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Le dénigrement est constitué par l’expression publique d’une opinion péjorative sur les des produits ou services d’un concurrent nommément désigné ou identifiable, constituant un abus de la liberté d’expression. Il engage la responsabilité de son auteur lorsqu’il a pour effet de jeter le discrédit sur un concurrent
La liberté d’entreprendre a pour corollaire celle de rechercher de nouveaux clients et ni la prospection ni la publicité ne sont en elles même des comportements déloyaux.
Ainsi, fut-elle régulière, répétée, voire insistante, la politique de communication d’un exploitant de club libertin, invitant systématiquement les internautes qui publient sur les réseaux sociaux des messages relatifs aux pratiques libertines à venir dans son établissement, n’est pas en elle même déloyale et ne s’analyse pas comme un comportement fautif vis à vis d’un autre club libertin.
03/11/2022
ARRÊT N°381
N° RG 19/00616 – N° Portalis DBVI-V-B7D-MYOC
IMM AC
Décision déférée du 11 Janvier 2019 – Tribunal de Commerce d’ALBI – 2016001745
[N] [H]
[T] [M]
C/
SARL JIMMY’S
Confirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [T] [M]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe PRESSECQ de la SELARL TRIVIUM CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau d’ALBI
INTIMEE
SARL JIMMY’S prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE
Assistée par Me Carole BAGET, avocat au barreau d’ALBI
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère chargée du rapport et V.SALMERON, présidente. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
P. BALISTA, conseiller
Greffier, lors des débats : C. OULIE
ARRET :
— contradictoire
— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
— signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre.
Exposé des faits et procédure :
Madame [T] [M] exploite depuis 2012 un fonds de commerce de centre de loisirs sauna, hammam, jacuzzi, organisation de soirées, débit de boissons, discothèque, sous l’enseigne ‘le Rouge et Noir’.
La Sarl Jimmy’s exploite une discothèque sous l’enseigne ‘ le [5]’.
Par acte d’huissier de justice du 7 avril 2016, [T] [M] a assigné la Sarl Jimmy’s devant le tribunal de commerce d’Albi, en paiement de la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts. Elle sollicitait également que soit ordonnée aux fins qu’il la condamne à effacer tous les commentaires désobligeants, discriminants ou parasitaires.
La Sarl Jimmy’s a demandé au tribunal de condamner [T] [M] à cesser toute activité de restauration, restauration rapide et snack.
Par jugement du 24 mars 2017, le tribunal de commerce d’Albi a renvoyé les parties devant le juge conciliateur, devant lequel aucun accord n’a pu être trouvé.
Par jugement du 11 janvier 2019, le tribunal de commerce d’Albi a
— débouté [T] [M] de l’intégralité de ses demandes
— débouté la Sarl Jimmy’s de l’intégralité de ses demandes
— dit et jugé qu’il n’y a pas lieu d’assortir la décision de l’exécution provisoire
— dit qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du CPC
— dit et jugé que chaque partie conserve la charge de ses propres frais et dépens.
Par déclaration en date du 29 janvier 2019, [T] [M] a relevé appel du jugement. La portée de l’appel est la réformation des chefs du jugement qui ont :
— débouté [T] [M] de l’intégralité de ses demandes
— dit qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du CPC
— dit et jugé que chaque partie conserve la charge de ses propres frais et dépens.
La clôture est intervenue le 6 septembre 2021.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions notifiées le 6 septembre 2019 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de [T] [M] demandant, au visa de l’article 1240 du code civil, de :
— déclarer la demande de [T] [M] recevable et bien fondée, et en conséquence réformer la décision entreprise en statuant à nouveau, rejetant toute conclusion contraire comme injuste ou mal fondée,
— condamner la Sarl Jimmy’s à effacer tous les commentaires désobligeants, discriminants ou parasitaires publiés sur quelques supports que ce soit et par le biais de quelque identité que ce soit sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir
— condamner Sarl Jimmy’s à lui payer la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts ;
— condamner la Sarl Jimmy’s à payer la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du CPC ainsi que les entiers dépens.
Elle invoque des propose malveillants sur les réseaux sociaux, des actes de parasitisme et notamment des soirées espagnoles en rouge et noir ou la copie de « ses après-midi coquins, ainsi qu’une désorganisation de son activité caractérisée par des tentatives de débauchage de ses salariés.
