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30 septembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
17/22851
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 30 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/ 295
Rôle N° RG 17/22851 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BBV46
[Y] [H]
SAS GINKO
C/
[V] [C]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA
[F] [W]
Copie exécutoire délivrée
le : 30/09/2022
à :
Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Me Nicolas SIMON DE KERGUNIC, avocat au barreau de GRASSE
Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON
Me Grégory KERKERIAN de la SELARL SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 07 Décembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° .
APPELANTS
Maître [Y] [H], assigné en intervention forcée, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SAS GINKO, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué pour plaidoirie par Me Nicolas SCHNEIDER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Maître [V] [C] Es qualité de Commissaire à l’éxécution du plan de la SAS GINKO, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Nicolas SIMON DE KERGUNIC, avocat au barreau de GRASSE
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA, [Adresse 4]
représentée par Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON
Madame [F] [W], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Grégory KERKERIAN de la SELARL SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 03 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, M.Ange FIORITO, conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Monsieur Thierry CABALE, Conseiller
M. Ange FIORITO, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022 puis prorogé au 30 Septembre 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2022,
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Mme [W] a été embauchée par la société Ginko du 28 janvier 2011 au 3 mai 2011 en intérim, puis par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel le 4 mai 2011 en qualité d’assistante comptable pour un salaire mensuel de 1150 euros. Mme [W] effectuait 21 heures hebdomadaires réparties du mercredi au vendredi.
Un avenant à son contrat a été signé le 29 avril 2015 portant sur l’extension de sa période de travail au mardi.
Mme [W] a fait l’objet d’une lettre d’avertissement le 14 septembre 2015 en raison d’une agressivité verbale, du non-respect de ses devoirs de confidentialité et d’un manque de perception des priorités’; Mme [W] a contesté l’avertissement par courrier du 7 décembre 2015.
L’employeur a proposé à Mme [W] le 25 novembre 2015 un avenant consistant à un retour à son contrat initial sur trois jours hebdomadaires que Mme [W] a refusé par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 décembre 2015.
Mme [W] a été en arrêt de travail du 8 décembre 2015 jusqu’au 30 juin 2016. Un avis médical du 16 juin 2016 a déclaré Mme [W] inapte à son poste de travail. Elle a été maintenue en arrêt jusqu’au 13 juillet 2016.
Elle a été convoquée le 27 juillet 2016 pour entretien préalable au 4 août 2016’auquel elle ne s’est pas rendue.
Mme [W] a été licenciée le 4 septembre 2016 pour faute lourde, en raison de vols, diffamation, dénonciation calomnieuse, tentative d’extorsion, et menaces.
La société Ginko a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde le 24 mai 2016, suivi d’un plan de sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Draguignan du 29 novembre 2016, Maître [V] [C] étant désignée mandataire judiciaire, commissaire au plan de sauvegarde de la société Ginko.
Mme [W] a saisi par requête du 1er décembre 2016 le conseil de prud’hommes de Draguignan d’une demande dirigée contre Maître [V] [C] mandataire judiciaire de la société Ginko et contre le CGEA AGS de [Localité 5].
Le conseil de prud’hommes de Draguignan par jugement du 7 décembre 2017 a rendu la décision suivante’:
– dit que le présent jugement est opposable au CGEA/AGS DE [Localité 5],
– fixe la créance de Mme [W] à l’encontre de Me [C] ès qualités de liquidateur de la SAS Ginko aux sommes suivantes’:
– 3 597,44 euros à titre des salaires du 15 août au 8 septembre 2016,
– 359,74 euros à titre des CP afférents,
– 11 562,66 euros à titre d’indemnité pour rupture abusive du contrat de travail,
– 3 854,22 euros à titre d’indemnité de préavis,
– 385,42 euros à titre des CP afférents,
– 2 184,06 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 500,00 euros à titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonne à Me [C] la délivrance à Mme [W] des bulletins de paie conformes au jugement sous astreinte de 50.00 euros par jour de retard à compter du 15 ème jour de la notification, le Conseil se réservant le droit de la purger,
– déboute Mme [W] du surplus de ses demandes.
– dit que les dépens seront inscrits en frais privilégiés de la procédure collective dont la société employeur fait l’objet.
Le jugement du conseil de prud’hommes de Draguignan a été notifié le 11 décembre 2017 par lettre recommandée avec accusé de réception à la société Ginko qui a interjeté appel par déclaration du 22 décembre 2017 .
Par déclaration du 2 janvier 2018, l’association CGEA-AGS de [Localité 5] a interjeté appel.
Les procédures ont été jointes par ordonnance de jonction du 25 mai 2018.
La société Ginko a été placée en liquidation judiciaire sur résolution du plan de sauvegarde suivant jugement en date du 5 février 2019 du tribunal de commerce de Draguignan. Maître [H] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Une ordonnance d’interruption de l’instance est intervenue le 21 mai 2021, le mandataire liquidateur n’ayant pas été appelé dans la cause.
Maître [H], ès qualités de mandataire liquidateur, a fait l’objet à la requête de Mme [W], d’une assignation à comparaître en date du 21 juillet 2021 devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 avril 2022 et l’affaire a été appelée pour plaidoirie à l’audience du 3 mai 2022 de la Cour en sa formation collégiale.
Maître [Y] [H], ès qualités, suivant conclusions notifiées par RPVA le 25 août 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande’de’:
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Draguignan le 7 décembre 2017’dans l’intégralité de ses dispositions ;
– rejeter l’intégralité des demandes de Mme [W]’;
– condamner à Mme [W] à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile, et la condamner à payer les entiers dépens’;
A titre subsidiaire,
– dire et juger que l’AGS devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L3253-6 à 8 du code du travail.
Maître [Y] [H], ès qualités, énonce qu’il convient de constater les manquements de Mme [W] caractérisant son intention de nuire. Il expose que Mme [W] n’a pas respecté son obligation d’exécution du contrat de travail de bonne foi, comme stipulé par l’article L 1221-1 du code du travail. Il explique que les conditions d’un licenciement pour faute lourde sont parfaitement réunies. Il fait état de délits sur le plan pénal commis par Mme [W] dont la société a été victime, notamment des vols, ayant entraîné une plainte adressée par l’employeur au procureur de la République le 23 juillet 2016′; il se réfère à un courrier anonyme que Mme [W] a adressé au procureur de la République faisant office de dénonciation calomnieuse, contenant des informations que seule une personne ayant eu accès à la comptabilité et au bureau du «’Prisent’» pouvait connaître. Il soutient que Mme [W], de par sa pathologie, a fait croître en elle un sentiment de colère et de jalousie vis-à-vis de son employeur, alors que ce dernier a tout fait pour favoriser l’épanouissement personnel et professionnel de sa salariée.
Mme [W], suivant conclusions notifiées par RPVA le 4 mai 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande’de’:
A titre principal,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Draguignan le 7 décembre 2017′ en ce qu’il a’:
– dit que le présent jugement est opposable au CGEA/AGS DE [Localité 5],
– fixé sa créance à l’encontre de Me [C] ès qualités de liquidateur de la SAS Ginko aux sommes suivantes’:
– 3 597,44 euros à titre des salaires du 15 août au 8 septembre 2016,’
– 359,74 euros à titre des congés payés afférents,
– 11 562,66 euros à titre d’indemnité pour rupture abusive du contrat de travail,
– 3 854,22 euros à titre d’indemnité de préavis,
– 385,42 euros à titre des congés payés afférents,
– 2 184,06 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 500,00 euros à titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– ordonné à Me [C] la délivrance à son profit des bulletins de paie conformes au jugement sous astreinte de 50.00 euros par jour de retard à compter du 15 ème jour de la notification, le Conseil se réservant le droit de la purger.
Y ajoutant,
– condamner l’employeur à lui verser la somme de 1134,00 euros en répression de ce manquement de l’employeur’;
– condamner l’employeur à lui verser la somme de 1400,80 euros au titre des congés payés résiduels pour 31,5 jours’;
– condamner l’employeur à lui verser la somme de 10 000 euros en paiement d’une indemnité pour harcèlement moral sur le fondement de l’article L 1152-1 du code du travail ou subsidiairement pour défaut d’exécution loyale du contrat de travail’;
A titre subsidiaire,
– confirmer purement et simplement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Draguignan le 7 décembre 2017′;
– condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile’;
– statuer ce que de droit sur les dépens en cause d’appel distraits au profit de la SELARLM KERKERIAN & Associés.
Mme [W] fait état d’une dégradation de ses conditions de travail et de relations de travail houleuses à compter de mars 2015, suite à l’arrivée d’un nouveau conseiller financier. Elle énonce avoir subi des modifications unilatérales de son contrat de travail les 25 avril et 25 novembre 2015, refusant la dernière modification par courrier du 8 décembre 2015. Mme [W] expose avoir été victime d’une dépression en raison de l’attitude de son employeur, étant placée en arrêt maladie par son médecin traitant. Elle explique avoir dû saisir le conseil de prud’hommes de Draguignan afin de voir son employeur condamner à lui reverser les indemnités journalières à compter du 8 décembre 2015 dont il avait obtenu la subrogation auprès de la caisse primaire d’assurance maladie, l’employeur étant condamné par ordonnance de référé du 25 mars 2016, mais n’exécutant pas la décision.
Mme [W] conteste la faute lourde exposant qu’à ce titre, le licenciement n’est pas motivé. Elle expose que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement ne sont ni précis ni circonstanciés, et qu’en outre il lui est reproché des éléments déjà évoqués dans le cadre de l’avertissement du 14 septembre 2015. Elle précise qu’elle avait rendu les clés des locaux dès son placement en arrêt maladie le 8 décembre 2015, qu’elle n’avait donc plus accès à l’entreprise, et qu’elle ne pouvait avoir commis les vols de documents internes en septembre 2016 comme cela lui a été reproché. Mme [W] demande ainsi la confirmation du jugement du conseil des prud’hommes, étayant afin qu’ils soient confirmés le quantum de chacune des sommes allouées par la juridiction de premier degré.
S’agissant de sa demande de voir l’employeur condamner à lui payer la somme de 1134 euros, Mme [W] précise n’avoir jamais bénéficié du droit individuel à la formation comme prévu par l’article L 6323-1 du code du travail et que l’employeur ne l’a jamais informé du quota d’heures disponibles à ce titre, en méconnaissance des dispositions de l’article L 6323-7 du code du travail’; elle sollicite par conséquent la condamnation de l’employeur en raison de ces manquements.
Mme [W] énonce avoir été victime d’un harcèlement moral au sein de la SAS Ginko, l’employeur n’ayant pas respecté l’obligation de sécurité prévue par l’article L4121-1 du code du travail. Elle fonde le harcèlement moral sur les conditions de travail qui lui ont été imposées, cumulées aux brimades et autres manoeuvres de son employeur, le tout ayant conduit à la dégradation de son état de santé puis à une dépression. A titre subsidiaire, sur le fondement de l’article L 1222-1 du code du travail, elle énonce que l’employeur a failli à son obligation d’exécution du contrat de bonne foi.
S’agissant de la garantie des AGS, elle expose qu’un plan de sauvegarde a été adopté le 29 novembre 2016 et que les AGS sont mobilisables pour la période allant jusqu’au licenciement.
L’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5], suivant conclusions notifiées par RPVA le 30 août 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande’de’:
En toute hypothèse,
– exclure de la garantie de l’AGS les sommes éventuellement allouées au titre de l’astreinte et de l’article 700 du code de procédure civile’;
A titre principal,
– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Draguignan le 7 décembre 2017’en ce qu’il a alloué à Mme [W] les sommes suivantes’:
– 3 597,44 euros à titre des salaires du 15 août au 8 septembre 2016,’
– 359,74 euros à titre des congés payés afférents,
– 11 562,66 euros à titre d’indemnité pour rupture abusive du contrat de travail,
– 3 854,22 euros à titre d’indemnité de préavis,
– 385,42 euros à titre des congés payés afférents,
– 2 184,06 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– dire et juger fondé sur une faute grave ou lourde le licenciement de Mme [W]’;
– débouter Mme [W] de l’ensemble de ses demandes’;
– condamner Mme [W] aux frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens’;
Subsidiairement,
– débouter Mme [W] de sa demande de licenciement nul pour harcèlement moral, de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral’;
– réduire les sommes alloués à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, indemnité légale de licenciement’;
‘- débouter Mme [W] de ses demandes au titre des congés payés résiduels et de dommages et intérêts au titre du DIF’;
– condamner qui il appartiendra aux frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens’;
Infiniment subsidiairement,
– débouter ou réduire la somme allouée à Mme [W] à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral’en l’absence de justificatif d’un préjudice distinct’;
– réduire les sommes allouées à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, indemnité légale de licenciement’;
‘- débouter Mme [W] de ses demandes au titre des congés payés résiduels et de dommages et intérêts au titre du DIF’;
– condamner qui il appartiendra aux frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens.
Sur le fond, l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5] expose que la faute lourde est fondée au vu de la plainte pénale de l’employeur et développe les mêmes moyens que Maître [Y] [H], ès qualités.
Elle ajoute qu’aucune preuve n’est rapportée par Mme [W] quant au harcèlement moral.
MOTIVATION
Sur le licenciement
Mme [W] a été licenciée, par lettre recommandée avec accusé de réception, le 4 septembre 2016 pour faute lourde.
Il est de principe que la faute lourde est celle commise par le salarié dans le but de nuire à son employeur ou à l’entreprise.
La lettre de licenciement est motivée par le fait que Mme [W] aux mois de novembre et décembre 2015, puis en juin et juillet 2016, a détourné et volé au préjudice de la société Ginko des documents professionnels et des données informatiques. Il est reproché à la salariée, sur la même période, d’avoir cassé son PC informatique et verrouillé son code d’accès, le rendant inutilisable, d’avoir détourné la caisse confiée et dissimulé ses justificatifs, d’avoir volé et détourné des documents personnels appartenant au dirigeant, au directeur de division et à deux assistantes, dans leurs sacoches personnelles. Il est énoncé que Mme [W] s’est rendue, sur la même période, coupable de diffamation envers la société Ginko, son directeur financier, son directeur de division, son dirigeant, et deux assistantes. En juillet 2016, Mme [W] se serait rendue également coupable de dénonciation calomnieuse, de tentative d’extorsion de fonds et de menaces envers le directeur financier et le dirigeant, déclarant’:’«’Vous allez payer cher, sinon!!’».
Dans la lettre, il est précisé que ces faits démontrent l’intention de nuire de la salariée et ont engendré de graves problèmes pour la société, à savoir’:
«’- impossibilité et fortes difficultés à clore certaines écritures comptables et sociales et à retracer certains dossiers comptables ou administratifs,
– impossibilité de retracer et justifier certaines sorties de caisse et leurs justificatifs,
– nuisance de l’image de marque de la société et des collaborateurs en externe, et une méfiance momentanée des collaborateurs entre eux,
– fort ralentissement du service comptable et de son efficacité,
– frais importants de la société pour faire face à ses problèmes’: embauche de cdd ou prestations externes notamment.’»
La Cour constate que les faits reprochés à Mme [W] manquent pour la plupart de précisions, notamment quant au détail des objets qui auraient été volés ou détournés, ainsi qu’à la teneur de la diffamation, de la dénonciation calomnieuse, de la tentative d’extorsion de fonds et des menaces. Le seul fait d’avoir prononcé «’Vous allez payer cher, sinon!!’» n’apparaissant pas suffisamment pertinent. Les griefs pareillement sont datés de façon vague.
Pour étayer ces accusations, l’employeur se réfère à seulement deux documents. En premier lieu, il présente une plainte de la société Ginko auprès du procureur de la République de Draguignan en date du 23 juillet 2016′; les faits dénoncés ne sont pas beaucoup plus étayés que dans la lettre de licenciement, notamment s’agissant des vols. De plus, aucune enquête de police ou décision de justice n’est venue confirmer les termes de la plainte. Ainsi, à la date du licenciement les griefs n’étaient pas prouvés.
Il est en second lieu fait état d’un courrier anonyme en date du 10 juillet 2016 au procureur de la République de Draguignan par lequel l’auteur dénonce des malversations en termes de gestion imputable à la société Ginko. Maître [Y] [H], ès qualités, expose que ce courrier provient de Mme [W] car il contient des informations que seule une personne ayant eu accès à la comptabilité et au bureau du «’Prisent’» (sans doute le président) pouvait connaître. En la matière, aucune preuve n’est rapportée, Maître [Y] [H], ès qualités, se contentant de procéder par allégations.
La Cour constate ainsi que les multiples griefs ayant conduit à un licenciement pour faute lourde ne sont étayés par absolument aucune pièce probante. Sur les conséquences au détriment de la société Ginko des agissements de Mme [W], Maître [Y] [H], ès qualités, ne verse également aux débats aucune pièce.
La lettre de licenciement, motivée par des termes vagues et imprécis, ne repose donc sur aucune preuve. Ainsi, il convient de constater que le licenciement pour faute lourde n’est pas fondé et doit s’analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les condamnations pécuniaires de la société Ginko prononcées par le conseil de prud’hommes de Draguignan
Le conseil de prud’hommes a alloué à Mme [W] la somme de 11 562,66 euros à titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Compte tenu de son ancienneté dans l’entreprise et de sa rémunération, le premier juge a fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme [W] en raison de la rupture de son contrat de travail. Le jugement déféré sera en conséquence confirmé.
Sur l’indemnité légale de licenciement
L’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5] conteste la somme de 2 184,06 euros, exposant que Mme [W] ne détaille pas son calcul et que la période de suspension du contrat de travail pour maladie doit être déduite de l’ancienneté. L’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5], qui ne conteste pas à titre subsidiaire le principe de l’allocation de l’indemnité légale de licenciement, ne se donne pas la peine de préciser qu’elle doit en être son montant.
Au vu des conclusions et des pièces produites par Mme [W] devant le conseil de prud’hommes, il ressort qu’elle a été recrutée le 28 janvier 2011 et licenciée le 4 septembre 2016, soit une ancienneté de 5 ans et 7 mois. Elle a été en arrêt maladie du 8 décembre 2015 au 13 juillet 2016, soit pendant 7 mois. Son ancienneté est donc de 5 ans.
L’article R 1234-2 code du travail’énonce que l’indemnité ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans. Au vu de l’attestation Pôle emploi, sur la base d’un salaire de 1895,43 euros, Mme [W] peut prétendre à la somme de 2 369,28 euros. La somme de 2 184,06 euros allouée par le conseil de prud’hommes, dont Mme [W] demande la confirmation, sera par conséquent maintenue.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents
L’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5] conteste l’indemnité au visa de l’attestation de l’employeur, qu’elle ne produit pas, énonçant que le salaire de référence le plus favorable au salarié sur les trois derniers mois s’élève à la somme de 1 896,78 euros et qu’ainsi l’indemnité ne pourra excéder la somme de 3 793,57 euros, outre congés payés afférents. Il s’avère que sur l’attestation Pôle emploi qui se trouve dans les pièces produites par Mme [W] devant le conseil de prud’hommes, le salaire le plus favorable est de 1927,11 euros. Mme [W] peut donc prétendre à une indemnité de 3 854,22 euros qui correspond à celle retenue par le conseil de prud’hommes, somme qui sera donc confirmée.
Sur la demande de Mme [W] «’en répression de ce manquement de l’employeur’» selon les termes du dispositif des conclusions
Mme [W] réclame la somme de 1134,00 euros, exposant que la société Ginko ne lui a pas fait bénéficier du droit individuel à la formation comme prévu par l’article L 6323-1 du code du travail, ni ne l’a jamais informée du quota d’heures disponibles. Mme [W] ne précise pas sur quelle pièce elle s’appuie afin d’étayer sa demande ni ne justifie le quantum réclamé pour un montant de 1134,00 euros. Mme [W] sera ainsi déboutée de sa demande.
Sur la demande de Mme [W] au titre des congés payés résiduels pour 31,5 jours’
Mme [W] réclame la somme de 1400,80 euros. La demande n’est pas soutenue dans le cadre de la partie discussion des conclusions de son conseil’; elle ne sera par conséquent pas examinée.
Sur la demande Mme [W] en paiement d’une indemnité pour harcèlement moral sur le fondement de l’article L 1152-1 du code du travail ou subsidiairement pour défaut d’exécution loyale du contrat de travail
Mme [W] réclame la somme de 10 000 euros. Elle se contente de faire état, de manière sommaire et sans précision aucune, des conditions de travail qui lui ont été imposées, cumulées aux brimades et autres man’uvres de son employeur, de la dégradation de son état de santé et de sa dépression. A titre subsidiaire, sur le fondement de l’article L 1222-1 du code du travail, elle énonce que l’employeur a failli à son obligation d’exécution du contrat de bonne foi. Elle ne précise pas qu’elles sont les pièces sur lesquelles elle s’appuie aux fins d’étayer ses prétentions qui auraient permis à la Cour d’apprécier les demandes, sur le fondement des articles L 1154-1 et L 1222-1 du code du travail, au vu des documents versés devant le Conseil de prud’hommes. La Cour considère que la demande d’indemnité n’est pas sérieuse’; Mme [W] sera déboutée.
Sur les demandes accessoires
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie supportera la charge des dépens qu’elle a engagés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, Statuant publiquement et par jugement contradictoire,’après en avoir délibéré conformément à la loi,
DIT Maître [Y] [H], ès qualités, et l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 5] recevables en leur appel’;
CONFIRME le jugement rendu le 7 décembre 2017 par le conseil de prud’hommes de Draguignan ;
DIT n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’;
DIT que chaque partie supportera la charge des dépens qu’elle a engagés.
Le GreffierLe Président