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27 octobre 2022
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/04483
N° RG 20/04483
N° Portalis DBVX – V – B7E – NDGW
Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
Au fond du 11 juin 2020
RG : 18/01177
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 27 Octobre 2022
APPELANT :
M. [G] [E]
né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 12] (COTES D’ARMOR)
[Adresse 11]
[Localité 5]
représenté par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1102
et pour avocat plaidant Maître Jean-Christophe BASSON-LARBI, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
M. [Z] [S]
né le [Date naissance 6] 1978 à [Localité 13] (REUNION)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Mme [Y] [D] épouse [S]
née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentés par Maître Jean-christophe BESSY, avocat au barreau de LYON, toque : 1575
S.A. QUATREM
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Maître Thomas BOUDIER, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 2634
et pour avocat plaidant Maître Catherine GRANIER, avocat au barreau de PARIS
******
Date de clôture de l’instruction : 14 Septembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Septembre 2022
Date de mise à disposition : 27 Octobre 2022
Audience tenue par Anne WYON, président, et Françoise CLEMENT, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l’audience, l’un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Anne WYON, président
– Françoise CLEMENT, conseiller
– Julien SEITZ, conseiller
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
Le 10 janvier 2014, M. [S], policier municipal dans l’exercice de ses fonctions, a été blessé au genou gauche au cours de l’interpellation de M. [E].
Une provision et une expertise ont été ordonnées par le juge des référés et l’expert a déposé son rapport le 2 novembre 2017.
Par actes des 13 et 19 novembre 2019, M. [S] a fait citer M. [E] et la société Quatrem, devant le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône qui par jugement du 11 juin 2020 a :
– déclaré M. [E] responsable des dommages causés à M. [S],
– condamné M. [E] à payer à M. [S] la somme de 77 013 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
– fixé la créance de la société Quatrem à l’égard de M. [E] à la somme de 23 190,10 euros,
– condamné M. [E] à payer à la société Quatrem la somme de 12 190,10 euros,
– condamné M. [E] à payer à Mme [S] la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné M. [E] à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné M. [E] à payer à la société Quatrem la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [E] aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Bessy,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Selon déclaration du 10 août 2020, M. [E] a formé appel à l’encontre de cette décision.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 5 mai 2021 par M. [E] qui conclut en substance à l’infirmation du jugement et demande à la cour, à titre principal et en tout état de cause, de débouter M. [S] de toutes ses demandes fins et prétentions y compris au titre de son appel incident, condamner ce dernier à le rembourser des sommes avancées avec intérêts capitalisés, à titre subsidiaire de rejeter les demandes formées par l’intimé dans le cadre de son appel incident et le condamner en tout état de cause aux dépens et au paiement d’une indemnité de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 5 février 2021 par M. et Mme [S] qui concluent à la confirmation du jugement susvisé en ce qu’il a déclaré M. [E] responsable des dommages causés à M. [S] et à sa réformation partielle s’agissant des postes de préjudice suivants qui seront fixés aux sommes de :
– frais divers : 2 047 euros,
– incidence professionnelle : 25 000 euros,
– préjudice sexuel : 20 000 euros,
avec confirmation des autres postes de préjudice, demandant à la cour de condamner M. [E] à payer à M. [S] la somme de 152 404,97 euros en indemnisation de son préjudice soit 149 404,97 euros après déduction de la provision, outre intérêts de droit à compter du 13 novembre 2018 avec capitalisation,
à la réformation du jugement s’agissant de la condamnation prononcée au profit de Mme [S] qui sera portée à la somme de 10 000 euros,
demandant encore à la cour de dire et juger irrecevable et infondée l’intégralité des demandes de M. [E] et l’en débouter et le condamner au paiement des sommes de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens distraits au profit de Me Bessy,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 9 février 2021 par la société Quatrem qui conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, à la condamnation de M. [E] au paiement à son profit de la somme de 23 190,10 euros qui s’imputera à hauteur de 17 107,10 euros sur le poste de PGPA et 6 083 euros sur le poste de dépenses de santé actuelles, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation, avec capitalisation, outre une indemnité de procédure de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance de clôture de la procédure en date du 14 septembre 2021.
