer. Malgré tous mes efforts dans ce sens, son insistance et la répétition quotidienne de ses actes malveillants et provocateurs m’ont atteintes.

Je suis donc passée par une phase d’angoisse et de peur absolue avec la boule au ventre permanente. Mon objectif de chaque journée était de savoir où il était susceptible de se trouver pour pouvoir l’éviter. Aller à la cantine quand il n’y était pas, changer mes habitudes pour le fuir sans cesse. J’en suis arrivée à penser à mettre fin à mes jours puis par me révolter. La peur a cédé la place à une terrible envie de lui rentrer dedans c’est là que j’ai compris qu’il me fallait parler et alerter mon employeur pour me protéger et faire cesser la situation avant qu’un drame ne se produise ou que j’y laisse ma santé.

A l’heure actuelle je n’en peux plus. Je suis à bout. Le médecin du travail m’a reçu et dans mon état m’a déclaré inapte au travail. Il a immédiatement contacté mon médecin traitant pour prendre les dispositions qui s’imposaient ce qui est une frustration et une humiliation de plus pour moi. Je suis la victime et on me prive de mon travail et c’est moi qui dois me retirer.

A ce jour j’ai craqué je suis en pleine dépression. Suite à ce harcèlement permanent de Monsieur [P] [K] j’ai pris rendez-vous avec un psychiatre car les idées noires et les envies d’en finir avec ma vie me hantent. Ma vie extra professionnelle est pourtant très agréable avec un mari et deux enfants en bas âge que j’aime profondément mais mon bonheur et ma joie sont complètement obscurcies par le problème qui m’obsède jour et nuit.

Cette attestation est un appel au secours et mon dernier recours.

Je remercie mon directeur qui m’a écouté et prise au sérieux et qui a su me comprendre. Je l’ai supplié de faire le nécessaire pour me sortir de là et de veiller à ce que ces agissements ne puissent plus me nuire à moi et surtout à d’autres’.

Même s’il s’agit de simples déclarations qui ne peuvent emporter la conviction en elles-mêmes, il y a lieu, à tout le moins, de relever que cette attestation fait une description très précise, circonstanciée et détaillée des attitudes imputées à Monsieur [P] ainsi que des répercussions qui en ont résulté sur l’état de santé physique et mental de Madame [X], pour faire ressortir une situation de travail émaillée par des brimades et des vexations multiples dans tous les aspects de la vie quotidienne, une relation personnelle caractérisée par la volonté de rabaisser, d’humilier publiquement poursuivie pendant une longue période.

Pour étayer les déclarations de Madame [X], l’employeur verse aux débats plusieurs attestations de salariés :

– M. [E], qui se présente comme ‘agent de LA POSTE’, atteste avoir été témoin des ‘harcèlements répétés que M. [P] faisait subir à Mme [X]. Cela passait par des affronts, des bousculades, des regards pleins de mépris, méchants et provocateurs. Des humiliations tant en paroles que par des actions, des attaques personnelles déplacées et dégradantes’. Il rapporte que celle-ci lui a confié ‘avoir des envies de suicide’. Il précise que ‘son comportement changeait de jour en jour et (l’) inquiétait de plus en plus (…)’. Il déclare : ‘Sa seule présence crée des tensions au sein du personnel et s’avère préjudiciable. Moi-même je stressais de plus en plus les derniers temps de devoir retourner au travail et de le croiser. Il se montrait de plus en plus présent et menaçant à mon encontre, il n’acceptait pas semble-t-il que je soutienne Madame [X]. Ce monsieur depuis qu’il est à la CGT et protégé par sa belle-mère responsable syndicaliste et secrétaire du CHSCT, de ce fait il se croit intouchable au-dessus des autres, il regarde les gens de haut et les traite avec le plus grand mépris. Gare à celui qui ose lui résister qu’il n’aime pas’. Il précise avoir refusé une promotion car celle-ci impliquait de travailler avec les mêmes horaires que ceux de M. [P] ;

