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1 décembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/09945
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRET DU 01 DECEMBRE 2022
(n° , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/09945 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAW2O
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Août 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/00555
APPELANTE
Madame [Y] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Françoise FAVARO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0866
INTIMÉE
SCS HERMES INTERNATIONAL
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédéric BENOIST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0001
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport et Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Julie CORFMAT
ARRET :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de péaffectation sur poste, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Mme [Y] [E] a été embauchée par la société Hermès International par contrat de travail écrit à durée indéterminée, en qualité de Responsable Pôle Projets digitaux et ce à compter du 14 octobre 2013.
Par avenant en date du 10 mars 2016, Mme [E] a été promue “Directeur du Développement digital et des réseaux sociaux”.
Le 14 septembre 2017, Mme [E] a été placée en arrêt de travail pour maladie.
Le 21 septembre 2017, Mme [E] a adressé à son supérieur hiérarchique, M. [N] [H], un courrier par lequel elle évoquait des difficultés qu’elle attribuait à son mode de management, se prétendant victime d’une « attitude harcelante et déloyale »
Une commission d’enquête interne a été mise en place par la société Hermès qui a conclu aux termes de son rapport en date du 19 décembre 2017 que le harcèlement moral invoqué par [Y] [E] à l’encontre de M. [N] [H] n’était pas caractérisé.
Par lettre en date du 24 janvier 2018, Mme [E] a saisi le Conseil de
prud’hommes de Paris d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 26 janvier 2018, Mme [E] était convoquée à un entretien préalable en vue d’une éventuelle mesure de licenciement et a été licenciée pour faute par lettre du 19 février 2018 en ces termes:
Pas moins de six de vos collaborateurs ont mis en cause votre management , surtout, deux de vos collaboratrices, Mesdames [T] [B] et [K] [W], ont dénoncé tout à la fois un acharnement dont elles ont été victimes de votre part, un ostracisme et une forte dégradation de leur état de santé les conduisant à considérer que vous adoptiez à leur égard un comportement caractérisant un harcèlement moral.
Ainsi, Madame [W] a indiqué qu’elle venait le matin au travail ‘avec une boule au ventre’ et précisait qu’elle avait même été ‘à deux doigts de donner sa démission’.
Un autre de vos collaborateurs, Monsieur [F] [G] a également fait valoir qu’il avait été l’objet d’un management autoritaire, sans soutien, fait de défiance, d’ostracisme et de brutalité.
Plus préoccupant encore, il est apparu que vous aviez parfaitement conscience de cette situation et des graves conséquences engendrées par votre management puisque lorsque votre collaborateur, Monsieur [X] [S], vous a fait par des plaintes de Monsieur [G], vous lui auriez indiqué :
‘J’espère que tu ne m’as pas enregistrée là, car si tu vas voir la RH je suis morte”.
Ce qui démontre votre mode de management était non seulement intentionnel mais que,
surtout vous aviez connaissance de son caractère répréhensible et pathogène.
Une fois ces faits rapportés, nous avons entrepris une enquête pour en vérifier la véracité
et ne pouvons que constater que toutes les déclarations sont ainsi concordantes pour
faire ressortir des pratiques managériales inadmissibles.
Les explications fournies à cet égard dans votre courriel du 15 février courant ne peuvent
nous conduire à modifier notre appréciation. Pour l’essentiel, vous êtes dans le plus
parfait déni des explications circonstanciées et concordantes de vos collaborateurs et
n’hésitez pas à, non seulement remettre en cause leurs griefs mais, surtout, considérer
que vous seriez victime d’une véritable cabale, ce qui est dit long sur votre appréciation
de faits pourtant graves qui ont notamment été constatés par la Commission d’enquête
interne paritaire et donc par des représentants élus du personnel, en lien avec la
médecine du travail et l’inspection du travail.
Aussi, et compte tenu de l’ensemble de ces éléments, nous ne pouvons laisser perdurer
davantage une telle situation qui est attentatoire à l’intégrité de nos collaborateurs et nuit au bon fonctionnement de notre activité.
Nous vous rappelons l’importance particulière que nous accordons aux valeurs de
respect, de bienveillance et d’exemplarité dans les rapports entre collaborateurs, qui plus
est lorsqu’ils s’exercent dans le cadre d’un lien hiérarchique, ce que vous semblez avoir
manifestement perdu de vue.
