Démarchage Téléphonique : décision du 27 septembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 20/02515

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Démarchage Téléphonique : décision du 27 septembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 20/02515

SF / MS

Numéro 22/03427

COUR D’APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 27/09/2022

Dossier : N° RG 20/02515 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HVOO

Nature affaire :

Demande en paiement du prix, ou des honoraires formée contre le client et/ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix, ou des honoraires

Affaire :

S.C.I LA COLLINNE

C/

S.A.S.U BLOSSOM PAYSAGE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 27 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 20 Juin 2022, devant :

Madame de FRAMOND, magistrate chargée du rapport,

assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l’appel des causes,

Madame [Y], en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame DUCHAC, Présidente

Madame ASSELAIN, Conseillère

Madame de FRAMOND, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.C.I LA COLLINNE

prise en la personne de son représentant légal, domiciliée audit siège en cette qualité

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et assistée de Maître MALO de la SELARL KALIS, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.A.S.U BLOSSOM PAYSAGE

prise en la personne de son représentant légal, Madame [J] [P], domiciliée audit siège en cette qualité

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et assistée de Maître VILAIN-ELGART de la SELARL ASTREA, avocat au barreau de DAX

sur appel de la décision

en date du 23 SEPTEMBRE 2020

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE – POLE DE PROXIMITE DE BAYONNE

RG numéro : 11-19-000661

La SCI LA COLLINNE a confié un projet d’aménagement paysager à la SASU BLOSSOM PAYSAGES représentée par sa présidente Mme [P]. Plusieurs devis émis en décembre 2018 ont été acceptés le 18 mars 2019 pour la conception, le suivi des travaux, et la fourniture de végétaux. Le 22 mars 2019 la SCI LA COLLINNE a rétracté son accord par courrier.

La SASU BLOSSOM PAYSAGES a adressé à cette dernière une facture d’un montant de 7.200 € au titre des frais engagés pour le projet (conception, suivi et frais déplacement en Italie).

Par une ordonnance en date du 12 août 2019, le tribunal d’instance de Bayonne a enjoint à la SCI LA COLLINNE de payer à la SASU BLOSSOM PAYSAGES les sommes de 7.200 € en principal, et de 5,46 € au titre de frais accessoire et de 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur opposition formée le 26 septembre 2019 par la SCI LA COLLINNE, l’affaire est venue devant le tribunal judiciaire de Bayonne. La SCI LA COLLINNE a contesté devoir les sommes réclamées.

Par jugement rendu le 23 septembre 2020, le tribunal de proximité de Bayonne a :

– déclaré recevable l’opposition formée contre l’ordonnance du 12 août 2019 et par jugement se substituant à l’ordonnance,

– condamné la SCI LA COLLINNE à payer à la SASU BLOSSOM PAYSAGES les sommes de 4.000 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 11 juin 2019, et de 1.200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné la SCI LA COLLINNE aux entiers dépens

– rejeté toutes les autres demandes ;

Le premier juge a relevé que le contrat souscrit n’entrait pas dans le domaine des contrats conclus à distance ou hors établissement, de sorte que la SCI LA COLLINNE ne pouvait pas se prévaloir d’un droit de rétractation et que la mention figurant sur le devis doit être interprétée comme constitutive d’une clause pénale et non d’un droit de résiliation. Il a retenu les frais engagés par la SASU BLOSSOM PAYSAGES à compter de la signature des devis, et donc n’a pas retenu le coût du voyage effectué en Italie avant celle-ci.

Par déclaration en date du 29 octobre 2020, la SCI LA COLLINNE a interjeté appel de ce jugement, critiquant l’ensemble de ses dispositions.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 26 mars 2021, la SCI LA COLLINNE, appelante, demande à la cour, d’infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bayonne rendu le 23 septembre 2020 dans toutes ses dispositions.

En conséquence,

– de constater que la SCI LA COLLINNE n’est redevable que de la somme de 2.000 € à la SASU BLOSSOM PAYSAGES au titre de la phase de conception du devis ;

– de rejeter les demandes de la SASU BLOSSOM PAYSAGES pour le surplus.

