Démarchage Téléphonique : décision du 7 septembre 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/02543

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Démarchage Téléphonique : décision du 7 septembre 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/02543

N° RG 21/02543 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IZ3E

COUR D’APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 7 SEPTEMBRE 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2019F00158

Tribunal de commerce d’Evreux du 15 avril 2021

APPELANTE :

S.A.S. SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION SCT exerçant sous la marque CLOUD ECO

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Yves MAHIU de la SELARL DE BEZENAC ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A.R.L. GUILLAUME MESNIL

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Stéphane PASQUIER de la SELARL PASQUIER, avocat au barreau de ROUEN, et de Me Madeleine NGALAKO, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 avril 2023 sans opposition des avocats devant M. URBANO, conseiller, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 12 avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 juin 2023 puis prorogée à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 7 septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Madame FOUCHER-GROS, présidente et par Mme RIFFAULT, greffière

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SARL Guillaume Mesnil, exerçant une activité de plomberie, électricité, alarme et menuiseries extérieures déclare avoir été démarchée par la SAS Société Commerciale de Télécommunication (société SCT) exerçant une activité de commercialisation de services de télécommunication le 24 avril 2018.

La société Guillaume Mesnil a souscrit le même jour auprès de la société SCT :

– un contrat de location d’un système de communication Centrex avec mise à disposition d’un modem, de switch 8 postes, de 2 postes Gigaset S650M Pro et d’un boîtier ATA avec un forfait illimitée 24/7 vers les fixes et mobiles internationales toutes zones inclus hors n° spéciaux, contrat conclu pour un forfait service et option de 135 € HT par mois ;

– un contrat de service de téléphonie portant sur deux lignes fixes dont une ligne de fax, contrat prévoyant un forfait service et option de 52 euros HT/mois, des frais de mise en service et frais divers de 187 € HT par mois et des frais de maintenance annuelle de 162 € HT ;

– Un contrat de service de téléphonie mobile portant sur trois lignes mobiles prévoyant l’offre d’une 2 Iphone 7 et d’une Iphone 8 et engagement de reprise des indemnités de résiliation anticipée due à l’ancien opérateur sous forme d’avoir sur la durée du contrat, contrat conclu pour un forfait dit « 4G Connect » à 57 euros HT par mois.

Le tout pour une durée de 63 mois.

Les lignes mobiles ont été activées en juin 2018, les lignes fixes en juillet 2018 et un Iphone a été remis à la société Guillaume Mesnil.

La société Guillaume Mesnil a avisé la société SCT de l’existence de désordres techniques par divers courriers allant de juillet 2018 à septembre 2018.

Elle lui a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception le 5 septembre 2018 ainsi que le 19 septembre 2018 en la mettant en demeure de résoudre les difficultés.

Par courrier du 1er octobre 2018, la société SCT a indiqué qu’elle n’était tenue que d’une obligation de moyens dès lors que les difficultés ne concernaient que l’infrastructure technique relevant de tiers.

Par courriers des 10 octobre et 15 octobre 2018, la société Guillaume Mesnil a considéré que la société SCT n’exécutait pas ses obligations alors qu’elle portait à sa connaissance l’existence de nouvelles pannes téléphoniques les 10, 11, 12 et 15 octobre.

Le 7 novembre 2018, la société Guillaume Mesnil a restitué l’intégralité du matériel à la société SCT qui lui a adressé un courrier le 13 novembre suivant considérant que deux lignes téléphoniques avaient été résiliées et lui réclamant une indemnité de résiliation anticipée de 12 017,38 euros outre un restant à devoir de 3549,60 euros.

Après un échange de correspondances, la société SCT a mis en demeure la société Guillaume Mesnil de lui payer la somme totale de 17 491,05 euros par courrier du 17 juillet 2019.

Par ordonnance du 29 août 2019 rendue sur requête de la société SCT, il a été enjoint à la société Guillaume Mesnil de payer cette somme à titre principal outre une clause pénale de 1749,10 euros.