Il sera référé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS ET DECISION
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
Si M. [E] invoque au fil de la partie « Discussion » de ses conclusions une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [S], il ne présente aux termes du dispositif de ces écritures, qui seul saisit la cour, aucune demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes présentées par ce dernier ; la cour n’a donc pas à statuer en la matière.
Dans la mesure où le dispositif de la décision frappée d’appel ne distingue pas les divers chefs de préjudice et condamne M. [E] au paiement d’une somme globale au titre de l’indemnisation des divers préjudices subis, aucune confirmation ou infirmation ne peut être prononcée au titre de chacun des postes de préjudice, seule la condamnation globale se trouvant susceptible de confirmation ou infirmation.
I. Sur la responsabilité de M. [E] :
M. [S] soutient que pour la première fois en cause d’appel, M. [E] conteste sa responsabilité alors même que tel n’était pas le cas devant le premier juge puisqu’il n’avait pas sollicité sa mise hors de cause mais s’était borné à contester le quantum des indemnités réclamées ; qu’il s’agit en cela d’une prétention nouvelle en cause d’appel, irrecevable au sens de l’article 566 du code de procédure civile.
M. [E] ne formule aucune observation sur cette fin de non-recevoir.
La contestation opposée par M. [E] en réponse à la demande de M. [S] tendant à voir retenir sa responsabilité ne constitue pas une prétention mais un moyen destiné à s’opposer à la demande ainsi présentée ; elle n’est donc pas susceptible d’être sanctionnée par une irrecevabilité laquelle n’est d’ailleurs nullement présentée aux termes du dispositif des écritures de l’intimé.
M. [E] soutient, « à titre principal », que le jugement frappé d’appel est dépourvu de motivation s’agissant de sa responsabilité ; il ajoute que M. [S], avisé de l’existence de la composition pénale, n’a pas entendu faire valoir son préjudice et qu’il ne pouvait donc plus saisir le juge civil, la procédure initiée se trouvant donc irrégulière.
Il prétend encore qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir sa responsabilité dans les dommages corporels subis par M. [S] avec lequel il n’a eu aucun contact ; il expose que ce dernier a profité de l’incident pour tenter de gagner de l’argent à bon compte et qu’il est passible d’une procédure pénale pour dénonciation calomnieuse ; il ajoute que les attestations qu’il produit au dossier permettent d’écarter toute responsabilité de sa part puisqu’il est établi qu’il n’a porté aucun coup au policier, situation confirmée encore par la production au débat du dossier de la procédure de composition pénale.
Il précise enfin que M. [S], jeune policier et rugbyman de haut niveau, a certainement été blessé dans ce cadre là.
M. [S] expose quant à lui qu’alors que la brigade de police effectuait une patrouille en renfort d’un contrôle d’identité mené par la police nationale, les policiers ont dû repousser M. [E], qui très excité et sentant fortement l’alcool, était venu à leur contact ; qu’il s’est alors trouvé dans l’obligation de l’interpeller et le menotter, après que ce dernier lui ait porté un violent coup au genou gauche ; il ajoute être resté au sol avec une vive douleur au genou gauche et avoir dû attendre plus d’un mois après que l’épanchement et l’inflammation de son genou disparaissent pour pouvoir pratiquer une IRM et des examens complémentaires ayant objectivé une entorse grave du genou et une rupture complète du ligament croisé antérieur, considérées par le chirurgien comme se trouvant en lien de causalité à 100 % avec les événements du 10 janvier 2014.
M. [S] ajoute que M. [E] a d’ailleurs reconnu les faits de violence pendant sa garde à vue et au cours d’une procédure de composition pénale, les attestations dénuées de toute force probante qu’il produit seulement à l’occasion de l’instance d’appel ne pouvant suffire à confirmer la réalité de sa version des faits ; il prétend enfin que l’absence de remise en cause des faits devant le premier juge vaut aveu judiciaire au sens de l’article 1356 du code civil.