En tout état de cause,

– de rejeter toutes les demandes de la SASU BLOSSOM PAYSAGES ;

– de condamner la SASU BLOSSOM PAYSAGES à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner la SASU BLOSSOM PAYSAGES aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La SCI LA COLLINNE fait principalement valoir sur le fondement des articles 1103 et 1231-2 du code civil, des articles L 221-3 et suivants du code de la consommation qu’elle n’a jamais accepté le voyage effectué par la SASU BLOSSOM PAYSAGES en Italie, les devis n’ayant pas encore été signés, qu’elle dispose d’un droit de résiliation du contrat signé, ou subsidiairement de rétractation qu’elle a effectué dans les 3 jours de la signature, dès lors que le contrat a bien été signé à son domicile, hors établissement du paysagiste et à titre encore plus subsidiaire que sa rupture du contrat n’a causé aucun préjudice à la SASU BLOSSOM PAYSAGES ; elle reconnaît devoir néanmoins le coût de la conception du projet pour la somme de 2.000 € mais aucune autre somme.

Par conclusions déposées le 19 février 2021, la SASU BLOSSOM PAYSAGES, intimée, demande que la cour :

– confirme le jugement rendu par le tribunal de proximité de Bayonne rendu le 23 septembre 2020 ;

– déboute la SCI LA COLLINNE de l’ensemble de ses demandes ;

– condamne la SCI LA COLLINNE au paiement de la facture d’un montant au principal de 7.200 € ;

– condamne la SCI LA COLLINNE à payer à la SASU BLOSSOM PAYSAGES la somme de 4.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique et moral.

En tout état de cause,

– condamne la SCI LA COLLINNE au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de la procédure civile ;

– condamne la SCI LA COLLINNE aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de ses prétentions et sur le fondement des articles 1103 et 1240 du code civil et L 221-1 du code de la consommation, la SASU BLOSSOM PAYSAGES soutient qu’elle n’a effectué aucun démarchage au domicile de la SCI LA COLLINNE, qu’elle a bien effectué des démarches et voyages pour sa cliente dont elle doit être indemnisée à hauteur de la somme de 7.200 € qui avait été accordée par l’ordonnance d’injonction de payer, outre que la SCI LA COLLINNE a reproduit à l’identique son ‘uvre artistique dans la conception du jardin et doit donc également être indemnisée de son préjudice moral par la somme attribuée en 1ère instance de 4.000 €.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour rappelle qu’elle n’est pas tenue, en vertu de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, de statuer sur les demandes contenues au dispositif des conclusions tendant à « constater », ou « dire et juger », ou « énoncer que », constituant, hors les cas prévus par la loi, de simples rappels des moyens et non des prétentions saisissant la Cour.

Sur la demande en paiement de la SASU BLOSSOM PAYSAGES au titre du contrat résilié :

L’article 1103 du code civil dispose que le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.

Sur la nature du contrat signé par la SCI LA COLLINNE :

Il ressort de l’article L 221-18 du code de la consommation que le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour de la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services ;

L’article L 221-1 précise que sont considérés comme :

1° Contrat à distance : tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat ;

2° Contrat hors établissement : tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :
– Dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur ;
– Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d’une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;

Il doit être rappelé qu’un contrat est conclu par la signature constatant l’engagement des parties, et en matière de travaux, par la signature, par le client, du devis émis par l’entreprise.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la SASU BLOSSOM PAYSAGES s’est présentée au domicile de la SCI LA COLLINNE le 4 décembre 2018, sur invitation de l’architecte, pour lui présenter un projet d’aménagement paysager. Mais ce n’est pas à l’occasion de cette visite que les devis ont été signés matérialisant le contrat, puisque les devis ont été adressés par la SASU BLOSSOM PAYSAGES à la SCI LA COLLINNE ultérieurement et par mail du 12 décembre 2018, et que celle-ci ne les a signés que le 18 mars 2019, en le renvoyant donc par mail à la traductrice Mme [W] puis à la SASU BLOSSOM PAYSAGES ainsi qu’il résulte des mails échangés entre les parties.

Il s’ensuit que c’est par une juste analyse des faits que le 1er juge a relevé que le contrat n’avait pas été signé par un moyen de communication à distance (signature électronique) ou conclu hors établissement au sens des textes précités.

Le droit de rétractation prévu par l’article L 221-18 du code de la consommation ne s’appliquant qu’aux contrats de vente ou de prestations de service conclus à distance ou hors établissement, il s’ensuit que la SCI LA COLLINNE ne peut se prévaloir d’un droit de rétractation du contrat signé le 18 mars 2019.

Sur le préjudice matériel et financier résultant de la rupture du contrat :

Selon les articles 1231-1 et 1231-2 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.

Le contrat, constitué par trois devis signés par la SCI LA COLLINNE le 18 mars 2019, portent :

– d’une part, sur la conception du projet paysager pour un montant de 5.400 € TTC décrit ainsi : Conception et suivi des travaux paysagers, aménagement des extérieurs, agencement de l’espace et mise en valeur de certaines zones du jardin, gestion des vis-à-vis.