Votre volonté flagrante de ne pas vous remettre en cause, nous confirme qu’il nous est
impossible d’envisager que vous soyez en mesure d’entendre, de comprendre et de
développer ce que nous attendons de vous.
En conséquence, nous vous informons que nous avons pris la décision de vous notifier, par la présente, votre licenciement. La gravité des faits et leurs conséquences sur certains de vos collaborateurs auraient pu nous conduire à retenir une sanction grave, privative d’indemnité de licenciement et de préavis mais nous avons cependant décidé, tenant compte notamment de votre ancienneté et de votre parcours que nous avions un temps considéré satisfaisant de vous notifier par la présente cette mesure de licenciement pour cause réelle et sérieuse’.
Mme [E] a saisi à nouveau le conseil de prud’hommes le 5 février 2019 aux fins de contester son licenciement.
Par jugement en date du 30 août 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a :
– dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail n’est pas recevable du fait que le harcèlement moral n’est pas prouvé,
– dit que le licenciement n’est pas nul
-dit qu’il est fondé sur cause réelle et sérieuse,
-débouté la société SCA Hermès International de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [Y] [E] au paiement des entiers dépens.
Par déclaration enregistrée le 3 octobre 2019, Mme [E] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions adressées par voie électronique le 6 septembre 2022, Mme [E] demande à la cour de :
A titre principal,
– Dire et juger que la société Hermès International a manqué gravement à ses obligations,
– dire et juger que Mme [E] a été victime d’un harcèlement moral,
– dire et juger que la société Hermès International a unilatéralement modifié le contrat de Mme [E],
– dire et juger que la société Hermès International a manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail de Mme [E],
– dire et juger que la société Hermès International a manqué à son obligation de sécurité de résultat à l’égard de Mme [E].
En conséquence,
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] aux torts de la société Hermès International,
– fixer la rémunération brute de référence de Mme [E] à 8.765,66 euros,
– Dire en premier lieu que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] produit les effets d’un licenciement nul du fait du harcèlement moral dont elle a été victime,
– condamner la société Hermès International à verser à Mme [E] 105.187,92 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul sur le fondement de l’article L. 1152-1 du Code du travail.
– dire en second lieu et à titre subsidiaire que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Hermès International à verser à Mme [E] 43.828,30 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L. 1235-3 du Code du travail.
A titre subsidiaire,
– dire et juger en premier lieu que le licenciement de Mme [E] est nul en tant qu’il a été notifié en représailles du harcèlement moral qu’elle a dénoncé et de l’action en justice qu’elle a engagée,
– condamner la société Hermès International à verser à Mme [E] 105.187,92 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul sur le fondement de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail,
– dire et juger à tout le moins que le licenciement de Mme [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Hermès International à verser à Mme [E] 43.828,30 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L. 1235-3 du Code du travail.
En tout état de cause,
condamner la société Hermès International à verser à Mme [E] :
– 105.187,92 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (ancien article 1382),
– 105.187,92 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale sur le fondement de l’article 1104 (ancien article 1134) du Code civil et L. 1222-1 du Code du travail;
– 105.187,92 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de sécurité de résultat par la société Hermès International sur le fondement des articles L. 1153-5 et L. 4121-1 du Code du travail;
– 196,98 euros à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement,
– condamner la société Hermès International à verser à Mme [E] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance et 8.000 euros au titre de la procédure d’appel,
– condamner la société Hermès International aux entiers dépens,
– dire et juger que l’ensemble des condamnations, à caractère de salaire et indemnitaire, sera assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de réception, par la société Hermès International de la convocation du greffe à l’audience de bureau de conciliation et d’orientation, avec capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 (ancien 1154) du Code civil.
– débouter la société Hermès International de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 28 février 2020, la société Hermès International demande à la cour de confirmer le jugement entrepris
en ce qu’il a :
– dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail effectuée par Mme [E] n’était pas recevable du fait que le harcèlement moral n’est pas prouvé ;
– dit que le licenciement dont a fait l’objet Mme [E] le 19 février 2018, n’est
pas nul ;
– dit que ce licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
– débouté Mme [E] de l’ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant,
-condamner Mme [Y] [E] à payer à la société Hermès International la
somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure
civile,
-condamner Mme [Y] [E] aux entiers dépens.
La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’instruction a été close le 7 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail
Il sera rappelé que lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par des manquements de l’employeur d’une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et dans le cas contraire doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur. Si la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur est admise, celle-ci produit les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, voire nul lorsque cette demande en résiliation est fondée sur une cause que la loi sanctionne par la nullité.