La société Guillaume Mesnil ayant formé opposition à cet injonction de payer, par jugement en date du 15 avril 2021, le tribunal de commerce d’Évreux a :

– reçu comme régulière en la forme l’opposition de la société Guillaume Mesnil, à l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 29 août 2019 par le président du tribunal de commerce d’Évreux, au profit de la société SCT,

– débouté la société SCT de toutes ses demandes.

– constaté la défaillance de la société SCT dans l’exécution de ses obligations,

– prononcé la nullité des contrats du 24 avril 2018, pour man’uvre dolosive de la part de la société SCT envers la société Guillaume Mesnil et pour défaut d’agrément des conditions tarifaires des communications « hors forfait »,

– condamné la société SCT à payer la somme de 1.314,15 euros de dommages et intérêts à la société Guillaume Mesnil au titre des préjudices subis,

– condamné la société SCT à rembourser à la société Guillaume Mesnil toutes les factures réglées à ce jour concernant la facturation des communications « hors forfait » et numéros spéciaux, et ce pendant la durée de leur relation contractuelle,

– condamné la société SCT à payer à la société Guillaume Mesnil la somme de

650 euros correspondant aux frais de résiliation du précédent contrat Orange,

– condamné la société SCT à rembourser les frais de maintenance indûment prélevés pour la somme de 194,40 euros,

– condamné la société SCT à payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société SCT aux entiers dépens, dont frais de Greffe de la présente décision liquidés à la somme de 103,97 euros TTC,

– ordonné, sauf en ce qui concerne l’article 700 code de procédure civile et les dépens, l’exécution provisoire de la présente décision.

La société SCT a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 21 juin 2021.

Par arrêt du 1er décembre 2022, la cour, après avoir indiqué aux parties qu’elle envisageait de soulever d’office le moyen tiré des dispositions d’ordre public du code de la consommation applicables en matière de contrat conclu hors établissement, a :

Rejeté les conclusions notifiées par la société SCT le 25 mai 2022 ainsi que ses pièces n°30, 31, 33, 34, 40, 41 et 51 ;

Révoqué l’ordonnance de clôture.

Renvoyé l’affaire à la conférence de mise en état du 7 février 2023,

Invité pour cette date, les parties à conclure sur le moyen que la cour envisage de soulever d’office

Sursis à statuer sur les demandes et les dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2023.

Par note du 16 août 2023, la cour a demandé aux parties de présenter leurs observations sur le point suivant : dès lors que le contrat serait annulé, il ne pourrait servir de fondement pour réclamer une quelconque somme de nature contractuelle à la société SCT.

Par note du 31 août 2023, la société SCT reprend son argumentation antérieure pour s’opposer aux demandes formées par la société Guillaume Mesnil.

Par note du 4 septembre 2023, la société Guillaume Mesnil, en pages 11 et 12, indique que les demandes pécuniaires formées contre la société SCT ne peuvent être fondées que sur le fondement des articles 1240 et 1178 du code civil.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 27 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la Société Commerciale de Télécommunication SCT qui demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce d’Evreux le 15 avril 2021,

Statuant à nouveau,

– déclarer bien fondée les demandes de la société SCT Télécom à l’encontre de la société Guillaume Mesnil,

– juger que la résiliation des contrats est intervenue aux torts exclusifs de la société Guillaume Mesnil,

En conséquence,

– débouter la société Guillaume Mesnil de ses demandes,

– condamner la société Guillaume Mesnil au paiement de la somme de

422,07 euros TTC au titre de ses factures fixes et mobiles

– condamner la société Guillaume Mesnil au paiement de la somme de

4 826,40 euros TTC au titre de ses indemnités de résiliation mobile.

– condamner la société Guillaume Mesnil au paiement de la somme de

12 017,38 euros TTC au titre de ses indemnités de résiliation fixe et de location.