Sur ce :
Il ressort de l’ensemble des documents produits aux dossiers des parties que :
– M. [E] a accepté de faire l’objet d’une procédure de composition pénale aux termes de laquelle, ainsi que le prévoient les dispositions légales prévues en la matière qui l’érigent en condition préalable du recours à une telle procédure, il a reconnu aux termes du procès-verbal de proposition de composition pénale acceptée par ses soins et validée par le président du tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône selon ordonnance du 4 février 2014, être « l’auteur de l’infraction de violences volontaires ayant entraîné une ITT de 3 jours sur la personne de [Z] [S], brigadier de police municipale dans l’exercice de ses fonctions »,
– aucune interdiction n’est faite à une victime dûment avisée de l’existence d’une procédure de composition pénale au titre de laquelle elle n’a fait valoir aucune prétention, de saisir ensuite la juridiction civile d’une demande indemnitaire à l’encontre de la personne ayant fait l’objet de la procédure de composition pénale, M. [E] n’alléguant d’ailleurs aucun fondement de ce chef,
– M. [E] n’a en aucun cas discuté le principe même de sa responsabilité devant le tribunal où le seul débat élevé entre les parties a consisté dans la liquidation du préjudice subi par la victime,
– tant le rapport de mise à disposition et les procès-verbaux d’auditions des personnels de police sur place le 10 janvier 2018, dressés dans le cadre de l’enquête de police de flagrance, que les certificats médicaux (initial ou postérieurs) et l’expertise médicale pratiquée sur M. [S] permettent à la cour de constater que la blessure au genou gauche subie par ce dernier a bien été subie le 10 janvier 2014 lors de l’interpellation de M. [E], qu’elle provient d’un coup latéral au genou gauche porté par celui-ci qui a provoqué chez la victime une rupture complète du ligament croisé antérieur, une entorse bénigne du ligament croisé extérieur et une contusion osseuse,
– les 5 attestations que produit M. [E] pour la première fois en cause d’appel, établies en juillet et août 2020 par ses collègues de l’époque, en compagnie desquels il se trouvait dans la nuit du 13 au 14 janvier 2014, ne permettent nullement de remettre en cause les circonstances de l’interpellation de M. [E] telles qu’établies ci-dessus en ce que les attestants indiquent n’avoir pas vu le moment où M. [E] aurait porté un coup à l’agent [S].
Les éléments susvisés démontrent que la responsabilité civile délictuelle de M. [E] qui se trouvait en état d’ébriété au moment des faits, en compagnie d’individus qui ont tenté en vain de l’éloigner de l’agent de police, doit être retenue, confirmant en cela la décision critiquée.
Il doit donc être condamné à indemniser en intégralité M. [S] de l’intégralité du préjudice qu’il a subi.
II. Sur l’indemnisation des préjudices de M. [S] :
Le rapport de l’expert judiciaire, exempt de toute insuffisance, servira de base d’évaluation des préjudices subis par la victime, âgée de 37 ans à la date de consolidation du 31 décembre 2015 telle que fixée par l’expert et qui doit être retenue.
Aux termes des conclusions d’expertise, l’agression dont a été victime M. [S] le 10 janvier 2014 a entraîné une rupture complète du ligament croisé antérieur du genou gauche ; la récupération fonctionnelle a été obtenue grâce à une rééducation intensive, avec persistance d’une instabilité se manifestant à la marche, ayant justifié le 28 mai 2014, le traitement chirurgical de la lésion traumatique par ligamentoplastie au tendon rotulien, au cours d’une hospitalisation de 48 heures.
Selon l’expert [U], qui s’est adjoint l’assistance d’un sapiteur psychiatre, l’expert [X], les préjudices subis par M. [S] ont été fixés dans les termes suivants :
– arrêt de travail en accident du travail du 10 janvier au 30 octobre 2014,
– DFT : du 28 au 29 mai 2014,
– DFTP : 65 % du 10 janvier au 28 février 2014, 40 % du 1er mars au 27 mai 2014 et du 30 mai au 31 août 2014, 30 % du 1er septembre au 30 novembre 2014, 15 % du 1er décembre 2014 au 31 décembre 2015,
– une « incapacité permanente partielle » de 9 %,
– des souffrances endurées à hauteur de 5/7 sur le plan corporel et 2,5/7 sur le plan psychique,
– un préjudice esthétique à hauteur de 1/7, (deux cicatrices au genou gauche).
L’expert psychiatre a ajouté que M. [S] avait été victime d’un syndrome de stress post-traumatique et qu’il avait subi un préjudice sexuel consistant dans une baisse de la libido.