– M [A], chef d’équipe, indique être intervenu, au cours de l’année 2016, parce que Mme [X] se plaignait de ce que M. [P] avait disposé un chariot garé entre les deux barrières devant la porte, ce qui l’empêchait de sortir de son local. Il explique que ‘devant l’état désespéré de Mme [X] et le constat des faits’, il est allé demander à M. [P] de ne plus reproduire ce genre d’attitude. Il précise que celui-ci ‘n’a pas nié les faits’ et que ‘le positionnement du chariot ne laissait pas de place au doute quant à l’intention de bloquer le passage’ ;

– M. [I] qui a travaillé au sein de la société dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée et qui indique avoir travaillé avec M. [P], se plaint de ce que ce dernier lui a fait subir quotidiennement ‘brimades, intimidations, gestes vulgaires et menaçants’. Il ajoute avoir ‘constaté la dégradation de l’ambiance de travail (…), des manifestations de harcèlement’ en précisant que ‘le responsable de ces agissements est M. [K] [P]’ et que ‘certains vont même jusqu’à manger dans les vestiaires ou dans leur voiture pour éviter ce monsieur’. Il précise : ‘L”exemple le plus flagrant et par la même le plus inquiétant est celui de [B] [X]. J’ai été témoin de brimades, d’intimidations et autres attaques personnelles déplacées qu’elle subit au quotidien. (…). Elle m’a clairement dit qu’elle n’en pouvait plus et qu’elle pensait de plus en plus au suicide (‘)’. Il ajoute : ‘Je confirme être témoin du harcèlement que subit Mme [X] et de sa transformation inquiétante tant dans son état physique que moral’ ;

– M. [S], ‘agent de traitement’, atteste : ‘ M. [P] me regarde méchamment, me surveille sans cesse quelle que soit la position de travail où je me trouve (…). Il vous menace ou vous provoque du regard, faits des mimiques pour bien vous faire remarquer le mépris ou le dégoût qu’il a pour vous. Il réussit par ses agissements à vous faire douter de vous, à vous faire perdre votre propre estime, ce qui est terriblement déstabilisant et angoissant (…). Un jour, celui-ci m’a lancé « volontairement » un container plein de colis contre mes chariots alors que je roulais avec le tracteur pour aller les déposer. Il m’a délibérément fait peur et mis en danger(…). Ce monsieur a réussi à me détruire. Il m’a fait perdre ma joie de vivre et le plaisir que j’avais de venir au travail (…). Mon angoisse grandissante de me retrouver face à lui et de devoir à nouveau me défendre a fini par prendre le dessus. C’était devenu une obsession qui a profondément perturbé ma vie (…); J’ai donc aussi été soigné pour un syndrome dépressif et placé sous traitement pendant de longs mois. (…) Aujourd’hui j’ai toujours cette appréhension de M. [P] et la boule au ventre. (..)’. Il précise ne pas être la seule personne qu’il ‘pousse à bout’, indiquant qu’à son retour de maladie, il n’a pas reconnu Mme [X] : ‘Elle, habituellement si agréable et impliquée était méconnaissable. Je l’ai trouvée déprimée, dans un état second. J’ai su que son état était dû aux provocations que lui a infligées M. [P] (…)’ ;

– Mme [C], qui se présente comme une collègue de travail, se plaint également d’avoir été victime ‘des agissements de M. [P]’ en 2014 qui lui a laissé des ‘souvenirs douloureux’. Elle évoque ‘des remarques, des insinuations malsaines et des moqueries’ qui lui ont fait ‘perdre toute confiance et l’estime’ d’elle-même. Elle rapporte qu’une de ses collègues est ‘en souffrance’ par la faute de M. [P] ‘parce qu’elle vit au quotidien les mêmes brimades’ ;

