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28 septembre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/00072
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/00072
N° Portalis DBV3-V-B7F-UH2K
AFFAIRE :
[P] [V]
C/
SELARL BAYET ET ASSOCIES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 décembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes Formation de départage de SAINT GERMAIN EN LAYE
Section : AD
N° RG : F 17/00200
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Dan GRIGUER
Me Thomas ANDRE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [P] [V]
née le 5 avril 1989 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Dan GRIGUER de la SELEURL DAN GRIGUER, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0005, substitué à l’audience par Me Eugénie TRAPP, avocat au barreau de Paris
APPELANTE
****************
SELARL BAYET ET ASSOCIES
N° SIRET: 383 979 275
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Thomas ANDRE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0920, substitué à l’audience par Me Laure VAYSSADE, avocat au barreau de Paris
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Par jugement du 8 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye en sa formation de départage (section activités diverses) a :
– dit que le licenciement de Mme [P] [V] est fondé sur une faute grave,
– débouté Mme [V] de l’ensemble de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les parties conserveront la charge des dépens par elles avancés,
– dit que l’exécution provisoire est sans objet.
Par déclaration adressée au greffe le 7 janvier 2021, Mme [V] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 5 avril 2022.
Par dernières conclusions remises au greffe le 28 juin 2021, Mme [V] demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel et ses fins, conclusions et prétentions,
y faisant droit,
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
et, statuant à nouveau,
– dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison de l’absence de faute grave de celle-ci,
en conséquence,
– condamner la société Bayet & Associés à lui payer la somme de 19 602,10 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Bayet & Associés à lui payer la somme de 2 479,47 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– condamner la société Bayet & Associés à lui payer la somme de 25 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,
– condamner la société Bayet & Associés à lui payer la somme de 1 483,23 euros correspondant à ses jours de mise à pied,
– condamner la société Bayet & Associés à lui payer la somme de 1 900 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– condamner la société Bayet & Associés à lui payer la somme de 190 euros au titre des congés payés sur préavis,
– condamner la société Bayet & Associés à payer la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Bayet & Associés aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe le 7 avril 2021, la société Bayet & Associés demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par la formation de départage du conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye en toutes ses dispositions,
ce faisant,
– débouter Mme [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
y ajoutant,
– condamner Mme [V] à lui verser la somme de 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– condamner Mme [V] aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Thomas André, avocat aux offres de droit, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA COUR,
La société Bayet & Associés est un cabinet d’avocats pluridisciplinaire. Elle a engagé Mme [P] [V] en qualité d’assistante juridique, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 28 janvier 2013.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective du personnel salarié des cabinets d’avocats.
Mme [V] a reçu un avertissement le 16 janvier 2014 pour refus d’exécuter certaines tâches ; avertissement contesté par la salariée par courrier du 3 février 2014.
Alors que la question d’une augmentation du salaire de Mme [V] était en discussion entre les parties ‘ à la demande de la salariée ‘ depuis janvier 2014, la société Bayet & Associés a élevé son salaire de 100 euros brut par mois à compter de mai 2014.
Courant juin 2014, la salariée sollicitait une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Le processus de négociation était engagé mais achoppait, les parties ne s’accordant pas sur le montant de l’indemnité de rupture.
Par lettre du 2 juillet 2014, Mme [V] était convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 9 juillet 2014, avec mise à pied conservatoire.
Le 3 juillet 2014, Mme [V] se rendait sur son lieu de travail. Son supérieur, M. [K], lui faisait part de la mesure de mise à pied conservatoire et l’invitait à quitter son lieu de travail. Face au refus de Mme [V], M. [K] l’expulsait de force.
Ce fait donnait lieu à la déclaration d’un accident du travail ainsi qu’à une procédure pénale. Aussi, l’entretien préalable était reporté au 16 juillet 2014.
Mme [V] était licenciée par lettre du 24 juillet 2014 pour faute grave dans les termes suivants :
« Malgré vos explications, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave aux motifs suivants :
1 – le 1er juillet 2014, vous êtes venu me voir pour me demander de mettre en place une rupture conventionnelle.