– condamner la société Guillaume Mesnil au paiement de la somme de

4 000,00 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Guillaume Mesnil aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 1er février 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Guillaume Mesnil qui demande à la cour de :

Principalement,

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a fixé à

1 314,15 euros le montant du préjudice subi par la société Guillaume Mesnil,

– infirmer le jugement uniquement en ce qu’il a estimé à 1 314,15 euros le montant des dommages intérêts à allouer à la société Guillaume Mesnil au titre de son préjudice,

Réformant, statuant à nouveau et y ajoutant,

– constater que la SCT Télécom n’a pas remis ou fait remettre à la société Guillaume Mesnil les contrats litigieux munis chacun d’un formulaire de rétractation contrairement aux dispositions impératives du Code de la Consommation.

– dire et juger que la SCT Télécom a failli à son obligation d’information précontractuelle et à violé de ce fait les dispositions d’ordre public édictées notamment par les articles L 221-3, L 221-5, L 221-9 et suivants du code de la consommation,

– en conséquence prononcer la nullité des contrats signés le 28 avril 2018 et l’avenant signé le 17 juillet 2018 en application de l’article L 242-1 du code de la consommation,

Subsidiairement,

– constater le caractère illisible des conditions générales figurant au verso des contrats signés le 28 avril 2018 et celles éventuellement figurant au verso de l’avenant du 17 juillet 2018 et dire qu’elles sont en conséquence inopposables à la société Guillaume Mesnil,

– en conséquence, prononcer la nullité des contrats signés le 28 avril et 17 juillet 2018,

– condamner la SCT Télécom à verser à la société Guillaume Mesnil la somme de 20 000 euros à titre de dommages intérêts résultant de la désorganisation de son activité et de la perte de chiffre d’affaires consécutive,

Dans tous les cas,

– débouter la SCT Télécom de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la SCT Télécom à la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par la société Guillaume Mesnil en cause d’appel,

– transmettre la décision à intervenir au Ministère Public pour d’éventuelles poursuites administratives ou d’éventuel contrôle de l’activité de SCT Télécom (par la Direction départementale de la Protection des populations ‘ sous-direction de la Protection économique des consommateurs) afin de garantir la protection de ceux de ses clients assimilés aux consommateurs et victimes de cette pratique commerciale déloyale,

– condamner la SCT Télécom aux entiers dépens de première instance et d’appel.

MOTIFS DE LA DECISION 

Aucun moyen n’est articulé par la société STC au soutien de sa demande d’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a reçu l’opposition de la société Guillaume Mesnil, à l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 29 août 2019 par le président du tribunal de commerce d’Évreux, au profit de la société SCT. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la nullité des contrats invoquée par la société Guillaume Mesnil :

Exposé des moyens :

La société Guillaume Mesnil soutient que les contrats conclus avec la société SCT sont nuls en ce que :

– ayant été souscrits à la suite d’un démarchage au siège social de la société Guillaume Mesnil qui employait 5 salariés au cours de l’année 2018 et dont l’activité principale n’est pas la téléphonie, ils sont soumis aux dispositions des articles L.221-1 et suivants du code de la consommation de sorte qu’en application de l’article L242-1 du même code, le contrat est nul puisque aucun formulaire de rétractation ne lui a été remis et qu’il ne comporte pas toutes les mentions obligatoires de l’article L221-5 du code de la consommation;

– la société Guillaume Mesnil ayant toujours contesté la validité des contrats et n’ayant pas eu connaissance des vices les affectant dès lors que la société SCT a omis de porter à sa connaissance toutes les informations nécessaires notamment sur le délai de rétractation, aucune exécution volontaire ne peut lui être opposée ayant pu couvrir la nullité d’ordre public encourue ;

– le fait que la société SCT ait pris la précaution de stipuler dans les contrats souscrits avec la société Guillaume Mesnil qu’ils étaient conclus pour les besoins de l’activité professionnelle de cette dernière ne saurait la priver des dispositions protectrices du code de la consommation dès lors que son activité principale n’est pas la téléphonie ;

– subsidiairement, dès lors que la société SCT n’a pas remis de formulaire de rétractation, la société Guillaume Mesnil pouvait rétracter dans le délai d’un an et quatorze jours suivant la livraison des matériels, ce qui a été le cas ;