En l’espèce, Mme [E] a introduit l’instance prud’homale le 24 janvier 2018 et son licenciement est intervenu le 19 février 2018. Il y a lieu en conséquence d’analyser en premier lieu la demande au titre de la résiliation judiciaire.
Mme [E] reproche en substance à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité du fait du harcèlement moral subi à l’origine d’une dégradation de ses conditions de travail et au vu des agissements de harcèlement moral qu’elle a subis de n’avoir mis en place aucune mesure et d’avoir ignoré sa situation.
Aux termes de l’article L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon les dispositions des articles L.1152-4 et L.1152-5 du code du travail, l’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral et tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible de sanction disciplinaire.
En application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative d’apprécier les éléments de preuve fournis par l’employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement.
L’employeur est par ailleurs tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et doit en assurer l’effectivité, en prenant notamment des mesures en vue de faire cesser les agissements dénoncés.
Il résulte enfin des dispositions des articles L.1122-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
Sur la résiliation judiciaire au tiitre du harcèlement moral
En l’espèce, Mme [E] invoque à l’appui de sa demande de résiliation au titre du harcèlement moral que son supérieur hiérarchique, M. [N] [H], l’a privée de ses responsabilités et l’a mise à l’écart, ce qui a entrainé une dégradation de ses conditions de travail. Il en est aussi résulté une atteinte à sa dignité, à sa santé physique et psychologique, les agissements de M. [H] ayant compromis son avenir professionnel.
Elle verse au soutien de ses arguments de nombreux courriels qu’elle a écrit pour demander des explications ou précisions quant aux décisions prises par son supérieur hiérarchique et qui étaient de nature à contourner soit son autorité, soit ses responsabilités. Sans entrer dans le détail de son argumentation et des éléments contenus dans les courriers, il s’avère au préalable indispensable d’analyser les griefs formulés par la salariée à la lumière de la réorganisation entreprise de la Direction Digital.
Il sera relevé que Mme [E] a bénéficié en 2014 d’un bonus exceptionnel au titre de la réalisation de ses objectifs, d’une augmentation de salaire de 10% en 2015 et a été promue au poste de Directrice du Développement Digital sous l’autorité de M. [C], Directeur Général des ‘Projets Digitaux’. Par courrier du 12 janvier 2016, Madame [E] a bénéficié d’un bonus de 9.680 euros au titre de la réalisation de ses objectifs de l’année 2015 et a été augmentée de 1,75%.
En juin 2015, le Directeur Général Digital s’est adjoint un Directeur des contenus éditoriaux, M. [N] [H], sous l’autorité duquel il a rattaché Mme [E]. En septembre 2015, Mme [J] [A] a été embauchée en qualité de Directeur Général Adjoint Digital (DGA) en charge du e-commerce et placée sous l’autorité de M. [C]. Le département digital a ainsi été nouvellement organisé en deux pôles, sous l’autorité de M. [C], Directeur Général Projets Digitaux : le e-commerce (dirigé par Madame [A]) et l’éditorial (dirigé par Monsieur [H]).
Il n’est pas contesté que du mois d’octobre 2014 à novembre 2015, Mme [E] était chargée de la gestion des 5 pôles d’activités suivants : réseaux sociaux, digital en magasins et events, autres sites / filiales,data, search, emailing, contenus et site.
Par courriers électroniques des 15 et 22 février 2016, elle interrogeait sa hiérarchie sur les modifications intervenues et aux termes desquelles Mme [A] récupérait les missions Data, search et emailing, et commandait directement les équipes de Mme [E] sur le projet digital en magasin « File d’attente ».
Selon nouvelle feuille de route de 2015/2016, M. [H] réorganisait la gouvernance
des contenus éditoriaux. Il prenait la décision de retirer à Mme [E] les missions création et production du pôle Contenu et Site, et les équipes dédiées pour les confier à M. [V] [Z], promu Directeur de production des contenus et placé sous son autorité directe, au même niveau hiérarchique que Mme [E] ainsi qu’en atteste le power Point sur l’organisation du département Contenus Editoriaux Digital projets digitaux 2016 versé aux débats. Mme [E] produit à cet égard l’attestation d’un collègue, M. [U] qui décrit que celle-ci serait revenue en larmes d’une réunion avec M. [H] en janvier 2016.