La liquidation de son préjudice corporel doit ainsi être fixée dans les termes suivants :
I – Les préjudices patrimoniaux
A – les préjudices patrimoniaux temporaires
– les dépenses de santés actuelles
Le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 7 046, 62 euros incluant la somme de 6 083 euros réglée au titre des frais médicaux par la société Quatrem et celle de 963,62 euros restée à la charge de M. [S].
Aucune critique n’est présentée par les parties sur ce poste de préjudice qui doit être évalué à la somme de 7 046,62 euros.
– les frais divers
Le tribunal a retenu une somme de 1 827 euros restée à la charge de M. [S], écartant de la réclamation de ce dernier les frais de repas considérés comme non justifiés par le premier juge.
M. [S] reprend devant la cour la demande au titre de ses frais de transport qu’il avait fixée à la somme de 2 047 euros incluant la somme de 220 euros au titre des frais de repas.
M. [E] qui conclut aux termes du dispositif de ses conclusions au rejet de la demande présentée au titre des « frais divers » ne formule aucune critique dans la partie discussion de ses conclusions, ni sur le montant réclamé ni sur celui retenu par le premier juge.
Outre les frais de transports justifiés par la vicitme, il convient d’allouer à cette dernière la somme de 220 euros qu’elle réclame au titre du surcoût des frais de repas qu’elle a dû engager, alors même que domiciliée sur l’île de la Réunion, elle a dû se rendre en métropole pour assister aux opérations d’expertise à deux reprises et ainsi devoir engager des dépenses supplémentaires pour s’alimenter.
Ce chef de préjudice sera donc fixé à la somme globale de 2 047 euros.
– la perte de gains professionnels actuels
Le tribunal a fixé à la somme de 17 107,10 euros le montant des indemnités journalières servies à M. [S] par la société Quatrem et à la somme de 1 747,37 euros le montant de la perte de gains restée à sa charge.
M. [S] sollicite la confirmation de cette évaluation et M. [E] n’apporte aucune critique ; il convient dès lors, comme le premier juge, de retenir les sommes susvisées.
B – les préjudices patrimoniaux permanents
– la perte de gains professionnels futurs
Le tribunal a rejeté la demande présentée à ce titre par M. [S], qu’il a considérée comme non établie.
Ce dernier, sollicite la « confirmation » du jugement qui lui aurait alloué de ce chef, une somme de 2 160 euros, expliquant qu’il a perdu deux années au titre de son avancement au grade supérieur de brigadier-chef principal, ce qui représente une perte mensuelle de 90 euros.
M. [E] soutient que cette somme n’est pas justifiée et que cette demande doit être rejetée.
Sur ce :
Comme le premier juge, la cour constate qu’aucune pièce du dossier de M. [S] ne permet d’établir qu’il a perdu du fait de l’agression dont il a été victime le 10 janvier 2014, le bénéfice d’un avancement qui l’aurait fait bénéficier d’une augmentation de salaire net de 90 euros.
Sa demande de ce chef ne peut donc qu’être rejetée.
– l’incidence professionnelle
Le tribunal a rejeté la demande présentée de ce chef par M. [S] comme injustifiée en l’état des pièces produites au dossier.
M. [S] réclame l’octroi d’une somme de 25 000 euros de ce chef ; il soutient que son agression a marqué la fin de son évolution de carrière et notamment son intégration à la formation GTPI auprès du centre de [Localité 10] en février 2014 afin de devenir instructeur et moniteur en police municipale, laquelle lui aurait permis, à terme, d’être retenu comme responsable d’une police municipale.
M. [E] prétend qu’aucun élément du dossier ne permet de démontrer les allégations de M. [S], les attestations produites n’étant que de pure complaisance puisqu’établies par des collègues de travail ayant pour certains participé à la rixe ; il prétend que l’intéressé a, pour des raisons de pure convenance personnelles, fait le choix de s’installer dans sa région natale, La Réunion, situation ayant nécessairement eu des conséquences sur son avenir professionnel.
Sur ce :
Comme le premier juge, la cour constate qu’aucun élément du dossier de la victime ne permet de démontrer que M. [S] était, ne serait-ce même que candidat à la formation GTPI qu’il invoque et que sa carrière lui aurait ensuite été plus favorable.
La demande qu’il présente au titre de l’incidence professionnelle ne peut donc qu’être rejetée.
II – Les préjudices extra patrimoniaux
A – les préjudices extra patrimoniaux temporaires
– le déficit fonctionnel temporaire
Le tribunal a fixé à la somme de 4 825 euros l’indemnisation revenant à M. [S] en la matière.
M. [S] en sollicite la confirmation et M. [E] demande à ce que l’indemnisation soit fixée à la jurisprudence habituelle.
Sur ce :
Les éléments du dossier permettent à la cour de constater que la somme allouée par le tribunal a intégralement et justement indemnisé M. [S] de ce chef de préjudice.
– les souffrances endurées
Après avoir relevé que la ligamentoplastie du genou gauche avait été suivie d’une longue rééducation et d’un retentissement psychologique, l’expert a estimé ce préjudice à la cotation de 5/7 au titre du préjudice corporel et 2,5 /7 sur le plan psychologique.
Le tribunal a indemnisé ce préjudice à hauteur d’une somme de 35 000 euros que réclame M. [S] en cause d’appel alors même que M. [E] offre celle de 15 000 euros.
Sur ce :
Compte tenu des éléments susvisés, il sera allouée à la victime la somme de 35 000 euros, justement retenue par le premier juge.
B – les préjudices extra patrimoniaux permanents
– le déficit fonctionnel permanent
Il est constant que ce poste de préjudice indemnise la perte de qualité de vie, les souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu’elle conserve.
L’expert a conclu à un taux de 9 % en retenant un déficit fonctionnel physique et psychique.
Le tribunal a alloué une somme de 16 650 euros à la victime de ce chef.
M. [S] en demande la confirmation.
M. [E] propose la somme de 10 000 euros.
Sur ce :
Compte tenu de l’âge de la victime au moment de la consolidation et du taux retenu par l’expert, la cour comme le tribunal fixe à la juste somme de 16 650 euros l’indemnisation de ce poste de préjudice.
– le préjudice esthétique permanent
L’expert a estimé ce préjudice à la cotation 1,5/7 (deux cicatrices au genou gauche).
Le tribunal a fixé à la somme de 2 000 euros l’indemnisation revenant à la victime de ce chef ; M. [S] en demande la confirmation et M. [E] y consent.
Ce préjudice sera donc réparé par l’allocation de la somme de 2 000 euros telle que retenue par le premier juge.
– le préjudice d’agrément
Il sera rappelé que ce préjudice se définit comme celui qui résulte d’un trouble spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs.
Il appartient dès lors à la victime de justifier d’une pratique sportive ou de loisirs antérieure au fait dommageable.
En l’espèce, le premier juge a indemnisé ce préjudice par l’octroi d’une somme de 10 000 euros en retenant que M. [S] justifiait être un grand sportif ne pouvant plus pratiquer certains sports comme le rugby pour lequel il a été champion de France.
M. [S] ne critique pas la somme ainsi allouée en première instance et M. [E] offre celle de maximum 2 000 euros en exposant que rien ne permet d’affirmer que M. [S] n’a pu reprendre le rugby ou les arts martiaux.
Sur ce :
Il est établi par les éléments du dossier, expertises, certificats médicaux et attestations d’un ancien collègue de travail, que M. [S] était un grand sportif qui pratiquait au moment de son accident, rugby et arts martiaux ; à la suite de l’agression dont il a été victime, il est indiqué par les experts que même si l’intéressé a pu retrouvé une mobilité fonctionnelle satisfaisante au niveau du genou gauche, il ne peut plus pratiquer les sports susvisés compte tenu des séquelles qu’il conserve et notamment en raison de l’instabilité chronique de son genou qui lui interdit la vie sportive.
La cour, comme le premier juge, considère que le préjudice d’agrément subi par M. [S], sera justement indemnisé par l’octroi d’une somme de 10 000 euros.
4 – le préjudice sexuel
L’expert a relevé une baisse de la libido que le premier juge a indemnisée à hauteur de 7 000 euros.
M. [S] réclame une somme de 20 000 euros de ce chef en soutenant qu’il s’agit d’un préjudice à part entière.
M. [E] conclut au rejet de cette demande qu’il qualifie de « ridicule ».
Sur ce :
Les éléments du dossier permettent à la cour de fixer à la somme de 5 000 euros l’indemnisation revenant à M. [S] de ce chef
III. Sur l’indemnisation de Mme [S] :
Le tribunal a alloué une indemnité de 2 000 euros à Mme [S] en réparation de son préjudice moral.
Mme [S] sollicite une indemnité de 10 000 euros en exposant que l’agression de son époux avait changé leurs conditions d’existence dans la mesure où une thérapie familiale a dû être mise en place compte tenu des troubles de l’humeur développés par ce dernier ; elle ajoute avoir été dans l’obligation de s’occuper de lui à raison de plusieurs heures par jour, au delà même du partage naturel des tâches.
M. [E] conteste tout droit à indemnisation de ce chef.
Sur ce :
Il est établi par les constatations et conclusions des experts médicaux, que l’agression dont a été victime M. [S] a eu des répercussions sur la vie de toute la famille, que ce soit en conséquence de l’immobilisation du genou gauche de la victime limitant sa participation aux activités familiales ou au titre de l’humeur de ce dernier ayant développé des troubles psychiques qui ont donné lieu à un suivi psychiatrique et psychologique, dans le cadre de la mise en place d’une thérapie familiale.
L’épouse de M. [S], qui a dû faire face à cette situation et assumer, outre l’aide matérielle et morale à son conjoint, plus que sa part dans la responsabilité des trois enfants du couple jusqu’à la consolidation de son époux, doit être indemnisée de ce préjudice distinct du préjudice résultant pour la victime de sa perte d’autonomie, par l’octroi d’une indemnité de 5 000 euros.
IV. Sur le recours des tiers payeurs :
La société Quatrem justifie avoir déboursé une somme de 23 190,10 euros au titre des prestations servies à M. [S], somme qui doit être mise à la charge de M. [E].
V. Sur la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par M. [S] :
Aucun abus n’est démontré dans l’exercice de son droit d’appel par M. [E] et la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive présentée à son encontre doit être rejetée.
VI. Sur les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [S] et de la société Quatrem selon les termes du dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Confirme le jugement rendu le 11 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône en ce qu’il a :
– déclaré M. [E] responsable des dommages causés à M. [S] le 10 janvier 2014,
– fixé la créance de la société Quatrem à la somme de 23 190,10 euros et condamné M. [E] à lui payer ladite somme,
– condamné M. [E] aux dépens et à payer les sommes respectives de 3 000 euros et 1 000 euros à M. [S] et la société Quatrem au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Infirmant sur le surplus, statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe comme suit les préjudices subis par M. [S] :
* préjudices patrimoniaux
‘ préjudices patrimoniaux temporaires
– les dépenses de santés actuelles : 6 083 euros (réglés par la société Quatrem) + 963,62 euros restés à charge, soit une somme globale de 7 046,62 euros
– les frais divers : 2 047 euros
– la perte de gains professionnels actuels : 17 107,10 euros (IJ réglées par la société Quatrem) + 1 747,37 euros restés à charge
‘ préjudices patrimoniaux permanents
– perte de gains professionnels futurs : rejet
– incidence professionnelle : rejet
* préjudices extra-patrimoniaux
‘ préjudices extra patrimoniaux temporaires
– le déficit fonctionnel temporaire : 4 825 euros
– les souffrances endurées : 35 000 euros
‘ préjudices extra patrimoniaux permanents
– le déficit fonctionnel permanent : 16 650 euros
– le préjudice esthétique permanent : 2 000 euros
– le préjudice d’agrément : 10 000 euros
– le préjudice sexuel : 5 000 euros
Condamne M. [E] à payer à M. [S] la somme de 78 232,99 euros au titre de ses préjudices, après déduction de la créance de la société Quatrem, les provisions et les sommes perçues au titre de l’exécution provisoire du jugement étant à déduire de cette condamnation, outre de cette somme intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par le jugement et à compter du présent arrêt pour le surplus,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
Condamne M. [E] à payer une somme de 5 000 euros à Mme [S] à titre de dommages-intérêts,
Rejette la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par M. [S],
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne M. [E] aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Bessy, avocat, par application de l’article 699 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de M. [E] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamne à payer à ce titre à M. [S] la somme de 5 000 euros et à la société Quatrem la somme de 2 000 euros.
LE GREFFIER LE PRESIDENT