Dénonciation calomnieuse : 31 mai 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 20/00101

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Dénonciation calomnieuse : 31 mai 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 20/00101
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31 mai 2022
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
20/00101

ARRÊT N°288

N° RG 20/00101

N° Portalis DBV5-V-B7E-F5ZO

[I]

C/

[E]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 31 MAI 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 décembre 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE

APPELANT :

Monsieur [R] [I]

né le [Date naissance 5] 1958 à [Localité 9] (93)

[Adresse 7]

[Localité 3]

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Florence BILLARD, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉ :

Monsieur [Y] [E]

né le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 10] (ITALIE)

[Adresse 2]

[Localité 6]

ayant pour avocat postulant Me Marion LE LAIN de la SCP DROUINEAU-VEYRIER- LE LAIN-BARROUX-VERGER, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Marie-Astrid RABIT, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 28 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS

M. [E] et Mme [H] se sont mariés le [Date mariage 8] 2010, sont divorcés depuis le 18 décembre 2019.

Le 10 avril 2017, M. [E] a déposé plainte contre M. [I] , compagnon de Mme [H] , plainte portant sur des faits d’agression sexuelle commis sur leur fille [O], née le [Date naissance 1] 2011.

Par ordonnance du 22 juin 2017, le juge aux affaires familiales fixait la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère, précisait que les parents s’étaient entendus s’agissant des enfants, l’audience s’étant tenue le 15 juin 2017.

M. [I] a été entendu par les gendarmes de la brigade de recherche de la Rochelle le 31 juillet 2018 dans le cadre d’une audition libre de 9H30 à 10 H35 sur des faits qualifiés d’ atteinte sexuelle par majeur sur mineur de15 ans, faits commis sur la période du 1er mai au 4 août 2017.

Le Procureur de la République classait la procédure le 13 août 2018, classement motivé par ‘ l’absence d’infraction ‘.

Par acte du 26 mars 2019, M. [I] a assigné M. [E] devant le tribunal de grande instance de La Rochelle aux fins d’indemnisation du préjudice résultant d’une dénonciation calomnieuse, à titre subsidiaire, pour faute résultant d’une plainte téméraire.

M. [E] a conclu au débouté.

Par jugement du 10 décembre 2019, le tribunal de grande instance de La Rochelle a débouté M. [I] de l’intégralité de ses demandes, l’a condamné aux dépens et au paiement d’une indemnité de procédure.

Le premier juge a notamment retenu que :

-sur la dénonciation calomnieuse

Il est de principe que pour être constitué le délit de dénonciation calomnieuse nécessite que soit démontrée la mauvaise foi de l’auteur, consistant dans la connaissance de la fausseté du fait dénoncé ou imputé à autrui.

La connaissance de la fausseté de la dénonciation doit s’apprécier au moment où celle-ci a été portée.

Une éventuelle intention de nuire ne suffit pas à la caractériser.

En l’espèce, la plainte s’inscrit dans un contexte de séparation extrêmement conflictuel, les époux ne cessant de déposer des plaintes, mains courantes l’un à l’encontre de l’autre depuis mars 2017. Aucune de ces plaintes n’a donné lieu à des poursuites.

Il est également constant que M. [E] a tenté de discréditer M. [I] auprès du conseil de l’ordre des médecins, dénonçant le 26 mars 2017 ‘ des pratiques douteuses avec les femmes et le délégué médical ‘.

Si ces éléments établissent du ressentiment, ils sont insuffisants à prouver la mauvaise foi de M. [E] au moment de sa plainte.

M. [I] doit démontrer non seulement la fausseté des accusations portées mais encore la connaissance de la fausseté des faits dénoncés.

Il ressort en fin de compte de l’audition de l’enfant le 23 septembre 2017 qu’elle n’a pris aucune douche avec M. [I], qu’elle ne l’a jamais vu nu et réciproquement, qu’elle a uniquement pointé ses parties génitales du doigt ‘pour rigoler ‘et alors que celui-ci était habillé.

Il n’est pas démontré qu’au moment de la dénonciation des faits , M. [E] avait connaissance de leur fausseté. Les faits de dénonciation calomnieuse ne sont pas constitués.

-sur la plainte téméraire

M. [E] n’avait pas à mettre en doute la parole de l’enfant dont les propos ont pu légitimement le porter à déposer plainte.

