Dénonciation calomnieuse : 23 juin 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 20/01415

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Dénonciation calomnieuse : 23 juin 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 20/01415
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23 juin 2022
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
20/01415

VC/PR

ARRÊT N° 432

N° RG 20/01415

N° Portalis DBV5-V-B7E-GBCP

[Z]

C/

S.A.R.L. TRANSPORTS [I] ET FILS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 juillet 2020 rendu par le Conseil de Prud’hommes de NIORT

APPELANT :

Monsieur [M] [Z]

Né le 19 mai 1959 à [Localité 3] (49)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS

Et pour avocat plaidant Me Gilles TESSON de la SELARL GILLES TESSON AVOCAT, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON

INTIMÉE :

S.A.R.L. TRANSPORTS [I] ET FILS

N° SIRET : 400 257 978

[Adresse 4]

[Localité 5]

Ayant pour avocat constitué Me Elise GALLET de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS

Et pour avocat plaidant Me François-XAVIER CHEDANEAU de de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller

Madame Valérie COLLET, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Transports [I] et Fils, ayant pour activité le transport de marchandises essentiellement alimentaire, a embauché M. [M] [Z] en qualité de chauffeur routier sur le secteur de [Localité 3], à compter du 23 octobre 2000 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée puis dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

Le 1er mars 2016, la société Transports [I] et Fils a notifié un avertissement à M. [Z], suivi d’un second avertissement notifié le 11 juillet 2016.

A compter du 8 février 2017, il a été muté sur le secteur de [Localité 5] pour travailler 3 jours par semaine (lundi, mercredi et vendredi).

Le 25 septembre 2017, M. [Z] a été placé en arrêt de travail pour maladie simple et n’a pas repris le travail.

M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Niort, le 2 mars 2018, de demandes en paiement au titre des jours de fractionnement sur congés payés, de remboursement de frais de repas, de repos compensateur, de prime au mérite et de diverses demandes de dommages et intérêts.

Le 18 octobre 2018, le médecin du travail a déclaré M. [Z] inapte à son poste de travail. Le 20 novembre 2018, la société Transports [I] et Fils lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 3 juillet 2020, le conseil de prud’hommes a :

– fixé le salaire de référence de M. [Z] à 2.435,08 euros brut mensuel,

– condamné la SARL Transports [I] à verser à M. [Z] la somme de 677,04 euros brut au titre des jours de fractionnement et 67,70 euros brut au titre des congés payés afférents,

– condamné la SARL Transports [I] à payer à M. [Z] la somme de 250 euros net à titre de dommages intérêts,

– condamné la SARL Transports [I] à régler à M. [Z] la somme de 200 euros net au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– dit que les dépens seraient supportés respectivement par les parties,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le 22 juillet 2020, M. [Z] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions sauf celle ayant fixé le montant de son salaire de référence à la somme de 2.435,08 euros brut mensuel.

Par conclusions notifiées le 20 avril 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, M. [Z] demande à la cour de :

– confirmer le jugement ayant fixé le montant de son salaire de référence à la somme de 2.435,08 euros brut mensuel et l’infirmer pour le surplus,

– condamner la société Transports [I] et fils à lui payer les sommes suivantes :

* 1.015,56 euros brut à titre de rappel de salaire sur les 12 jours de fractionnement outre 101,56 euros au titre des congés payés afférents,

*1.899 euros brut à titre de rappel de salaire sur la contrepartie obligatoire en repos,

* 52,24 euros net à titre de rappel sur 4 repas,

* 1.000 euros à titre de dommages et intérêts,

– déclarer recevable ses demandes,

– annuler les sanctions disciplinaires notifiées le 1er mars 2016 et le 11 juillet 2016,

– condamner la société Transports [I] et fils à lui payer les sommes suivantes :

* 10.000 euros brut à titre de rappel de salaire à la suite de la modification de poste et de tournée, outre 1.000 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 4.300 euros brut à titre de rappel de salaire sur la prime au mérite et 430 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 15.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour déloyauté et harcèlement,

* 5.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de santé, sécurité et prévention,

* 1.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour les sanctions injustifiées,

* 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance,

* 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel,

– condamner la société Transports [I] et fils aux dépens d’appel,

– ordonner la transmission des documents sociaux et des bulletins de salaire dans un délai maximum de 15 jours après le prononcé de l’arrêt à intervenir sous astreinte provisoire de 75 euros par jour de retard,

– dire que les intérêts au taux légal courent à compter de la requête prud’homale,

– dire qu’à défaut de règlement spontané par le défendeur des condamnations prononcées en qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire devront être supportées par la partie défenderesse en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, il sollicite la confirmation du jugement entrepris.

Il soutient, en se fondant sur l’article L.3141-19 du code du travail, que son employeur n’a pas respecté la législation en matière de jours de fractionnement. Il conteste l’application d’une prescription triennale à sa demande de rappel de salaire, expliquant que la juridiction doit retenir la prescription quinquennale applicable au harcèlement moral dont le point de départ se situe au jour du dernier fait de harcèlement. Il ajoute que le non-paiement des jours de fractionnement constitue un élément de fait de nature à établir la présomption de harcèlement moral de sorte que sa demande en paiement n’est pas prescrite. Il estime qu’en tout état de cause, l’exercice 2014 se terminant le 31 mai 2015 n’est pas prescrit. Il indique encore que dans la mesure où l’employeur prétend que son droit à des jours de fractionnement n’existe pas, aucune prescription ne peut lui être imposée car la créance n’est pas déterminée. Sur le fond, il fait valoir qu’à compter de 2009, l’employeur a imposé la prise des congés à raison de 3 semaines consécutives de la mi-novembre à la mi-avril et 2 semaines consécutives de la mi-juin à la mi-septembre. Il affirme qu’en 2017, il lui était impossible de prendre 4 semaines de congés payés avant le 31 octobre 2017. S’agissant de ses demandes au titre des frais de repas et de la contrepartie en repos, il indique que tous les éléments justifiant sa demande sont compris dans son courrier du 9 mars 2017 dont l’employeur a eu connaissance.

Il fait valoir que le non-bénéfice de ses droits est constitutif de préjudices notamment sur son droit à repos, l’atteinte à sa vie personnelle et la privation des joies habituelles entraînées par le bénéfice de jours de congés.

Il prétend avoir subi des déloyautés, harcèlement moral et discriminations de son employeur lui ayant porté préjudice. Il ajoute que son employeur a manqué à son obligation de prévention des risques et notamment du harcèlement moral. Il considère que les deux avertissements dont il a fait l’objet doivent être annulés, ajoutant que ces sanctions injustifiées lui ont causé un préjudice dont il réclame la réparation. Il estime que la société Transports [I] et Fils n’a pas respecté ses obligations au titre de la prime au mérite et qu’elle a baissé, de manière irrégulière, son temps de travail ce qui a diminué sa rémunération. Il conteste toutes les irrecevabilités soulevées par son employeur.

Par conclusions notifiées le 20 juillet 2021, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Transports [I] et Fils demande à la cour de :

A titre principal,

– infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

* déclarer irrecevables les demandes de M. [Z] au titre des jours de fractionnement, et congés payés afférents, de la contrepartie obligatoire en repos, des repas, de dommages et intérêts et de la prime au mérite de l’année 2014,

* déclarer irrecevable la demande de M. [Z] à hauteur de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanctions injustifiées,

* débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,

* condamner M. [Z] à lui payer les sommes suivantes :

– une amende civile dont le montant sera fixé par le ‘Conseil’ (Sic)

– 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant le conseil de prud’hommes,

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement entrepris,

En tout état de cause,

– débouter M. [Z] de toutes ses demandes,

– condamner M. [Z] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner M. [Z] aux dépens de première instance et d’appel.

