La demande de restitution des objets emportés par M. [Y] en avril 2007, fondée sur un contrat de dépôt, a été déclarée irrecevable en raison de la prescription quinquennale applicable à ce type d’action. Les demandeurs, la Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [Y] et la société Huet Holdings, ont été condamnés aux dépens et à verser une somme de 2.000 euros à M. [N] et l’association [A] et [O] [N] au titre des frais non compris dans les dépens. Les demandes reconventionnelles de M. [N] et de l’association [A] et [O] [N] ont été rejetées, notamment celles visant à obtenir une amende civile et des dommages et intérêts pour préjudice moral. L’exécution provisoire de la décision n’a pas été ordonnée.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
4ème chambre 1ère section
N° RG 18/04776
N° Portalis 352J-W-B7C-CMZD2
N° MINUTE :
Assignation du :
18 Avril 2018
JUGEMENT
rendu le 16 Janvier 2024
DEMANDEURS
S.C.I. FONIMMO-[Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Edith LAGARDE-BELLEC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2524
Monsieur [U] [Y]
[Adresse 7]
[Localité 5]
représenté par Me Edith LAGARDE-BELLEC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2524
DÉFENDEURS
Monsieur [U] [S] [N]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Sylvain PAPELOUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0356
Association [A] ET [O] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Sylvain PAPELOUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0356
Décision du 16 Janvier 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 18/04776 – N° Portalis 352J-W-B7C-CMZD2
PARTIE INTERVENANTE
S.A. HUET HOLDINGS
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Me Edith LAGARDE-BELLEC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2524
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Nathalie VASSORT-REGRENY, Vice-Présidente
Pierre CHAFFENET, Juge
assistés de Nadia SHAKI, Greffier,
DÉBATS
A l’audience du 31 Octobre 2023 tenue en audience publique devant Madame DETIENNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte reçu le 27 décembre 1999, la Sci Fonimmo-[Localité 8], dont le gérant est M. [U] [Y], a acquis une propriété dénommée [Adresse 9] située [Adresse 3] à [Localité 8] (Yvelines), sur un terrain de 8.675 m2 contigu au parc du château de [Localité 8]. Ce bien se compose d’une maison de maître, la [Adresse 9] à proprement parler, et de trois pavillons dont l’un, dénommé Pavillon de musique, a été réalisé par [O] [N], paysagiste de la fin du XIXème siècle.
Entre 1903 et 1950, la [Adresse 9] a été la résidence d'[C] [V], actrice et décoratrice américaine, qui l’a rénovée et décorée d’éléments réalisés sur mesure par de célèbres artistes et artisans.
Elle est ensuite restée inhabitée pendant plusieurs années et a été fortement endommagée par la tempête de 1999.
Après son acquisition, la Sci Fonimmo-[Localité 8] a souhaité engager d’importants travaux de rénovation.
A la fin de l’année 2006, M. [U] [N], petit-fils et arrière petit-fils d'[A] et [O] [N] et président de l’association [A] et [O] [N], s’est rapproché de M. [Y]. La création d’un musée du treillage a alors été envisagée.
Au mois d’avril 2007, M. [N] a été autorisé à emporter plusieurs éléments de décoration qui se trouvaient dans la [Adresse 9].
Par ordonnance sur requête rendue le 16 février 2018, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris a ordonné à M. [N] de restituer à la Sci Fonimmo-[Localité 8] dans les locaux de la Sci, les biens suivants :
« -Trois porte-rosiers (structure en fer servant à soutenir des rosiers) créés par [O] [N],
-L’ensemble des portes de la bibliothèque, dont une porte recouverte de reliures anciennes,
-Une toile réalisée par [G] [F] intitulée « [C] traversant l’Atlantique »,
-Deux grands tableaux d’[G] [F] représentant les grands escaliers de [Localité 8] et deux petits tableaux d’[G] [F],
-Deux meubles de toilette,
-Trois portes,
-Le reste du papier peint de la salle de bain du 1er étage. ».