– la société SCT a commis un dol en affirmant mensongèrement que la société Guillaume Mesnil bénéficierait d’économies substantielles en contractant avec elle et en délaissant son précédant fournisseur, la société Orange alors que dans les faits, les factures qui lui ont été présentées par la société SCT étaient de montants très supérieurs tandis que ses prestations étaient de moindre qualité ;

– aucune grille tarifaire ne lui a jamais été présentée lors de la signature des contrats de sorte que le prix n’a jamais été déterminé à cette date et ce n’est qu’à sa demande que cette grille lui a été remise le 28 janvier 2019;

La société SCT soutient que :

– la société Guillaume Mesnil a soulevé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du code de la consommation plus de quatre ans après la signature des contrats alors qu’elle a accepté d’exécuter volontairement ses obligations depuis leur signature et qu’elle a ainsi confirmé la validité des contrats ;

– la société Guillaume Mesnil étant une société ayant conclu des contrats pour les besoins de son activité professionnelle et en rapport direct avec celle-ci, ce qu’elle a reconnu expressément dans les actes, les dispositions de code de la consommation ne s’appliquent pas étant observé que la société Guillaume Mesnil ne justifie pas avoir 5 salariés au plus à la date de signature des contrats;

– la sanction légale de l’absence d’un formulaire de rétractation n’est pas la nullité du contrat mais l’allongement du délai pour se rétracter et la société Guillaume Mesnil n’a jamais fait valoir aucune rétractation ;

– la société Guillaume Mesnil ne démontre l’existence d’aucun mensonge qui l’aurait convaincue de conclure les contrats ;

– les tarifs des services de la société SCT ont été remis à la société Guillaume Mesnil le jour de la signature des contrats, ce qu’elle a reconnu en les signant ;

Réponse de la cour :

Sur le dol :

Il résulte des dispositions de l’article 1137 du code civil que le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.

Il appartient à celui qui allègue l’existence d’un dol qu’il impute à son cocontractant de le démontrer.

A cet égard, la société Guillaume Mesnil se borne à affirmer que le commercial de la société SCT lui a fait miroiter l’espoir de réaliser des économies en résiliant l’abonnement la liant à son précédent fournisseur et en concluant les contrats litigieux, sans produire aux débats d’éléments de nature à démontrer cette allégation. A défaut pour la société Guillaume Mesnil de rapporter la preuve d’une man’uvre ou d’un mensonge de son cocontractant le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité des contrats du 24 avril 2018, pour man’uvre dolosive de la part de la société SCT

Sur l’indétermination du prix :

Il est exact qu’au moins pour le « contrat de services Téléphonie mobile », la signature de la société Guillaume Mesnil est apposée sur une case suivant, parmi d’autres, la mention selon laquelle elle déclare avoir « pris connaissance et accepter les conditions générales et particulières relatives au service mobile figurant au verso du présent contrat et les tarifs applicables ».

Si l’original du contrat produit par la société Guillaume Mesnil permet de vérifier que le verso de cet écrit comporte effectivement les conditions générales et particulières du contrat, aucune grille tarifaire ne fait partie de l’ensemble des documents originaux versés aux débats par l’intimée.

Par ailleurs, la pièce n° 2 produite par la société SCT qui se compose de divers feuillets constituant les trois contrats litigieux ne comporte aucune grille tarifaire.

Enfin, alors que la société Guillaume Mesnil a réclamé à la société SCT la grille tarifaire complète applicable à son contrat de téléphonie mobile par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 décembre 2018 en indiquant qu’elle ne disposait pas de ce document (pièce n° 5 de la société SCT), la cour constate que la société SCT a répondu par courrier du 28 janvier 2019 (pièce n° 6 de l’appelante) en indiquant lui transmettre cette grille et en ne contestant pas l’absence de remise à la société Guillaume Mesnil.

Mais en tout état de cause, la signature de la société Guillaume Mesnil fait foi de ce qu’elle « a pris connaissance et accepter’les tarifs applicables ».

Il s’ensuit que la société Guillaume Mesnil ayant déclaré avoir connu le prix des services de téléphonie et les avoir acceptés, elle ne peut aujourd’hui utilement soutenir que tel n’a pas été le cas.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité des contrats pour défaut d’agrément des conditions tarifaires des communications « hors forfait ».

Sur l’application des dispositions du code de la consommation :

Aux termes de l’article L.221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections 2, 3 et 6 du chapitre relatif aux contrats conclus à distance et hors établissement (articles L221-1 à L221-29), sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Aux termes de l’article L.221-9 du même code dans sa rédaction applicable au 24 avril 2018, date des trois contrats, « Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5’

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L. 221-5. »

L’article L.221-5 du même code dans sa rédaction applicable au 24 avril 2018 disposait que : « Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat.

Dans le cas d’une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l’article L. 321-3 du code de commerce, les informations relatives à l’identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au 4° de l’article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire. »

L’article L111-1 du même code dispose que : « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en ‘uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat.

Les dispositions du présent article s’appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité, lorsqu’ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d’une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l’environnement. »

L’article L111-2 du même code dispose que « Outre les mentions prévues à l’article L. 111-1, tout professionnel, avant la conclusion d’un contrat de fourniture de services et, lorsqu’il n’y a pas de contrat écrit, avant l’exécution de la prestation de services, met à la disposition du consommateur ou lui communique, de manière lisible et compréhensible, les informations complémentaires relatives à ses coordonnées, à son activité de prestation de services et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat.

Les informations complémentaires qui ne sont communiquées qu’à la demande du consommateur sont également précisées par décret en Conseil d’Etat. »

L’article L.221-18 du code de la consommation dispose que : « Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.

Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :

1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l’article L. 221-4’ »

L’article L.221-20 du même code dans sa rédaction applicable au 24 avril 2018 disposait que « Lorsque les informations relatives au droit de rétractation n’ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l’article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l’article L. 221-18’»

Enfin, l’article L.242-1 du même code dans sa version applicable aux faits de l’espèce dispose que : « Les dispositions de l’article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement. ».

Par trois actes du 24 avril 2018, la société Guillaume Mesnil a souscrit auprès de la société SCT pour une durée de 63 mois:

– un contrat de location d’un système de communication Centrex avec mise à disposition d’un modem, de switch 8 postes, de 2 postes Gigaset S650M Pro et d’un boîtier ATA avec un forfait illimitée 24/7 vers les fixes et mobiles internationales toutes zones inclus hors n° spéciaux, contrat conclu pour un forfait service et option de 135 € HT par mois ;

– un contrat de service de téléphonie portant sur deux lignes fixes dont une ligne de fax, contrat prévoyant un forfait service et option de 52 € HT/mois, des frais de mise en service et frais divers de 187 € HT par mois et des frais de maintenance annuelle de 162 HT ;

– Un contrat de service de téléphonie mobile portant sur trois lignes mobiles prévoyant l’offre d’une 2 Iphone 7 et d’une Iphone 8 et engagement de reprise des indemnités de résiliation anticipée due à l’ancien opérateur sous forme d’avoir sur la durée du contrat, contrat conclu pour un forfait dit « 4G Connect » à 57 € HT par mois.

Il ressort de l’extrait du registre du commerce et des sociétés de la société Guillaume Mesnil que l’activité principale de celle-ci est « l’installation et la vente alarme automatisme de portail de porte sectionnelle, volets-roulants, fenêtres, menuiseries et de tous travaux d’isolation, de maçonnerie, de plomberie, de chauffage, d’électricité , de couverture, charpente au profit de toutes personnes physiques ou morales ».

Il resort de la pièce n° 29 de la société Guillaume Mesnil (liasse fiscale certifiée conforme par l’expert-comptable) que celle-ci, durant l’année 2018, année de conclusion des trois contrats, n’a employé que 5 salariés, cet effectif étant confirmé par le relevé d’informations du site « Societe.com » selon lesquelles la société Guillaume Mesnil est une société dont les effectifs sont compris entre trois à cinq salariés.