Il est ajouté que « une fois engagée, chacune des phases est due dans sa totalité »et prévu de verser 40 % à la signature soit 2.160 €.

– d’autre part, sur l’achat de végétaux pour les sommes de 27.877,85 € et 34.854,71 € TTC.

Il ressort du courrier envoyé par LRAR du 3 avril 2019 à la SASU BLOSSOM PAYSAGES par la SCI LA COLLINNE que celle-ci a résilié le contrat passé avec la SASU BLOSSOM PAYSAGES dès le 21 mars, au seul motif d’un changement d’avis.

La Cour, adoptant les motifs du 1er juge, considère que la mention « une fois engagée, chacune des phases est due dans sa totalité » constitue bien une clause pénale en ce qu’elle sanctionne le client qui met un terme au contrat avant la complète réalisation des travaux en ce qu’elle l’oblige à payer néanmoins le prix total de chaque étape du projet déjà engagée. La résolution unilatérale sans motif légitime par la SCI LA COLLINNE du contrat signé par elle constitue une faute justifiant l’application de cette clause pour le dommage causé à la SASU BLOSSOM PAYSAGES au regard du travail déjà réalisé, des frais et du manque à gagner.

La SASU BLOSSOM PAYSAGES justifie la somme réclamée de 7.200 € par le travail de conception du jardin et suivi des travaux paysagers (4.500 €), et les frais de déplacement en Italie pour 1.500 € effectué en février 2019.

Il est produit au débat le projet graphique de conception réalisé par la SASU BLOSSOM PAYSAGES (dessins, commentaires, plans et propositions de plantes et arbres).

Il ressort également d’une attestation de l’architecte [C] que Mme [P] a été présente lors d’un certain nombre de réunions du chantier de la SCI LA COLLINNE.

Néanmoins, le suivi du chantier étant par nature à exécution successive au fur et à mesure de l’arrivage des végétaux et de leurs plantations, la totalité du suivi du chantier ne peut être indemnisé pour la partie réalisation des plantations.

Par ailleurs, s’il ressort d’un mail adressé le 28 novembre 2019 par le pépiniériste italien à la SASU BLOSSOM PAYSAGES que le déplacement en Italie effectué chez lui entre le 20 et 23 février 2019 concernait bien ses clients russes (référence aux gérants de la SCI LA COLLINNE) à cette date, aucun engagement de la SCI LA COLLINNE n’avait encore été accepté et ce voyage ne figure pas expressément dans le devis signé postérieurement par celle-ci. Il n’est donc pas démontré que ce voyage a été effectué pour le seul besoin du chantier de la SCI LA COLLINNE et aucune perte au titre des frais de ce voyage n’est donc imputable à la résiliation du contrat par celle-ci. La demande de remboursement de ces frais doit être rejetée.

C’est donc par une juste et équitable appréciation que le premier juge a évalué à la somme de 4.000 € le préjudice résultant pour la SASU BLOSSOM PAYSAGES de la résiliation unilatérale du contrat signé le 18 mars 2019 par la SCI LA COLLINNE et le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages intérêts pour préjudice moral de la SASU BLOSSOM PAYSAGES :

Celle-ci produit un constat d’huissier en date du 22 juin 2019, avec photos de la propriété de la SCI LA COLLINNE pour faire constater que le jardin a été aménagé selon son propre projet.

La Cour observe cependant que la similitude des aménagements est induite pour la plus grande part par la disposition préexistante des bâtiments, les ouvrages de soutènement et les allées de la propriété, dont il n’est pas démontré qu’ils ont été conçus par la SASU BLOSSOM PAYSAGES et que par ailleurs, les végétaux finalement choisis d’après les photos du constat ne sont pas les mêmes que ceux proposés par Mme [P]. Il n’est ainsi pas démontré d’atteinte au droit d’auteur de la SASU BLOSSOM PAYSAGES ni de préjudice de celle-ci, d’autant qu’elle est entièrement indemnisée des frais de conception du projet par la présente décision.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions y compris sur les mesures accessoires sur lesquelles le tribunal a statué équitablement.

La SCI LA COLLINNE devra également supporter les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 23 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages intérêts pour préjudice moral présentée par la SASU BLOSSOM PAYSAGES ;

Condamne la SCI LA COLLINNE aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Carole DEBONCaroline DUCHAC

 


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