M. [N] et l’association [A] et [O] [N] ont formé opposition à cette ordonnance.
C’est dans ce contexte que, par actes d’huissier du 18 avril 2018, la Sci Fonimmo-[Localité 8] et M. [Y] ont fait assigner M. [N] et l’association [A] et [O] [N] devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 17 octobre 2019, la société Huet Holdings (Sa) est intervenue volontairement à l’instance.
Par ordonnance du 29 mars 2021, le juge de la mise en état a écarté des débats la pièce n°4 « inventaire du 11 juin 2007 » produite par les demandeurs et les a déboutés de leur demande d’audition de Mme [B] [N] en qualité de témoin sur l’origine de l’inventaire du 11 juin 2007.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 juin 2022, la Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [Y] et la société Huet Holdings demandent au tribunal de :
« Vu les articles 9 et 328 et suivants du Code de procédure civile,
Vu les articles 1915 et suivants du Code civil, 931, 1315 et 2224 du Code civil,
Vu les dispositions des articles L.222-1 et R.222-11, R.222-12 et R.222-13 du Code des procédures civiles d’exécution,
1. RECEVOIR la société HUET HOLDINGS en son intervention volontaire,
2. DIRE ET JUGER que la SCI FONIMMO-[Localité 8] et, subsidiairement, Monsieur [U] [Y] ont qualité à agir en restitution des biens confiés en dépôt à Monsieur [U] [N] et, subsidiairement, à l’association [A] et [O] [N],
Plus subsidiairement,
DIRE ET JUGER que la société HUET HOLDINGS a qualité à agir en restitution des biens confiés en dépôt à Monsieur [U] [N] et, subsidiairement, à l’association [A] et [O] [N],
En conséquence,
DIRE ET JUGER l’action engagée en restitution des biens confiés en dépôt à Monsieur [U] [N] et, subsidiairement, à l’Association [A] et [O] [N], recevable,
DIRE ET JUGER bien fondée la demande formulée par la SCI FONIMMO-[Localité 8], subsidiairement par Monsieur [Y] ou, plus subsidiairement, par la société HUET HOLDINGS, en restitution des biens suivants :
– Trois portes rosiers (structure en fer servant à soutenir des rosiers) créés par [O] [N],
– L’ensemble des portes grillagées de la bibliothèque, dont une porte recouverte d’anciennes reliures, ainsi que les portes basses,
– Une toile réalisée par [G] [F] « [C] traversant l’Atlantique », collée, aux dimensions du plafond de la bibliothèque,
– Deux grandes fresques d’[G] [F], de près de 3 mètres de long, représentant les grands escaliers de [Localité 8] et deux petits tableaux d’[G] [F],
– Deux meubles de toilette, dont une commode peinte du XVIIIe siècle
– Trois portes,
– Le reste du papier peint de la salle de bain du 1er étage,
En conséquence,
CONFIRMER l’ordonnance prononcée par le Juge de l’exécution le 16 février 2018,
ORDONNER la restitution à la SCI FONIMMO-[Localité 8], subsidiairement à Monsieur [U] [Y] ou, plus subsidiairement, à la société HUET HOLDINGS, par Monsieur [U] [N], de ces biens,
DIRE que, à défaut pour Monsieur [U] [N] de donner l’adresse du lieu où se trouvent les biens devant être restitués et de les tenir à disposition de la SCI FONIMMO-[Localité 8], subsidiairement de [U] [Y] et, plus subsidiairement, de la société HUET HOLDINGS, à cette adresse, il sera tenu de les transporter à leurs frais dans les locaux de la SCI FONIMMO-[Localité 8] situés à [Localité 8]) : [Adresse 3],
Y ajoutant,
ORDONNER la restitution à la SCI FONIMMO-[Localité 8], subsidiairement à Monsieur [U] [Y] ou, plus subsidiairement, à la société HUET HOLDINGS, par Monsieur [U] [N] des étagères sur mesure en chêne massif de la bibliothèque,