LA COUR

Vu l’appel en date du 10 janvier 2020 interjeté par M. [I]

Vu l’article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 21 février 2022, M. [I] a présenté les demandes suivantes :

Vu les dispositions de l’article 226-10 du Code pénal et 1240 (anciennement 1382) du Code Civil,

Dire et juger recevable l’appel de Monsieur [R] [I],

En conséquence,

Y faisant droit,

Réformer la décision entreprise en l’ensemble de ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

-Condamner Monsieur [E] à payer à Monsieur [R] [I] la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts ;

-Condamner Monsieur [E] à payer à Monsieur [R] [I] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC

-Débouter M. [E] de sa demande additionnelle pour appel abusif et vexatoire..

-Condamner M. [E] en tous les dépens.

Dire et juger qu’ils pourront être recouvrés directement par Me BILLARD, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC

A l’appui de ses prétentions, M. [I] soutient notamment que :

[O] [E] a été entendue le 23 septembre 2017. Elle a confirmé avoir dit à son père qu’elle avait pris une douche avec ‘[R]’, ce qui s’est avéré faux, avoir mis son index sur le pantalon de [R] au niveau du bas ventre.

Elle a contesté avoir dit à son père qu’elle avait pris plusieurs douches avec lui, que [R] lui ait demandé de lui toucher le sexe, qu’il l’ ait jamais lavée, notamment au niveau du sexe.

-M. [E] l’ a diffamé, diffamation intervenue après une dénonciation au conseil de l’ordre le 27 mars 2017.

-La victime d’une dénonciation calomnieuse peut choisir de demander réparation de son préjudice au tribunal civil. Elle doit prouver une faute du dénonciateur.

[O] a contesté avoir tenu la plupart des propos que son père lui a prêtés.

-La mauvaise foi de M. [E] est certaine. Il a exagéré volontairement. Il s’est abstenu de poser la moindre question à sa fille, question susceptible d’éclaircir les faits.

-Le fait qu’il n’ait pas averti le juge aux affaires familiales, qu’il n’ait pas demandé la modification de la décision du juge prouve sa mauvaise foi.

-Subsidiairement, la faute civile est la transgression d’un devoir général de conduite prudente et diligente, une légèreté blâmable.

-Il aurait dû tenter d’en savoir plus auprès de la mère ou et de l’enfant.

-Il a subi un préjudice moral très important alors qu’il est lui-même père d’un fils de 11 ans qu’il reçoit chez lui.

-Suite à la plainte, il a observé une baisse de ses consultations en cardio-pédiatrie.

Il ne demande rien de ce fait ne pouvant démontrer le lien causal entre cette baisse et les plaintes déposées.

-Il a dû prendre des antidépresseurs.

-Il produit de nombreuses attestations qui décrivent le trouble subi.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 28 février 2022 , M. [E] a présenté les demandes suivantes :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées,

Vu les dispositions des articles 226-10 du Code Pénal, 1240 et suivants du Code civil,

-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE le 10 décembre 2019.

En conséquence,

-Débouter Monsieur [I] de l’intégralité de ses prétentions tant au titre des dommages et intérêts qu’au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens

-Le condamner au paiement d’une somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ainsi qu’aux entiers dépens,

Y ajoutant,

Vu le caractère abusif et malveillant de l’appel ainsi interjeté,

Vu le préjudice subi par le concluant du fait de cette procédure,

Vu l’article 1240 du Code Civil,

-Condamner Monsieur [I] à lui verser la somme de 20 000 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

-Le condamner à lui verser la somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens tant de première instance que d’appel

A l’appui de ses prétentions, M. [E] soutient notamment que :

-Le tribunal doit apprécier la pertinence des accusations lorsque les faits dénoncés ont donné lieu à un classement sans suite. Leur fausseté ne saurait résulter du seul classement.

-On ne peut lui reprocher d’avoir fait confiance à la parole de [O], de ne pas l’avoir suffisamment interrogée. Cela ne démontre pas l’intention de nuire.

-Il a immédiatement contacté son conseil, qui a écrit au conseil de la mère de l’enfant le 4 août 2017. Il a été transparent dans l’attente d ‘une réaction qui n’est pas intervenue.

-Cela a conduit M. [E] à déposer plainte afin de protéger sa fille le 10 août 2017.

-Son avocate lui avait conseillé de se rendre aux services de police. Il n’a pas osé poser plus de question.

-Les propos tenus par l’enfant suffisaient en eux-mêmes à justifier une plainte.

-Son inquiétude était légitime.

-Il ne pouvait saisir le juge aux affaires familiales en référé alors que rien n’était établi.

-Il ne pouvait interroger plus avant une enfant de six ans par pudeur, par peur de mal faire.

-Il n’est pas responsable de la qualification juridique des faits dénoncés.

-M. [I] a fait l’objet d’une audition de pure forme libre. Il savait quand il a été entendu que la plainte serait classée.

-Il ne subit pas de préjudice direct certain.

-M. [E] subit en revanche un préjudice moral du fait d’un appel abusif et vexatoire.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 28 février 2022.

SUR CE

-sur la dénonciation calomnieuse

Il ressort de l’audition de [O] aux services de gendarmerie le 23 septembre 2017, de ses explications, des éclaircissements donnés par l’enfant qu’elle a effectivement tenu des propos à son père qui pouvaient lui faire craindre un comportement déviant, équivoque de la part de M. [I].

Ainsi, [O] a-t-elle admis avoir dit à son père qu’elle s’était douchée avec le copain de maman, qu’elle avait ‘touché le zizi à [R] ‘.

Ces propos étaient de nature à inquiéter le père dont on peut également admettre qu’il se soit refusé à interroger l’enfant plus avant compte tenu de son âge et de la difficulté d’interroger l’enfant au regard des faits évoqués.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [I] de sa demande fondée sur une dénonciation calomnieuse dès lors que la plainte déposée reposait sur des propos effectivement tenus par [O] [E] , qu’il n’est pas démontré que M. [E] savait de manière certaine que les faits dénoncés n’existaient pas , que la crainte ou l’émotion ont pu persuader M. [E] que seuls des professionnels pouvaient traiter, évaluer, approfondir les dires de l’enfant.

-sur l’existence d’une faute civile

L’article 1240 du code civil dispose : tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’article 1241 du code civil dispose: chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence.

La faute civile est la transgression d’un devoir préexistant qui impose une conduite prudente.

Ce devoir général proscrit les moyens propres à causer un dommage à autrui.

Elle suppose la transgression d’une norme de conduite sociale, la violation d’une norme de comportement.

Une plainte téméraire peut engager la responsabilité de son auteur dès lors qu’elle révèle une légèreté blâmable, une intention de nuire.

M. [I] estime que la plainte déposée par M. [E] est fautive, avait pour seul objet de lui nuire .

Il relève que quelques questions des enquêteurs ont suffi pour exclure tout fait déviant.

Il considère que la mauvaise foi de M. [E] est établie par l’accord exprimé devant le juge aux affaires familiales lors de l’audience du 15 juin 2017, par l’absence de toute saisine postérieure du juge aux affaires familiales aux fins de modification des modalités prises.

M. [E] soutient que sa plainte était légitime compte tenu des dires de sa fille , qu’il lui était impossible d’interroger sa fille plus avant par pudeur, par crainte de mal-faire, que le courrier adressé par son avocat à l’avocat de son épouse était resté sans réponse, qu’il ne pouvait saisir le juge aux affaires familiales tant que les faits reprochés n’étaient pas établis.

Il ressort des productions que la plainte litigieuse a été précédée de plusieurs initiatives de M. [E]:

-signalement adressé au conseil de l’ordre le 26 mars 2017 par M. [E],

Il envoyait un courriel ainsi rédigé : Je tiens à vous signaler les pratiques douteuses de M. [I] [R] exerçant à la clinique (…) dans le cadre de l’exercice de ses fonctions avec les femmes et le délégué médical.

Le conseil de l’ordre lui demandait de faire parvenir sa plainte par courrier signé.

M. [E] répondait le 27 mars 2017: Je demanderai à mon épouse si elle souhaite continuer les poursuites.

Aux gendarmes , il précisait : j’ avais eu vent de pratiques douteuses de la part de M. [I]. je voulais que ce service surveille les pratiques de cette personne qui est médecin lors de ses consultations.

-signalement aux services sociaux de M. [E] qui disait ne pas souhaiter que ses enfants restent en présence du ‘ nouveau compagnon de mon ex-épouse, M. [I]’

-signalement aux services sociaux de M. [E] qui soutenait que [O] dormait dans le même lit que le fils de M. [I], âgé de 12 ans

Ces signalements ont été évoqués spontanément par M. [E] lors de son dépôt de plainte.

Il résulte de ce rappel une focalisation manifeste sur la personne de M. [I] décrit comme ayant un comportement douteux dans sa pratique professionnelle avec les femmes, puis comme un père faisant courir un risque à sa fille en laissant son fils de 12 ans dormir avec elle, éléments qui n’ont jamais été démontrés.

M. [E] s’est ensuite persuadé que M. [I] avait agressé sexuellement sa fille, a informé son conseil.

Cette dernière rédigeait le 4 août 2017 un courrier officiel adressé à sa consoeur, courrier ainsi formulé :

‘ M. [E] vient de me rapporter les propos tenus par sa fille mettant en cause le comportement du compagnon actuel de son épouse, Mme [H] .

Alors qu’il jouait avec l’enfant au bord de la piscine, [O] lui aurait indiqué: ‘[R] m’a demandé de toucher son zizi et après je l’ai touché ici ‘(en montrant l’endroit).

Au moment de la douche, [O] lui aurait également confié qu’à plusieurs reprises elle prenait sa douche avec [R]. (…)

La gravité de ces paroles de l’enfant m’oblige à vous adresser le présent courrier par la voie officielle et à vous demander d’intervenir instamment auprès de votre cliente.

M. [E] doit remettre les enfants à la mère ce dimanche 6 août.

Il ne manquera pas de donner une suite judiciaire à ces faits s’ils étaient avérés et en tout cas rapportés à nouveau par son enfant. ‘

Ce courrier prudent qui utilise le conditionnel, avertit le conseil de la mère des dires de l’enfant tels qu’ils ont été restitués par M. [E] .

Il annonce une ‘suite judiciaire ‘ sous réserve d’éléments nouveaux, suite qui pouvait signifier une saisine du juge aux affaires familiales tout autant qu’une plainte.

Une démarche judiciaire était annoncée sous réserve d’ éléments de preuve nouveaux ou d’une réitération des dires de l’enfant.

Il est certain que M. [E] a déposé plainte le 10 août 2017.

Il ne soutient pas avoir appris des éléments nouveaux ou avoir reçu de nouvelles confidences de sa fille susceptibles d’ accréditer ses craintes. Il assure que le seul défaut de réponse au courrier du 6 août 2017 justifiait sa plainte du 10 août .

M. [I] observe à juste titre que les faits relatés par le conseil de M. [E] diffèrent de ceux dénoncés lors de la plainte.

Ainsi, l’avocat ne fait-il pas état de toilette intime administrée par M. [I] sans que M. [E] ne s’explique sur cette omission.

M. [I] observe surtout que les faits dénoncés par le père ne correspondent pas aux dires de l’enfant.

Il ressort en effet de la plainte du père qu’il a évoqué des faits dont la connotation sexuelle , le caractère déviant sont manifestes en rupture sensible avec les dires de sa fille, fussent-ils quelque peu confus.

Ainsi M. [E] a-t-il soutenu que sa fille lui avait dit que [R] lui avait demandé de lui toucher son zizi, lui avait montré l’endroit où [R] lui avait demandé de le toucher alors que l’enfant indique aux enquêteurs que c’est elle qui a touché le sexe de [R] une fois par inadvertance et alors qu’il était habillé.

M. [E] a également indiqué que sa fille lui avait dit avoir pris des douches avec [R] à plusieurs reprises, qu’il lui lavait sa cacahuète alors que l’enfant indique aux enquêteurs n’avoir jamais pris de douche avec lui.

Il présente donc M. [I] comme un pédophile qui prend des initiatives, adresse des demandes à caractère sexuel à sa fille, laisse entendre que les faits se sont produits à plusieurs reprises.

Il ne fait preuve lors de son audition d’aucune prudence, d’aucune retenue, n’ émet aucun doute.

Cet écart substantiel entre les dires spontanés de l’enfant (tels que reconstitués par les enquêteurs) et ceux prêtés à [O] lors du dépôt de plainte établit la mauvaise foi de M [E] qui a ajouté, déformé, grossi les propos tenus pour nourrir la plainte déposée.

Le 5 janvier 2018, M. [E] réitérait ses convictions à la faveur d’un courrier adressé au procureur de la République.

Il faisait observer qu’un délai de six semaines s’était écoulé entre sa plainte et l’audition de l’enfant ‘ce qui a laissé suffisamment de temps à sa mère pour monter le scénario qui a été répété par ma fille lors de son audition. A aucun moment , ma fille ne m’a donné ce scénario au départ et j’ai constaté que ma fille avait cessé de me parler de ses attouchements, prétextant que sa mère lui interdisait de me dire quoi que ce soit sinon elle irait en prison.

Je suis entièrement convaincu que mon épouse a fait pression sur ma fille pour que [O] répète ses explications et change sa vérité par celle de mon épouse et de son amant.’

Dans ce courrier, M. [E] explique les dires de l’enfant par les pressions exercées par sa mère.

Il exclut toute capacité des enquêteurs à discerner le vrai du faux alors même qu’il a expliqué sa plainte par la difficulté qu’il éprouvait à aborder le sujet directement avec sa fille.

Sa religion est faite et ne dépend manifestement pas de l’enquête en cours.

Si une plainte déposée dans le doute, dans l’incertitude, pour faire la lumière ne saurait être considérée fautive, il en va différemment d’une plainte déposée uniquement pour en découdre,d’une plainte qui désigne un coupable sans recherche d’une enquête pour étayer, éprouver ses convictions.

Les questions des enquêteurs, dont c’est effectivement le métier, laissent penser que les pressions sur l’enfant , si elles existent, viennent plutôt du père.

Question : Papa a tenu absolument à ce que tu viennes me voir ici, est-ce que tu as dit autre chose à papa ‘ Non

‘Est-ce que tu lui as dit que [R] t’avait touché la cacahuète ‘

Non j’ai pas dit ça.

Non t’as pas dit ça, bon bah, c’est peut être que papa il a mal compris alors.

Question : Est-ce que [R] il a déjà fait des bêtises avec toi ‘

Réponse : Non.

Question : Alors pourquoi papa il tenait absolument à ce que tu viennes me dire tout ça’

Réponse : Je sais pas.

M. [I] en déposant plainte contre M. [I] pour attouchement sur sa fille a manqué à la prudence la plus élémentaire.

Rien ne l’empêchait de porter ses craintes à la connaissance des gendarmes en précisant qu’il voulait qu’une enquête fût menée sans pour autant désigner M. [I] comme coupable.

Il a grossi, déformé, instrumentalisé les propos de sa fille pour assouvir son ressentiment et cherché ce faisant à nuire à M. [I] .

Les éléments précités établissent donc une faute civile de M. [E] dont la responsabilité extra-contractuelle est engagée.

-sur le préjudice subi par M. [I]

M. [I] fait valoir que la procédure a été classée le 13 août 2018, qu’il a été entendu le 31 juillet 2018, qu’il a vécu dans l’incertitude entre le 10 avril 2017 et le 13 août 2018.

Il indique avoir eu peur des suites de cette plainte, n’eût-il rien à se reprocher, plainte qui pouvait avoir des conséquences très préjudiciables sur le plan privé ou professionnel.

Il produit plusieurs attestations :

Le docteur [Z] a rédigé un certificat le 18 décembre 2018.

Il certifie avoir suivi M. [I] de août 2017 à septembre 2018

Ce patient m’a déclaré avoir été accusé à tort de pédophilie. J’ai constaté un syndrome dépressif avéré avec anxiété, dévalorisation, idées noires…

Il lui a conseillé un traitement.

M. [F], enseignant, ami proche, atteste le 27 décembre 2018 que ‘ M. [I] a été bouleversé par la plainte déposée contre lui entre septembre 2017 et septembre 2018.

J’ai assisté à une dégradation de son état psychique avec plusieurs épisodes dépressifs forts qui mettaient en jeu selon moi sa santé physique autant que morale.

Je lui ai d’ailleurs conseillé de consulter un médecin spécialiste afin d’éviter que le traumatisme subi ne le pousse à un geste regrettable contre lui-même ‘.

Il décrit son son inquiétude quant aux suites judiciaires, au possible retentissement professionnel.

M. [D] [L], médecin atteste le 20 décembre 2018 avoir été témoin du désarroi qu’à provoqué l’accusation de pédophilie sur M. [I] .

‘Je certifie qu’il en a été très affecté pendant des mois me rapportant régulièrement ses troubles du sommeil, ses inquiétudes et craintes de poursuites judiciaires infondées.’

M. [X], médecin, associé de M. [I] ,atteste le 20 décembre 2018 d’un changement de comportement, le décrit comme sombre, inquiet, délaissant les projets professionnels en cours.

Il ajoute que cette longue période a été particulièrement éprouvante pour lui.

Ces attestations démontrent l’existence d’un préjudice moral, la plainte ayant généré une anxiété, des craintes fortes, une souffrance psychologique, la nécessité d’un suivi et d’un traitement et cela durant plusieurs mois jusqu’à ce que le classement soit connu.

Le préjudice de M. [I] sera évalué à la somme de 5000 euros.

-sur les autres demandes

Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d’appel seront fixés à la charge de M. [E].

Il est équitable de le condamner à payer à M. [I] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS :

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

-infirme le jugement entrepris :

Statuant de nouveau :

-dit que M. [E] a engagé sa responsabilité civile extra contractuelle à l’égard de M. [I]

-condamne M. [E] à payer à M. [I] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts

Y ajoutant :

-déboute les parties de leurs autres demandes

-condamne M. [E] aux dépens de première instance et d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de M. [I]

-condamne M. [E] à payer à M. [I] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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