– Mme [H], qui se présente comme ‘responsable opérationnel’ et ‘hiérarchique N+2″ de M. [P], rapporte qu’elle a ‘très souvent eu des remontées sur le comportement de M. [P]. Professionnellement, c’est un agent qui fait correctement son travail mais qui a de manière régulière des réactions agressives à l’encontre de ses collègues’. Elle explique qu’elle a demandé ‘à plusieurs reprises à son encadrement de proximité de le rencontrer afin de tenter l’apaisement’, qu’il ‘se calmait quelques temps puis recommençait de plus belle’. Elle ajoute qu’elle l’a elle-même rencontré mais que, depuis lors, ‘il n’a plus souhaité communiquer (…). Il n’avait même plus le respect de dire un simple ‘bonjour’. S’agissant de Mme [X], elle rapporte les plaintes de celle-ci à l’égard de M. [P], ‘les provocations à la cantine (l’empêchant par exemple d’avoir accès aux condiments), les embûches dans le travail (des chariots positionnés de façon à gêner, …), des attitudes destinées volontairement à susciter une réaction violente de sa part (…)’. Elle souligne que Mme [X] lui a ‘confié ne plus pouvoir supporter le comportement outrancier et destiné à la faire craquer de M. [P]’ ;

-Mme [D], ‘responsable développement RH’, indique que dans le cadre de ses activités, elle a été amenée ‘à recevoir plusieurs fois en compagnie du directeur d’établissement, Monsieur [K] [P] pour des problèmes relationnels et de comportement’. Elle souligne que ‘plusieurs agents se sont plaints de faits de harcèlement ou d’agressivité de la part de [K] [P]’. Elle précise l’avoir alerté ‘sur le fait que son comportement risquait de lui porter préjudice pour son avenir professionnel’. Selon elle, ‘à chaque fois, il s’était engagé à rectifier son attitude et à ce que les choses évoluent dans le bon sens’ ;

– Mme [Z], responsable de sécurité, dit avoir constaté, chez Mme [X], ‘une dégradation régulière de son état moral et physique (idées moroses, perte de poids…)’. Elle explique qu’ayant fini par l’interroger, celle-ci ‘a craqué et lui a révélé le harcèlement qu’elle subissait de M. [P]’. Elle ajoute que, pendant son arrêt de travail, elle a continué à l’appeler régulièrement car ‘elle avait des idées très noires’ ;

– M. [VT] qui indique avoir été directeur de la plate-forme de 2011 à 2014, atteste avoir reçu M. [P] ‘dans le cadre de comportements non adaptés à l’égard de ses collègues de travail’. Il précise avoir rappelé à M. [P], lors de ces entretiens, que ‘son comportement parfois menaçant et moqueur envers ses collègues n’était pas acceptable’ et que ‘si de tels agissements devaient se reproduire des sanctions disciplinaires seraient prises à son encontre’ ;

– Monsieur [G], chef d’équipe, atteste qu’il a pu ‘constater que Monsieur [P] était une personne qui pouvait avoir des problèmes relationnels avec ses collègues ainsi qu’avec sa hiérarchie’. Selon lui, c’est ‘une personne qui accepte mal l’autorité du chef d’équipe’, citant en exemple, un incident survenu le 10 septembre 2016 où il s’est emporté verbalement après qu’il lui ait été demandé de regagner sa position de travail. Il ajoute qu’il a aussi ‘des difficultés relationnelles avec ses collègues de travail’ et il rapporte, à titre d’exemple, une altercation avec un intérimaire au cours de laquelle ‘M. [P] a menacé de s’en prendre à lui s’il venait à le rencontrer à l’extérieur’. Il précise qu’à chaque entretien annuel, il a alerté M. [P] ‘sur ces problèmes relationnels et conflictuels’ en ajoutant que ‘cette tension devenait pesante pour certains agents’ ;

– M. [V], ‘chargé de développement RH’, atteste ‘avoir reçu et entendu Mme [X] et M. [P] le 4 janvier 2017 dans le cadre de l’ouverture d’un protocole harcèlement moral présumé à la demande de Mme [X]’. Il explique : ‘Ces rencontres ont été réalisées en ma qualité de membre du groupe pluridisciplinaire et s’inscrivent dans le cadre du dispositif d’intervention prévu à la POSTE pour traiter les situations de harcèlement moral (CORP-DRHRS-2014-0178 du 22 août 2014). J’atteste également avoir participé au groupe pluridisciplinaire qui a conclu à l’unanimité en réunion de synthèse le 30 janvier 2017 que les 4 des grands thèmes de harcèlement moral étaient caractérisés au regard des éléments recueillis par le groupe (les 4 thèmes sont le refus de communication et l’isolement, les atteintes aux conditions de travail, les atteintes à la dignité, les violences non verbales). Ce rapport de synthèse qui a un caractère confidentiel a été remis à la directrice de la direction opérationnelle et territoriale colis Sud Ouest pour qu’elle donne les suites utiles’ ;

