Dénonciation calomnieuse : 22 novembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00099

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Dénonciation calomnieuse : 22 novembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/00099
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22 novembre 2022
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/00099

C1

N° RG 21/00099

N° Portalis DBVM-V-B7F-KV4P

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Nathalie LOURENCO

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 22 NOVEMBRE 2022

Appel d’une décision (N° RG F19/00029)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GAP

en date du 14 décembre 2020

suivant déclaration d’appel du 04 janvier 2021

APPELANTE :

Madame [M] [B] née [U] [G]

née le 23 Juin 1962 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Nathalie LOURENCO, avocat au barreau de HAUTES-ALPES,

INTIMEE :

Société GROUPE PROVENCE SERVICES GPS, prise en la personne de son président en exercice demeurant et domicilié ès qualités audit siège,

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Frédéric TEISSIER, avocat plaidant inscrit au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 septembre 2022,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de Mme AL TAJAR Rima Greffière stagiaire conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 22 novembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 22 novembre 2022.

Exposé du litige :

Mme [U] [G] épouse [B] a été engagée en contrat à durée indéterminée par la Société GROUPE PROVENCE SERVICE (GPS), société coopérative agricole à capital variable, le 14 mai 2012, en qualité d’Employée de Comptabilité 2ème échelon, coefficient 270.

En mai 2017, elle est élue secrétaire du CE, membre du CHSCT et déléguée syndicale puis, en juin 2017, elle est élue déléguée syndicale et aux fonctions de conseiller prud’homal près le Conseil des prud’hommes de Dignes les bains.

Le 12 février 2018, la Société GPS lui a notifié un avertissement et le 28 février 2018 et Mme [U] [G] épouse [B] a demandé l’annulation de cet avertissement.

Le 12 février 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 28 février 2018.

Le 12 mars 2018, la société GPS lui a notifié une mise à pied d’un jour. Le 28 mars 2018, Mme [U] [G] épouse [B] a sollicité l’annulation de cette mise à pied.

Le 30 avril 2018, la société GPS a confirmé par courrier le maintien des sanctions prononcées.

Mme [U] [G] épouse [B] a, par requête du 29 avril 2019, saisi le Conseil de prud’hommes de GAP aux fins de voir annuler l’avertissement prononcé le 12 février 2018, la sanction disciplinaire de mise à pied pour la journée du 4 avril 2018 et ordonner l’effacement de ces sanctions de son dossier et enfin voir juger que l’employeur a exercé un harcèlement moral à son encontre et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 14 décembre 2020, le conseil des prud’hommes de Gap a :

Débouté Mme [U] [G] épouse [B] de l’ensemble de ses demandes.

Condamné Mme [U] [G] épouse [B] aux entiers dépens de l’instance.

Débouté la Société GROUPE PROVENCE SERVICES (GPS) de sa demande reconventionnelle.

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La décision a été notifiée aux parties et Mme [U] [G] épouse [B] en a interjeté appel.

Par conclusions du 08 mars 2021, Mme [U] [G] épouse [B] demande à la cour d’appel de :

Réformer la décision déférée en ce qu’elle l’a :

Déboutée de l’ensemble de ses demandes,

Condamnée aux entiers dépens de l’instance.

Et statuant à nouveau,

Annuler l’avertissement prononcé par GPS à son égard par lettre recommandé avec demande d’avis de réception en date du 12 février 2018,

Annuler la sanction disciplinaire de mise à pieds pour la journée du 4 avril 2018,

Ordonner l’effacement de ces sanctions de son dossier,

Dire et juger que le GROUPE PROVENCE SERVICES a exercé un harcèlement moral à son égard,

En conséquence,

Enjoindre à la Société GPS de transmettre le registre du personnel de GPS ainsi que les bulletins de paie des salariés du service comptabilité depuis le 1er janvier 2020, et ce sous astreinte de 100 euros par jours de retard suivant le délai de 8 jours de la décision à intervenir,

Enjoindre à la Société GPS de la rétablir dans ses fonctions de comptable sous astreinte de 200 euros par jour de retard suivant le délai de 8 jours de la décision à intervenir,

Condamner le GROUPE PROVENCE SERVICES à lui verser la somme de 80 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice moral subi,

Condamner le GROUPE PROVENCE SERVICES à lui verser la somme de 6 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et en cause d’appel,

Le condamner aux entiers dépens de l’instance,

Par conclusions du 02 juin 2021, la société GROUPE PROVENCE SERVICES (GPS) demande à la cour d’appel de :

Débouter Mme [U] [G] épouse [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions et de son appel,

Confirmer le Jugement en date du 14 Décembre 2020, le Conseil de Prud’hommes de GAP, section Agriculture, qui a :

Débouté Mme [U] [G] épouse [B] de l’ensemble de ses demandes.

Condamné Mme [U] [G] épouse [B] aux entiers dépens de l’instance. »

En conséquence,

Dire et juger que l’avertissement du 12 février 2018 était justifié, comme la mise à pied du 12 mars 2018.

Dire et juger que les faits reprochés à la STE GROUPE PROVENCE SERVICES par Mme [U] [G] épouse [B] ne sont pas constitutifs de harcèlement moral au sens de l’Article L. 1152-1 du Code du Travail.

En conséquence,

Débouter Mme [U] [G] épouse [B] de ses demandes indemnitaires de 80 000 euros, et de sa demande d’astreinte de 200 euros au titre de la fiche de poste, comme constituant une demande nouvelle sinon infondée.

Réformer le jugement de première instance sur ce point pour faire droit à la demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile de première instance à hauteur de 2 500 euros auquel sera condamnée Mme [U] [G] épouse [B].

Condamner Mme [U] [G] épouse [B] au règlement d’une somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 05 juillet 2022.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

SUR QUOI :

Sur la demande d’injonction de production de pièces :

Mme [U] [G] épouse [B] expose être la plus ancienne comptable du GROUPE PROVENCE SERVICES, et percevoir un salaire inférieur à ses collègues du même poste, ne bénéficiant pas du statut d’agent de maitrise contrairement à ses collègues. Elle demande à la Cour d’appel d’enjoindre à la Société GPS de transmettre le registre du personnel de GPS ainsi que les bulletins de paie des salariés du service comptabilité depuis le 1er janvier 2020.

La société GPS expose que cette demande est nouvelle et mal fondée.

Réponse de la cour,

Les articles 564 et suivants du code de procédure applicables aux faits de l’instance prévoient qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En matière prud’homale, la preuve est libre, c’est-à-dire qu’elle peut être apportée par tous moyens.

Il appartient au juge, après avoir estimé que la partie justifie d’un motif légitime, de vérifier quelles mesures sont indispensables à la protection du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée.

En l’espèce, Mme [U] [G] n’a pas développé de moyen ni de demande lors de la première instance au titre d’une inégalité salariale et n’a pas soutenu une différence de rémunération entre elle et d’autres collègues.

Cette demande aux fins de production de pièces ne peut être considérée comme une demande qui serait apparue du fait de l’évolution du litige, de la révélation d’un fait. Elle ne peut non plus être admise comme une prétention qui était virtuellement comprise dans les demandes et défenses soumises au premier juge et donc être considérée comme l’accessoire, la conséquence ou le complément d’une demande formée devant les premiers juges.

Il convient donc de déclarer irrecevable la demande nouvelle d’injonction de production de pièces formulée par Mme [U] [G] épouse [B].

Sur la demande d’annulation de l’avertissement du 12 février 2018 et de la mise à pied du 12 mars 2018 :

Moyens des parties :

Mme [U] [G] épouse [B] soutient avoir été sanctionnée de manière injustifiée par un avertissement le 12 février 2018. Elle expose que :

En janvier, en raison de formation et de récupération et de congés, elle n’a pas eu le temps d’accomplir les déclarations de TVA qui étaient traitées le 16 de chaque mois. Elle n’a ainsi été présente que 5 jours dont une journée de réunion. En rentrant de congés il lui a été demandé de saisir par priorité, la trésorerie entrée.

L’employeur avait conscience qu’il ne lui était pas possible à cause de ses obligations inhérentes à son mandat, de saisir la TVA. En tout état de cause, c’est sa responsable hiérarchique, Mme [A] qui était en charge de valider les opérations et de transmettre au service des impôts des entreprises la déclaration mensuelle de TVA.

S’agissant de la mise à pied du 12 mars 2018, elle fait valoir que :

Sur le grief d’une absence sans avoir fait de bon de délégation et sans en avoir averti le chef de service, l’absence de ¿ d’heure à son poste est justifiée par une réunion de délégués du personnel au sein de l’entreprise à laquelle participaient également les deux autres salariés non sanctionnés,

Sur le grief d’avoir falsifié à posteriori un bon de délégation, elle n’a pas accès à la fonction informatique permettant de modifier les heures de délégation à postériori, c’est sa supérieure, Mme [A] qui l’a faite car il faut pour cela disposer d’un accès dit « administrateur » que seule la supérieure hiérarchique dispose.

Sur le grief d’une attitude de défiance envers Mme [A], il s’agit d’un ressenti subjectif non étayé.

La société GPS expose que les sanctions disciplinaires sont fondées et fait valoir sur l’avertissement que :

Le manquement de la salariée ne concerne pas le mois de Janvier 2018 mais celui de Novembre 2017, pour la TVA d’Octobre 2017. Mme [U] [G] épouse [B] n’a pas diffusé les chiffres, ni à Mme [A], ni à l’ensemble des services comptable et financier. Il s’agissait de la charge habituelle récurrente de cette salariée.

Si effectivement elle était absente du 15 au 18 janvier, rien ne s’opposait à ce qu’elle traite la TVA avant son départ en congés. La salariée, tout au long du mois de Janvier, n’a pas informé son supérieur direct d’un retard ou d’une difficulté quelconque liée à l’impossibilité de réaliser cette tâche ni même laissé des consignes ou informations aux autres salariés qui leur permettent éventuellement de pallier son absence.

S’agissant de la sanction disciplinaire de mise à pied, l’employeur expose que :

Mme [U] [G] épouse [B] ne peut apporter la preuve que, préalablement à son absence du 07 janvier 2018 en début d’après-midi, elle avait sollicité son employeur à cette fin, ni informé celui-ci. Mr [Y] pouvait donc, légitimement, en présence du Directeur de la Société, lui en faire la remarque à son retour, sans subir une réponse acerbe de la part de celle-ci.

Mme [U] [G] épouse [B] pour justifier a posteriori de son attitude a cru utile d’établir un bon de délégation concernant ce qu’elle croyait être le jour litigieux, et qu’elle a daté du 06 février 2018.

Réponse de la Cour,

Aux termes de l’article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Selon l’article L. 1333-1 alinéas 2 et 3 du code du travail, l’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Le juge doit suivre le processus probatoire en deux étapes. Il lui appartient d’examiner les éléments fournis par l’employeur et le salarié pour apprécier la réalité des faits ayant motivé la sanction et, s’il lui est impossible de former sa conviction, de faire peser le risque de la preuve sur l’employeur. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Si les faits ayant motivé la sanction sont matériellement établis, il appartient au juge, en cas de contestation, d’apprécier si la sanction est justifiée et proportionnée à la faute commise.

En l’espèce, s’agissant tout d’abord de la sanction disciplinaire du 12 février 2018, la lettre de notification adressée à la salariée est libellée comme suit: « Au cours du mois de janvier 2018, vous avez eu un comportement que nous ne pouvons admettre. Nous avons relevé les faits suivants :

Vous n’avez pas effectué la déclaration de TVA pour le 20/01/2018 au plus tard comme le prévoit votre fiche de fonction.

Vous n’avez pas non plus enregistré comptablement une partie de vos TVA de novembre.

Vous n’avez pas informé votre supérieur hiérarchique.

Vous n’avez pas respecté les tâches qui vous ont été confiées et ce non-respect a engendré une désorganisation du service administratif ; et vous avez fait courir un risque de pénalité fiscale à notre entreprise. Nous avons décidé de vous adresser un avertissement et nous vous indiquons que cette sanction présente un caractère disciplinaire. À l’occasion de toute nouvelle faute, nous serons dans l’obligation d’envisager des sanctions plus graves. »

Il n’y a pas de contestation sur le fait que Mme [G] [U] épouse [B] avait, en sa qualité d’employée de comptabilité et en application de sa fiche de poste, la responsabilité d’effectuer la déclaration de TVA et taxes, cette tâche représentant 20 % de son temps d’activité.

La salariée ne conteste pas la matérialité des faits invoqués à l’appui de cette sanction disciplinaire mais argue d’une disproportion de celle-ci eu égard aux faits et eu égard à son temps de présence effectif durant le mois de janvier 2018. L’employeur admet qu’il était valablement informé des absences justifiées de la salariée.

Il ressort des pièces versées par la salariée, et particulièrement du planning du mois de janvier 2018 sur lequel l’employeur n’émet aucune réserve, qu’elle n’a été présente dans le service que 3 jours avant le 20 janvier 2018 puis 4 jours après le 20 janvier. Elle se trouvait ainsi en congés payés (CP) du 1er au 3 puis, en récupération le 05 et le 19 janvier. Le même planning fait état d’absences sous les libellés suivants : « BONS » les 10 et 11, 15, 26 et 31 janvier, « BONFR » le 12 (prestation de serment comme conseiller au Conseil des prud’hommes de Dignes les bains, 24 et 26 janvier et enfin en « FORM » du 16 au 18 janvier (formation au titre du CFESS). Au total la salariée n’a été présente à son poste de travail que 8 jours en janvier 2018.

Mme [G] [U] épouse [B] verse en outre le courrier par lequel elle conteste l’avertissement dans lequel elle mentionne que, s’agissant des déclarations de TVA, elles étaient habituellement opérées « à compter du 16 de chaque mois en dehors des mois de décembre et juin ». L’employeur n’apporte aucune contradiction à cette allégation et il convient d’observer que la fiche de poste produite et le contrat de travail de la salariée ne comportent aucune date d’échéance des déclarations de TVA. Aux termes de ce même courrier, la salariée rappelle les motifs de ses absences et fait valoir qu’en raison de celles-ci, elle n’a pas été en mesure d’accomplir ses tâches habituelles. Ces éléments permettent à la Cour de constater que l’employeur n’ignorait pas que la salariée se trouvait de fait empêchée d’accomplir son travail dans des conditions optimales du fait des heures de délégation syndicale ou encore en raison de la formation qui lui avait été accordée.

Il y a lieu de rappeler qu’il appartient à l’employeur de permettre à ses salariés de se former et de leur donner les moyens de suivre les formations et qu’il peut, si la formation est injustifiée ou encore si la période de formation perturbe l’organisation du service. Concernant la salariée, l’employeur n’a pas refusé la formation ni les congés ou récupération. Dès lors, il est justifié par la salariée d’un empêchement légitime à accomplir l’ensemble des tâches lui incombant en janvier 2018.

Sur l’absence d’enregistrement d’une partie de la TVA de novembre 2017, Mme [G] [U] épouse [B] n’en conteste pas la matérialité et indique dans le courrier de contestation de l’avertissement qu’elle communiquait les dossiers « un mois sur l’autre » sans expliquer pourquoi elle n’a pas procédé de cette manière pour la TVA de novembre 2017.

Sur le fait qu’elle n’a pas informé sa supérieure de ces difficultés à accomplir ses tâches, la salariée se limite à indiquer qu’elle ne l’avait jamais fait auparavant. Il a cependant été jugé que l’employeur était avisé des sujétions de la salariée pour le mois de janvier 2018.

Au vu de ce qui précède, la matérialité des griefs est établie. Cependant, compte tenu des absences de la salariée à son poste courant janvier 2018, il doit être relevé que la salariée démontre avoir disposé d’un temps insuffisant pour accomplir les déclarations de TVA (tâche qui représentait 20% de ses tâches habituelles) alors même que l’employeur avait validé ses absences et doit notamment adapter la charge de travail d’un salarié pour lui permettre d’exercer ses mandats.

Seul le grief portant sur l’enregistrement partiel des TVA du mois de novembre 2018 demeure fondé et non justifié par la salariée.

Par voie d’infirmation de la décision déférée, il convient de juger que la sanction d’avertissement, en l’absence d’antécédents de la salariée et alors même qu’elle se trouvait pour partie des faits empêchée d’accomplir ses missions se trouvant en formation ou en délégation syndicale, est disproportionnée et doit être annulée.

S’agissant de la mise à pied du 12 mars 2018, cette sanction disciplinaire a été prononcée à l’encontre de la salariée, suite à un entretien du 28 février 2018, pour les motifs suivants :

« Le 07/02/2018, vous avez eu un comportement que nous ne pouvons admettre. Nous avons relevé les faits suivants :

Le 07/02/2018, vous avez déclaré avoir travaillé de 7h53 à 12h30 et de 13h24 à 17h20.

À 14 heures, votre chef de service, Monsieur [P] [Y], Responsable Administratif et financier, a constaté votre absence. Il a demandé à l’ensemble des personnes présentes si elles savaient où vous étiez, personne n’a su lui répondre.

À 14h30 vous êtes revenue, Monsieur [P] [Y] vous a demandé en ma présence où vous étiez. Vous lui avez répondu que cela ne le regardait pas et que vous étiez partie en délégation.

Vous n’aviez fait aucune demande de bon de délégation pour vous absenter et n’aviez averti aucun responsable. Nous vous rappelons que les bons de délégation sont systématiquement accordés, et qu’ils nous servent organiser le travail, et à être certain qu’il ne vous soit rien arrivé de grave en cas d’absence.

Étant convoqué à un entretien le 28/02/2018, vous avez juste avant le rendez-vous créé en bon de délégation pour le 06/02 de 13 heures à 13h45. Vous avez reconnu lors de l’entretien que vous aviez falsifié ce bon et qu’il ne correspondait pas à la réalité en termes d’horaires exacts, mais que vous vous étiez bien absentés 45 minutes. Effectivement le bon de délégation n’est ni à la bonne date, ni au bon horaire’ puisque vous vous êtes absentés le 07/02/2018 de 13h45 à 14h30.

Vous n’avez donc pas respecté l’utilisation des bons de délégation et vous avez falsifié un bon de délégation.

Vous avez de plus répondu sèchement à votre chef de service. D’une manière générale vous ne communiquez pas et vous avez une attitude de défiance envers vos supérieurs hiérarchiques, notamment Madame [W] [A].

Les explications recueillies lors de notre entrevue du 28/02/2018 n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Nous avons décidé de vous adresser une mise à pied d’un jour soit le mercredi 4 avril 2018 nous vous indiquons que cette sanction présente un caractère disciplinaire. À l’occasion de toute nouvelle faute, nous serons dans l’obligation d’envisager des sanctions plus graves. »

Cette sanction est ainsi fondée sur l’absence de la salariée à son poste, le 07 février 2019 à 14 heures, par le fait de ne pas avoir sollicité son absence via un bon de délégation pour se rendre à une réunion syndicale mais encore d’avoir créé, a posteriori, un bon daté du 06 février 2018 de 13h à 13h45 alors que l’absence a eu lieu le 07 février entre 13H45 et 14 heures. Il lui est encore reproché d’avoir parlé sèchement à son supérieur, M. [Y], qui l’interrogeait sur son absence et, d’une manière générale, d’avoir adopté une attitude de défiance envers ses supérieurs hiérarchiques, notamment Mme [A].

La Société GPS produit pour étayer le bien-fondé de cette sanction, la convocation à l’entretien préalable et la lettre de notification de mise à pied. Elle verse en outre les attestations de 8 salariés dont seules 4 comportent une précision de date permettant de relier les dires des attestants avec la période à laquelle la sanction de mise à pied a été prononcée, ces salariés s’exprimant sur le comportement de Mme [U] [G] épouse [B] envers la direction.

Concernant le grief en lien avec l’absence de la salariée durant ¿ d’heure sans avoir prévenu son supérieur, sa matérialité n’est pas contestée par la salariée. Il ressort du compte rendu d’entretien, produit par la salariée, en vue d’une sanction disciplinaire, établi et signé par Mme [X], déléguée du personnel l’assistant lors de cet échange avec le directeur, M. [E] et le responsable administratif et financier, M. [Y] que la salariée admet s’être absentée sans aviser son supérieur et « l’erreur de ne pas avoir posé de délégation » le 07 février 2018.

Concernant le fait conclu par Mme [U] [G] épouse [B] selon lequel elle n’était pas la seule à s’être rendue à la réunion syndicale sans avoir sollicité l’autorisation mais aurait en revanche été la seule à avoir été rappelée à l’ordre, il convient de noter que ce compte tendu d’entretien du 28 février mentionne que M. [Y] confirme ce point. Il y est noté, qu’outre la salariée, M. [H] et M. [C] étaient concernés par cette difficulté et « seront convoqués ultérieurement ». Cependant, il n’est versé aucune pièce par l’employeur, concernant ces salariés, permettant de connaître le sort réservé à ces autres salariés, notamment M. [H].

Sur l’établissement a posteriori d’un bon de délégation falsifié, la salariée admet au cours de cet entretien que le bon a été réalisé plus tard, le terme de « falsification » n’est pas employé, et il n’est pas indiqué non plus la date à laquelle ce bon aurait été établi ou falsifié. Il est ainsi seulement noté dans le compte rendu, les propos de M. [Y] selon lesquels le « bon aurait été fait a posteriori et pas avec les bons horaires ».

Dans le courrier du 28 mars 2018, par lequel la salariée conteste la sanction, elle évoque le fait qu’elle a « posé ses heures de délégation » le 07 février dès son retour, après avoir été interpellée à ce sujet par M. [Y]. Elle expose encore que, le 27 février, elle s’est aperçue qu’il lui manquait ¿ d’heures « en bon de délégation » et précise surtout qu’elle ne dispose pas de l’accès au logiciel Kélio et qu’elle ne pouvait donc pas rectifier l’erreur et avoir demandé à Mme [A] d’y procéder. Elle ajoute que si une erreur de date a pu avoir lieu cela était sans incidence sur le nombre d’heures prises.

Il convient d’observer que l’employeur n’émet, aux termes de ses écritures, aucun commentaire ni réserve quant au contenu du compte rendu d’entretien établi par la déléguée du personnel et sur les propos qui y sont rapportés par celle-ci. Surtout, l’employeur ne produit aucune pièce permettant de confirmer le fait que la salariée aurait « falsifié » le bon en question étant constaté au surplus que la réalité de la rencontre syndicale, et donc la légitimité de l’absence, n’est pas remise en cause. De même, s’agissant du logiciel Kélio évoqué par la salariée et le fait qu’elle n’y aurait pas accès, ce logiciel supposant selon ses dires une entrée des données et donc une validation par son supérieur, la société n’apporte aucune contradiction.

S’agissant des propos de la salariée envers M. [Y] le 07 février 2018 selon la lettre de mise à pied, à savoir lui avoir répondu sèchement que les raisons de son absence ne « le regardait pas » ou bien, selon les termes du compte rendu d’entretien, de lui avoir répondu qu’« elle faisait ce qu’elle veut », Mme [U] [G] épouse [B] les contestent. Il n’est produit aucun témoignage de salariés ayant entendu l’échange en question.

Concernant enfin le grief de « défiance » de la salariée envers ses supérieurs et particulièrement Mme [A], la cour observe que ce grief n’est pas évoqué dans le compte rendu d’entretien du 28 février 2018. Mme [A] n’atteste pas dans la présente procédure et la lettre de mise à pied ne rapporte aucun exemple concret ou d’illustration permettant de corroborer ce comportement. Ainsi, un seul salarié (M. [H]) atteste que Mme [A] « est particulièrement affectée par les actes » de Mme [U] [G] épouse [B]. Les attestations des 3 autres salariés, qui évoquent les relations de la salariée avec ses supérieurs à l’époque de la sanction, évoquent de manière générale le ton de Mme [U] [G] épouse [B] qualifié de provocateur, méprisant ou encore qu’elle pouvait dénigrer les dirigeants. Ces attestations par leur imprécision ne suffisent pas à étayer la défiance alléguée.

Eu égard à ce qui précède, il convient de constater qu’un seul grief est établi à l’encontre de la salariée, celui de s’être rendue à une réunion en lien avec son mandat sans avoir prévenu au préalable son supérieur. Cette courte absence, dont il n’est argué ni démontré qu’elle a engendré un préjudice pour l’employeur, a été régularisée par la suite. Il n’est au surplus pas démontré de faute de la salariée lors de cette régularisation a postériori.

Compte tenu de ces constats mais encore compte tenu de l’absence d’antécédents de la salariée, la sanction prononcée apparaît elle aussi disproportionnée et doit être annulée par voie d’infirmation de la décision déférée.

Sur le harcèlement moral :

Moyens des parties :

Mme [U] [G] épouse [B] expose que par la Société GPS s’est rendue coupable de harcèlement moral en raison de son mandat syndical qui a conduit la Société GPS à adopter cette attitude, et dénonce les faits suivants :

Alors qu’elle était devenue conseiller au Conseil des prud’hommes l’employeur n’a pas adapté sa charge de travail au vu de ses mandats électifs, lui faisant ensuite le reproche de ne pas correctement travailler.

En juillet 2017, sa demande de formation CHSCT a été refusée par l’employeur et finalement acceptée suite à l’intervention du syndicat CFDT. Par la suite, l’employeur a notamment refusé le report d’heures de délégation qui ont été perdues.

Durant l’été 2017, elle a pallié au départ d’un salarié du pôle de comptabilité, M. [Z] devant assumer l’ensemble des tâches jusqu’alors confié à ce binôme. Le service comptabilité a fonctionné jusqu’en novembre 2018 en sous-effectif et aucune mesure n’a été prise malgré l’évocation de sa situation lors d’une réunion sur le projet d’organisation polyvalence en octobre 2017.

Elle a été sanctionnée injustement, convoquée le même jour que la notification de l’avertissement le 12 février 2018 à un entretien préalable puis sanctionnée en mars 2018 alors que deux autres salariés dans la même situation ne l’étaient pas. Elle a contesté à plusieurs reprises ces sanctions.

Elle a alerté en avril 2018 la DIRRECTE et l’employeur a été rappelé à ses obligations sur l’obligation d’aménagement du poste d’un salarié en cas de mandat de représentation.

Elle a consulté son médecin qui lui a prescrit un traitement antidépresseur dès avril 2018 et en juillet 2018, avant d’être en arrêt de travail, elle n’a pas bénéficié d’une augmentation de salaire contrairement au reste du service administratif.

En novembre 2018, le directeur de l’entreprise s’est adressé directement à la CFDT pour se plaindre d’elle et en réponse, le syndicat lui a rappelé l’historique de la situation et les manquements relevés la concernant. Le président du Conseil des prud’hommes de Dignes les bains a aussi alerté l’employeur en novembre 2018 sur la violation des droits de la salariée liés aux mandats représentatifs et saisi le procureur de la république de Digne les Bains qui a diligenté une enquête courant décembre 2018.

Un rapport d’expertise rendu par le Cabinet EFFICIENCE, Cabinet agréé par le Ministère du Travail, le 28 février 2019 a relevé « un climat de peur interne avec la crainte de représailles liées aux témoignages sur ses conditions de travail », des données importantes sur l’absentéisme et le nombre d’arrêt maladies sont pointées ainsi qu’une surcharge de travail.

Avant son arrêt de travail, elle a été la seule de son service à ne pas être augmentée.

Durant son arrêt de travail, elle a été confrontée à des difficultés dans le versement de ses indemnités journalières et de son complément de salaire, la STE GPS attendant systématiquement ses relances pour accomplir les formalités nécessaires au règlement du salaire.

La reprise de son travail, le 19 novembre 2019 à mi-temps thérapeutique, a eu lieu dans un environnement délétère, agressif, violent et elle a dû s’adresser à la justice pour obtenir les attestations de salaires nécessaires à son indemnisation par la MSA dans le cadre de sa reprise à mi-temps thérapeutique.

Elle ne recevait plus de directive et n’a a eu aucun entretien professionnel à sa reprise. Durant deux jours, elle n’avait aucune tâche, ne disposant pas même d’un ordinateur puis on lui a refusé des formations notamment sur le nouveau logiciel. Elle a été placée ensuite seule dans un nouveau bureau à l’écart de son service comptabilité et des autres membres du personnel, malgré la recommandation faite à la suite de la reprise du travail par le Docteur [K] qui était d’« éviter le travail isolé » et elle a été déchargée de la comptabilité.

Les nouvelles tâches qui lui ont été confiées lesquelles ne figuraient pas sur sa fiche de poste, elle était astreinte à un travail purement administratif de secrétaire et notamment d’assurer la tâche de l’enregistrement des notes de frais dans le logiciel NOTILUS dont à ce jour la formation n’est toujours pas terminée ce qui a pour effet de la mettre en échec. Les avenants temporaires pour le mi-temps thérapeutique du 18/11/2019 au 18/11/2020 n’ont pas été respectés.

Lorsqu’elle a dénoncé de nouveau sa situation à la direction par courrier, l’employeur a répliqué par une plainte contre elle pour harcèlement et dénonciation calomnieuse déposée en juin 2020.

Pendant plusieurs mois, elle s’est vue humiliée devant attendre que quelqu’un lui ouvre la porte de la structure, n’est plus conviée aux réunions, les autres salariés voire le stagiaire qui lui transmettant les instructions elle n’apparait même plus dans les contacts de la société GPS ;

Elle a sollicité de l’employeur par courrier du 03 février 2021 notamment le respect de sa fiche de poste de comptable, la régularisation de la prévoyance de l’année 2019, des pointages d’août à novembre 2020 mais encore sollicité un entretien professionnel.

La société GPS conteste tout manquement et fait de harcèlement moral ou discrimination en raison des mandats électifs et expose que la relation de travail avec la salariée n’a pas posé de difficultés jusqu’en janvier 2018. Elle fait valoir que :

Sur les sanctions disciplinaires sont sans lien avec le mandat électif de la salariée.

Sur le rapport d’expertise établi par la société EFFICIENCE le 28 février 2019, ce rapport d’expertise, déjà ancien, ne reflète en rien la réalité des conditions de travail actuelles des salariés de la société GROUPE PROVENCE SERVICES, ni mêmes celles qui concernent la salariée.

Des salariés attestent de leurs bonnes conditions de travail au sein de l’entreprise et du fait que Mme [U] [G] épouse [B] tentait de désorganiser volontairement l’entreprise et le courrier de la médecine du travail du 22 février 2016, qui ne peut se rapporter aux faits de harcèlement moral allégués fait seulement état d’ouïs dires

Sur les attestations de salaires, la société GPS a bien transmis les documents nécessaires pour les mois de Septembre, Octobre et Novembre à la MSA, au fil des mois.

La salariée a été en arrêt-maladie ordinaire à compter du 29 novembre 2018, La Sécurité Sociale a ensuite rejeté la demande de reconnaissance de maladie professionnelle par décision du 22 août 2019.

Sur la reprise à mi-temps thérapeutique le 19 novembre 2019, la salariée a été reçue par le directeur, concernant le bureau occupé par la salariée, situé en face de celui du Directeur. S’agissant des tâches qui lui ont été confiées suite à son retour, il convenait de permettre à Mme [U] [G] épouse [B] de reprendre ses repères, après plusieurs mois d’inactivité puis d’activité partielle et de réorganiser le service progressivement suite à sa reprise, en tenant compte du mi-temps thérapeutique.

Sur les réunions, la salariée y était conviées, comme par le passé. La salariée a persisté dans son attitude négative et c’est en raison de ce comportement que la Société GPS a déposé plainte entre les mains du Procureur de la République le 18 juin 2020, ne pouvant accepter que la salariée calomnie l’entreprise, divulgue des informations confidentielles ou établisse une fausse déclaration d’accident du travail.

Réponse de la Cour,

Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Suivants les dispositions de l’article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral; dans l’affirmative, il appartient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d’établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu’elle présente au soutien de l’allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.

Le harcèlement moral n’est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l’ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d’un salarié défaillant dans la mise en ‘uvre de ses fonctions.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.

En l’espèce, Mme [U] [G] épouse [B] qui allègue avoir été victime de faits de harcèlement moral en lien avec son mandat syndical et son statut de conseiller prud’homal à compter de sa désignation (juin 2017) justifie avoir alerté son employeur sur les difficultés à mener à bien son travail en parallèle de son mandat en raison d’un manque de temps. Elle établit ainsi avoir dénoncé le non-respect de ses prérogatives syndicales via les éléments suivants :

– Courriers des 28 et 29 mars 2018 par lesquels elle dénonce au directeur de la société, les sanctions disciplinaires du 12 février et 12 mars 2018. Elle y déplore l’attitude de M. [Y] et de M. [E] en rapport avec ses fonctions syndicales : le fait qu’on lui reproche de désorganiser le service, le refus le 24 aout 2017 par M. [Y], car elle « coûterait cher », de la formation CHSCT, le reproche émis par celui-ci de passer « 74 % » de son temps à l’extérieur ou encore le retrait de jours de récupération en janvier 2018, le refus des demandes de reports d’heures de délégation en décembre 2017 avec une perte de celles-ci.

– Courrier du 25 mai 2018 : La salariée avise l’employeur de la saisine de la DIRRECTE et souligne que « de travailler avec de la pression, de manière constante et de plus en plus forte et le fait qu’on ne l’aide pas à s’organiser afin de travailler en tout sérénité n’aide pas à travailler au quotidien ».

Mme [U] [G] avait fait l’objet de deux sanctions disciplinaires les 12 février 2018 et 12 mars 2018 et la convocation à l’entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire lui avait été remise le 12 février, jour de l’avertissement. La salariée a dénoncé les deux sanctions et a exposé qu’elle n’avait pu accomplir son travail dans les temps notamment en raison de l’absence d’adaptation de son poste à ses fonctions représentatives et que la deuxième sanction était en rapport avec une absence justifiée par son mandat. Il est donc établi que la salariée a fait l’objet de deux sanctions disciplinaires, à dates rapprochées.

Mme [U] [G] épouse [B] établit par ailleurs que, suite à ses alertes auprès de différentes instances, l’employeur a été alerté sur les manquements à ses obligations s’agissant du respect des droits découlant des mandats syndicaux de la salariée, par la production des pièces suivantes:

– Lettre du 10 avril 2018 adressée par la salariée au Président du Conseil des prud’hommes de DIGNE LES BAINS ayant pour objet « mise en difficultés professionnelles et personnelle depuis ma désignation en qualité de conseillère prud’hommes ». Elle dénonce les sanctions disciplinaires dont elle a fait l’objet, le fait que les tâches qui lui incombent ne sont pas réduites depuis sa désignation comme conseiller prud’homale, l’employeur lui faisant grief d’une désorganisation de son travail. Elle ajoute que la situation lui pèse de plus en plus et évoque une situation de harcèlement.

– Lettre du 11 avril 2018 adressée à Mme [A] par la salariée pour signaler que l’organisation du travail durant ses absences ne relève pas de ses compétences, ses prochaines absences étant enregistrées dans le logiciel. Elle l’alerte sur le fait qu’elle n’aura pas le temps d’accomplir toutes ses tâches.

– Mail du 23 Avril 2018, adressé par la DIRECCTE à Mme [A] lui rappelant les dispositions légales s’agissant des absences justifiées d’un salarié exerçant un mandat. Il est demandé à Mme [A] de prendre « dans les meilleurs délais, les mesures nécessaires afin d’aménager le poste de Mme [U] [G] épouse [B] pour le libre exercice de ses mandats » et de transmettre à la DIRRECTE « leurs observations et les mesures prises ».

– Une lettre de l’employeur adressé à la CFDT, le 05 novembre 2018, et proposant une rencontre, en raison de « difficultés de communication rencontrées avec leur déléguée syndicale Mme [B] » et du fait que certains membres du personnel, dont ceux de la DUP, se seraient plaints de son comportement (harcèlement et menaces). Le secrétaire général répond au directeur, le 17 novembre 2018, pour refuser la proposition « ayant déjà suffisamment évoqué la situation, en entretien direct, par courrier ou mail depuis plusieurs mois ». Il déplore que le courrier du 05 novembre 2018 n’ait pas été adressé à la salariée, regrette que l’employeur réduise la situation « à de simples difficultés de communication » tout en accusant la salariée de harcèlement et alors même « qu’elle est à l’initiative d’une expertise RPS dans l’entreprise ». Il fait en outre le constat d’« une dégradation de l’exercice du mandat de Mme [B], et plus préoccupant encore une altération de sa santé au cours des deux dernières années » et souligne ensuite les lacunes relevées dans l’entreprise s’agissant des instances représentatives, représentation syndicale.

– Lettre du 28 novembre 2018, adressée par le président du Conseil des prud’hommes de Digne les Bains écrit au directeur de l’entreprise (et au procureur de la république) pour indiquer qu’il avait été avisé « en début d’année 2018 des difficultés rencontrées » par la salariée et avoir appris « ce jour, via son organisation syndicale », que depuis 11 mois, la situation aurait perduré et « se serait dégradée par des sanctions, modification de fonction, surcharge de travail ». Il évoque la sanction pour « prétendue absence injustifiée dans le cadre de la formation obligatoire des conseillers des prud’hommes ». L’employeur est ainsi avisé de la saisine du procureur de la république pour délit d’entrave par le président du Conseil des prud’hommes.

Mme [U] [G] épouse [B] établit de même avoir dénoncé le mode de management de l’entreprise, lequel a été mis en cause ou questionné par des instances extérieures. Ainsi, outre le fait qu’elle dépose plainte pour harcèlement moral lors de son audition par la police, le 20 décembre 2018 (service saisi par le PR suite au courrier du président du conseil des prud’hommes), elle y expose aussi avoir déclenché une « procédure signalement de danger grave et imminent » suite à deux tentatives de suicide d’un salarié M. [C] (délégué du personnel).

Suite à l’ouverture de cette procédure et à des « alertes sur la santé en lien avec l’exposition aux risques psycho-sociaux révélés par des arrêts maladie », la société EFFICIENCE est saisie le 29 octobre 2018 par le CHSCT.

Il résulte du rapport du 28 février 2019 établi par cette société et qui porte notamment sur la démarche RPS mise en ‘uvre dans l’entreprise sur les années 2016 à 2019, les éléments suivants :

– L’entreprise ne dispose pas de compétences internes pour conduire une démarche de RPS autonome, un climat de peur interne avec craintes de représailles,

– Un niveau de souffrance au travail alarmant en lien avec des techniques de management pathogènes (émanant du Directeur et du Responsable administratif et financier) via une sur utilisation du lien de subordination, du pouvoir de direction et de sanction ainsi qu’un management intermédiaire dont les compétences sont remises en cause.

– Un sentiment de surcharge et de surinvestissement des salariés, une polyvalence poussée à l’extrême et mal vécue, une communication déficiente, un manque d’écoute et de reconnaissance

Sur l’augmentation de sa charge de travail courant 2018, Mme [U] [G] épouse [B] étaye la matérialité de ce fait par la production des pièces suivantes :

– Du projet « organisation polyvalence ADV Comptabilité RH » de septembre 2017 et deux comptes rendu de réunions sur le projet, par mail de Mme [A], du 18 octobre et du 7 novembre 2017. Il ressort du premier compte rendu qu’il n’y aura pas d’embauche de personnel et qu’il conviendra de « réorganiser l’activité avec le personnel actuel ». Mme [U] [G] épouse [B] est désignée comme référente de la mission « trésorerie-état de rapprochement dans Datacompta VE ». Elle a la charge de l’accomplissement de « états de rapprochement » et est désignée formatrice de deux salariées ([J] et [N]). Elle fait en outre partie du groupe « pré-saisie et scan des factures ». Le deuxième compte rendu de réunion relève que la salariée et les deux autres formées par elle sont en charge des rapprochements bancaires, tandis qu’elle est encore affectée au scan ainsi que 4 autres personnes (contre 3 précédemment),

– Le compte rendu établi par la secrétaire générale de la CFDT adressé à M. [E] et M. [Y] (suite à un entretien du 26 avril 2018) qui leur indique que la salariée n’a pas comme fonction de former un autre salarié sans y être elle-même formée ou reconnue dans cette mission. La déléguée revient elle aussi sur la formation CSHCT qui aurait été refusée à la salariée, alors qu’elle est obligatoire et devait être prise en charge par l’employeur.

S’agissant du fait que l’employeur, durant son arrêt maladie tardait à remettre les attestations de salaire, Mme [U] [G] épouse [B] verse les courriers adressés à l’employeur entre Janvier 2019 et juillet 2019 en lien avec des arrêts de travail délivrés à cette période Elle sollicite des renseignements sur la prévoyance puis le règlement de celle-ci mais encore réclame ses fiches de paie. Dans le dernier courrier du 15 juillet 2019, Mme [U] [G] épouse [B] demande au Président de l’UES de GPS de l’aide concernant le paiement de la prévoyance pour lequel elle a dû réclamer régulièrement le paiement et souligne que son arrêt maladie découle de la « dégradation de ses conditions de travail et de la pression que la direction a faite à son égard aussi bien en tant que secrétaire du CE CHSCT, déléguée syndicale et comptable ». Ce fait est établi.

Sur les conditions de travail, à sa reprise à mi-temps thérapeutique à compter de novembre 2018, Mme [U] [G] épouse [B] établit que ses tâches ont été modifiées par les éléments suivants :

– Un compte rendu d’entretien avec son conseil listant ses tâches avant et après la signature d’un avenant le 20 novembre 2019 « création pole achat »,

– Une lettre du 25 novembre 2019, suite à l’entretien de reprise à mi-temps thérapeutique, avec le nouveau directeur, M. [N] « qui aurait réorganisé les bureaux par métier » par laquelle elle dénonce à M. [N] le changement de ses tâches, l’absence de calendrier des missions, l’absence de formation après une absence 12 mois. Elle évoque encore le fait que le directeur a décidé qu’elle ne ferait plus de « trésorerie à 100% », qu’« il faut être polyvalent » et s’oppose à suivre une formation avec M. [Y] rappelant qu’elle dénonce son comportement depuis des mois et enfin elle demande au directeur à ne pas être laissée seule avec M. [Y],

– Les Fiches de transmission à l’employeur concernant ses tâches qui relèvent une situation de bore-out le 20 et le 21 novembre 2019,

– Le courrier du 20 janvier 2020 par lequel elle dénonce à M. [N] « la continuation de la dégradation de ses conditions de travail » : signale « mise au placard » (poste changé, plus de responsabilités, statut de salariée protégée non pris en compte),

– Une réponse de la direction le 25 mai 2020 par laquelle le directeur conteste les griefs allégués et l’informe qu’il dépose plainte pour harcèlement et tentative de déstabilisation de la direction générale et accusation de fausse déclaration d’accident du travail. Il fait état d’un projet de plainte pour d’autres faits. La salariée répond à ce courrier le 15 juin et une plainte est déposée par l’employeur le 18 juin 2020 pour fausse déclaration, violation du secret professionnel et violation de la vie privée (« menace d’enregistrement » des conversations avec d’autres salariés).

S’agissant de l’isolement allégué par la salariée, à sa reprise en novembre 2019, résultant du fait qu’elle aurait été placée dans un bureau éloigné du reste du service de comptabilité, Mme [U] [G] épouse [B] verse le courrier de réclamation à ce sujet adressé à l’employeur et la réponse faite par ce dernier qui permet de confirmer qu’elle a été changée de bureau. Ce fait est établi.

Enfin, s’agissant des conséquences médicales du harcèlement moral allégué, Mme [U] [G] épouse [B], verse les ordonnances qui montrent qu’elle a fait l’objet d’un suivi médical à compter d’avril 2018 en lien avec un syndrome dépressif. Le médecin traitant rapporte que « la patiente a évoqué une « pression professionnelle » et relève, en octobre 2019, que l’arrêt du traitement n’est pas possible, Mme [U] [G] épouse [B] se disant toujours « sous pression ». Ce fait est établi.

Mme [U] [G] épouse [B] n’établit pas en revanche, au vu des pièces produites, la matérialité des faits suivants :

– des faits de harcèlement moral à son endroit avant la période de juin 2017. La seule pièce produite sur cette période, à savoir un courrier du médecin du travail en date du 22 février 2016, ne la concerne pas et elle ne développe aucun moyen de fait dans ses écritures s’agissant d’un comportement harcelant de son employeur envers elle avant le mois de juin 2017,

– Le fait que M. [Z], son binôme du service comptabilité serait parti et qu’elle aurait dû assumer des tâches supplémentaires en son absence ou encore que le service de comptabilité était en sous-effectif

,

– Le fait qu’en juillet 2018, l’ensemble du service administratif aurait été augmenté,

– Le fait que le Dr [K] aurait préconisé d’« éviter le travail isolé », avant sa reprise en octobre 2019, cet avis n’est pas produit,

– Le fait qu’elle devait demander qu’on lui ouvre la porte: selon les pièces produites, elle a rencontré une difficulté à accéder à son travail à quatre reprises entre avril 2020 et le 27 août 2020. Cependant Mme [U] [G] épouse [B] ne développe aucun moyen permettant d’étayer ses dires s’agissant de l’humiliation qui en serait résultée.

– Le fait que les consignes données à la salariée passaient pas d’autres salariés « voire par un stagiaire ».

Mme [U] [G] épouse [B] établit ainsi l’existence matérielle de faits précis, concordants et répétés, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre. Il incombe par conséquent à l’employeur de démontrer que les faits ainsi établis sont étrangers à tout harcèlement moral.

Sur le grief de ne pas avoir adapté le poste de la salariée à ses fonctions syndicales, de lui avoir refusé une formation CHSCT en juillet 2017 et sur les difficultés à mener à bien son travail en parallèle de son mandat en raison d’un manque de temps, la société GPS se limite à produire des attestations de salariés qui donnent leur opinion sur la manière dont Mme [B] se comportait avec eux et sur le fait qu’elle adoptait une attitude d’opposition avec la direction dans l’exercice de son mandat.

La société GPS qui verse la fiche de poste de la salariée qui comporte ses missions, et leur répartition en pourcentage de temps de travail, ne donne aucun élément ou précision sur le temps qui lui avait été dégagé pour mener à bien son mandat à compter du mois de juin 2017. Ainsi, aucune autre fiche de poste postérieur à cette désignation n’est produite.

Sur ce point, il a été jugé que la sanction disciplinaire d’avertissement du 12 février 2018 était disproportionnée par rapport à la faute et constaté que l’employeur ne justifiait pas avoir pris en compte la situation de la salariée, notamment au regard du fait qu’elle était en formation ou en délégation.

L’employeur échoue donc à justifier par des éléments objectifs le fait jugé établi selon lequel il a été reproché à la salariée des lacunes dans l’accomplissement de son travail alors que celle-ci dénonçait l’absence d’adaptation de son poste, adaptation qui devait être opérée par l’employeur en raison des mandats de la salariée.

En second lieu, aucune contradiction n’est opposée par l’employeur au fait qu’il ait été dans un premier temps refusé à la salariée une formation CHSCT en juillet 2017. Ne sont ainsi pas démentis les propos, notés dans le compte rendu d’entretien en vue d’une section disciplinaire établi par la déléguée du personnel le 28 février 2018, de M. [E], directeur, qui constate que la salariée ne se pose pas la question de savoir « qui va faire son travail pendant ses absences ».

Ne sont pas non plus contestés, ni même évoqués dans les écritures de la société GPS, la retranscription des propos tenus par M. [Y], dans ce même compte rendu, qui reprocherait à la salariée de passer « 75 à 60 % de son temps à l’extérieur de l’entreprise », qui lui aurait dit qu’elle « peut faire ce qu’elle veut pendant ses heures de délégation « ménage, réunion » ».

La seconde sanction de mise à pied, prononcée à la suite de cet entretien le 12 mars 2018 et dont il est constant qu’elle se situe à une date rapprochée de la première, a été annulée elle aussi par la cour de céans, la salariée ne pouvant être considérée en absence injustifiée.

Sur cette sanction, la société GPS ne verse aucune pièce permettant de confirmer que la salariée a été traitée comme l’autre salarié concerné par l’absence de prévenance de l’employeur pour se rendre à cette réunion syndicale le 07 février 2018. Ainsi, rien ne démontre qu’il aurait été non seulement convoqué, comme indiqué par M. [Y] lors de l’entretien du 28 février, ou encore rappelé à l’ordre. Pourtant, la cour observe que ce salarié, M. [H], atteste dans la présente procédure pour indiquer que la salariée ne se comportait pas correctement avec Mme [A].

La société GPS n’évoque pas non plus aux termes de ses écritures, de moyen ou d’argument en réponse au rappel à l’ordre fait par l’inspection du travail en avril 2018. L’inspectrice, qui rappelle les dispositions légales applicables s’agissant de l’adaptation du poste d’un salarié à ses mandats syndicaux, sollicite un retour concernant les observations ou mesures prises. Il n’est justifié par l’employeur d’aucune réponse apportée à l’inspection du travail ni d’aucune mesure d’adaptation du poste.

S’agissant des constats faits, sur la situation de la salariée, par M. [L], Secrétaire général de la CFDT SGA04, après un entretien du 26 avril 2018 avec le directeur et M. [Y], la société GPS est taisante. Elle ne réplique pas au fait que le syndicat a fait appel au fond CFEESS pour financer la formation CHSCT, sur le fait que la salariée aurait subi des réflexions selon lesquelles elle « allait ruiner l’entreprise avec ses formations » ou encore sur les propos attribués au directeur qui aurait indiqué à M. [L] que les mandats de la salariée « désorganiseraient l’entreprise ».

La société GPS ne produit ainsi aucune réponse écrite à ce compte rendu de M. [L] ni à la lettre du 17 novembre 2018 sus visée par laquelle le syndicat CFDT refuse de le rencontrer. M. [L] souligne dans ce courrier des dysfonctionnements au niveau des instances représentatives du personnel mais encore de la représentation syndicale. Il y évoque de nouveau la situation de la salariée : embauche d’un comptable (après plus d’un an de non remplacement) auquel on confie les dossiers les plus importants, fiche de poste amoindrie, ostracisation, reproches d’incompétences’Il convient d’observer que l’employeur ne réplique pas non plus à ce sujet aux termes de ses écritures.

Sur l’augmentation de la charge de travail alléguée par la salariée à compter de fin 2017, en raison du « projet poyvalence », l’employeur ne verse aucune pièce autre que celle déjà produite par la salariée à savoir les comptes rendus de réunion par mails de Mme [A], sur le projet qui constate l’absence d’embauche et notamment le fait que la salariée doive former deux autres salariées.

Sur les constats opérés par la société EFFICIENCE, il est conclu par l’employeur que « ce rapport d’expertise, déjà ancien, ne reflète en rien la réalité des conditions de travail actuelles des salariés de la société GROUPE PROVENCE SERVICES ». La société produit effectivement des attestations de salariés se disant actuellement satisfaits de travailler dans l’entreprise. Cependant, la cour observe que ce rapport ne peut être qualifié d’ancien en ce qu’il porte sur la période d’une partie des faits dénoncés par la salariée et que l’état de satisfaction de certains salariés, en lien de subordination avec l’emploueur, ne peut à lui seul attester de la réalité des conditions de travail dans l’entreprise.

Il est encore conclu par l’employeur que ce rapport « faisait état, non d’un quelconque harcèlement, mais de risques psychosociaux dont les causes étaient à rechercher à la fois dans les conditions d’emploi, mais aussi dans les facteurs liés à l’organisation du travail et à la polyvalence des postes souhaitée par l’employeur ». La Cour d’appel de céans observe que le harcèlement moral fait partie des « risques psycho-sociaux » et que si le terme harcèlement moral n’est pas mentionné, il est cependant évoqué dans ce document « un management par la peur et par l’humiliation » ou encore de la détresse psychologique des salariés et de la difficile soutenabilité de la situation de travail »

Sur l’autre fait conclu par la société GPS selon lequel ce rapport « évoque des difficultés pour certains agents sur les sites d'[Localité 5] et de [Localité 3], qui ne concernent pas Mme [B], en poste à [Localité 4] », il doit être observé que le document comporte effectivement une partie « observations des conditions de travail réalisées le 11 janvier 2019 sur les sites GPS COOP » réalisé effectivement sur le site de [Localité 3] et d'[Localité 5]. Cependant s’il est exact que ces observations, faites avec un ergonome portent sur les risques psycho-sociaux liés aux activités de ces sites, le reste du rapport porte bien sur l’ensemble de l’entreprise et donc sur le site au sein duquel exerce la salariée.

Sur les constats opérés par la société EFFICIENCE, en termes de risques psycho-sociaux, la société GPS n’oppose aucun moyen de fait permettant de les contredire. Aucune étude plus récente n’est produite ou aucun compte rendu de CSHCT alors que le rapport relève notamment n’avoir « pas reçu de trace de la commission RPS en 2017 », qu’une seule réunion de la commission au cours du dernier trimestre 2018 » et qu’en 2019, qu’une réunion est organisée au cours de laquelle sont évoquées 16 situation individuelles en lien avec des risques psycho-sociaux (sur 51 CDI GPS et Filiales). Surtout, il est relevé par les intervenants extérieurs « des situations pouvant être assimilées à de la maltraitance managériale, à de la violence psychologique, avec des mécanismes/agissements délétères qui émaneraient du directeur et du responsable administratif et financier ».

La société GPS se limite, au-delà de ses écritures, à produire les attestations de 8 salariés exprimant le fait qu’ils travaillent dans de bonnes conditions ou faisant état d’un comportement excessif de la salariée dans l’exercice de son mandat ou d’autres constats suite à son retour d’arrêt maladie. Seule Mme [F], responsable QHSE, émet des critiques envers le travail de la société EFFICIENCE. Son attestation débute par le constat que « depuis l’arrivée du nouveau directeur, nous avons trouvé une ambiance sereine dans le travail et dans les relations entre les salariés », ce qui peut laisser entendre que cela n’était pas le cas auparavant. Cette salariée observe que Mme [B] est « toxique cherchant à faire du mal partout sur son chemin’ » et indique encore qu’elle « n’est venue la voir qu’une seule fois et qu’au vue de ses propos très factuel, elle y a gagné en tranquillité ». Elle ajoute en outre qu’elle est en mesure de prouver par des écrits et des dossiers ce qu’elle avance dans son attestation. Elle poursuit en indiquant qu’elle ne « cautionne pas le rapport d’enquête du cabinet EFFICIENCE qui est complètement à charge », n’a pas entendu les « bonnes personnes » elle-même n’ayant pas été entendue.

Cette seule attestation, alors que l’employeur ne verse aucune pièce montrant que le contenu de ce rapport a été remis en cause à l’époque de sa remise, mais encore n’apporte aucun élément permettant de relever que des dispositions concrètes ont été prises en matière de risque psycho-sociaux ne permettant pas dès lors de contredire le fait que la salariée était elle-aussi concernée par les pratiques managériales déficientes relevées dans ce rapport.

Sur les difficultés alléguées d’obtention des attestations de salaires, durant l’arrêt de travail de la salariée et les conséquences sur l’indemnisation par la MSA, l’employeur justifie que les retards constatés n’étaient pas de son chef et avoir régularisé la situation notamment en répondant à la salariée dès son mail du 29 octobre 2020. Il lui est ainsi répondu que les attestations de salaires des mois d’aout et septembre 2020 avaient bien été adressées à la MSA. S’agissant des mois de septembre à novembre 2020 sur lesquels portaient la saisine en référé du conseil des prud’hommes par la salariée, l’employeur justifie du fait que la MSA disposait bien des attestations de salaires mais que l’organisme avait pris du retard dans le traitement des demandes. Aucun manquement ne peut dès lors être imputé à l’employeur à ce titre.

Sur les conditions de la reprise de la salariée en novembre 2019, et le fait conclu par celle-ci selon lequel aucun entretien professionnel n’aurait été organisé, que sa reprise se serait opérée dans une ambiance « délétère », il ressort d’une lettre du 25 novembre 2019 de la salariée au directeur, et d’une lettre de M. [N], directeur à la salariée du 25 mai 2020 que Mme [U] [G] épouse [B] a été reçue le 20 novembre 2019 par M. [Y] (responsable administratif et financier), Mme [A] (chef comptable) et Mme [X] (membre du CSE). Sur la présence de ces personnes à l’entretien, M. [N] écrit à la salariée qu’il lui semblait normal de l’accueillir « après plus de 11 mois d’absence, avec ses responsables hiérarchiques directs qui devaient formuler les conditions de reprise de son activité ». M. [N] ajoute « quant à la présence de Mme [X], je lui avais demandé de venir afin de protéger, par sa présence, les intérêts de l’entreprise ». Il indique encore avoir demandé à la salariée « quel degré de confiance » il pouvait avoir en elle alors qu’il savait qu’elle avait « enregistré à leur insu, ses différents responsables ». Ces éléments confirment l’existence d’une ambiance négative et d’une défiance envers la salariée.

Par ailleurs, aucun compte rendu d’entretien n’est versé par l’employeur permettant de relever qu’il s’agissait d’un entretien professionnel de reprise. Au surplus, même si la salariée évoque dans un courrier du 03 février 2021 avoir fait l’objet d’un « entretien de progrès » le 10 septembre 2018, aucun compte rendu d’entretien professionnel n’est produit alors que la salariée a été recrutée en 2012.

Concernant la modification des tâches de la salariée à sa reprise, celle-ci étant à mi-temps thérapeutique, il peut être relevé qu’il ne pouvait lui être demandé d’accomplir toutes les missions qui lui étaient imparties lorsqu’elle exerçait à temps plein dans le cadre d’un temps partiel. Le directeur oppose donc, à raison, cet argument à la salariée dans la lettre du 25 mai 2019. Cette lettre répond visiblement à celle de la salariée du mois de novembre 2019 mais aussi à une lettre du 20 janvier 2020 par laquelle la salariée dresse un historique de la relation contractuelle et de ses griefs. Il appartient par ailleurs effectivement à la direction d’organiser ou réorganiser l’entreprise, y compris dans la répartition des espaces de travail, sous réserve de ne pas modifier unilatéralement les tâches des salariés ou de leur retirer certaines responsabilités sans justifier d’une cause objective.

Sur la perte de ses responsabilités et la perte des tâches de comptable au profit de tâches administratives, l’employeur ne produit aucune pièce permettant de connaître la réalité des tâches accomplies par la salariée à son retour. Aux termes des avenants versés par la salariée, signés à partir de janvier 2020, elle demeure pourtant « employée de comptabilité ».

Le directeur réplique à ce sujet, dans la lettre sus-visée que la salariée est affectée à une partie des tâches « décrites dans sa fiche de mission ». Cette fiche de poste produite par les parties ne comporte aucune date et les parties ne le précisent pas dans leurs écritures s’il s’agit d’une fiche signée lors de la prise de fonction de la salariée en 2012 ou bien s’il s’agit d’une fiche qui lui aurait été remise en septembre 2018 et celle évoquée par la salariée dans un courrier du 03 février 2021.

Il n’est donc versé par l’employeur aucune autre fiche et il n’est pas démenti dans les écritures ou dans les pièces produites, qu’à compter de sa reprise la salariée aurait été affectée non à la comptabilité mais « aux achats », mission qui ne figure pas dans la seule fiche de poste versée. Il est ainsi uniquement mentionné dans les conclusions de l’employeur que s’agissant des « tâches qui lui ont été confiées, suite à son retour, il convenait de permettre à Mme [B] de reprendre ses repères, après plusieurs mois d’inactivité puis d’activité partielle, et de réorganiser le service progressivement suite à sa reprise, en tenant compte du mi-temps thérapeutique dans le cadre duquel la Salariée ne pouvait recevoir la charge de travail identique à un plein temps ». Il n’est produit en outre aucun calendrier donné à la salariée, ni de preuve de formation pour une remise à niveau.

Enfin, sur la réalité des tâches, la société GPS ne verse aucune réponse faite au courrier de la salariée le 03 février 2021, par lequel elle demande des précisions sur sa situation de travail suite à sa reprise à temps plein en novembre 2020, période pour laquelle la cour observe qu’aucun avenant n’est versé (le dernier avenant produit porte sur la période du 1er juin au 31 aout 2020). La salariée demande notamment dans ce courrier à l’employeur « de rétablir pleinement l’ensemble de ses tâches ».

Sur le changement de bureau, il convient de se reporter aux réponses faites par le directeur à ce sujet dans ce même courrier du 25 mai 2020 produit par la salariée, en l’absence d’autre pièce versée par l’employeur. M. [N] lui indique que ce changement a été décidé en son absence, sa date de reprise n’étant pas connue. Ce fait est objectivé, l’employeur n’ayant pas à tenir le bureau d’un salarié à sa disposition durant une longue absence si une réorganisation générale intervient.

Sur le fait que ce bureau serait isolé du reste du service comptabilité, le directeur indique à la salariée que ce bureau est lumineux et proche du sien. Il observe encore qu’il souhaitait avoir « un pôle comptable et un pôle ADV distinct, réduire l’effet plateau » et tenir compte du désagrément que le travail en plateau pouvait apporter à la salariée « nombre de ses collègues lui ayant rapporté qu’elle travaillait avec des bouchons d’oreille ». Ces allégations ne sont corroborées par aucune des pièces versées et il ressort donc de ce courrier que la salariée n’était pas avec ses collègues du même service et que ce fait n’est pas objectivé par une réorganisation générale décidée par la direction durant l’arrêt de travail de celle-ci. En effet, il a été relevé que la salariée perdait les tâches de comptabilité au profit d’autres missions et le fait qu’elle ne dispose pas d’un bureau proche du service comptable le confirme.

La cour observe enfin que l’employeur qui argue du fait que la salariée a adopté une démarche consistant « à considérer que les observations sur son travail étaient injustifiées, et que, par sa délégation, elle était exonérée de tout prévenance ou d’information vis-à-vis de l’employeur, et même de tout devoir de réserve et de politesse », ne verse aucune pièce probante, hormis les attestations de salariés alors même que Mme [F] expose détenir des éléments à l’encontre de Mme [U] [G] épouse [B].

Au vu de ce qui précède, il convient donc de constater que la société employeur n’apporte pas de réponse à tous les faits jugés établis par des éléments suffisants pour permettre à la cour de juger que le comportement de l’employeur est objectivé par des faits étrangers à tout harcèlement moral.

Il n’est ainsi pas démontré que le poste de la salariée a été adapté à ses fonctions éléctives et il a été jugé qu’elle a subi des sanctions rapprochées disproportionnées, l’une en lien avec des reproches sur son travail alors qu’elle ne disposait pas du temps nécessaire à son accomplissement et l’autre alors qu’un autre salarié n’a pas subi le même traitement. Il a de même été constaté que durant la période des faits dénoncés, avant l’arrêt maladie de la salariée, l’entreprise était défaillante s’agissant des risques psycho-sociaux. Suite au retour de la salariée dans l’entreprise en novembre 2019, il a été jugé que l’employeur ne justifiait pas, par des éléments étrangers à tout harcèlement moral, le changement des tâches de la salariée ou encore la mise à l’écart par un bureau situé hors du service comptabilité.

Par voie d’infirmation de la décision déférée, il convient donc de juger que le harcèlement moral envers Mme [U] [G] épouse [B] est établi.

Sur les conséquences du harcèlement moral, il a été constaté que la salariée justifie avoir été en arrêt maladie pendant 11 mois à compter du mois d’avril 2018, le médecin généralise diagnostiquant un syndrome dépressif réactionnel et un « burn out » et prescrivant un traitement anti dépresseur à compter du 14 avril 2018, traitement encore en cours en mars 2019.

Compte tenu de la durée du harcèlement moral et des conséquences sur la santé de la salariée, il convient de condamner la société GPS au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.

Sur la demande de Mme [U] [G] d’enjoindre à la société GPS de « la rétablir dans ses fonctions de comptable », il ressort des pièces produites que la salariée est toujours soumise à un contrat de travail mentionnant cette fonction. Il n’appartient pas à la juridiction prud’hommale de statuer sur ce type de demande, laquelle doit être rejetée.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

Il convient de condamner la société GPS, partie perdante, aux entiers dépens en première instance et en cause d’appel et à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE Mme [U] [G] épouse [B] recevable en son appel,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

DECLARE irrecevable comme nouvelle la demande de Mme [U] [G] épouse [B] aux fins d’injonction de production du registre du personnel de GPS ainsi que les bulletins de paie des salariés du service comptabilité,

ANNULE la sanction disciplinaire d’avertissement du 12 février 2018,

ANNULE la sanction disciplinaire de mise à pied du 12 mars 2018,

DIT que Mme [U] [G] épouse [B] a été victime de harcèlement moral,

CONDAMNE la société GPS à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

REJETTE la demande de Mme [U] [G] épouse [B] de faire injonction à l’employeur de la rétablir dans ses fonctions de comptable,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société GPS à payer la somme de 2 000 euros à sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE la société GPS aux dépens de première instance et en cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


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