Par courrier en date du 11 janvier 2016, Mme [E] sollicitait des clarifications concernant ses objectifs et interrogeait son supérieur hiérarchique sur sa décision de modifier le nombre de stagiaires alloué à son équipe pour l’année.
Elle reproche encore à son supérieur hiérarchique dans ses écritures et ses couriers d’avoir été écartée d’un voyage en Chine, de réunions sur des projets ou décisions relevant de ses attributions, notamment le projet ‘Wechat’ ou concernant son équipe (courriers électroniques adressés à M. [H] notamment en octobre 2016 et novembre 2016, de mars 2017 à juillet 2017 et échanges de courriers électroniques de janvier et février 2017), de réunions du comité de direction traitant de sujets dont elle avait la charge, la contraignant selon courriers échangés en 2017 à solliciter des informations auprès d’autres membres du personnel ou encore des discussions relatives au budget en septembre 2017, alors que la gestion du budget relevait théoriquement de ses missions ( échange de courriers électroniques en septembre 2017).
Mme [E] présente en conséquence la matérialité de faits qui, pris dans leur ensemble, sont de nature par leur renouvellement à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Il appartient dès lors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement.
La société Hermès souligne en réponse que l’employeur a pris des décisions légitimes relevant de son pouvoir de direction et d’organisation. Alors que la salariée ne s’est jamais plainte d’une modification de son contrat de travail, les décisions prises ont été dictées par le développement du groupe Hermès avec les possibilités ouvertes par les nouvelles technologies nécessitant une adaptation permanente. Ainsi, les tâches qui auparavant pouvaient être gérées par une seule personne, de par leur multiplication, doivent de plus en plus être réparties. Selon lui, Mme [E] était réfractaire à ces nécessaires évolutions et adaptations, ce qui explique que l’employeur a dû redéfinir les priorités et tâches de chacun, y compris pour Mme [E].
Elle verse principalement aux débats le rapport établi par la commission d’enquête interne, laquelle fait état de ce qu’ aucun des douze salariés auditionnés n’a été témoin direct de comportement ou de pratiques répétées de la part de M. [H] qui auraient pu entrainer une dégradation des conditions de travail de Mme [E], n’a eu connaissance d’une situation de souffrance au travail à l’exception de l’assistante sociale alors qu’ils décrivaient la salariée comme plutôt souriante et d’humeur joyeuse avant son arrêt maladie. La Commission en a conclu que:
« En synthèse de l’ensemble des auditions menées, il apparaît que la Direction dans laquelle [Y] [E] a débuté sa carrière chez Hermès a connu, et connaîtra sans doute encore, d’importantes transformations et réorganisations, à l’image de l’évolution des pratiques et des technologies du mode du digital.
Dans ce contexte, la Commission a acquis la certitude que [Y] [E] n’a pas pu ou su s’adapter à ces évolutions et qu’elle n’a pas compris le fait que personne n’est propriétaire de ses sujets, particulièrement au digital, et qu’il est indispensable que chacun renforce en permanence son expertise.
Sans dénier l’existence de certaines tensions entre [N] [H] et [Y] [E], la Commission a été ainsi amenée à constater que la plupart de ces tensions trouvaient leur origine dans le mode de management de [Y] [E] très vertical et territorial et source de souffrance au travail pour certains de ses collaborateurs, dans son manque d’expertise technique et dans son attitude d’opposition systématique (par exemple, son refus de signer son entretien annuel).
La Commission a par ailleurs relevé que [Y] [E] n’avait pas été en mesure de fournir des éléments établissant qu’elle était dans une situation de souffrance au travail.
Bien au contraire, de nombreux témoignages concordant montrent que [Y] [E] semblait, depuis la rentrée et jusqu’à son départ, plus épanouie que d’habitude.
De la même manière, la Commission ne peut que constater que les déclarations de [Y] [E] n’ont été corroborées par aucune attestation, qu’elle n’a pas communiqué à la Commission le nom de personnes à entendre alors qu’elle avait été invitée à le faire.
Pour toutes ces raisons, la Commission paritaire d’enquête interne considère de façon
unanime que le harcèlement moral invoqué par [Y] [E] à l’encontre d'[N] [H] n’est pas caractérisé. »
Répondant plus spécifiquement aux reproches formulés par la salariée, la société Hermès International met en avant que la réorganisation de l’équipe évoquée par la salariée concerne simplement l’affectation à son équipe d’un stagiaire pour l’année 2016.
