Dénigrement par titres d’ouvrages : l’affaire Millenium

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Dénigrement par titres d’ouvrages : l’affaire Millenium

Une publicité basée sur des comparaisons par des critiques littéraires ne peut être considérée comme une tentative de se placer dans le sillage de l’éditeur, ni comme un acte de détournement de clientèle. L’éditeur d’un ouvrage est en droit d’utiliser à titre publicitaire, la phrase d’un critique littéraire (citant un ouvrage concurrent) pour promouvoir son propre ouvrage. Le dénigrement entre œuvres de l’esprit est apprécié beaucoup moins durement par les juridictions

La société ACTES SUD a été déboutée en appel de sa demande de condamnation d‘un éditeur concurrent qui avait fait apposer des affiches publicitaires du dernier tome de l’ouvrage de l’auteur Danois Jussi Adler-Olsen (« les enquêtes du département V) et portant le slogan ‘oubliez MILLENIUM, la nouvelle star du polar scandinave se nomme Adler-Olsen.

Le dénigrement, lorsqu’il a pour but ou pour effet de détourner la clientèle d’un concurrent ou de nuire à la réputation de celui-ci, est constitutif d’un acte de concurrence déloyale ; il peut être caractérisé par une critique publique des produits proposés, voire même par une simple insinuation visant leur qualité ; il convient cependant de tenir compte du principe de la liberté d’expression, particulièrement lorsque le produit visé est une oeuvre de l’esprit, et du contexte dans lequel la critique ou l’avis sont portés à la connaissance du public.

La juridiction a considéré que le slogan en cause adressé à des lecteurs potentiels vise à détourner ceux-ci de la lecture d’une série d’oeuvres publiées par les éditions ACTES SUD. Toutefois, le slogan entre guillemets est présenté de manière visible comme une citation d’un magazine, en l’espèce le ‘Figaro Magazine’ ; il s’agissait en conséquence pour l’éditeur d’user de son droit de citation pour promouvoir son propre auteur en bénéficiant d’une appréciation laudative d’un critique ; cette utilisation d’une critique littéraire par citation d’un extrait est un procédé courant et l’intention de nuire de l’éditeur l’utilisant ne peut se déduire du fait que cette critique fait une comparaison avec une oeuvre déjà existante ; le fait que cette citation soit légèrement tronquée apparaît sans incidence dès lors que le sens de la phrase est parfaitement respecté.

Enfin, le bandeau publicitaire porte sur la notoriété des auteurs comparés, et non sur la qualité des oeuvres proposées, et ne mentionne aucun avis sur les qualités de celles-ci ; la société ACTES SUD n’apparaît dès lors pas fondée à invoquer le caractère dénigrant du message.

Le parasitisme se définit comme le fait pour un opérateur économique de se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété ; la société ACTES SUD estimait également qu’en citant la série Millenium ou l’auteure, l’éditeur concurrent avait profité de ses efforts pour promouvoir ses œuvres.

Or, la notoriété d’un auteur ne confère cependant pas à son éditeur un droit exclusif d’usage de son nom et ne peut avoir pour conséquence d’interdire toute comparaison entre cet auteur et un autre, fut-il édité par une société concurrente ; à bon droit, un concurrent peut revendiquer le droit d’utiliser des critiques littéraires pour comparer ses œuvres.

Enfin, le risque de confusion, qui au demeurant ne constitue pas un élément pertinent en matière de parasitisme n’était pas avéré ; les produits comparés sont en effet des oeuvres de l’esprit, et donc des créations qui manifestent la personnalité de leur auteur ; il ne peut être soutenu que la comparaison de ces oeuvres induit nécessairement une confusion dans l’esprit d’un lecteur, qui ne peut considérer les produits proposés comme interchangeables.


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