Vu les conclusions notifiées le 4 juin 2019 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sarl Jimmy’s,demandant de :
— confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Albi du 11 janvier 2019 en ce qu’il a débouté [T] [M] de ses demandes fins, prétentions et moyens ;
à titre subsidiaire,
— si par impossible la cour devait faire droit à la demande d’effacement des messages sous astreinte formée par [T] [M] à l’encontre de la Sarl Jimmy’s, alors il est demandé à la cour de condamner également [T] [M] et toute autre personne de cesser tout commentaire sur le « [5] », son dirigeant, et d’effacer tout commentaire y référent de quelque nature que ce soit et sur tout support, sous astreinte de 500 € par jour de retard
— si la Cour devait retenir un comportement fautif à l’encontre de la Sarl Jimmy’s, alors la Cour devra
— dire et juger que [T] [M] a eu également des comportements fautifs de même nature que ceux qu’elle entend reprocher à la Sarl Jimmy’s et qu’elle a donc engagé sa responsabilité délictuelle
— la débouter de plus fort de ses demandes de dommages et intérêts et de toutes ses autres demandes
en tout état de cause, faire droit à l’appel incident de la Sarl Jimmy’s et
— condamner [T] [M] à cesser toute activité de restauration, restauration rapide, snack, non déclarée dans son objet social, créant ainsi une véritable concurrence déloyale et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir et l’assortir de l’exécution provisoire
— condamner [T] [M] au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du CPC de 3.000 € ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Emmanuelle Dessart, avocat, conformément à l’article 699 du CPC.
Motifs :
Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie permet aux entreprises de se concurrencer librement, sous la seule limite de ne pas recourir à des procédés déloyaux, qu’il incombe à celui qui s’en prétend victime de démontrer.
— sur les demandes formées par Madame [M] :
Madame [M] sollicite au visa de l’article 1240 du code civil l’indemnisation du préjudice résultant pour elle de la concurrence de la Sarl Jimmy’s exerçant comme elle une activité de club libertin et la suppression de messages publiés sur divers supports.
Elle impute à la Sarl Jimmy’s des actes de dénigrement dont elle se dit victime au moyen de messages sur les réseaux sociaux, des actes de parasitisme et une désorganisation volontaire de son activité par le débauchage de ses salariés.
Le dénigrement est constitué par l’expression publique d’une opinion péjorative sur les des produits ou services d’un concurrent nommément désigné ou identifiable, constituant un abus de la liberté d’expression. Il engage la responsabilité de son auteur lorsqu’il a pour effet de jeter le discrédit sur un concurrent.
En l’espèce, les commentaires postés sur la page facebook du Rouge et le Noir, le club qu’elle exploite, par des tiers ne peuvent être imputés à Monsieur [X], gérant de la Sarl Jimmy’s exploitant le [5], et rien ne permet de dire comme le soutient [T] [M], qu’ils émanent de proches de ce dernier ou sont diffusés au moyen de faux comptes créés par lui ou à son instigation.
Le commentaire laissé par Madame [F], ayant été salariée du [5] qui précise avoir été autrefois cliente de l’établissement ‘le Rouge et le Noir ‘ et s’y être ennuyée n’excède pas les limites de la liberté d’expression. Cette publication n’est d’ailleurs pas datée et rien en démontre qu’elle n’est pas antérieure à la création du [5], et à l’embauche de Madame [F], comme le soutient la société Jimmy’s.
De la même façon, les messages par lesquels [D] [G] et [E] [G] critiquent l’établissement de Madame [M] sur la page du ‘Petit Futé’ et sur le site du ‘Rouge et le Noir’ ont été postés en 2016, avant que Madame [G], embauchée selon contrat de travail du 5 mai 2017 devienne salarié de la Sarl Jimmy’s. Ils ne peuvent donc s’analyser comme un manquement imputable au gérant du S’Club.
Les publications de Monsieur [X], qui vante son établissement, en soulignant le succès de ses soirées libertines et après-midi coquins ne sont pas en elles-même constitutives d’actes de dénigrement et la présentation avantageuse qu’il fait de son établissement ne présente aucun caractère déloyal.