Bien que le moyen soit expressément soulevé la société SCT ne conteste pas que les contrats ont été souscrits à l’issue d’un démarchage effectué le 24 avril 2018 dans les locaux de la société Guillaume Mesnil et qu’ils ont été conclus « hors établissement » de la société SCT.

Dès lors qu’un contrat portant sur de la téléphonie fixe ou mobile n’entre pas dans le champ de l’activité principale de la société Guillaume Mesnil telle qu’elle a été définie ci-dessus et quand bien même il participerait à la satisfaction des besoins de son activité professionnelle, ce contrat relève des dispositions d’ordre public des articles L.221-1 et suivants du code de la consommation.

Il importe peu à cet égard que la société Guillaume Mesnil ait expressément apposé sa signature à la suite de la stipulation selon laquelle ces contrats avaient été souscrits « en rapport direct avec son activité professionnelle et’pour les besoins de cette dernière » dès lors que, s’agissant d’une qualification juridique relative à une disposition d’ordre public, il n’appartenait pas aux parties d’y déroger.

Il importe peu également que la société Guillaume Mesnil n’ait pas soulevé ce moyen immédiatement dès lors que la renonciation à une nullité d’ordre public ne se présume pas et ne saurait résulter de l’exécution du contrat considéré et qu’aucun élément n’est de nature à démontrer que la société Guillaume Mesnil connaissait l’existence de l’irrégularité qui affectait ces contrats et qu’elle avait entendu y renoncer en les exécutant en connaissance de cause.

Les trois contrats ne comportant pas l’intégralité des informations prévues par l’article L.221-5 et notamment celles relatives au droit de rétractation pas plus qu’un formulaire permettant d’exercer ce droit et ce contrairement aux dispositions de l’article L.221-9 du code de la consommation qui prévoient, y compris dans cette hypothèse, la sanction de la nullité, leur nullité doit être prononcée par application de l’article L.242-1 du même code.

Les trois contrats considérés seront annulés pour méconnaissance des dispositions de l’article L.221-9 du code de la consommation.

L’annulation d’un contrat entraînant son anéantissement rétroactif, il s’ensuit que la société SCT doit restituer toutes les sommes perçues au titre des contrats considérés et que ses demandes portant sur les indemnités de résiliation au titre des contrats de téléphonie fixe et mobile ne peuvent prospérer. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a

– condamné la société SCT à rembourser à la société Guillaume Mesnil toutes les factures réglées à ce jour concernant la facturation des communications « hors forfait » et numéros spéciaux, et ce pendant la durée de leur relation contractuelle,

– condamné la société SCT à rembourser les frais de maintenance indûment prélevés pour la somme de 194,40 euros.

– débouté la société SCT de ses demandes portant sur les indemnités de résiliation au titre des contrats de téléphonie fixe et mobile.

Sur les sommes réclamées par la société Guillaume Mesnil:

1°) La société Guillaume Mesnil soutient que, la résiliation du contrat étant imputable à la faute exclusive de la société SCT, elle doit être condamnée à lui rembourser la somme de 650 euros réglée au titre de l’indemnité de résiliation anticipée par cette dernière à l’opérateur Orange.

La société SCT soutient que :

– le remboursement des frais de résiliation concerne uniquement le service mobile et il est prévu contractuellement « sous forme d’avoir sur la durée du contrat » ; or cette prise en charge est conditionnée par le maintien des relations contractuelles, sur toute leur durée prévue contractuellement, à savoir 63 mois ; puisque la société Guillaume Mesnil a résilié de manière anticipée les contrats, la société SCT n’est pas tenue de rembourser les frais de résiliation et les avoirs qui auraient dû être émis sur la durée du contrant ne peuvent a fortiori plus être émis une fois le contrat résilié ;

– l’intimée ne démontre pas avoir réglé ces frais.

Réponse de la cour :

Le contrat de téléphonie mobile stipule que la société SCT reprendra à sa charge les frais de résiliation anticipée décomptés à la société Guillaume Mesnil par son précédant fournisseur, la société Orange et qui s’élèvent, selon facture du 20 août 2018 à la somme de 650 euros (pièce n° 26 de la société Guillaume Mesnil).

Toutefois, dès lors que le contrat est annulé, la société Guillaume Mesnil ne peut se fonder sur aucune de ses stipulations pour prétendre obtenir son exécution forcée.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société SCT à payer à la société Guillaume Mesnil la somme de 650 euros correspondant aux frais de résiliation du précédent contrat Orange et la demande formée en ce sens par la société Guillaume Mesnil sera rejetée.

2°) la société Guillaume Mesnil soutient :

– au visa de l’article 1231-1 du code civil, avoir subi un préjudice commercial du fait qu’elle n’a pu être joignable ni par ses fournisseurs ni par ses clients à de nombreuses reprises du fait des multiples pannes ayant affectées les systèmes fournis par la société SCT, la télécopie n’ayant en outre jamais fonctionné.

– elle conteste les allégations de la société SCT selon lesquelles elle aurait utilisé les forfaits qui avaient été prévus de façon inadaptée et conteste le fait que la société SCT puisse se constituer une preuve à elle-même en fournissant un tableau de ses prétendues consommations ;

– il appartenait à la société SCT qui disposait des factures de la société Guillaume Mesnil émises par son précédant fournisseur de proposer un service adapté à ses besoins et de répondre à ses réclamations en attirant son attention sur les prétendus dépassements de forfait.

La société SCT soutient n’avoir été tenue que d’une obligation de moyens telle qu’il a été expressément stipulé dans les contrats et qu’à supposer qu’une faute puisse lui être imputée, ce que la société Guillaume Mesnil ne démontre pas, l’article 8.2 des conditions générales prévoit une limitation de responsabilité aux dommages matériels directs.

Réponses de la cour.

L’article 1231-1 du code civil, insérée dans une section régissant la résolution du contrat, dispose que : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

La demande d’observation en cours de délibéré n’a pas eu pour effet d’anéantir l’ordonnance de clôture.

La société Guillaume Mesnil ayant sollicité et obtenu l’annulation du contrat la cour constate qu’elle n’a formé, dans ses conclusions notifiées par voie électronique avant l’ordonnance de clôture, aucune demande de dommages et intérêts fondée sur la responsabilité extra-contractuelle de la société SCT, seule applicable en l’espèce.

La cour ne peut substituer d’office un fondement de responsabilité à un autre.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société SCT à payer la somme de 1.314,15 euros de dommages et intérêts à la société Guillaume Mesnil au titre des préjudices subis et la demande formée par la société Guillaume Mesnil à ce titre sera rejetée.

Sur la demande de transmission au Ministère Public :

Dès lors qu’aucune infraction pénale n’apparaît caractérisée, il n’y n’a pas lieu de transmettre le présent arrêt au Ministère Public.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement du tribunal de commerce d’Evreux en ce qu’il a :

– prononcé la nullité des contrats du 24 avril 2018, pour man’uvre dolosive de la part de la société SCT envers la société Guillaume Mesnil et pour défaut d’agrément des conditions tarifaires des communications « hors forfait »,

– condamné la société SCT à payer à la société Guillaume Mesnil la somme de

650 euros correspondant aux frais de résiliation du précédent contrat Orange ;

– condamné la société SCT à payer la somme de 1.314,15 euros de dommages et intérêts à la société Guillaume Mesnil au titre des préjudices subis ;

Statuant à nouveau :

Prononce l’annulation des trois contrats de téléphonie du 24 avril 2018 conclu entre la société SCT et la société Guillaume Mesnil pour méconnaissance des dispositions de l’article L221-9 du code de la consommation ;

Déboute la société Guillaume Mesnil de ses demandes portant sur le paiement de la somme de 650 euros correspondant aux frais de résiliation du précédent contrat Orange et en paiement de dommages et intérêts pour préjudices subis ;

Confirme, pour le surplus, le jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Rejette la demande de transmission du présent arrêt au Ministère Public ;

Condamne la société SCT aux dépens de la procédure d’appel ;

Condamne la société SCT à payer à la société Guillaume Mesnil la somme de

5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,

 


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