Se fondant sur l’article L.3245-1 du code du travail, elle soutient que les demandes de rappel de salaire sont soumises à la prescription triennale. Elle ajoute que le fait que le salarié présente parallèlement une demande au titre d’une prétendue discrimination ne lui permet pas de bénéficier d’une prescription étendue à 5 ans. S’agissant de la demande au titre des jours de fractionnement, elle fait valoir que le salarié a ou aurait dû avoir connaissance des jours de congés de fractionnement éventuellement dus à la fin de chaque période. Elle en conclut que les demandes au titre des années 2012 à 2014 sont prescrites. Elle considère que les autres demandes annexes et a fortiori la demande de dommages et intérêts présentée au titre de l’exécution du contrat sont prescrites, cette dernière demande étant soumise à un délai de prescription de 2 ans.

Elle prétend que sur le fond, la demande au titre des jours de fractionnement et les demandes annexes (congés payés, contrepartie en repos, repas et dommages et intérêts) ne peuvent qu’être rejetées, rappelant que M. [Z] était en arrêt de travail depuis septembre 2017 ce qui l’a empêché de prétendre à des congés supplémentaires au titre du fractionnement. Elle fait valoir que M. [Z] ne rapporte pas la preuve qu’il a été empêché par son employeur de prendre 24 jours de congé dans la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année. Elle affirme qu’elle a, au contraire, imposé une prise de congé à raison de 3 semaines entre juin et octobre de chaque année ainsi que 2 semaines consécutives en hiver. Elle ajoute que les éventuels changements ont eu lieu à l’initiative du salarié. Elle indique que la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos est chiffrée mais n’est pas étayée et que rien ne permet de déterminer la période concernée par cette demande. S’agissant des frais de repas, elle estime que la prescription applicable est biennale de sorte que les repas réclamés datant tous de 2015 sont prescrits. Elle précise que sur le fond, aucun justificatif n’est produit. S’agissant de la demande de dommages et intérêts, elle déclare qu’aucune faute de moins de deux ans n’est établie et que M. [Z] ne justifie d’aucun préjudice.

Elle insiste sur le fait que le contrat de travail de M. [Z] n’a jamais été modifié sans son accord, qu’il a toujours été rémunéré pour les heures réalisées et qu’il n’a subi aucune baisse de rémunération. Elle ajoute que les tournées ne sont pas contractualisées car elles sont fonction des demandes de la clientèle, que M. [Z] ne bénéficiait d’aucun minimum garanti de 186 heures et que la demande de dommages et intérêts pour modification de son poste et des tournées n’est pas étayée, rappelant que M. [Z] a été en arrêt de travail en septembre 2017 ce qui explique notamment un salaire 2017 inférieur à celui des années précédentes.

Elle oppose la prescription triennale à la demande de rappel de salaire au titre de la prime au mérite, notamment pour la somme sollicitée pour l’année 2014. Elle soutient que pour les années non prescrites de 2015 à 2017, M. [Z] n’étaye pas sa demande, soulignant que M. [Z] a expressément renoncé à sa prime au mérite par mail du 7 septembre 2015.

Elle considère que M. [Z] disposait d’un délai de 2 ans à compter du 1er mars 2016 pour contester son premier avertissement et qu’en saisissant le conseil de prud’hommes par requête du 2 mars 2018, la demande en annulation est prescrite. Elle ajoute que la demande de dommages et intérêts afférente à hauteur de 1.000 euros est également irrecevable pour n’avoir pas été présentée dans la requête introductive d’instance. Sur le fond, elle fait valoir que l’avertissement délivré était justifié puisque M. [Z] a été à l’origine d’un sinistre lors de la livraison chez un client.

Elle rappelle que le décret du 20 mai 2016 a supprimé la possibilité de présenter des demandes en cours de procédure pour en conclure que la demande de dommages et intérêts présentée au titre du deuxième avertissement est irrecevable pour n’avoir pas été formulée dans la requête introductive d’instance. Elle ajoute qu’aucun texte ne prévoit l’obligation d’un entretien préalable pour un avertissement.

Elle soutient que M. [Z] ne rapporte la preuve d’aucun élément laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, que la discrimination invoquée n’est pas établie et qu’elle n’a fait preuve d’aucune déloyauté. Elle ajoute que le salarié ne démontre aucune dégradation de son état de santé en rapport avec les faits qu’il invoque, soulignant que son inaptitude est d’origine non professionnelle.

A titre reconventionnel et sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, elle fait valoir que M. [Z] a agi de mauvaise foi.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 mars 2022 et l’affaire fixée à l’audience du 6 avril 2022 lors de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 23 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour observe que la société Transports [I] et Fils sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a fixé le salaire de référence de M. [Z] à la somme de 2.435,08 euros brut mais ne soutient aucun moyen de fait ou de droit pour contester ce chef du dispositif. La cour n’étant saisie d’aucune contestation, confirme le jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des jours de fractionnement

Selon l’article L.3141-19 du code du travail dans sa version antérieure à la loi du 8 août 2016 et l’article L.3141-23 du même code dans sa version postérieure à la loi du 8 août 2016, il est attribué deux jours ouvrables de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours de congé pris par le salarié en dehors de la période comprise entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours.

Le droit aux congés supplémentaires naît du seul fait du fractionnement, que ce soit le salarié lui-même ou l’employeur qui en ait pris l’initiative.

Par ailleurs, il est clairement établi que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la demande objet de la créance. Une demande en paiement au titre des jours supplémentaires de fractionnement non pris a une nature incontestablement salariale.

Si l’article L.3245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 juin 2013, prévoyait que ‘L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l’article 2224 du code civil’, cet article dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 prévoit désormais que ‘L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat’, étant rappelé que les dispositions transitoires de cette loi précisaient que ‘Les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.’.

En l’espèce, M. [Z] demande le paiement de 12 jours supplémentaires de fractionnement non pris au titre des années 2012 à 2017.

Contrairement à ce qu’il soutient, il ne peut se prévaloir de la prescription quinquennale applicable en matière de harcèlement moral ou de discrimination dès lors que la demande en paiement qu’il formule a une nature exclusivement salariale et qu’elle n’est aucunement fondée sur une discrimination ou un harcèlement moral. Le seul fait que le non-paiement des jours de fractionnement soit également un élément invoqué par le salarié parmi les autres éléments qu’il invoque pour essayer de laisser supposer un harcèlement moral ou une discrimination à son encontre ne permet pas de modifier la nature de la demande en paiement telle qu’elle est formulée.

Par ailleurs, la contestation par l’employeur du bien-fondé de la demande en paiement des jours supplémentaires de fractionnement non pris n’est pas de nature à l’empêcher d’invoquer la prescription triennale dès lors qu’il n’existe aucune difficulté quant à la détermination de la créance.

Ainsi, la prescription pour les jours supplémentaires de fractionnement de l’année 2012 a commencé à courir le 1er juin 2013. Or, M. [Z] n’a saisi le conseil de prud’hommes que par requête envoyée le 28 février 2018 de sorte que sa demande en paiement se trouve prescrite. Il en va de même pour les jours supplémentaires de fractionnement réclamés pour l’année 2013 dont la prescription a commencé à courir le 1er juin 2014 pour s’achever le 1er juin 2017.

Par conséquent, la demande en paiement présentée au titre des jours supplémentaires de fractionnement 2012 et 2013 est irrecevable.