Dans le cadre de nos discussions, je vous ai indiqué le montant brut de l’indemnité spécifique qui vous serait versée. Vous m’avez alors précisé vouloir une indemnité égale à 6 mois de salaire. Lorsque je vous ai indiqué que cela représentait une somme de 13.000 € que nous n’envisagions pas de vous verser, vous m’avez alors indiqué les mériter dans la mesure où selon vous les tâches qui vous étaient demandées ne s’intégraient pas dans vos fonctions.
Je vous ai invité à relire votre contrat de travail pour vérifier que ces tâches s’intégraient bien dans vos fonctions d’assistante.
Vous m’avez précisé rester sur votre position et qu’en cas de refus de notre part vous iriez saisir le Conseil de Prud’hommes et l’inspection du travail.
Le 2 juillet 2014 aux environs de 16 heures, mon associé [N] [K] est venu vous demander d’établir des factures pour ses clients. Il en a profité pour vous confirmer que nous refusions de vous verser une indemnité spécifique égale à 6 mois de salaire pour une rupture conventionnelle dont vous preniez l’initiative.
Vous avez alors refusé de faire lesdites factures et lui avez indiqué, s’il maintenait son refus que vous « alliez foutre le bordel dans les dossiers de nos clients et saisir les différentes autorités précitées ».
Lors de l’entretien préalable vous n’avez contesté que les propos afférents à vos intentions sur les dossiers de nos clients.
Concernant votre refus d’établir les factures, vous m’avez indiqué lors de l’entretien préalable que cette tâche ne vous incombait pas, justifiant ainsi votre refus.
Lorsque je vous ai répondu que vous aviez bénéficié d’une formation sur ce logiciel afin de pouvoir les faire en l’absence de l’assistante en charge de cette tâche, ce qui était le cas le 2 juillet dernier, vous avez reconnu l’avoir effectivement déjà fait durant ses absences mais considéré que votre refus se justifiait par l’heure à laquelle cela vous était demandé. Ce nouvel argument sans lien avec le précédent a ceci d’étonnant que mon associé souhaitait qu’elle soit faite dans la semaine.
2 – refus d’obtempérer à une mise à pied
En raison de vos menaces sur le traitement des dossiers de nos clients, nous vous avons adressé une convocation à un entretien préalable avec une mise à pied conservatoire le 2 juillet 2014.
Vous vous êtes présenté le 3 juillet à votre poste.
[N] [K] vous a informé de cette convocation et de cette mise à pied. Dans la mesure où vous lui avez indiqué ne pas encore avoir reçu la convocation, il vous a remis un exemplaire en main propre. Vous avez à la fois refusé de la prendre mais également d’obtempérer à cette mise à pied.
Il vous l’a ensuite adressé par courriel mais vous avez refusé de la prendre en considération et de quitter votre poste.
Lorsque je vous ai demandé la raison de votre refus sachant que du fait de cette mise à pied, vous pouviez quitter votre poste sans craindre de vous mettre en tort, vous m’avez indiqué ne pas savoir ce que l’expression mise à pied voulait dire.
Bien que cet argument paraisse étonnant, mon associé vous a expliqué que vous faisiez l’objet d’une convocation à un entretien préalable avec mise à pied et il vous a demandé de retourner chez vous dans l’attente de l’entretien.
Vous avez maintenu votre refus en vous mettant à crier dans tout le cabinet l’obligeant à vous raccompagner dehors en vous prenant par le bras.
Vous avez demandé à l’une de vos collègues de vous accompagner au commissariat car vous ne vous sentiez pas en mesure de vous y rendre seule.
3 ‘ Vous avez déposé une plainte et demandé au policier qui a reçu votre plainte de l’écouter en qualité de témoin. Vous avez indiqué dans votre plainte et confirmé par un courrier à mon intention avec copie à la médecine du travail et à l’inspection du travail que Monsieur [K] aurait levé la main sur vous et vous aurait attrapé par les cheveux.
Il se trouve que votre témoin a précisé ne pas avoir vu Monsieur [K] avoir un tel comportement mais vous avoir simplement pris par le bras devant la porte du cabinet pour vous inciter à partir.
Ce témoignage a été confirmé par le stagiaire, Monsieur [T] [J].