DIRE que, à défaut pour Monsieur [U] [N] de donner l’adresse du lieu où se trouvent les biens devant être restitués et de les tenir à disposition de la SCI FONIMMO-[Localité 8], subsidiairement de [U] [Y] et, plus subsidiairement, de la société HUET HOLDINGS, à cette adresse, il sera tenu de les transporter à leurs frais dans les locaux de la SCI FONIMMO-[Localité 8] situés à [Localité 8]) : [Adresse 3],
DIRE que ces condamnations seront assorties d’une astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
Plus subsidiairement,
CONDAMNER in solidum Monsieur [U] [N] et l’Association [A] et [O] [N] à restituer à la SCI FONIMMO-[Localité 8], subsidiairement à Monsieur [U] [Y] ou, plus subsidiairement, à la société HUET HOLDINGS,
DIRE que, à défaut pour Monsieur [U] [N] et l’Association [A] et [O] [N] de donner l’adresse du lieu où se trouvent les biens devant être restitués et de les tenir à disposition de la SCI FONIMMO-[Localité 8], subsidiairement de [U] [Y] et, plus subsidiairement, de la société HUET HOLDINGS, à cette adresse, ils seront tenus de les transporter à leurs frais dans les locaux de la SCI FONIMMO-[Localité 8] situés à [Localité 8]) : [Adresse 3],
DIRE que cette condamnation sera assortie d’une astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
En toute hypothèse,
DEBOUTER Monsieur [U] [N] et l’Association [A] et [O] [N] de leurs demandes,
3. DEBOUTER Monsieur [U] [N] et l’Association [A] et [O] [N] de leur demande de remboursement des frais prétendument engagés pour le transport, le stockage et la restauration des biens,
4. DECLARER IRRECEVABLE la demande de l’Association [A] et [O] [N] de remboursement des frais liés au « projet constructif » comme prescrite et pour défaut d’intérêt à agir,
Subsidiairement,
LA DIRE mal fondée,
En conséquence,
EN DEBOUTER l’Association [A] et [O] [N],
5. DEBOUTER Monsieur [U] [N] et l’Association [A] et [O] [N] de leurs demandes d’indemnisation,
6. CONDAMNER in solidum Monsieur [U] [N] et l’Association [A] et [O] [N] à payer à la société HUET HOLDINGS la somme de 3.500 € à chacun en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
7. CONDAMNER Monsieur [U] [N] et l’Association [A] et [O] [N] à supporter les entiers dépens de la présente instance,
8. ORDONNNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir. ».
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par la voie électronique le 18 mai 2022, M. [N] et l’association [A] et [O] [N] demandent au tribunal de :
« Vu les pièces versées aux débats,
Vu les articles 31 et 32 du CPC et 1922 du code civil
JUGER Monsieur [Y] et la SCI FONIMMO [Localité 8] et la SCI HUET HOLDING ne justifient pas de leur qualité de propriétaires des objets qu’ils réclament.
JUGER Monsieur [Y] et la SCI FONIMMO [Localité 8] et la SCI HUET HOLDING ne justifient pas de leur intérêt à agir.
JUGER Monsieur [Y] et la SCI FONIMMO [Localité 8] et la SCI HUET HOLDING irrecevables en leurs demandes.
Vu les articles 2224, 2266 et 2276 du code civil
JUGER l’action de Monsieur [Y], de la SCI FONIMMO [Localité 8] et de la SCI HUET HOLDING prescrite.
JUGER Monsieur [Y] et la SCI FONIMMO [Localité 8] et la SCI HUET HOLDING irrecevables en leurs demandes.
A titre subsidiaire
Vu les articles 894, 1921 et suivants, 13158 et suivants et 2276 du Code civil
JUGER Monsieur [Y] et la SCI FONIMMO [Localité 8] et la SCI HUET HOLDING ne rapportent pas la preuve d’un contrat de dépôt.
JUGER que la SCI HUET HOLDING a donné à l’Association [A] et [O] [N] le 19 avril 2007 les objets ci-dessous :
– Les trois porte-rosiers Structure en fer servant à soutenir des rosiers créé par [O] [N]
– L’ensemble des portes de la bibliothèque dont une porte recouverte de reliures anciennes
– La toile réalisée par [G] [F] représentant [C] traversant l’Atlantique
– Deux grands tableaux d’[G] [F] représentant les grands escaliers de [Localité 8]
– Deux petits tableaux d’[G] [F]
– Deux meubles de toilette
METTRE hors de cause Monsieur [U] [N].
JUGER Monsieur [Y], la SCI FONIMMO [Localité 8] et la SCI HUET HOLDING mal fondés en leur demande.
En conséquence, les en débouter.
SUBSIDIAIREMENT et si par extraordinaire le Tribunal retenait l’existence d’un contrat de dépôt,
JUGER que le dépôt ne concerne que les objets ci-dessous :
– Les trois porte-rosiers Structure en fer servant à soutenir des rosiers créé par [O] [N]
– L’ensemble des portes de la bibliothèque dont une porte recouverte de reliures anciennes
– La toile réalisée par [G] [F] représentant [C] traversant l’Atlantique
– Deux grands tableaux d’[G] [F] représentant les grands escaliers de [Localité 8]
– Deux petits tableaux d’[G] [F]
– Deux meubles de toilette
CONDAMNER le propriétaire qui serait identifié par le Tribunal à payer à l’Association [A] et [O] [N] la somme de 51 100 €, somme à parfaire à la date de la restitution.
JUGER que la restitution des objets ci-dessus sera subordonnée au remboursement préalable à l’Association [A] et [O] [N] de la somme de 51 100 €, somme à parfaire à la date de la restitution.
JUGER que les frais d’enlèvement des objets seront supportés par le propriétaire identifié par le Tribunal
CONDAMNER la société HUET HOLDING à rembourser à l’Association [A] et [O] [N] la somme de 15.000 € au titre des frais engagés en pure perte.
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
JUGER Monsieur [U] [N] et l’Association [A] et [O] [N] recevables et bien fondés en leurs demandes reconventionnelles.
CONDAMNER la SCI FONIMMO [Localité 8], Monsieur [Y] et la SCI HUET HOLDING in solidum à verser à Monsieur [U] [N] et à l’Association [A] et [O] [N] chacun 3 000 €, au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile,
CONDAMNER la SCI FONIMMO [Localité 8], Monsieur [Y] et la SCI HUET HOLDING in solidum à verser à Monsieur [N] et à l’Association [A] et [O] [N] chacun la somme 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil,
CONDAMNER la SCI FONIMMO [Localité 8], Monsieur [Y] et la SCI HUET HOLDING in solidum à verser à Monsieur [U] [N] la somme de 4 000 € et à l’Association [A] et [O] [N] la somme de 4 000 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER la SCI FONIMMO [Localité 8], Monsieur [Y] et la SCI HUET HOLDING in solidum aux dépens, à recouvrer par Maître Sylvain PAPELOUX en application de l’article 699 du code de procédure civile ».
La clôture de la procédure a été prononcée le 29 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir « dire et juger » et « juger » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes » qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
Sur la recevabilité des demandes de la Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [Y] et de la société Huet Holdings
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».
Sur la qualité et l’intérêt à agir
M. [N] et l’association [A] et [O] [N] font valoir que les demandeurs qui fondent leur action sur l’existence d’un contrat de dépôt ne justifient pas de leur qualité de propriétaires des objets prétendument déposés et partant de leur qualité et de leur intérêt à agir.
La Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [Y] et la société Huet Holdings objectent, au visa de l’article 1938 du code civil, que les défendeurs ne peuvent pas opposer à la demande de restitution l’absence de preuve de leur qualité de propriétaires des biens remis en dépôt et doivent les restituer au déposant sans pouvoir discuter de leur propriété.