En revanche, la demande en paiement présentée au titre des jours supplémentaires de fractionnement pour les années 2014 (délai de prescription courant à compter du 1er juin 2015), 2015 (délai de prescription courant à compter du 1er juin 2016), 2016 (délai de prescription courant à compter du 1er juin 2017) et 2017 (délai de prescription courant à compter du 1er juin 2018) est recevable puisque M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes dans le délai de trois ans.

Il résulte des bulletins de salaire de M. [Z], établis par l’employeur, que :

– pour l’année 2014/2015, M. [Z] a été en congés payés du 6 au 18 octobre 2014 soit pendant 12 jours consécutifs, puis du 10 au 15 novembre 2014 soit pendant 5 jours, puis du 23 mars au 4 avril 2015 soit pendant 8 jours consécutifs. Il avait donc le droit à 2 jours supplémentaires de fractionnement,

– pour l’année 2015/2016, M. [Z] a été en congés payés du 21 au 23 mai 2015 soit 3 jours, du 29 au 30 juin soit 2 jours, du 1er au 11 juillet 2015 soit 5 jours, puis du 12 au 14 novembre 2015 soit 3 jours, et enfin du 15 au 27 février 2016 soit 12 jours. Il avait donc le droit à 2 jours supplémentaires de fractionnement,

– pour l’année 2016/2017, M. [Z] a été en congés payés du 6 au 18 juin 2016 soit 12 jours, puis du 21 au 26 novembre 2016 soit 6 jours, du 27 mars au 8 avril 2017 soit 12 jours. Il avait donc le droit à 2 jours supplémentaires de fractionnement,

– pour l’année 2017/2018, M. [Z] a été en congés payés du 26 juin au 1er juillet 2017 soit 6 jours et du 14 au 26 août 2017 soit 11 jours. Il a été placé en arrêt maladie à compter du 25 septembre 2017 et n’a pas repris son travail mais n’a pris de jours de congés en dehors de la période du 1er mai 2017 au 31 octobre 2017. Dès lors, M. [Z] n’avait droit à aucun jour supplémentaire de fractionnement.

Par conséquent, M. [Z] est bien fondé à solliciter le paiement de 6 jours supplémentaires de fractionnement. La société Transports [I] et Fils est condamnée à lui payer la somme de 507,78 euros brut outre la somme de 50,78 euros brut au titre des congés payés afférents.

Sur la demande en paiement au titre de la contrepartie obligatoire en repos

Il résulte de l’article 12 de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 que le contingent annuel d’heures supplémentaires pouvant être effectué par le personnel roulant est fixé à 195 heures par an à compter du 1er janvier.

L’article L.3121-38 du code du travail prévoit qu’à défaut d’accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos est fixée à 50% des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel pour les entreprises de 20 salariés au plus et à 100% de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de 20 salariés.

Par ailleurs, il est clairement établi que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la demande objet de la créance. Une demande en paiement au titre de la contrepartie obligatoire en repos a une nature incontestablement salariale.

L’article L.3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, prévoit que’L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat’.

En l’espèce, M. [Z] présente une demande en paiement au titre de la contrepartie obligatoire en repos, indiquant avoir accompli 64,36 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel pour l’année 2014 et avoir accompli 78,49 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel pour l’année 2016.

Contrairement à ce qu’il soutient, il ne peut se prévaloir de la prescription quinquennale applicable en matière de harcèlement moral ou de discrimination dès lors que la demande en paiement qu’il formule a une nature exclusivement salariale et qu’elle n’est aucunement fondée sur une discrimination ou un harcèlement moral. Le seul fait que le non-paiement de la contrepartie obligatoire en repos soit également un élément invoqué par le salarié parmi les autres éléments qu’il invoque pour essayer de laisser supposer un harcèlement moral ou une discrimination à son encontre ne permet pas de modifier la nature de la demande en paiement telle qu’elle est formulée.

La prescription triennale pour la demande en paiement au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel 2014, a commencé à courir à compter du 1er janvier 2015. Dès lors, en saisissant le conseil de prud’hommes d’une demande en paiement, le 28 février 2018, M. [Z] a agi alors que le délai de prescription était expiré. Sa demande doit donc être déclarée irrecevable.

En revanche, sa demande en paiement au titre de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel 2016 est recevable puisque le délai de prescription n’a commencé à courir que le 1er janvier 2017 de sorte qu’il a bien agi dans le délai de 3 ans en saisissant le conseil de prud’hommes le 28 février 2018.

Il doit être rappelé que sont applicables en l’espèce, jusqu’au 1er janvier 2017, les dispositions du décret nº 83-40 du 26 janvier 1983, modifié par le décret du nº 2007613 du 04 janvier 2007, qui prévoient que la durée du temps passé au service de l’employeur, ou temps de service, des personnels roulants marchandises est fixée dans les conditions suivantes :

* la durée du temps de service des personnels roulants «grands routiers» ou «longue distance» est fixée à 43 heures par semaine, soit 559 heures par trimestre dans les conditions prévues au paragraphe 3 de l’article 4 du présent décret ;

* la durée du temps de service des autres personnels roulants marchandises, à l’exception des conducteurs de messagerie et des convoyeurs de fonds, est fixée à 39 heures par semaine, soit 507 heures par trimestre dans les conditions prévues au paragraphe 3 de l’article 4 du présent décret ;

* Est considérée comme heure supplémentaire, pour les personnels roulants, toute heure de temps de service effectuée au-delà des durées mentionnées ci-dessus,

* Sont rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs selon les dispositions du cinquième alinéa de l’article L. 212-4 du code du travail les heures de temps de service effectuées à compter de la 36ème heure par semaine, ou de la 153ème heure par mois, et :

– jusqu’à la 43ème heure par semaine, ou la 186ème heure par mois, pour les personnels roulants marchandises «grands routiers» ou «longue distance» ;

– jusqu’à la 39ème heure par semaine, ou la 169ème heure par mois, pour les autres personnels roulants marchandises, à l’exception des conducteurs de messagerie et des convoyeurs de fonds.

Par ailleurs, les heures d’équivalence ne sont pas considérées comme des heures supplémentaires, même si elles sont rémunérées à un taux majoré.

Il en résulte que, pour M. [Z], qui n’est pas classé dans la catégorie des grands routiers, est considérée comme heure supplémentaire toute heure effectuée au-delà de 169 heures par mois.

La cour observe que M. [Z] a opéré un calcul erroné de ses heures supplémentaires en comptant au titre des heures supplémentaires toute heure effectuée au-delà de 151,67 heures par mois. Or, en examinant son tableau (pièce 19) et ses bulletins de salaire de l’année 2016 et en écartant les heures d’équivalence, il s’avère qu’en réalité M. [Z] n’a accompli aucune heure supplémentaire au-delà du contingent annuel de 195 heures. Il est donc débouté de sa demande en paiement.

Sur la demande en paiement des indemnités de repas

M. [Z] sollicite le paiement de 4 indemnités de repas non réglées par son employeur en août 2015 (2), en septembre 2015 (1) et en novembre 2015 (1).

Il est toutefois rappelé, ainsi que le fait valoir l’employeur, que l’action en remboursement de frais professionnels telles que les indemnités de repas prévues par le Protocole du 30 avril 1974, annexé à la convention collective nationale des transports routiers, n’est pas soumise au délai de prescription triennal de l’action en paiement d’une créance salariale, mais à celle prévue pour les actions portant sur l’exécution du contrat de travail. Or, aux termes de l’article L.1471-1 du code du travail, cette prescription est biennale et court à compter du jour où celui qui a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

En l’espèce, M. [Z] a connu ou était en mesure de connaître l’absence de paiement des indemnités de repas qu’il réclame dès le début du mois suivant celui au cours duquel l’absence de paiement a eu lieu. Ainsi, pour les indemnités réclamées au titre du mois d’août 2015, la prescription biennale a commencer à courir à compter du 1er septembre 2015 pour s’achever au 1er septembre 2017, pour l’indemnité réclamée au titre du mois de septembre 2015, la prescription biennale a commencé à courir le 1er octobre 2015 pour s’achever le 1er octobre 2017 et pour l’indemnité réclamée au titre du mois d’octobre 2015, la prescription biennale a commencé à courir le 1er novembre 2015 pour s’achever le 1er novembre 2017. Dès lors, la demande en paiement présentée le 28 février 2018 devant le conseil de prud’hommes est irrecevable comme étant formée au-delà du délai de prescription.