Dès lors que la version de deux personnes correspond aux déclarations de Monsieur [K] lors de son audition, je considère que la publicité donnée auprès de la force public, l’inspection du travail dont nous dépendons et de notre centre de médecine du travail, de fait pour justifier d’une prétendue agression s’analyse comme de la dénonciation calomnieuse.
Lors de l’entretien préalable vous avez maintenu vos accusations prétendant que mon associé souhaitait vous voir quitter le cabinet.
Je vous ai rappelé que nous étions satisfaits de la qualité de votre travail et n’avions aucune raison de nous séparer de vous à tel point que vous veniez d’être spontanément augmenté de 100 euros brut mensuel à effet du mois de mai.
Il est vrai que dans votre courrier reçu le 16 juillet dernier, vous prétendez que cette augmentation faisait suite au départ de deux de vos collègues.
Or l’augmentation faisait suite à la qualité de votre travail et à l’amélioration de votre comportement et était sans lien avec ces départs, sachant que de nouvelles assistantes étaient recrutées.
Nous considérons votre comportement comme fautif et nous voyons contraints de vous licencier pour faute grave.
En effet, votre comportement ne nous permet pas de vous maintenir dans l’entreprise sachant que vous aviez déjà fait l’objet d’un avertissement pour insubordination le 17 janvier dernier après que nous ayons refusé d’accéder à votre demande d’augmentation de 500 euros mensuel brut, soit près de 25% de votre salaire.
Votre licenciement privatif de préavis et d’indemnité de licenciement prendra effet à compter de la première présentation de la présente. (…) »
Mme [V] a saisi une première fois le conseil de prud’hommes de Paris le 14 août 2014, contre le « Cabinet BAYET ET ASSOCIES ‘ [K] [N] » aux fins de contester la régularité de son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Le conseil de prud’hommes a déclaré les demandes irrecevables.
Mme [V] a saisi une seconde fois le conseil de prud’hommes de Paris le 4 novembre 2015 contre « la SELARL Bayet & Associés ».
Par un jugement avant dire droit en date du 16 septembre 2016, le conseil de prud’hommes de Paris a rejeté la demande soulevée par la société Bayet & Associés tendant à l’application de l’article 47 du code de procédure civile et a ordonné un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte pénale.
Par arrêt du 8 juin 2017, la cour d’appel de Paris infirmait le jugement déféré et renvoyait l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye en application de l’article 47 du code de procédure civile.
Le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye ordonnait un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte pénale.
L’audience correctionnelle se tenait le 7 juillet 2019 et le 3 septembre 2019, le tribunal correctionnel, par un jugement désormais définitif, déclarait M. [K] coupable des faits de violences suivies d’incapacité supérieure à 8 jours sur la personne de Mme [V] et le condamnait à une amende de 1 000 euros.
L’affaire était renvoyée sur les intérêts civils. Une audience initialement fixée à la date du 5 mai 2020 a fait l’objet d’un renvoi. L’affaire n’a toujours pas été ré-audiencée.
SUR CE,
Sur la rupture :
La salariée conteste les griefs qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement exposant en substance :
. qu’il ne peut lui être reproché d’avoir sollicité une rupture conventionnelle ;
. qu’elle a effectivement refusé d’effectuer, dans l’immédiat, une tâche (établir des factures) qui lui était demandée, mais que cette tâche ne lui incombait normalement pas ; que d’ailleurs, son supérieur lui avait imparti un temps pour la réaliser (« dans la semaine ») et que dès lors que ce temps ne s’était pas écoulé, ce grief ne peut être retenu ;
. qu’elle conteste avoir menacé la société de « foutre le bordel dans les dossiers » ;
. que lorsqu’elle s’est présentée sur son lieu de travail le 3 juillet 2014, elle n’avait pas encore reçu notification de sa mise à pied ; qu’elle conteste avoir été informée de cette mise à pied et qu’en tout état de cause, elle n’avait pas compris les implications de cette mesure qu’elle ne connaissait pas ; qu’en tout état de cause, les conséquences de son refus d’obtempérer sont inacceptables ;
. que son licenciement ne peut être motivé par la plainte pénale qu’elle a déposée ; plainte qui s’est soldée par une condamnation de l’employeur.