S’agissant plus précisément du voyage en Chine, l’employeur fait état de ce que ce voyage ne portait pas précisément sur les réseaux sociaux ainsi qu’il ressort du courrier même de la salariée dressant la liste des sujets susceptibles d’être abordés, ajoutant que celle-ci avait pu par ailleurs faire la même année un voyage au Japon entrant dans le cadre de ses attributions.
La société Hermès fait valoir en substance que la commission paritaire d’enquête a par ailleurs fait les constatations suivantes :
-« Au sujet du manque d’information invoqué par [Y] [E]. [N] [H] explique que chacun des comités de direction de la communication auxquels il assiste regroupent plusieurs types de sujets : certains sont encore confidentiels, d’autres pas encore assez avancés pour être partagés. Sur le reste des sujets abordés, [N] [H] considère qu’il les partage à [Y] [E] comme à [V] [Z] exactement de la même façon, selon leurs sujets respectifs »;
[N] [H] s’est montré particulièrement bienveillant lorsque la salariée a traversé sur le plan personnel une période difficile en contradiction avec les termes de ses écritures lui reprochant d’avoir profité de son absence pour l’écarter encore plus;
– Au sujet de l’objectif WeChat, plus précisément de l’augmentation du nombre de fans sur ce réseau chinois, qui fait partie des objectifs fixés à [Y] [E] par [N] [H], le membre de l’équipe chinoise est venue à [Localité 5] pour discuter entre autres sujets d’un projet de vente en ligne sur WeChat à une date correspondant aux dates de vacances de [Y] [E], ce d’autant que d’autres sujets devaient être abordés. Mme [E] a été informée dès son retour de vacances, de l’évolution du sujet et a repris la discussion autour de celui-ci ainsi qu’en attestent les échanges de courriers électroniques au mois de mai et juin 2016.
– Au sujet de la présentation des réseaux sociaux à un séminaire en juin 2017, M. [H] a effectivement présenté seul la stratégie des réseaux sociaux, au même titre qu'[J] [A] a présenté seule la stratégie du e-commerce, après l’intervention de [R] [C], de sorte que Mme [E] n’a fait l’objet d’aucun traitement différencié. Il en a été de même au sujet de la réunion financière de septembre 2017.
– S’agissant des sollicitations des équipes évoquées par la salariée, M. [H] a reconuu avoir effectivement demandé en septembre 2017 à un membre de l’équipe sous la supervision de Mme [E] un travail en oubliant d’en informer celle-ci mais s’en est excusé immédiatement ainsi que le confirme un courrier électronique en date du 28 août 2017.
Il ressort par ailleurs d’une réponse adressée par M. [H] aux interrogations de la salariée que si elle n’a pas assisté à toutes les réunions du comité de direction c’est parce que les sujets la concernant n’étaient, soit pas évoqués, soit seulement discutés à l’état embryonnaire ne nécessitant son intervention qu’ultérieurement, ainsi que des validations de tiers.
Pour justifier que ses agissements étaient étrangers à tout harcèlement moral, l’employeur s’appuie sur les résultats de l’enquêtre de la commission paritaire interne. Si cette enquête ne lie pas la Cour, il n’en demeure pas moins qu’elle existe. Mme [E] remet en cause tant l’objectivité que la partialité de cette enquête en dénoçant une manipulation. Il n’est cependant pas possible de remettre en cause globalement le travail de la commission, ce d’autant qu’elle a procédé à douze auditions. Il ne peut être davantage considéré, comme le fait Mme [E], que l’enquête du comité serait discréditée aux motifs que ses conclusions ne lui donneraient pas satisfaction et seraient critiques envers sa forme de management dont certains salariés ont pu se plaindre.
Il s’évince de la confrontation des pièces produites et des résultats de l’enquête que la société Hermès établit suffisamment des causes objectives rendant les faits décrits par la salariée étrangers à tout harcèlement.
Ce constat exclut en conséquence que l’état de santé de Mme [E] soit la conséquence du harcèlement moral dont elle se prévaut alors que les avis médicaux versés aux débats faisant apparaître des troubles d’anxiété, un stress aigu et des éléments dépressifs ne font que décrire la situation du patient sans démontrer le lien de causalité avec les faits dénoncés par la salariée.
Le jugement du conseil de prud’hommes doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande à ce titre.
Sur la résiliation judiciaire pour exécution déloyale du contrat de travail
Mme [E] expose que dans l’hypothèse où le harcèlement moral ne serait pas retenu, il y aurait lieu de retenir l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur aux motifs qu’elle a été privée des responsabilités qui lui incombaient initialement, entrainant des modifications de son contrat de travail qu’elle n’a jamais acceptées.