Au surplus, contrairement à ce que M. [Z] soutient, la prescription quinquennale applicable en matière de harcèlement moral ou de discrimination ne peut être retenue dès lors que la demande en paiement qu’il formule n’est aucunement fondée sur une discrimination ou un harcèlement moral. Le seul fait que le non-paiement des indemnités de repas soit également un élément invoqué par le salarié parmi les autres éléments qu’il invoque pour essayer de laisser supposer un harcèlement moral ou une discrimination à son encontre ne permet pas de modifier la nature de la demande en paiement telle qu’elle est formulée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquements de l’employeur aux droits du salarié

Il a été jugé que l’employeur n’a commis aucune faute au titre de la contrepartie obligatoire en repos et que la demande en paiement des indemnités repas est prescrite, seul étant retenu un manquement de l’employeur pour ne pas avoir octroyé 6 jours supplémentaires de fractionnement à M. [Z] sur une période de trois ans. La demande de dommages et intérêts présentée par M. [Z] n’est pas prescrite puisque le dernier manquement de l’employeur à son obligation au titre des jours supplémentaires de fractionnement remonte à 2017 soit moins de deux ans avant la saisine du conseil de prud’hommes. Par ailleurs, ce manquement a porté atteinte au droit au repos du salarié, à sa vie privée et à la possibilité de bénéficier des joies habituelles lors des jours de congés. Afin de réparer ce préjudice, la cour lui alloue la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de rappel de salaire pour perte de salaire en 2017

La cour observe que M. [Z] présente une demande de rappel pour l’année 2017 et non pas une demande indemnitaire. Il fait valoir ainsi qu’il a perçu un salaire brut annuel en 2016 de 29.221 euros alors qu’en 2017, il n’a perçu que 19.463 euros brut.

Cependant, contrairement à ce qu’il allègue, il n’a jamais été embauché sur la base de 186 heures par mois et aucune garantie de 186 heures ne lui a été accordée ni par son employeur ni par les textes applicables.

En effet, le contrat de travail à durée indéterminée que M. [Z] a signé le 28 avril 2001 mentionne que les horaires de travail sont ceux de l’entreprise à savoir un minimum de 151,66 heures par mois et un maximum de 180 heures par mois. Par ailleurs, M. [Z] ne justifie nullement de son opposition au changement, à compter du 1er janvier 2017, de son lieu d’embauche, le seul document écrit par lui-même (pièce 26-1) n’étant pas probant. L’examen de ses bulletins de salaire pour l’année 2017 ne traduit aucune diminution de la base de son salaire puisqu’il a toujours été payé sur la base de 152 heures par mois, le taux horaire étant également inchangé.

Il s’avère toutefois que M. [Z] a accompli à partir de janvier 2017 moins d’heures d’équivalence et supplémentaires que l’année précédente ce qui a entraîné une baisse de sa rémunération globale. Il n’existe cependant aucun droit acquis à la réalisation d’heures supplémentaires et ce d’autant plus que l’examen des bulletins des années précédentes révèlent des variations importantes dans les temps de travail mensuels. M. [Z] a en outre été payé pour les heures de travail réellement accomplies en 2017, étant précisé qu’il a également été placé en arrêt maladie le 9 juin 2017, du 19 au 25 juin 2017 puis à compter du 25 septembre 2017 ce qui a rendu impossible l’accomplissement d’heures d’équivalence et supplémentaires.

M. [Z] n’établit donc pas avoir subi une baisse de rémunération irrégulière à partir de 2017 dès lors qu’il a été payé en continu sur la base du même taux horaire et sur la même base de 152 heures par mois de travail effectif que les années précédentes.

En conséquence, la demande de rappel de salaire présentée par M. [Z] ne peut qu’être rejetée.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la prime au mérite

M. [Z] sollicite le paiement à titre de rappel de salaire de la somme globale de 4.300 euros brut correspondant à un rappel de prime au mérite et se décomposant comme suit :

– 600 euros brut pour 2014,

– 1.000 euros brut pour 2015,

– 1.300 euros brut pour 2016,

– 1.400 euros brut pour 2017.

S’agissant d’une demande de nature salariale, la prescription triennale de l’article L.3245-1 du code du travail trouve à s’appliquer. Il s’ensuit que la demande en paiement au titre de l’année 2014 est irrecevable puisque M. [Z] a eu ou aurait dû avoir connaissance de l’absence de paiement de la prime au mérite à compter du 1er janvier 2015. Or, en saisissant le conseil de prud’hommes par requête envoyée le 28 février 2018, M. [Z] a agi alors que le délai de prescription était écoulé.

Sur le fond, il est rappelé que l’engagement unilatéral de l’employeur est l’engagement que peut prendre un employeur vis-à-vis des salariés soit de faire (accorder une prime), soit de ne pas faire. Cet engagement unilatéral résulte de toute manifestation de volonté de l’employeur à l’égard des salariés. Il peut donc résulter d’une note de service. L’engagement unilatéral a force obligatoire, sauf s’il est contraire à une disposition d’ordre public, et le salarié ne peut pas y renoncer. L’employeur ne peut ajouter ultérieurement une condition supplémentaire à l’octroi de l’avantage sans avoir procéder au préalable à une dénonciation régulière de l’engagement initial.

En l’espèce, M. [Z] produit une note d’information établie le 4 décembre 2003 par la société Transports [I] et Fils qui indique ‘ nous mettons en place une ‘prime au mérite’, celle-ci vous sera intégralement versée chaque mois mais reste soumise à quelques conditions. Elle sera supprimée en sa totalité [liste des cas]. La prime sera attribuée au prorata du temps de service dans l’entreprise (congés payés, congé paternité). Cette prime de 140 euros mensuels correspond plus ou moins à la valeur d’un treizième mois…’. L’employeur s’est donc très clairement engagé unilatéralement auprès de ses salariés à leur verser une prime au mérite chaque mois, sous certaines conditions précisément listées. Or, l’employeur n’a jamais dénoncé cet engagement unilatéral. Dans ces conditions, la société Transports [I] et Fils n’a pas pu ajouter régulièrement des conditions à l’attribution de la prime au mérite par les notes de service des 11 mai 2010, janvier 2013 et mars 2015 de sorte que M. [Z] pouvait effectivement prétendre au paiement de l’intégralité de la prime au mérite pour les années 2015, 2016 et au prorata du temps de service en 2017, la société Transports [I] et Fils ne démontrant pas que le salarié n’aurait pas rempli les conditions d’attribution de la prime, fixées en 2003.

Ainsi, en tenant compte des primes versées, la société Transports [I] et Fils doit être condamnée à payer à M. [Z] la somme de 1.000 euros pour l’année 2015, de 1.290 euros pour l’année 2016 et de 1.120 euros pour l’année 2017 soit un total de 3.410 euros brut.

Sur les demandes d’annulation des avertissements

1. En application de l’article L.1471-1 du code du travail, le délai de prescription pour contester un avertissement est de deux ans. En l’espèce, M. [Z] a fait l’objet d’un avertissement délivré le 1er mars 2016. Contrairement à ce qu’ont indiqué les premiers juges, le cachet de la poste apposé sur la requête du salarié aux fins de saisine du conseil de prud’hommes est parfaitement visible, la date du 28 février 2018 étant mentionnée. Or, selon l’article 668 du code de procédure, la date de notification par voie postale est à l’égard de celui qui y procède celle de l’expédition. En conséquence, la demande d’annulation de l’avertissement du 1er mars 2016 est recevable pour avoir été formée dans le délai de prescription qui expirait le 1er mars 2018.

2. Par ailleurs, si l’article 7 de la convention de l’OIT n°158 prévoit que ‘Un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l’on ne puisse pas raisonnablement attendre de l’employeur qu’il lui offre cette possibilité.’, la cour observe que cette disposition est limitée au licenciement. En outre, si l’article 1332-2 permet à l’employeur de délivrer un avertissement au salarié sans entretien préalable, il doit être relever qu’il s’agit de la sanction la plus légère dans l’échelle des sanctions disciplinaires n’affectant en rien, en principe, ni la carrière ni la rémunération du salarié, et que le principe du contradictoire n’est pas totalement écarté puisque le salarié dispose de la possibilité de contester cette sanction et d’en obtenir l’annulation si elle est injustifiée, le débat contradictoire à ce sujet pouvant s’instaurer d’abord avec l’employeur puis devant le juge. Ce moyen doit donc être rejeté.

3. L’avertissement constitue une sanction disciplinaire au sens de l’article L.1331-1 du code du travail. En application de l’article L.1333-1 du même code, lorsque le salarié conteste une mesure disciplinaire, le juge apprécie si les faits reprochés à l’intéressé sont de nature à justifier la sanction contestée. L’employeur doit alors fournir les éléments retenus pour prendre la sanction. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Enfin l’article L.1333-2 du code du travail permet au juge d’annuler une sanction injustifiée.

4. Aux termes du courrier du 1er mars 2016, la société Transports [I] et Fils reproche à M. [Z] d’avoir, le 9 février 2016, lors de la livraison d’un magasin, reculé dans le groupe réfrigérant du client sans le lui signaler. Les autres éléments figurant dans le courrier du 1er mars 2016 ne sont pas des fautes reprochées au salarié, mais des éléments de contexte, l’employeur indiquant d’ailleurs dans le cadre de la présente instance que le salarié s’est vu sanctionner en raison d’un sinistre qu’il a occasionné lors d’une livraison.

M. [Z] a contesté cet avertissement par courrier du 11 mars 2016 en expliquant qu’il n’avait rien remarqué lors de la livraison litigieuse et que ce jour là, il y avait des intempéries. Il a expliqué avoir examiné le hayon sans constater de trace particulière, s’être excusé auprès du client en lui indiquant ne pas s’être rendu-compte du sinistre et avoir proposé au client de prendre la plaque du groupe qui était endommagée pour la redresser. Dans son courrier, M. [Z] a également admis avoir détruit un transpalette électrique de manière non intentionnelle en 2011, étant rappelé que ce sinistre de 2011 n’a pas été sanctionné le 1er mars 2016 mais simplement rappelé par l’employeur.

Ces éléments suffisent à établir qu’un sinistre a bien eu lieu le 9 février 2016, M. [Z] reconnaissant s’en être expliqué avec le client qui lui a précisé qu’il avait été le seul à effectuer une livraison ce jour-là. Le fait sur lequel est fondé l’avertissement du 1er mars 2016 est donc établi, la sanction se trouvant en outre justifiée par le fait qu’il s’agissait du second sinistre occasionné, certes de manière non intentionnelle par M. [Z], mais en raison d’une négligence fautive dans l’exécution de ses obligations.

Il n’y a donc pas lieu d’annuler l’avertissement du 1er mars 2016, M. [Z] étant débouté de cette demande.

5. Par courrier du 11 juillet 2016, la société Transports [I] et Fils a sanctionné M. [Z] par un avertissement en lui reprochant d’avoir incité ses collègues à ne pas respecter le règlement du transport, de faire ‘n’importe quoi au niveau de vos coupures et vos temps de pose’, de ne plus respecter les ordres de missions qui lui sont confiés depuis 6 mois en insérant sa carte conducteur plus tôt que prévu pour obtenir des frais de route supplémentaires et le paiement d’heures de nuit, d’avoir fait une erreur de livraison le 5 juillet 2016 en livrant une palette au mauvais client, de faire une mauvaise conduite du véhicule, de dénigrer son employeur auprès des clients et des chargeurs et de faire preuve d’insubordination.

La cour observe que la société Transports [I] et Fils ne produit aucun élément pour étayer les faits qu’elle reproche à son salarié que ce dernier a contestés dès le 18 juillet 2016. En conséquence, cet avertissement doit être annulé.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination

Selon l’article L.1132-1 du code du travail dans sa version applicable ‘Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de … ses activités syndicales,….’.

Aux termes de l’article 1er de cette loi du 27 mai 2008, constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement (notamment) de ses activités syndicales, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est ou ne l’aura été dans une situation comparable, et constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère, un désavantage neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs(illicites dont celui de l’activité syndicale) un désavantage particulier pour une personne par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

Selon l’article L.1134-1 du code du travail :’Lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’

Il appartient ainsi au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement et il incombe à l’employeur qui conteste le caractère discriminatoire d’établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l’espèce, M. [Z] se fonde sur les articles L.2281-1 et L.2281-3 du code du travail de sorte qu’il y a lieu de considérer que le motif illicite de la discrimination dont il se prévaut est l’exercice d’une activité syndicale.

A cette fin, il expose que :

– il a fait l’objet de deux avertissements injustifiés,

– il n’a pas été payé de l’intégralité des primes au mérite,

– il a subi une baisse irrégulière de son temps de travail et en conséquence de son salaire,

Il résulte cependant des énonciations précédentes de la décision que la baisse irrégulière du temps de travail n’est pas établie et que le premier avertissement du 1er mars 2016 était justifié, seuls le non-paiement de la prime au mérite et la délivrance d’un avertissement injustifié le 11 juillet 2016 étant établis.

M. [Z] produit également une attestation de M. [W] [D], du 6 janvier 2018, qui explique que M. [I] l’a informé du changement de tournée en décembre 2016 en lui indiquant qu’il voulait ainsi ‘punir M. [Z]…car il avait une activité au Puy du Fou et fallait qu’il se repose et qu’il était syndiqué à la CFDT et que cela dérangeait M. [I].’. Cependant, le 18 avril 2018, M. [D] a écrit qu’il souhaitait annuler sa précédente attestation au motif que ‘M. [Z] a bien sue me manipulé pour me mettre a dos au transport [I] et Fils et me faire demissioner en descembre 201 suite aux probleme qu’il rencontre avec M. [I]!’. Le 28 mars 2021, M. [D] est toutefois revenu sur sa seconde attestation en expliquant que c’est M. [I] qui l’avait obligé à l’écrire ‘en contrepartie de mon contrat d’embauche’.

S’il n’est pas contesté que le salarié était affilié à la CFDT, il ne peut être accordé aucune valeur probante aux attestations de M. [D] qui a fait des témoignages variables en fonction de ses intérêts personnels. En outre, la seule absence de paiement des primes au mérite et la délivrance d’un avertissement injustifié dont rien ne permet de les relier à l’exercice de l’activité syndicale de M. [Z], ne laissent supposer aucune discrimination pour motif syndical. A cet égard, il est relevé que le mail de M. [O] [F] du 19 avril 2016 ne permet d’établir aucun rattachement entre le fait que M. [Z] soit syndiqué et les deux faits établis à l’encontre de l’employeur, M. [F] se contenant seulement d’indiquer que le syndicat ajouterait la discrimination syndicale à la plainte devant le conseil de prud’hommes.

Par conséquent, ces deux faits établis, même pris dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de laisser supposer une atteinte au principe d’égalité de traitement au regard de l’exercice de l’activité syndicale de M. [Z].

M. [Z] doit donc être débouté de sa demande indemnitaire au titre de la discrimination.

Sur la demande de dommages et intérêts pour déloyauté et harcèlement moral

Il résulte de l’article L. 1154-1 du code du travail que, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement (ou, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement), il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En vertu des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral (ou si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement) au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est également rappelé que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En l’espèce, M. [Z] expose que :

1) L’employeur a abusé de son pouvoir disciplinaire en lui notifiant deux avertissements injustifiés,

2) l’employeur a fait preuve de déloyauté en :

– ne lui payant pas les 4 repas réclamés au titre de l’année 2015,

– refusant de lui accorder des jours supplémentaires de fractionnement,

– ne lui faisant pas bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos,

– imposant une réunion, non rémunérée, hors du temps de travail de 16h à 17h ,

– ne payant pas une visite médicale en 2015,

– modifiant irrégulièrement la prime d’ancienneté,

3) l’employeur lui a fait des reproches injustifiés (avoir des objets devant son pare-brise, être le seul à prendre des photos, obligation de signer un document où il reconnaît des fautes),

4) l’employeur a contesté son droit à se défendre et à s’exprimer,

5) il a été ostracisé par son employeur en se voyant imposer des contraintes particulières,

6) son salaire n’a pas été augmenté ce qui constitue une sanction pécuniaire,

7) l’employeur ne lui a pas payé régulièrement sa prime au mérite,

8) l’employeur a baissé irrégulièrement son temps de travail et en conséquence son salaire, à titre de sanction,

9) l’employeur a fait une dénonciation calomnieuse à la CPAM afin de le voir condamner à rembourser les indemnités journalières,

10) l’employeur a porté atteinte à sa vie privée et au secret médical,

11) l’employeur a procédé à un dénigrement caractérisé auprès de ses collègues de travail,

12) son état de santé psychologique s’est dégradé,

13) l’employeur a fait des demandes en justice blessantes, vexatoires et injustifiées,

14) l’employeur a manqué à son obligation de prévention des risques.

Le fait n°1 est partiellement établi puisqu’il a été décidé que seul l’avertissement du 11 juillet 2016 est injustifié.

Le fait n°2 est également partiellement établi puisqu’il a été décidé qu’il n’y a aucun manquement de l’employeur au titre de la contrepartie obligatoire en repos. En revanche, la cour a retenu, tout comme les premiers juges, un manquement de l’employeur au titre des jours supplémentaires de fractionnement.

La cour observe par ailleurs qu’aucun des éléments du dossier ne permet de retenir que l’employeur se serait abstenu de payer 4 repas au cours de l’année 2015 alors même que M. [Z] a perçu 17 indemnités (casse-croûte et/ou repas unique de nuit) pour 17 jours de déplacements en novembre 2015, qu’il a perçu 18 indemnités (casse-croûte et/ou repas unique de nuit et/ou repas) pour 18 jours de déplacements en septembre 2015 et qu’il a perçu 21 indemnités (casse-croûte et/ou repas unique de nuit) pour 21 jours de déplacements en août 2015.

S’agissant de la réunion d’information du samedi 19 mars 2016, M. [Z] ne produit qu’un courrier du syndicat CFDT à l’attention de l’employeur lui demandant de refaire la convocation en indiquant explicitement à l’ensemble du personnel que le temps passé sera rémunéré ou récupéré. Il ne saurait toutefois être déduit de ce courrier que l’intention de l’employeur était de ne pas rémunérer les salariés, la cour constatant en outre que M. [Z] ne se plaint pas de ne pas avoir été finalement rémunéré pour cette réunion d’information. Ce fait n’est donc pas établi.

M. [Z] prétend ensuite que son employeur a décidé de ne pas prendre en charge une ou des visites médicales passées en 2015. Or, son bulletin de salaire de juillet 2015 mentionne un remboursement de 33 euros avec une mention manuscrite ‘remboursement visite médicale’. Aucun autre élément n’est utilement produit pour étayer un non-paiement spontané de l’employeur, la seule obligation de ce dernier étant de ne pas laisser supporter au salarié le coût des visites médicales. Ce fait n’est donc pas établi.

Enfin, concernant la prime d’ancienneté, M. [Z] justifie par la production de ses bulletins de salaire que jusqu’au mois de février 2016, son employeur lui versait son salaire de base brut mensuel et une prime d’ancienneté distincte mais qu’à compter du mois de mars 2016, la prime d’ancienneté a été intégrée au salaire de base brut mensuel ce qui a entraîné une diminution du salaire brut mensuel. Cependant, dès le mois d’avril 2016, le syndicat CFDT est intervenu auprès de l’employeur pour lui demander de bien vouloir régulariser la situation, l’inspection du travail ayant procédé à la même demande. L’examen des bulletins de salaire de M. [Z] à partir de juin 2016 permet de retenir que l’employeur a maintenu l’intégration de la prime d’ancienneté dans le salaire de base brut mensuel mais a augmenté le montant de ce dernier afin d’assurer un niveau de rémunération équivalent à celui existant en février 2016 de sorte que dès juin 2016, la difficulté relevée par M. [Z] n’a duré que 3 mois en 2016.

S’agissant du fait n°3, contrairement à ce que soutient M. [Z], son employeur lui a simplement demandé, dans son courrier du 1er mars 2016, de ‘retirer immédiatement du véhicule que vous conduisez les plaques et objets qui obstruent la bonne visibilité de votre pare-brise. En cas d’accident, votre responsabilité pourrait être engagée’, ce qui ne constitue pas un reproche injustifié mais un rappel opportun des règles de sécurité. De même, l’employeur n’a nullement reproché à M. [Z] d’être le seul à prendre des photos mais lui a fait remarquer que ‘vous êtes le seul à nous amener des photos de palettes couchées dans votre semi-remorque’. En revanche, il a été considéré, lors de l’examen de l’avertissement du 11 juillet 2016, que la mauvaise conduite qui était reprochée, au regard des photographies, à M. [Z] n’était pas établie. Enfin, M. [Z] ne démontre pas qu’il a été contraint de signer un document le 29 septembre 2015 dans lequel il reconnaît ne pas avoir respecté la réglementation concernant les temps de repos, la seule production de ce document même entaché d’erreurs ne démontre aucune contrainte de l’employeur à son égard.

Pour tenter d’établir le fait n°4, M. [Z] fait état la phrase suivante écrite par l’employeur dans la lettre du 11 juillet 2016 : ‘Nous constatons également votre mauvaise foi en contredisant tous les avertissements que nous vous avons adressés ultérieurement’. Cette seule phrase est toutefois insuffisante pour établir une atteinte à la liberté d’expression du salarié et une contestation du droit du salarié de se défendre, l’employeur ne faisant que livrer au salarié son interprétation du comportement de ce dernier sans l’empêcher pour autant de s’exprimer ou de contester, ce que M. [Z] ne s’est d’ailleurs pas privé de faire dès le 18 juillet 2016. Ce fait n’est donc pas établi.

Le fait n°5 n’est pas plus établi, les pièces produites par M. [Z] ne traduisant aucune mise à l’écart du salarié ni aucun traitement spécifique.

S’agissant du fait n°6, M. [Z] invoque la note de service de mars 2015 dans laquelle son employeur a indiqué ‘nous avons procédé à une augmentation de pratiquement tous les salaires, alors que certains d’entre vous ne le méritaient pas. Pour information, une majorité d’entre vous perçoit un salaire majoré de 5 à 7% par rapport à la convention collective’. En janvier 2015, le salaire de base brut mensuel de M. [Z] était de 1.683,54 euros alors qu’en février 2015, il a été augmenté à 1.698,70 euros. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. [Z], il a bien bénéficié d’une augmentation de salaire compatible avec la note de service de mars 2015 puisque l’augmentation évoquée dans cette note était, compte tenu de l’usage du passé composé, nécessairement antérieure. La cour relève également que M. [Z] bénéficiait d’une rémunération supérieure à celle prévue par la convention collective pour son emploi, son niveau et son coefficient. Ce fait n’est donc pas établi.

Il résulte des énonciations précédentes de l’arrêt que si le fait n°7 est établi, il n’en va pas de même pour le fait n°8.

S’agissant du fait n°9, M. [Z] produit le courrier de la CPAM du 8 octobre 2018 dans lequel il est indiqué qu’elle a ‘été destinataire d’un signalement de la part de votre employeur, les Transports [I], par lequel vous exerceriez une activité de bénévolat pour le Puy du Fou, notamment une activité liée au spectacle et la conduite de navette des cars pour les personnes à mobilité réduite. Il joint le témoignage de M. [K], secrétaire de l’association Le Puy du Fou qui reconnaît cette activité vous concernant à hauteur de 3 fois par semaine les mois de juin, juillet, août et septembre….à l’étude de votre dossier, vos prescriptions d’arrêt de travail ne comportent aucune mention d’autorisation d’activité pour votre second employeur…la caisse primaire d’assurance maladie envisage donc la mise en oeuvre d’une action contentieuse pour activité non autorisée pendant un arrêt de travail indemnisé. Cependant préalablement à sa décision, elle vous accorde la possibilité de faire valoir vos observations dans un délai de 15 jours.’. M. [Z] admet que la CPAM n’a finalement pas engagé d’action contentieuse. Les termes du courrier de la CPAM ne permettent toutefois pas de retenir l’existence d’une dénonciation calomnieuse dès lors que M. [Z] exerçait effectivement une activité bénévole pour le Puy du Fou, peu important qu’il n’assure plus la navette des cars. Ce fait n’est donc pas établi.

S’agissant du fait n°10, M. [Z] produit son courrier adressé à son employeur le 8 juillet 2017 par lequel il refuse de communiquer à ce dernier les justificatifs de ses rendez-vous médicaux pour son hospitalisation prévue le 18 juin 2017. Il produit également une attestation de son employeur du 3 juillet 2017 qui reconnaît que M. [Z] était en congé ou repos entre le 14 juin 2017 à 20h40 et le 18 juin 2017 à 24h00 ainsi qu’un courrier de son employeur du 10 juillet 2017 qui explique ‘vous m’avez fourni un arrêt de travail allant du 19 au 25 juin alors que vous avez quitté votre poste de travail dès le 16 juin. Je vous demande donc le pourquoi de cet absentéisme du 16/06/2017 sans aucun justificatif. Ainsi, votre arrêt de travail ne correspond pas à la réalité’. Ces seuls éléments ne permettent toutefois pas d’établir que l’employeur aurait porté atteinte à la vie privée du salarié et au secret médical alors qu’il appartient au salarié de justifier de ses absences à son travail et que l’employeur est en droit de lui demander de produire des justificatifs, la cour observant à titre surabondant que le bulletin de salaire de M. [Z] pour le mois de juin 2017 porte mention d’un repos à la demande du salarié le 16 juin 2017 et d’un congé sans solde d’une durée de 14h.

S’agissant du fait n°11, M. [Z] produit les échanges de courriers, ayant eu lieu en février 2018, entre son employeur et un autre salarié, M. [B], selon lesquels la société Transports [I] et Fils évoque M. [Z] dans les termes suivants :’ Vous avez alors cité le nom de M. [Z] [M] à plusieurs reprises. Celui-ci vous a radicalisé et il vous a persuadé que c’est lui qui dit la vérité (il vous a pourtant mal conseillé en vous informant que le préavis pour un départ en retraite était de 8 jours, alors que c’était faux, celui-ci est de 2 mois). C’est donc encore M. [Z] qui vous dit que le montant de votre départ en retraite doit s’élever à 12000€. Hors, je vous informe que c’est notre expert-comptable en application de la convention collective qui va calculer votre indemnité de départ en retraite, et non pas M. [Z]’, ‘De plus, vous m’avez insulté en disant que j’étais un voleur, un menteur et que c’est M. [Z] [M] qui l’a dit. Je vous rappelle que vous faites fausse route avec cette personne qui est de très mauvais conseil. Nous pourrons vous le prouver, à l’aide de courriers que ce M. [Z] nous a envoyés, que nous vous montrerons quand vous viendrez chercher votre solde de tout compte’, ‘après que vous ayez dialogué avec M. [Z], nous avons remarqué que vous rentriez de plus en plus tard alors que nous avions réduit votre tournée’, ‘Aujourd’hui, nous constatons que vous êtes entièrement manipulé par votre collègue M. [Z] [M]. Il vous induit en erreur ce qui va vous causer d’énormes problèmes’, ‘depuis que vous avez rencontré M. [Z], vous êtes devenu ingérable au sein de notre entreprise.’ Ces éléments suffisent à établir que la société Transports [I] et Fils a dénigré M. [Z] auprès de M. [B] en le rendant responsable du comportement de ce dernier.

S’agissant du fait n°12, M. [Z] produit une ordonnance de son médecin traitant du 17 octobre 2018 portant prescription d’un anxiolytique pour une période d’un mois renouvelable une fois ainsi que l’ordonnance d’un médecin psychiatre du 17 avril 2019 portant prescription du même anxiolytique pour une durée d’un mois. Ces deux prescriptions médicales sont toutefois insuffisantes pour établir une dégradation de l’état de santé de M. [Z] alors qu’il est constant qu’il souffrait par ailleurs de pathologies qui sont à l’origine de son arrêt de travail à compter du 25 septembre 2017 et de son inaptitude.

S’agissant du fait n°13, il convient de relever que le comportement reproché à l’employeur est postérieur à la rupture du contrat de travail de sorte qu’il ne saurait être utilement invoqué au titre du harcèlement moral ou des déloyautés lesquels ne peuvent être caractérisés qu’au regard d’attitudes de l’employeur en cours d’exécution du contrat de travail.

S’agissant du fait n°14, M. [Z] prétend d’une part que la société Transports [I] et Fils n’a rien mis en oeuvre en matière de prévention du harcèlement moral en ne diligentant aucune enquête. La cour constate qu’effectivement, aucune enquête n’a été diligentée. M. [Z] prétend d’autre part que son employeur n’a pris aucune mesure de prévention pour identifier les risques professionnels et pour les faire disparaître. Cependant cette allégation est bien trop imprécise puisque M. [Z] n’indique pas quels risques professionnels, en dehors du harcèlement moral, l’employeur aurait dû prévenir.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que seuls certains faits invoqués par le salarié sont établis. Or, ces faits établis, pris dans leur ensemble, ne laissent pas présumer une situation de harcèlement moral dès lors que le salarié ne justifie ni même n’allègue une quelconque dégradation de ses conditions de travail causés par ces faits et que la dégradation de l’état de santé psychologique alléguée n’est pas établie.

En revanche, les faits établis caractérisent une certaine déloyauté de l’employeur à l’égard de M. [Z], la société Transports [I] et Fils ayant ainsi manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail prévue par l’article L.1222-1 du code du travail. Le manquement de l’employeur a causé un préjudice moral au salarié. La cour s’estime suffisamment informée pour évaluer à 1.500 euros le montant des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice causé à M. [Z] par les déloyautés de l’employeur. La société Transports [I] et Fils est condamnée au paiement de cette somme.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du non-respect des obligations en matière de sécurité

L’article L.1152-4 du code du travail impose à l’employeur une obligation de prévention du harcèlement moral, en disposant, en son alinéa 1, que « L’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. »

Il est précisé que l’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l’article L.4121-1 du code du travail et de l’article L. 4121-2 du même code est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle. L’obligation de prévention du harcèlement moral est ainsi une déclinaison de l’obligation de sécurité, résultant pour l’employeur des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

Ainsi, l’absence de harcèlement moral n’est pas de nature à exclure, en présence d’une souffrance morale en lien avec le travail, tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, de sorte qu’il appartient à l’employeur de prendre des mesures de nature à prévenir mais également pour faire cesser ces agissements. L’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre qu’il a pris toutes les mesures de préventions et toutes les mesures de nature à faire cesser le harcèlement moral dénoncé.

En l’espèce, M. [Z] reproche essentiellement à la société Transports [I] et Fils de ne pas avoir déclenché une enquête dans le cadre de la prévention du harcèlement moral. Or, s’il est avéré que la société Transports [I] et Fils n’a pas diligenté d’enquête, ce fait n’est pas pour autant fautif dès lors qu’il n’y avait pas lieu de déclencher une quelconque enquête en l’absence de dénonciation auprès de l’employeur de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral.

Par ailleurs, M. [Z] se contente d’indiquer, sans autre précision, que son employeur n’a pas pris de mesure pour identifier les risques professionnels et les faire disparaître. M. [Z] ne démontre toutefois pas que ce manquement allégué lui aurait causé un quelconque préjudice distinct de celui occasionné par les déloyautés dont l’employeur fait preuve à son égard.

En conséquence, M. [Z] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour avertissements injustifiés

1. Depuis le décret du 20 mai 2016 et la suppression du principe de l’unicité de l’instance en matière prud’homale, l’article R.1452-2 du code du travail dispos que la requête introductive d’instance doit expressément contenir un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionner chacun des chefs de celle-ci. Toute prétention nouvelle, non mentionnée dans la requête initiale, est ainsi par principe irrecevable en cours d’instance prud’homale.

Cependant, les articles 63, 65 et 70 du code de procédure civile prévoit la possibilité de formuler, en cours d’instance, des demandes additionnelles qui ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l’espèce, il est constant que dans sa requête initiale, M. [Z] n’a présenté aucune demande de dommages et intérêts pour le préjudice causé par les avertissements qu’il estimait injustifié, ne formulant cette demande qu’ultérieurement devant le conseil de prud’hommes. Cette prétention nouvelle doit toutefois être qualifiée de demande additionnelle dès lors qu’elle n’est que la conséquence d’une autre prétention formulée dans la requête initiale à savoir l’annulation des avertissements. Il existe ainsi un lien suffisant entre ces deux demandes de sorte que la demande de dommages et intérêts de M. [Z] doit être déclarée recevable.

2. Il résulte des énonciations précédentes de l’arrêt que seul le second avertissement du 11 juillet 2016 a été annulé pour être injustifié, le premier du 1er mars 2016 ne pouvant ouvrir droit à des dommages et intérêts puisqu’il est justifié. La cour relève en outre que M. [Z] ne justifie d’aucun préjudice distinct de celui déjà réparé au titre des déloyautés causées par l’employeur parmi lesquelles la délivrance injustifiée de l’avertissement du 11 juillet 2016 a été retenue. M. [Z] doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes reconventionnelles de l’employeur

En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

En l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner M. [Z] au paiement d’une amende civile puisqu’il a obtenu partiellement gain de cause de sorte qu’aucun abus dans l’exercice de son action en justice n’est caractérisé.

De même, il n’y a pas lieu de condamner M. [Z] à payer des dommages et intérêts à la société Transports [I] et Fils dès lors que cette dernière ne démontre pas que l’exercice de l’action en justice par le salarié serait abusif. Elle est donc déboutée de sa demande.

Sur les autres demandes

La société Transports [I] et Fils qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d’appel. L’équité et la solution du litige conduisent également à confirmer la condamnation de l’employeur à payer à M. [Z] la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et à condamner la société Transports [I] et Fils à payer à M. [Z] une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. La société Transports [I] et Fils doit en conséquence être déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 3 juillet 2020 par le conseil de prud’hommes de Niort en ce qu’il a :

– fixé le montant du salaire de référence de M. [M] [Z] à la somme de 2.435,08 euros brut,

– condamné la SARL Transports [I] et Fils à payer à M. [M] [Z] la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés et y ajoutant,

– Déclare irrecevable la demande en paiement présentée par M. [M] [Z] au titre des jours supplémentaires de fractionnement 2012 et 2013,

– Déclare recevable la demande en paiement présentée par M. [M] [Z] au titre des jours supplémentaires de fractionnement, 2014, 2015, 2016 et 2017,

– Condamne la SARL Transports [I] et Fils à payer à M. [M] [Z] la somme de la somme de 507,78 euros brut outre la somme de 50,78 euros brut au titre des congés payés afférents au titre des jours supplémentaires de fractionnement 2014, 2015, 2016,

– Déboute M. [M] [Z] de sa demande en paiement des jours supplémentaires de fractionnement 2017,

– Déclare irrecevable la demande de rappel de salaire présentée par M. [M] [Z] au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2014,

– Déclare recevable la demande de rappel de salaire présentée par M. [M] [Z] au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2016,

– Déboute M. [M] [Z] de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2016,

– Déclare recevable la demande de dommages et intérêts présentée par M. [M] [Z] en réparation de l’atteinte à son droit au repos,

– Condamne la SARL Transports [I] et Fils à payer à M. [M] [Z] la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison du non-respect par l’employeur de la réglementation relative aux jours supplémentaires de fractionnement,

– Déclare irrecevable la demande de rappel de salaire présentée par M. [M] [Z] au titre des repas 2015,

– Déboute M. [M] [Z] de sa demande de rappel de salaire pour perte de salaire en 2017,

– Déclare irrecevable la demande de rappel de salaire de M. [M] [Z] au titre de la prime au mérite 2014,

– Condamne la SARL Transports [I] et Fils à payer à M. [M] [Z] la somme de 3.410 euros brut à titre de rappel de salaire pour les primes au mérite 2015, 2016 et 2017,

– Déclare recevable la demande de M. [M] [Z] tendant à l’annulation de l’avertissement délivré le 1er mars 2016,

– Déboute M. [M] [Z] de sa demande tendant à l’annulation de l’avertissement délivré le 1er mars 2016,

– Annule l’avertissement délivré le 11 juillet 2016,

– Déboute M. [M] [Z] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la discrimination syndicale,

– Déboute M. [M] [Z] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur le harcèlement moral,

– Condamne la SARL Transports [I] et Fils à payer à M. [M] [Z] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– Déboute M. [M] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de prévention du harcèlement moral,

– Déclare recevable la demande de dommages et intérêts présentée par M. [M] [Z] au titre des avertissements injustifiés,

– Déboute M. [M] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour avertissements injustifiés,

– Déboute la SARL Transports [I] et Fils de sa demande tendant au prononcé d’une amende civile à l’encontre de M. [M] [Z],

– Déboute la SARL Transports [I] et Fils de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– Condamne la SARL Transports [I] et Fils à payer à M. [M] [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– Déboute la SARL Transports [I] et Fils de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne la SARL Transports [I] et Fils aux dépens de première instance et d’appel,

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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