Pour sa part, l’employeur tient pour établis les griefs qu’il impute à la salariée exposant en substance :
. qu’il n’a pas reproché à la salariée d’avoir sollicité une rupture conventionnelle, mais l’a rappelé à titre d’élément contextuel ;
. que le refus de la salariée d’effectuer un travail est caractérisé d’autant que ce travail faisait partie de ses attributions et qu’elle en avait les qualifications et avait d’ailleurs été formée pour le faire ;
. que le fait, pour la salariée, de l’avoir menacé de « foutre le bordel dans les dossiers » est établi, de même qu’est établi le fait, pour elle, d’avoir refusé d’obtempérer à la mise à pied dont elle avait pourtant été avisée ; que les violences imputées à Me [K] sont la conséquence de la véhémence et de la violence de la salariée elle-même ;
. qu’il n’est pas reproché à la salariée d’avoir déposé plainte, mais d’avoir donné à sa dénonciation une publicité inadéquate auprès de l’inspection du travail et de la médecine du travail.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l’employeur et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.
En l’espèce, la salariée ne conteste pas qu’à l’occasion de son dépôt de plainte elle indiquait aux services enquêteurs que son supérieur hiérarchique, M. [K], lui avait demandé de « faire des factures » et que la salariée lui a alors précisé « qu’il pouvait attendre lundi l’arrivée de la remplaçante. Il a refusé et une altercation a eu lieu ». Il se déduit des débats que ce fait s’est produit le mercredi 2 juillet 2014. Ce fait accrédite la version de l’employeur qui invoque une insubordination caractérisée par un refus de la salariée de faire des factures ainsi que cela lui était demandé.
Il ressort des motifs du jugement correctionnel du 3 septembre 2019 que le 2 juillet 2014, la salariée avait menacé M. [K] de « foutre le bordel » dans le cabinet ce qui, là encore, accrédite la version de l’employeur quant à la réalité de ce fait.
Un débat oppose les parties sur la question de savoir s’il entrait dans les attributions de la salariée de « faire des factures ». Sur cette question, il convient de relever que la salariée a été engagée par un cabinet d’avocat en qualité d’assistante juridique niveau III échelon 1 coefficient 270 (pièce 1 S). En cette qualité, la salariée était amenée à effectuer diverses tâches comme par exemple « assurer le suivi de la trésorerie ainsi que le règlement des charges sociales et des impôts du cabinet, les règlements des fournisseurs et le contact avec lesdits fournisseurs », donc des tâches à vocation administrative et comptable, avec cette précision que le contrat précisait qu’en « fonction des besoins de service, [la salariée pourrait] être amenée à effectuer toute tâche relevant de sa qualification (‘) ». Au rang des qualifications de la salariée, la cour observe qu’elle était titulaire d’un baccalauréat général économique et social ainsi que d’un BTS « comptabilité gestion et organisation » (pièce 4 E ‘ CV de la salariée arrêté à 2012). En outre, ainsi que l’a relevé à juste titre le premier juge, la salariée ne conteste pas avoir reçu une formation sur le logiciel de facturation et avoir déjà effectué des tâches de facturation pour les clients du cabinet.
Ces éléments sont suffisants pour considérer qu’il entrait bien dans les attributions de la salariée de réaliser des factures si, comme c’est ici le cas, cela lui était demandé par son employeur.
A ce stade, la cour a matière à considérer :
. que la facturation relevait des attributions de la salariée,
. qu’il lui a été demandé par son supérieur hiérarchique le 2 juillet 2014 de faire de la facturation,
. que la salariée a refusé de le faire ce qui a provoqué une altercation ‘ toujours le 2 juillet 2014 ‘ entre la salariée et son supérieur et qu’à l’occasion de cette altercation, la salariée l’a menacé de « foutre le bordel » dans les dossiers du cabinet.
A la date du 2 juillet 2014, l’insubordination de la salariée est caractérisée. Aussi se trouvent caractérisées les menaces proférées par la salariée, même si le tribunal correctionnel a estimé que le 3 juillet 2014, la salariée n’avait pas manifesté la volonté de les mettre à exécution.
Il convient d’ajouter que la salariée avait fait l’objet d’un avertissement le 16 janvier 2014 pour refus d’exécuter certaines tâches (pièce 1E) ; avertissement certes contesté par la salariée par courrier du 3 février 2014 motif pris de ce que les tâches qui lui étaient confiées n’entraient pas dans ses attributions car elle n’était pas comptable. Mais ainsi qu’il a été jugé, la facturation des clients entrait bien dans ses attributions.
A la suite du refus de la salariée et des menaces qu’elle avait proférées, la société adressait à la salariée par courrier recommandé du 2 juillet 2014, une convocation à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 9 juillet 2014, avec mise à pied conservatoire. Le courrier en question n’a été reçu par la salariée que le 5 juillet 2014 comme le montre l’avis de réception (pièce 7 E) de sorte qu’il est concevable que le 3 juillet 2014, elle se soit présentée sur son lieu de travail. Toutefois, lorsqu’elle s’est présentée, la salariée a été verbalement avisée de ce qu’elle avait été mise à pied. N’ayant pas la nature d’une sanction, bien qu’elle en constitue généralement le préalable, la mise à pied conservatoire n’a pas à être notifiée selon les règles du droit disciplinaire ni à être précédée de la formalité de l’entretien préalable. Elle peut donc en pratique être donnée verbalement. Dès lors, la salariée, avisée verbalement le 3 juillet de sa mise à pied, devait quitter son lieu de travail. Le fait, pour elle, de s’y maintenir constitue une faute.
En définitive et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs, ceux précédemment examinés et démontrés rendaient impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la faute grave et a débouté la salariée de ses demandes indemnitaires en lien avec un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande de rappel de salaire sur mise à pied.
Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire :
La salariée se fonde sur le fait que son supérieur hiérarchique l’a, le 3 juillet 2014, violemment saisie et expulsée du cabinet et sur les pièces médicales qu’elle produit. Elle ajoute que depuis son départ de la société, l’employeur n’a cessé de nuire à sa recherche d’emploi en la dénigrant auprès de potentiels employeurs de sorte qu’elle s’est exposée à de nombreux refus.
Pour sa part, l’employeur expose que la salariée ne justifie pas de ce que son comportement serait à l’origine des nombreux refus qu’elle allègue. L’employeur ajoute qu’un sollicitant une indemnité pour licenciement vexatoire, elle sollicite en fait l’indemnisation des violences commises et du retentissement psychologique de celles-ci ; qu’or, elle a déjà saisi la juridiction répressive de telles demandes. L’employeur soutient que la salariée confond le caractère vexatoire du licenciement et l’indemnisation liée à un éventuel manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et invoque enfin le propre comportement de la salariée qui a, elle aussi, fait preuve de violence à l’égard de M. [K].
En l’espèce, si le comportement fautif de la salariée a été retenu comme justifiant une faute grave et si effectivement la salariée aurait dû quitter son lieu de travail aussitôt qu’elle a été verbalement informée de sa mise à pied, il demeure que les circonstances dans lesquelles elle a été violemment expulsée de son lieu de travail le 3 juillet 2014 caractérisent le caractère vexatoire du licenciement, sinon dans son principe, tout au moins dans sa mise en ‘uvre pratique. Ce d’autant qu’interrogé par le tribunal correctionnel, M. [K] ‘ qui a été condamné pour les violences commises au préjudice de la salariée ‘ est convenu de ce qu’il aurait pu faire autrement (pièce 6 E).
Il en est résulté, pour la salariée, un préjudice qui sera justement réparé par une indemnité de 2 000 euros, somme au paiement de laquelle, infirmant le jugement, l’employeur sera condamné. Il convient à cet égard de préciser que cette condamnation ne répare que le caractère vexatoire des modalités du licenciement de la salariée et ne préjuge en rien des réparations qui pourraient par ailleurs lui être allouées au titre de ses autres préjudices, ceux-là devant être examinés par le tribunal correctionnel appelé à statuer sur intérêts civils.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant, l’employeur sera condamné aux dépens.
Il conviendra de condamner l’employeur à payer à la salariée une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
INFIRME partiellement le jugement,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Bayet & Associés à payer à Mme [V] une indemnité de 2 000 euros en réparation des circonstances vexatoires de son licenciement,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société Bayet & Associés à payer à Mme [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et en cause d’appel,
CONDAMNE la société Bayet & Associés aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Madame Dorothée MARCINEK, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente