Your cart is currently empty!
16 septembre 2022
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
21/00400
16/09/2022
ARRÊT N°2022/371
N° RG 21/00400 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N6B2
CB/AR
Décision déférée du 17 Décembre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/249)
BARAT
[X] [O]
C/
S.A.R.L. TRANSPORTS DUQUESNOY
SELAS BMA
Me [B] [I] – Mandataire judiciaire de S.A.R.L. TRANSPORTS DUQUESNOY
Association AGS CGEA D'[Localité 5]
infirmation
Grosse délivrée
le 16 9 22
à Me Pascal SAINT GENIEST
Me Laurent CALONNE
Me Armand COHEN-DRAI
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU SEIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [X] [O]
[Adresse 4]
Représenté par Me Armand COHEN-DRAI, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
S.A.R.L. TRANSPORTS DUQUESNOY
[Adresse 7]
S.E.L.A.S. BMA
prise en la personne de Me [K] [V] – Commissaire à l’éxécution du plan de la S.A.R.L. TRANSPORTS DUQUESNOY, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 1]
Représentées par Me Laurent CALONNE, avocat au barreau de LILLE
Me [B] [I] – Mandataire judiciaire de S.A.R.L. TRANSPORTS DUQUESNOY
[Adresse 3]
Non représenté
PARTIE INTERVENANTE
AGS CGEA D'[Localité 5] UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 5], Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale, Madame [S] [L], domiciliée es qualités audit siège sis [Adresse 2]
Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de l’AARPI QUATORZE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BRISSET, présidente et F.CROISILLE-CABROL, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– réputé contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [O] a été embauché selon contrat à durée indéterminée du 5 janvier 2015 en qualité de chauffeur routier par la SARL Transport Duquesnoy.
L’entreprise employait plus de 11 salariés au jour de la rupture. La convention collective applicable est celle du transport routier.
Le 7 novembre 2018 une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la société Transport Duquesnoy.
Par lettre du 7 novembre 2018 contenant mise à pied à titre conservatoire, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 19 novembre 2018.
Il a été licencié pour faute grave selon lettre du 23 novembre 2018.
Le 18 février 2019, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse en contestation de son licenciement. Maître [V], en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement adopté le 15 juillet 2020, et le CGEA d'[Localité 5] ont été appelés en la cause.
Par jugement du 17 décembre 2020, le conseil, en substance, a dit que le licenciement pour faute grave de M. [O] était justifié, l’a débouté de toutes ses demandes, a débouté maître [V] ès qualités de sa demande au titre des frais de procédure et condamné M. [O] aux dépens.
M. [O] a relevé appel de la décision le 25 janvier 2021, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement et intimant la société Transports Duquesnoy, la SELAS BMA ès qualités, la SELARL [I] ès qualités ainsi que le CGEA d'[Localité 5].
Dans ses dernières écritures en date du 7 mai 2021, auxquelles il est fait expressément référence, M. [O] demande à la cour de :
Réformer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse en date du 17 décembre 2020 :
– en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [X] [O] était justifié,
– en ce qu’il a débouté Monsieur [X] [O] de l’intégralité de ses demandes :
– annulation de la mise à pied conservatoire
– 11 410 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L 1235-3 du code de travail.
– 3 794 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement en application de l’article R 1234-2 du code du travail.
– 4 564 euros au titre de l’indemnité de préavis.
– 456,40 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis.
– 1445,26 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 7 au 26 novembre 2018.
Statuant à nouveau :
Déclarer le licenciement de Mr [X] [O] notifié par courrier du 23 novembre 2018 sans cause réelle et sérieuse.
Prononcer l’annulation de la sanction de mise à pied conservatoire notifiée à Mr [O] par courrier du 7 novembre 2018.
Déclarer irrecevable la pièce adverse 8 (attestation de Mr [F] [N] du 7 novembre 2018) comme étant non conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile.
Condamner en conséquence la SARL Transports Duquesnoy représentée par Me [K] [V] de la SELAS BMA administrateur judiciaire, es-qualité commissaire à l’exécution du plan de la SARL Transports Duquesnoy, Me [B] [I] de la SELARL [I] mandataire judiciaire de la SARL Transports Duquesnoy, et l’association AGS CGEA d'[Localité 5], à verser à Mr [X] [O] les sommes suivantes :
– 11 410 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L 1235-3 du code de travail.
– 3 794 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement en application de l’article R 1234-2 du code du travail.
– 4 564 euros au titre de l’indemnité de préavis.
– 456,40 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis.
– 1 445,26 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 7 au 26 novembre 2018.
Déclarer opposable à l’association AGS CGEA d'[Localité 5] l’arrêt à intervenir.
Condamner la SARL Transports Duquesnoy représentée par Me [K] [V] de la SELAS BMA es-qualité commissaire à l’exécution du plan, Me [B] [I] de la SELARL [I] Mandataire judiciaire, au paiement de la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les condamner aux entiers dépens.
Il conteste avoir commis une faute et soutient que c’est sa collègue qui avait fait preuve d’agressivité.
Dans ses dernières écritures en date du 27 juillet 2021, auxquelles il est fait expressément référence, la société Transports Duquesnoy et la société BMA ès qualités demandent à la cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en date du 17 décembre 2020, en ce qu’il a :
– Dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [X] [O] est justifié, et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– A titre subsidiaire, limiter l’indemnisation de Monsieur [O] à hauteur de 3 mois de salaire soit 6 846 euros
– A titre infiniment subsidiaire et si la cour estimait que les agissements de Monsieur [O] ne constituaient pas une faute grave, dire que ses agissements justifient néanmoins le bien fondé du licenciement de Monsieur [O] et limiter dès lors son indemnisation au paiement des sommes suivantes :
– 3 794 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
– 4564 euros au titre de l’indemnité de préavis.
– 456,40 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis.
– 1 445,26 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 7 au 26 novembre 2018
– Déclarer opposable au CGEA AGS d'[Localité 5] l’arrêt à intervenir,
– Condamner Monsieur [O] au paiement de la somme de 3 000 euros à la SARL Transports Duquesnoy représentée par Maître [V] de la SELAS BMA es qualité de commissaire à l’exécution du plan,
– Condamner Monsieur [O] aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel.
Elles soutiennent que la faute grave est parfaitement établie.
Dans ses dernières écritures en date du 7 mars 2022, auxquelles il est fait expressément référence, l’Unedic délégation AGS CGEA d'[Localité 5] demande à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris.
En toute hypothèse,
Dire et juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail, étant précisé que le plafond applicable en l’espèce s’élève, toutes créances avancées pour le compte des salariés.
Dire et juger que la somme de 1200 euros réclamée par sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile est exclue de la garantie, les conditions spécifiques de celle-ci n’étant pas remplies.
En tout état de cause,
Dire et juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
Statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.
Elle soutient que la faute grave est établie et oppose pour le surplus les plafonds et limites de sa garantie.
L’appelant a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions à maître [I] pris en sa qualité de mandataire judiciaire qui n’a pas constitué avocat par acte d’huissier du 6 mai 2021.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 31 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Si le mandataire judiciaire a été intimé, il convient de rappeler qu’il est dessaisi par l’effet du jugement adoptant le plan.
Il n’y a pas lieu en toute hypothèse à annulation spécifiquement de la mise à pied conservatoire. Il s’agit d’une mesure conservatoire dont le sort dépendra de ce que la cour jugera sur le licenciement.
De ce chef, la faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.
Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe d’en rapporter la preuve et ce dans les termes de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, M. [O] a été licencié pour faute grave dans les termes suivants :
Suite à notre entretien préalable du 19 novembre courant, et après réexamen de votre situation, nous notifions par la présente votre licenciement, sans préavis, ni indemnité, pour faute grave.
Cette décision est justifiée par les faits que vous avez commis et que nous vous rappelons :
– le 7 novembre 2018, vous deviez effectuer un relais avec votre collègue Madame [A] [W] au restaurant routier des 5 routes commune de [Localité 6],
– Votre collègue vous a remis les clés sur le comptoir,
– vous lui avez reproché sur un ton très agressif de ne pas vous avoir remis les clés convenablement,
– au moment de sortir du restaurant vous lui avez bloqué la sortie en lui faisant à nouveau des reproches d’un ton agressif et en tenant des propos sexistes,
– vous avez même porté vos mains sur sa gorge.
Nous ne pouvons accepter ces agressions verbales et physique.
Ce comportement n’est pas acceptable, nous ne pouvons tolérer une telle agression.
Il est de notre devoir d’assurer la sécurité de nos salariés.
Nous ne pouvons en effet tolérer ce type de comportement au sein de notre communauté de travail.
Votre attitude rend impossible votre maintien dans nos effectifs. Nous ne pouvons prendre le risque de vous laisser à nouveau agresser notre collaboratrice.
De plus vous portez atteinte à l’image de l’entreprise et au climat serein qu’il doit y régner.
Vous cessez donc de faire partie de notre effectif dès envoi de la présente
Pour établir les faits, l’employeur produit un dépôt de plainte de Mme [W]. Il n’est certes pas justifié d’une condamnation pénale ou même de poursuites suite à cette plainte mais elle décrit toutefois les faits articulés, sans que M. [O] puisse soutenir qu’il s’agit pour Mme [W] de s’établir une preuve à elle-même. En effet, le document est produit par l’employeur et justifie d’une plainte déposée par une salariée pour un incident l’ayant opposée à un autre salarié. Il y est fait état d’une altercation où M. [O] a empêché (manifestement brièvement) Mme [W] de sortir du lieu où ils s’échangeaient les clés du véhicule et où M. [O] lui a indiqué « ce n’est pas une femme qui va commander ». Mme [W] a de surcroît établi une attestation reprenant ces mêmes éléments. Il est également produit une attestation de M. [N]. Le premier document produit en pièce 8 n’est certes pas accompagné d’un justificatif d’identité. Il n’y a cependant pas lieu de l’écarter de débats. En effet, M. [N] a établi une seconde attestation, cette fois accompagnée d’un document d’identité. Si ce second document fait état de faits qui n’ont pas à être pris en compte comme n’étant pas visés à la lettre de licenciement, il ne revient pas sur la première attestation et indique au contraire que le témoin a bien assisté à l’agression, qualifiée de verbale. Dès lors et compte tenu de cette seconde attestation la première conserve des garanties suffisantes pour être appréciée.
De ces éléments, il résulte qu’il y a bien eu un incident entre Mme [W] et M. [O] et que celui-ci a fait preuve d’agressivité à tout le moins verbale envers celle-là et lui a, cependant brièvement, bloqué le passage en sortie du bar où se faisait l’échange des clés. Il ne peut être retenu qu’il aurait porté les mains à sa gorge, ce point n’étant pas confirmé par un témoin.
Les éléments produits par M. [O] à l’encontre de ces preuves sont insuffisants et ne peuvent remettre en cause cette analyse. En effet, M. [H] qui a attesté indique expressément qu’il n’était pas présent et fait uniquement part de ses déductions ou de son sentiment personnel, ce qui ne peut constituer une preuve utile. Pour le surplus, M. [O] invoque la plainte qu’il a lui-même déposée pour dénonciation calomnieuse en la considérant comme probante alors qu’il conteste toute valeur à celle déposée par Mme [W]. Surtout, il résulte des énonciations de cette plainte qu’il indiquait qu’il avait un témoin en la personne de M. [D] mais ne produit aucun document émanant de cette personne.
La cour retient ainsi qu’il est établi par l’employeur qu’il y a bien eu un incident où M. [O] a fait preuve d’agressivité envers sa collègue mais sans qu’il puisse être établi une violence physique.
Dans de telles circonstances, l’employeur pouvait se placer sur le terrain de la rupture, ceci caractérisant un motif réel et sérieux, mais non sur celui de la faute grave telle que définie ci-dessus. Le jugement sera infirmé en ce sens.
M. [O] peut ainsi prétendre au salaire pendant la mise à pied, à l’indemnité de préavis, aux congés payés y afférents ainsi qu’à l’indemnité de licenciement mais non à des dommages et intérêts. Les montants tels qu’articulés par M. [O] dans ses écritures ne sont pas spécialement contestés. Il y sera fait droit pour les sommes suivantes :
– 3 794 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
– 4564 euros au titre de l’indemnité de préavis.
– 456,40 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis.
– 1 445,26 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 7 au 26 novembre 2018
L’employeur sera condamné au paiement de ces sommes nées postérieurement à l’ouverture de la procédure.
Le jugement sera déclaré opposable à l’AGS, sous les limites et plafonds de sa garantie et sur justification de l’absence de fonds disponibles, la société étant redevenue in bonis par l’effet du plan.
L’appel est bien fondé de sorte que l’employeur sera condamné au paiement de la somme de 1 200 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, étant rappelé que la garantie de l’AGS ne peut s’étendre aux frais et dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 17 décembre 2020,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. [O] repose sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave,
Condamne la SARL Transport Duquesnoy à payer à M. [O] les sommes de :
– 3 794 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
– 4 564 euros au titre de l’indemnité de préavis.
– 456,40 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis.
– 1 445,26 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 7 au 26 novembre 2018,
– 1 200 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS sous les limites et plafonds de sa garantie laquelle ne s’étend pas aux frais et dépens et dit qu’il y aura lieu à justification de l’absence de fonds disponibles,
Déboute M. [O] de ses plus amples demandes,
Condamne la SARL Transport Duquesnoy aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Arielle RAVEANE Catherine BRISSET.