La cour constate d’ailleurs, à la lecture de l’ensemble des échanges extraits des réseaux sociaux versés aux débats par les parties, que Monsieur [X], comme Madame [M], ont fait le choix de répondre systématiquement aux diverses parutions sur les réseaux sociaux concernant leur établissement respectifs, sans que le contenu des messages qui s’analyse comme une défense de la qualité des services qu’ils proposent, présentés comme les meilleurs dans le département, puisse s’analyser comme un dénigrement du concurrent.
Madame [M] ne démontre pas non plus les actes de parasitisme qu’elle impute à la Sarl Jimmy’s.
L’agissement parasitaire est le fait pour un agent économique, hors de toute nécessité fonctionnelle ou technique, de s’insinuer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.
En application du principe de la libre entreprise, Madame [M] ne peut reprocher à la Sarl Jimmy’s d’avoir élargi son activité originelle de débit de boissons et bar à thème en lui adjoignant diverses prestations qui lui permettent désormais de se présenter comme un club libertin.
Si les deux établissements ont communiqué sur l’organisation d’après-midi coquins’, aucun des deux ne démontre une antériorité dans l’usage de cette formule au demeurant dépourvue d’originalité dans leur secteur d’activité commun. De la même façon, l’utilisation abondante de l’adjectif ‘glamour’ dans la communication respective des établissements, y compris pour qualifier le prix des consommations, ne présente aucune originalité eu égard à la nature de leur activité.
Madame [M] a déposé en tant que marque le logo de son établissement ‘ Rouge et Noir’ pour lequel elle n’invoque aucune contrefaçon. Elle ne justifie en revanche d’aucune protection liée à l’usage de ces deux couleurs et leur juxtaposition sur la devanture du S’Club n’est pas de nature à créer un risque de confusion avec l’établissement qu’elle gère, situé à environ 2 km sur le territoire d’une autre commune et dont la façade de couleur claire présente une signalétique bien distincte, ainsi qu’il résulte du constat dressé le 18 août 2016 par Mes [P] et [Y].
Enfin, Madame [M] n’apporte pas non plus la démonstration d’actes de désorganisation caractérisés par une tentative de débauchage d’une salariée et des démarches effectuées auprès de ses clients.
En effet, la production d’un message imputé à Monsieur [X], reprochant à un interlocuteur dont l’identité n’est pas connue, d’avoir tenté de débaucher son DJ et évoquant son intention de ‘ recruter [A] à un salaire supérieur de 500 €’ n’établit pas la désorganisation alléguée puisqu’il n’est pas contesté que cette salariée de Madame [M] n’a jamais été embauchée au [5].
La liberté d’entreprendre a pour corollaire celle de rechercher de nouveaux clients et ni la prospection ni la publicité ne sont en elles même des comportements déloyaux. Ainsi, fut-elle régulière, répétée, voire insistante, la politique de communication de Monsieur [X], invitant systématiquement les internautes qui publient sur les réseaux sociaux des messages relatifs aux pratiques libertines à venir dans son établissement, n’est pas en elle même déloyale et ne s’analyse pas comme un comportement fautif.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’ayant retenu que la preuve d’une concurrence déloyale ou d’actes de parasitisme n’était pas rapportée, il a débouté Madame [M] de ses demandes.
— Sur l’appel incident de la Sarl Jimmy’s :
La Sarl Jimmy’s demande à la cour de condamner sous astreinte Madame [T] [M] à ‘cesser toute activité de restauration, snack, non déclarée dans son objet social’. Elle n’établit néanmoins pas la réalité d’une ‘infraction aux règles de la concurrence’ qu’elle invoque dans un courrier adressé au procureur de la République d’Albi le 28 mai 2018, faisant référence à un courrier adressé à la DGCCRF non versé aux débats, dont les suites ne sont pas connues et la référence à l”objet social’ de Madame [M] qui exerce son activité à titre individuel est incohérente.
Le jugement sera en conséquence également confirmé en ce qu’il a débouté la Sarl Jimmy’s de cette demande.
Eu égard à l’issue du procès, les parties supporteront chacune la charge des dépens qu’elles ont exposés.
Par ces motifs :
— Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
— Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.
— Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile
Le greffier La présidente