– M. [L] explique qu’il est directeur de l’établissement depuis le 1er janvier 2015 et que, dès son arrivée, il a été alerté par une intérimaire sur les agissements à son encontre de M. [P]. Il dit avoir appris que M. [P] est coutumier de ce genre d’agissements, qu’il a ‘tendance à se prendre pour le chef et manifeste des comportements agressifs envers ses collègues’. Il cite le cas de plusieurs salariés qui se sont plaints de harcèlement moral et dit avoir reçu M. [P] ‘pour le sensibiliser à la montée en puissance des plaintes à son égard’. Il précise : ‘A ce jour (10 mars 2017), nous avons montré la plus grande patience et tout mis en oeuvre pour qu’il se remette en cause mais sans succès. Il sème un trouble permanent. Sa simple présence est une tension et tétanise la plupart des salariés trop fragiles pour se défendre. Beaucoup se refusent à travailler dans sa brigade et certains en sont même venus à refuser une promotion pour ne pas avoir à le côtoyer, voir même seulement le croiser au quotidien. Il désespère ses encadrants désemparés devant autant d’arrogance’ ;

– M. [N] explique ‘avoir eu M. [P] en tant que N+2 du 14 novembre 2011 au 2 novembre 2015″ et à ce titre avoir eu ‘à plusieurs reprises des remarques à lui faire sur son comportement concernant son attitude déplacée voir agressive envers ses collègues intérimaires’ ;

– M. [BE], responsable de production, atteste que, travaillant sur la plate-forme depuis 2012, il a eu ‘souvent des remontées sur le comportement néfaste de Monsieur [P] (…) qui a de manière régulière des réactions agressives à l’encontre de ses collègues mais également de sa hiérarchie’. Il dit l’avoir ‘rencontré en date du 18 mars 2014 mais par la suite, il n’a plus souhaité communiquer avec la Direction, d’ailleurs et à cet effet, il n’avait- même plus le respect de dire un simple « bonjour »’ ;

– M. [X] témoigne que son épouse lui a fait part des ‘agissements négatifs’ de M. [P], qu’il a ‘constaté impuissant à une dégradation lente et continue de l’état de santé de son épouse’. Il décrit ‘ses angoisses et de ses souffrances ‘, la dégradation de la vie familiale lorsqu’elle a ‘sombré irrémédiablement dans une dépression’, ‘sa perte d’estime d’elle-même’. Il dit l’avoir surprise ‘à de nombreuses reprises isolée en pleurs’et rapporte qu’elle a fini par lui ‘avouer son envie d’en finir d’une manière ou d’une autre’.

L’employeur justifie, par une attestation du médecin traitant de la salariée, que Madame [X] est suivie par ce dernier pour un syndrome anxio dépressif réactionnel depuis 2016.

La SA LA POSTE justifie aussi, par les comptes rendus d’évaluation annuelle, que Monsieur [P] faisait l’objet de bonnes appréciations pour ses qualités professionnelles mais qu’il lui a été demandé à plusieurs reprises de modifier son comportement. Ainsi, en 2013, il lui a été demandé d’ ‘améliorer son comportement relationnel vis-à-vis de ses collègues ainsi que de sa hiérarchie, ce qui lui permettra de retrouver une certaine confiance de ceux-ci’. En 2014, il lui a encore été demandé de ‘continuer de fournir des efforts pour améliorer ses relations avec certains de ses collègues et un degré moindre avec sa hiérarchie ses problèmes étant pénalisant pour le service et son image vis-à-vis de la hiérarchie’. Le 22 septembre 2016, Mme [H] a émis un avis défavorable à sa candidature pour une promotion, motivé par ‘un relationnel difficile au sein de l’équipe’.

Même si certaines des attestations produites font état de faits plus anciens et ne concernant pas Madame [X], les éléments versés aux débats par l’employeur tendent néanmoins à confirmer les déclarations de cette dernière quant aux agissements de Monsieur [P] à son égard.

Monsieur [P] conteste les faits qui lui sont reprochés et soutient qu’ils s’inscrivent dans une stratégie de discrimination syndicale. Il rappelle qu’aux termes de l’article L 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné en raison, notamment, de ses activités syndicales et que l’article L 2141-5 du même code interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Monsieur [P] fait, tout d’abord, valoir que l’accusation portée par Mme [X] de ‘divulgation d’éléments de vie privée’ est contredite par les attestations de Mme [T] et de M. [F] qui affirment n’avoir jamais parlé de la vie privée de celle-ci à Monsieur [P]. S’agissant de son attitude qualifiée par Madame [X] de ‘sale, choquante, grossière, provocante’, il relève que celle-ci accuse Monsieur [P] ‘et ses partisans’, ce qui révèle que ce sont les syndiqués et élus CGT qui sont visés. Il souligne qu’il existe plus de 100 caméras dans le hall de production et qu’aucune image n’est produite et qu’aucun témoignage n’est venu confirmer les accusations de Madame [X] sur son comportement à la cantine. Au contraire, il verse aux débats les attestations de plusieurs salariés disant n’avoir jamais vu de provocation ou d’altercation entre Monsieur [P] et Madame [X]. Il se prévaut également de nombreuses attestations de salariés disant n’avoir jamais eu à se plaindre de son comportement, n’avoir jamais eu aucun souci relationnel avec lui et soulignant qu’il s’agit d’un agent consciencieux et professionnel.

Monsieur [P] soutient que les seuls éléments à charge figurant dans le dossier de l’employeur émanent soit de salariés qui font référence à ses activités syndicales ou à ses liens familiaux avec Mme [Y], qui est secrétaire CGT du CHSCT, ou qui n’ont rien constaté personnellement, soit de membres de la direction qui n’attestent pas davantage de faits qu’ils auraient eux-mêmes constatés. Il souligne qu’à travers les accusations portées par les membres de l’encadrement, c’est en réalité son caractère qui est systématiquement pointé en lien avec son appartenance syndicale et ses liens familiaux avec des représentants syndicaux.

Il fait valoir que les éléments à décharge ont été ‘soigneusement mis de côté’, qu’aucun signalement de difficultés n’a été fait auprès des instances représentatives du personnel, ce qui a conduit le syndicat CGT à saisir le CHSCT le 28 février 2017, et il précise qu’à l’occasion de la réunion du CHSCT du 14 mars 2017, M. [L] a reconnu n’avoir ‘à aucun moment été prévenu par les encadrants d’un malaise sur la plate-forme’ (procès-verbal de la réunion du 14 mars 2017).

Monsieur [P] verse aux débats de nombreuses attestations de salariés vantant ses qualités professionnelles et expliquant n’avoir jamais eu de problème relationnel avec lui, soulignant même ses qualités relationnelles.

A l’appui de ses prétentions quant à l’existence d’une discrimination syndicale, il fait état de l’existence d’un ‘contentieux de masse suivi d’une vague de sanctions visant des militants CGT’, faisant référence à l’action en justice menée en 2014 sur le fondement du principe ‘à travail égal, salaire égal’, qui a donné lieu à un jugement du conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand, le 18 octobre 2017. Il souligne que c’est juste après le délibéré favorable aux salariés qu’il a reçu le courrier daté du 26 décembre 2017 par lequel il a été accusé de harcèlement moral. Il précise que cette concomitance n’a pas concerné que lui et que d’autres militants ont fait l’objet de sanctions, évoquant le rappel à l’ordre infligé à Mme [Y] le 23 janvier 2017 pour non-respect des règles de sécurité et la remontrance dont a fait l’objet M. [J] le 24 août 2016. Il se réfère, par ailleurs, aux tracts syndicaux dénonçant les sanctions envisagées à l’encontre de deux autres militants en 2017 et en 2018, outre le tract daté de 2020 dénonçant des menaces de licenciement concernant 4 autres salariés syndiqués.

Monsieur [P] souligne que les témoignages utilisés par l’employeur le visent systématiquement en tant que membre du syndicat CGT ou gendre de Mme [Y] et il fait valoir qu’en présence d’éléments laissant présumer l’existence d’une discrimination syndicale, l’employeur n’apporte aucune justification, en contravention avec l’obligation qui lui est faite par l’article L 1134-1 du code du travail.

Monsieur [P] se prévaut du rapport de l’enquête préliminaire diligentée à la suite de sa plainte qui comporte la mention suivante : ‘les attestations en majorité écrites par la direction font en revanche ressortir que la victime est un syndicaliste et le critiquent largement sur ce point, pourtant cela n’a rien à voir avec son comportement envers sa collègue. Depuis la victime a été mise à pied. Les motifs de son exclusion semblent troubles’.

Face à ces éléments, l’employeur souligne, à juste titre, que le rapport de police dont fait état le salarié est antérieur à l’audition de Madame [X] et que la plainte pénale déposée par Monsieur [P] pour dénonciation calomnieuse a fait l’objet d’un classement sans suite. Il fait également valoir que la procédure prud’homale engagée en 2014 est sans relation avec les poursuites disciplinaires pour harcèlement moral, que Monsieur [P] avait initié cette procédure avec un groupe de plus de 100 salariés et qu’il n’est fait état que de trois sanctions disciplinaires. L’employeur ajoute qu’aucun des salariés sanctionnés n’a contesté la sanction et qu’en appel, il a été donné raison à LA POSTE par décision du 16 octobre 2018.

Il convient, en effet, de relever que Madame [X] n’a fait l’objet d’aucune poursuite pour dénonciation calomnieuse et que, s’agissant de l’action judiciaire initiée en 2014, parmi les cas cités par Monsieur [P], seuls trois sont concomitants à la procédure disciplinaire sans qu’il soit justifié d’une quelconque contestation, ce qui ne permet pas de caractériser l’existence d’un lien entre cette action judiciaire avec les poursuites disciplinaires dont le salarié a été l’objet.

S’agissant des témoignages versés aux débats par l’employeur, s’il est vrai que certains d’entre eux font référence aux activités syndicales de Monsieur [P] ainsi qu’à ses liens familiaux avec Mme [Y], secrétaire du CHSCT et déléguée syndicale CGT, Madame [X] évoquant elle-même, ‘M. [P] et ses partisans’, l’examen de ces attestations révèle que ces références sont seulement données pour présenter Monsieur [P] et non pour y trouver les causes ou le cadre de son comportement. Aucun de ces témoignages ne porte une appréciation négative sur cette activité ou ses liens familiaux en eux-mêmes ni ne font un lien entre ceux-ci et son attitude au quotidien. Il doit, en outre, être relevé que seule une partie des attestations font de telles références. En revanche, dans la totalité des attestations fournies par l’employeur, y compris celle de Madame [X], sont décrits, de manière concordante et exclusive, des travers comportementaux attribués à Monsieur [P] à titre personnel et l’existence de relations malsaines qu’il entretient avec certains salariés et avec Madame [X] en particulier sans qu’aucun lien puisse être fait avec son engagement syndical ni directement, ni de manière sous entendue.

Il est également vrai qu’une partie des attestations de l’employeur émanent de supérieurs hiérarchiques de Monsieur [P] mais cette seule qualité ne saurait suffire à écarter toute valeur probante à leur témoignage ni constituer en elle-même la preuve de la fausseté des faits dénoncés alors que ces témoignages sont concordants avec ceux des autres salariés.

Monsieur [P] produit, certes, un grand nombre d’attestations de salariés disant n’avoir jamais assisté à des faits de harcèlement de la part de celui-ci, mais ils ne fournissent aucune indication permettant de remettre en cause l’existence des faits dénoncés très précisément et de manière circonstanciée par Madame [X] et la véracité des déclarations contenues dans les attestations de l’employeur. Le seul fait que des personnes ayant attesté pour Monsieur [P] déclarent ne jamais avoir été témoins de propos ou de comportements déplacés de la part de celui-ci alors qu’ils ne fournissent aucune explication sur la connaissance qu’ils peuvent avoir des relations ayant existé entre Monsieur [P] et Madame [X], ne peut établir que de tels propos ou comportements n’ont jamais eu lieu. De tels témoignages ne sont pas de nature à remettre en cause la valeur probante des attestations produites par l’employeur.

De même, le fait que les instances représentatives du personnel ne semblent pas avoir été saisies de l’existence de difficultés n’est pas de nature à exclure l’existence de celles-ci.

En présence de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir que les témoignages versés aux débats par l’employeur font état, de manière concordante, des manifestations d’agressivité, des brimades, provocations, humiliations qu’a fait subir Monsieur [P] à Madame [X] et confirment les dires de cette dernière. En dépit des éléments présentés par le salarié, les pièces produites par la société LA POSTE établissent l’existence d’un comportement fautif et une réaction de l’employeur étrangère à toute discrimination.

Il ressort, en effet, des éléments versés aux débats que Monsieur [P] n’a été victime d’aucune discrimination pour ses activités syndicales et qu’au contraire, il s’est livré à des agissements sur la personne de Madame [X] constitutifs d’un harcèlement moral, s’agissant d’agissements répétés qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé. L’origine de son licenciement ne réside nullement dans son appartenance syndicale mais dans son comportement inadmissible à l’égard de Madame [X]. L’engagement des poursuites disciplinaires par l’employeur peu de temps après le jugement du conseil de prud’hommes qu’il avait saisi avec un groupe de salariés ne résulte que d’une simple concomitance de dates et ne peut caractériser aucune atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice comme le soutient Monsieur [P].

Compte tenu de la particulière gravité des faits commis par Monsieur [P], de l’atteinte portée au bon fonctionnement du service par ces agissements, du fait que ceux-ci sont intervenus après une première sanction pour avoir manqué de respect à ses collègues, de sorte qu’il s’agit d’une réitération, et que l’employeur justifie de faits de même nature commis sur d’autres salariés, concomitamment à ceux dont a été victime Madame [X], l’employeur ne pouvait satisfaire à l’obligation de sécurité qui pèse sur lui en vertu de l’article L 4121-1 précité en se bornant à des mesures de réorganisation comme, par exemple, un changement de service. Eu égard à la nature de la faute commise et à sa gravité, le comportement fautif du salarié était incompatible avec son maintien dans l’entreprise et était constitutif d’une faute grave.

Le jugement sera, en conséquence, infirmé en ce qu’il n’a pas retenu la faute grave.

Le jugement sera infirmé en ce que la société LA POSTE a été condamnée à payer à Monsieur [K] [P] les sommes de 17.708, 66 euros net au titre de l’indemnité de licenciement, de 4.040 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 404 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis.

Monsieur [P] sera débouté de toutes ses demandes, tant au titre d’un licenciement nul que d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

Monsieur [P] devra supporter les entiers dépens de première instance et d’appel ce qui exclut qu’il puisse prétendre bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera infirmé en ce que la société LA POSTE a été condamnée à payer à Monsieur [P] une somme de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [P] sera condamné à verser à la SA LA POSTE une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Infirme le jugement en ce que le conseil de prud’hommes a dit que Monsieur [P] n’a commis aucune faute grave et, statuant à nouveau, dit le licenciement de Monsieur [K] [P] justifié par une faute grave du salarié ;

– Infime le jugement en ce que la société LA POSTE a été condamnée à payer à Monsieur [K] [P] les sommes de 17.708,66 euros au titre de l’indemnité de licenciement, de 4.040 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 404 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis et, statuant à nouveau, déboute Monsieur [P] de toutes ses demandes, tant au titre d’un licenciement nul que d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Infirme le jugement en ce que la société LA POSTE a été condamnée à payer à Monsieur [P] une somme de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Infirme le jugement en ce que la société LA POSTE a été condamnée aux dépens de première instance et, statuant à nouveau, condamne Monsieur [K] [P] aux entiers dépens de première instance ;

– Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;

– Y ajoutant, condamne Monsieur [K] [P] à verser à la SA LA POSTE une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne Monsieur [K] [P] aux dépens d’appel;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN

 


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