Sur ce,
Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé. ».
En application de l’article 32 du même code, « Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir. ».
Aux termes de l’article 1922 du code civil, « Le dépôt volontaire ne peut régulièrement être fait que par le propriétaire de la chose déposée, ou de son consentement exprès ou tacite. ».
L’article 1937 du même code dispose : « Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée, qu’à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir. ».
En application de l’article 1938 de ce code, « Il ne peut pas exiger de celui qui a fait le dépôt, la preuve qu’il était propriétaire de la chose déposée.
Néanmoins, s’il découvre que la chose a été volée, et quel en est le véritable propriétaire, il doit dénoncer à celui-ci le dépôt qui lui a été fait avec sommation de le réclamer dans un délai déterminé et suffisant. Si celui auquel la dénonciation a été faite néglige de réclamer le dépôt, le dépositaire est valablement déchargé par la tradition qu’il en fait à celui duquel il l’a reçu. ».
En l’espèce, la Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [Y] et la société Huet Holdings sollicitent la restitution des objets emportés par M. [Y] en avril 2007 en prétendant que leur remise a été effectuée en vertu d’un contrat de dépôt. Il ressort des articles 1937 et 1938 du code civil précités que le dépositaire doit restituer la chose déposée à celui qui la lui a confiée sans pouvoir exiger de lui la preuve qu’il en est le propriétaire. Il est en effet acquis qu’en dépit des termes de l’article 1922 du code civil, le dépôt peut être fait par un non-propriétaire. Il en résulte que la demande de restitution faite par un non-propriétaire est recevable (Civ 1ère, 24 janvier 2006, n°04-16862).
La fin de non-recevoir soulevée par M. [N] et l’association [A] et [O] [N] tenant à l’absence de preuve par les demandeurs de leur qualité de propriétaires des biens dont la restitution est sollicitée ne peut par conséquent pas prospérer.
Sur la prescription
M. [N] et l’association [A] et [O] [N] soutiennent que l’action des demandeurs, soumise aux dispositions de l’article 2224 du code civil, est, compte tenu de la date de la remise des objets et des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, prescrite pour avoir été initiée après le 18 juin 2013. Ils prétendent que, faute de rapporter la preuve de l’existence du contrat de dépôt qu’ils invoquent, les demandeurs ne peuvent se prévaloir de l’article 2266 du code civil mais qu’en tout état de cause, qu’ils confondent prescription acquisitive et prescription extinctive.
La Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [Y] et la société Huet Holdings objectent, au visa des articles 2227 et 2266 du code civil, que l’action en restitution fondée sur le contrat de dépôt est imprescriptible, le dépositaire ne pouvant, de par la nature même du contrat de dépôt, prétendre à aucune usucapion. Ils ajoutent que les défendeurs ne peuvent se prévaloir des dispositions de l’article 2276 du code civil faute de justifier de l’existence d’une possession non équivoque à titre de propriétaires et qu’ils ne démontrent aucune donation.
Sur ce,
Il est de principe que l’action en restitution fondée sur un contrat de dépôt, de prêt ou de mandat constitue une action mobilière distincte de l’action en revendication de sorte qu’elle est soumise à la prescription civile de droit commun relative aux actions personnelles ou mobilières. (Civ 1ère, 24 nov. 2021, n°20-13.318).
A la date du contrat de dépôt allégué, était applicable l’article 2262 du code civil, dans sa version issue de la loi n°1804-03-15 promulguée le 25 mars 1804, qui disposait que « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ».
Ce délai a commencé à courir le 14 avril 2007, date du contrat de dépôt allégué.
Le 18 juin 2008 est entrée en vigueur la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 qui a créé l’article 2224 du code civil aux termes duquel « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
L’article 26 de cette même loi énonce que « Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ».
Ainsi, la prescription quinquennale s’est appliquée à l’action en restitution des demandeurs à compter du 18 juin 2013.
C’est par conséquent à juste titre que M. [N] et l’association [A] et [O] [N] soutiennent que l’action de la Sci Fonimmo-[Localité 8] et de M. [Y] était prescrite lorsqu’ils ont saisi le tribunal de céans par exploits du 18 avril 2018. Il en est de même a fortiori de l’action de la société Huet Holdings qui n’est intervenue à l’instance que par conclusions notifiées le 17 octobre 2019. La fin de non-recevoir invoquée par M. [N] et l’association [A] et [O] [N] sera par conséquent accueillie et toutes les demandes formées par la Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [Y] et la société Huet Holdings seront déclarées irrecevables pour cause de prescription.
Sur les demandes reconventionnelles de M. [N] et de l’association [A] et [O] [N]
M. [N] et l’association [A] et [O] [N] reprochent aux demandeurs d’avoir abusé de leur droit d’agir en justice aux motifs qu’ils ont produit un faux pour tenter de tromper la religion du tribunal, que leurs allégations quant à la date de certaines photographies sont inexactes, que leur interprétation d’un courrier électronique du 14 septembre 2005 est abusive et que la mise en cause de M. [N] n’est pas justifiée. Ils prétendent en outre subir un préjudice moral résultant, d’une part, des recherches qu’ils ont dû effectuer pour retrouver des éléments anciens et, d’autre part, des accusations mensongères proférées à leur encontre.
La Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [Y] et la société Huet Holdings s’opposent à ces demandes, celles-ci n’étant, selon eux, justifiées ni dans leur principe, ni dans leur quantum.
Sur ce,
En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. ».
Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. » et « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
Outre le fait que l’article 32-1 du code de procédure civile ne peut être mis en œuvre que de la propre initiative de la juridiction saisie, une partie ne pouvant avoir aucun intérêt moral au prononcé d’une amende civile à l’encontre de son adversaire, il est de principe qu’ester en justice est un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages et intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur équipollente au dol.
En l’espèce, il convient de rappeler que la pièce n°4, arguée de faux par les défendeurs, a été écartée des débats après que les demandeurs ont proposé de la retirer et ce, sans que le juge de la mise en état se prononce sur son caractère falsifié. De plus, l’appréciation inexacte que les demandeurs ont faite de leurs droits n’est pas en elle-même constitutive d’une faute et les défendeurs ne caractérisent pas leur mauvaise foi. Ils ne rapportent pas plus la preuve du préjudice moral qu’ils prétendent subir.
Les demandes de condamnation qu’ils forment au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile et en réparation de leur préjudice moral seront par conséquent rejetées.
Sur les autres demandes
Succombant à l’instance, la Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [Y] et la société Huet Holdings seront condamnés in solidum aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Il convient, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre à leur charge une partie des frais non compris dans les dépens et exposés par M. [N] et l’association [A] et [O] [N] à l’occasion de la présente instance. Ils seront condamnés in solidum à leur payer à chacun la somme de 2.000 euros à ce titre.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu d’assortir le prononcé de la présente décision de l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [U] [N] et l’association [A] et [O] [N] tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la Sci Fonimmo-[Localité 8], de M. [U] [Y] et de la société Huet Holdings (Sa) ;
Déclare irrecevables car prescrites toutes les demandes formées par la Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [U] [Y] et la société Huet Holdings (Sa) ;
Déboute M. [U] [N] et l’association [A] et [O] [N] de leurs demandes de condamnation au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile ;
Déboute M. [U] [N] et l’association [A] et [O] [N] de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Condamne in solidum la Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [U] [Y] et la société Huet Holdings (Sa) à payer à M. [U] [N] et à l’association [A] et [O] [N] la somme de 2.000 euros à chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la Sci Fonimmo-[Localité 8], M. [U] [Y] et la société Huet Holdings (Sa) aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Sylvain Papeloux dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles ou mal fondées;
Fait et jugé à Paris le 16 Janvier 2024.
Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKIGéraldine DETIENNE