Préalablement, il sera rappelé que l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction peut changer les conditions de travail, la circonstance que la tâche donnée soit différente de celle qu’il effectuait antérieurement dès l’instant où elle correspond à sa qualification ne caractérisant pas une modification de son contrat de travail. Dès lors, le simple changement de tâches attribuées au salarié ou la réorganisation de ses responsabilités constitue en principe un changement des conditions de travail qui s’impose à ce dernier dès l’instant où sa rémunération et sa qualification ne sont pas affectées. Toutefois, lorsque l’étendue des fonctions et le niveau de responsabilité sont fortement réduits, il y a une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié même si sa rémunération et sa qualification ne sont pas affectées.
Il s’évince toutefois du rappel du contexte dans lequel l’organisation de la direction et des pièces versées aux débats que c’est à partir de l’embauche de M.[N] [H] au 1er juin 2015 poste nouvellement créé, lequel devient le nouveau supérieur hiérarchique de Mme [E] que les fonctions et prérogatives visées dans son contrat de travail seront modifiées.
Au vu de ce qui a été analysé au titre du harcèlement moral, Mme [E] est fondée à soutenir qu’il ne s’agissait pas d’un simple changement de ses conditions de travail mais d’une modification de son contrat de travail puisque les fonctions qui lui ont été retirées relevaient expressément de son poste.
En effet, les missions initiales de Madame [E] en qualité de Responsable pôle Projets digitaux, ont été définies en 2013 au sein de sa fiche de poste, qui prévoit notamment au titre des principales activités le management d’une équipe, le positionnement des projets digitaux; la gestion de projets, la gestion budgétaire au sein du pôle projets digitaux ayant pour responsabilité la stratégie, la mise en place, l’animation et l’efficacité des dispositifs digitaux visant à rendre Hermès visible en ligne; le cadrage, la conception et le pilotage de la mise en oeuvre des projets digitaux, de leur gestion, de leur optimisation après leur mise en ligne; le choix des agences et des dispositifs digitaux, le suivi et l’analyse de la performance des actions digitales.
Le 21 juillet 2015 Mme [E] était nommée ‘Directeur du Développement Digital
Au 21 décembre 2015, la société Hermès annonçait la modification de l’organisation de la Direction des projets digitaux autour de deux pôles, l’un confié à M. [N] [H] et l’autre sous la responsabilité de Mme [A] à laquelle étaient rattachées les entités e-commerce, technique et le projet Appolo.
Selon l’organigramme en date du mois de septembre 2015, Mme [E] dirigeait 5 pôles (réseaux sociaux, digital magasins & events; autres sites/ filiales; date e-mailing, search; pôle contenus & site) au sein desquels travaillaient 7 salariés.
L’évaluation établie pour l’année 2015/2016 traduit à tout le moins l’évolution des fonctions. Pour autant, Mme [E] sollicitait la description plus précise de son poste ayant noté la suppression de l’objectif leadership/management en 2016 par courrier électronique du 11 janvier 2016. Par courrier du 21 janvier 2016, elle faisait état de ce que M. [H] avait annoncé des modifications impactant directement ses activités; deux salariées placés sous sa responsabilité étaient appelées à faire du ‘reporting’ direct à M. [H], une salariée était rattachée directement à M. [H] s’étant plainte de ne pas être heureuse avec Mme [E] et une modification de fonction pourtant fixée quelques heures auparavant portant sur le projet dit ‘Apollo’.
Son titre initial de Directrice du Développement Digital était remplacé par Directrice du Développement Digital et Réseaux Sociaux selon avenant à son contrat de travail en date du 10 mars 2016.
Entre fin 2015 et septembre 2017, Mme [E] s’est vue en conséquence retirer la direction :
– du pôle data, search et email en novembre 2015, repris par Mme [A],
– du pôle autres sites/filiales, en janvier 2016, repris par M. [H].
– du pôle contenu et site en janvier 2016 confié à M. [Z], placé sous la supervision directe de M. [H];
– du pôle digital en magasins et events, début 2017, également repris par Monsieur [H].
A la fin de la relation contractuelle, elle n’avait plus sous son autorité qu’une seule unité ainsi que le démontre l’organigramme en date du 9 septembre 2017 . Elle n’est plus à sa date en charge que des réseaux sociaux et contenus locaux et a l’autorité sur deux salariés, les autres unités étant rattachées directement à M. [H].
L’employeur se réfère aux nécessités liées à l’évolution des technologies et au développement de la société Hermès. Il fait valoir que les compétences de la salariée était recentrée sur un projet stratégique, le développement d’un nouveau site internet portant le nom de code ‘Apollo’ qui remettait en cause l’organisation existante alors même qu’il n’a pas clairement précisé le contour de ses fonctions. La salariée n’a pas manqué de solliciter à plusieurs reprises des précisions sur ses objectifs ou l’organisation, y compris au regard de ce projet. Alors que son poste était vidé de sa substance sans autre formalisation d’un autre avenant à son contrat de travail, la commission interne concluait que la salariée était réfractaire à un tel changement pour justifier les modifications pourtant décidées unilatéralement par la direction sans pour autant aller plus avant dans son analyse et faisait état de mutation interne de personnel compte tenu de l’attitude harcelante de la salariée.
La société Hermès International ne verse aucune pièce permettant de mesurer les activités stratégique qui auraient été confiées à la salariée. Au contraire, l’organigramme fait état de ce que le poste de Mme [E] n’a pas été remplacé. Enfin, il subsiste un doute sur la réelle motivation de l’employeur d’obtenir le départ de la salariée aux termes de cette réorganisation en quelques mois ainsi qu’elle le soutient et que son absence de remplacement ultérieur vient confirmer.
Au vu de ces éléments, il sera retenu que l’employeur a modifié unilatéralement le contrat de travail de la salariée qui s’analyse en un manquement grave faisant obstacle à la poursuite des relations contractuelles. La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée à l’initiative de la salariée et aux torts de l’employeur produit par voie d’infirmation du jugement déféré les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date de l’envoi de la lettre de licenciement et ouvre droit aux indemnités de rupture.
Mme [E] fait valoir que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne réagissant pas à la dégradation de ses conditions de travail, lesquelles ont entraîné une dégradation de son état de santé physique et psychologique qui l’a finalement contrainte à être placée en arrêt maladie, ce qui lui a causé un préjudice distinct et justifie de ce seul fait la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Toutefois, la résiliation judiciaire a été retenue précédemment rendant sans objet le moyen évoqué au titre de l’obligation de sécurité.
Surabondamment eu égard à l’issue du litige, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
Sur les demandes indemnitaires
Compte tenu des écritures des parties ainsi que des bulletins de paie le salaire moyen de Mme [E] doit être fixée à la somme de 8765,66 euros. Elle avait une ancienneté de 4 ans et 7 mois.
Le reliquat de l’indemnité de licenciement sera fixé à la somme de 196,98 euros.
Selon l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.
En l’occurence pour une ancienneté de 4 ans et 7 mois mois, la loi prévoit une indemnité minimale de 3 mois de salaire brut et une indemnité maximale de 5 mois .
Eu égard à l’âge de Mme [E], au moment de la rupture du contrat de travail (49 ans), à son ancienneté et aux élements sur sa situation personnelle, il convient de lui allouer la somme de 40.000 euros.
Sur la demande indemnitaire au titre du manquement à l’obligation de sécurité
Mme [E] considère que la société a manqué à son obligation de sécurité en invoquant que l’employeur n’a pas pris la mesure des conséquences de son comportement sur son état de santé. Elle fait valoir qu’informé de la situation il n’a pris aucune initiative et a contribué à l’aggravation de son état de santé notamment par les menaces formulées suite à la dénonciation du harcèlement moral subi et du fait du licenciement-rétorsion prononcé à son encontre.
Elle sollicite ainsi la somme de 105 187, 92 euros correspondant à 12 mois de salaire au titre du préjudice résultant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ou atteinte à sa santé.
Pour fonder son préjudice au titre d’un manquement à l’obligation de sécurité, Mme [E] verse les arrêts maladie qui ont été prescrits du 14 septembre 2017 au 31 mars 2018 en raison de troubles anxieux, stress aigu et éléments dépressifs. Seul l’arrêt de travail en date du 6 février 2018 évoque des troubles en relation avec une souffrance au travail.
L’employeur réplique qu’il a immédiatement réagi en diligentant notamment une enquête interne par une commission paritaire composé de deux membres de la direction et deux représentants du personnel. Cette enquête est intervenue après avoir demandé à la salariée de confirmer les agissements dénoncés sans pour autant que cette demande à défaut d’exclure un certain formalisme ne comporte de menaces.
La commission interne a relevé qu’aucun des douze salariés n’avait été avisé d’une situation de souffrance au travail de Mme [E] dont le management était par ailleurs dénoncé. Le Directeur Général indiquait avoir pu échanger récemment avec elle au cours d’un déjeuner sans qu’elle ne rapporte une situation de souffrance au travail. Seule l’assistante sociale avait été contactée par Mme [E] alors en pleurs à la veille de son arrêt de travail consécutivement à une rencontre avec M. [H] au cours duquel il lui demandait de réfléchir à son avenir.
En tout état de cause, le seul constat d’un manquement à l’obligation de sécurité tel que qualifié dans le dispositif des écritures de l’appelante, ne saurait justifier à lui seul le préjudice. Il appartient en effet à la salariée d’apporter la preuve de l’existence du préjudice invoqué et de son évaluation. Or, force est de constater que Mme [E] ne verse pas aux débats des éléments de nature à faire la démonstration attendue.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande.
Sur la demande indemnitaire au titre d’un préjudice moral
Mme [E] sollicite également la même somme en réparation d’un préjudice moral distinct et pour exécution déloyale du contrat de travail. Elle évoque avoir subi brimades, humiliation, discrédit et perte de responsabilité entraînant une perte de confiance et un affaiblissement moral quotidien pendant deux ans et jusqu’à son effondrement en septembre 2017. De plus suite à la dénonciation de harcèlement moral qu’elle subissait, la société s’est retournée contre elle en tentant de l’intimider par courriers du 29 septembre 2017 et 21 décembre 2017 dans lesquels il lui était demandé si elle confirmait dénoncer un harcèlement moral et en évoquant la plainte pour dénonciation calomnieuse que M. [H] pourrait porter contre elle.
Le harcèlement moral n’ayant pas été retenu, les arguments avancés à ce titre pour soutenir la demande au titre du préjudice moral ne peuvent être qu’écartés. Il sera également renvoyé aux développements retenus ci-avant pour écarter les reproches faits à l’employeur d’avoir manipulé la commission paritaire ou d’avoir fait de menaces, qui ne ressortent pas des termes des lettres évoquées.
Par ailleurs, l’employeur fait valoir qu’au moment où elle a dénoncé pour la première fois les faits de harcèlement, soit le 21 septembre 2017, Mme [E] était en arrêt de travail depuis une semaine et n’était plus sur son lieu de travail. Il souligne que la démonstration n’est pas faite d’un lien de causalité entre ce que la salariée lui reproche et le préjudice évoqué alors que n’est rapporté aucun élément permettant de retenir que son arrêt maladie en date du 14 septembre 2017 trouverait son origine dans l’exécution de son contrat de travail.
A cet égard, si la salariée fonde son préjudice moral sur les arrêts de travail prescrits, il convient de relever que seul l’arrêt de travail prescrit le 6 février 2018 évoque ‘une souffrance au travail’. Il n’est pas plus démontré que la perte de responsabilité ayant conduit la Cour à retenir la résiliation judiciaire pour exécution déloyale du contrat de travail ait généré un préjudice distinct de celui réparé par l’allocation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
S’agissant du préjudice réclamé au titre de l’exécution déloyale, Mme [E] ne verse aux débats aucun élément permettant de faire la preuve de l’existence d’un préjudice distinct de celui causé par la perte de son emploi.
Elle sera en conséquence déboutée de ses demandes.
Sur les intérêts
Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la date de licenciement et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditons de l’article 1343-2 du code civil (anciennement 1154 du code civil).
Sur le remboursement des indemnités chômage
En application de l’article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d’office d’ordonner à l’employeur le remboursement aux organismes intéressés des indemnités chomâge à la salariée licenciée du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d’indemnités chômage.
Sur les autres demandes
La société Hermès International qui succombe partiellement dans la présente instance sera condamnée aux dépens d’appel et à verser à Mme [E] la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [E] au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, du reliquat au titre de l’indemnité de licenciement et des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse;
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SCS Hermès International à la date du 19 février 2018;
DIT que la résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse;
CONDAMNE la SCS Hermès International à payer à Mme [Y] [E] les sommes suivantes:
40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
196,98 euros à titre de reliquat d’indemnité de licenciement;
5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur à la conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;
ORDONNE la capitalisation des intérêts;
ORDONNE à la SCS Hermes Interntional de rembourser aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à la salariée licenciée du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d’indemnités chômage.
DÉBOUTE les parties de toute autre demande.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE.