Démarchage Téléphonique : décision du 24 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/00256

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Démarchage Téléphonique : décision du 24 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/00256

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 24 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 294

Rôle N° RG 19/00256 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSUH

[Z] [E]

C/

SAS LOCAM

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sandra JUSTON

Me Alain KOUYOUMDJIAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 13 Novembre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/13820.

APPELANTE

Madame [Z] [E]

née le 26 Septembre 1989 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS LOCAM, prise ne la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Alain KOUYOUMDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022, après prorogation du délibéré.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, Procédure et Prétentions

Le 28 septembre 2015, Madame [U] [S], qui exerce la profession d’orthophoniste, a souscrit auprès de la SA Chrome Bureautique, un contrat de maintenance pour un photocopieur Olivetti MF 3100.

Le 16 février 2016, Madame [Z] [E], associée de Madame [S] et qui exerce la même profession, a souscrit un contrat de location auprès de la société Locam pour un photocopieur de marque Olivetti MF 3100 moyennant un loyer de 239euros HT pendant 63 mois.

Un bon de commande et un contrat de maintenance ont été conclus le même jour entre madame [E] et la société Chrome Bureautique.

Un procès verbal de réception du matériel a été signé le 17 février 2016 par Madame [E].

Le 11 mars 2016, la SAS Locam a adressé à Madame [E] un récapitulatif des conditions du contrat de location.

Le 15 mars 2016, Madame [E] a adressé à la société Locam un courrier de ‘résiliation’ du contrat, résiliation refusée par la SAS Locam le 31 mars 2016.

Le 6 octobre 2016, la SAS Locam a adressé à Madame [E] une mise en demeure de payer les échéances échues depuis le 1er juillet 2016 restées impayées et le 29 novembre 2016, la SAS Locam a assigné Madame [E] [Z] devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Par jugement du 13 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Marseille a ordonné la résolution du contrat de location financière conclu le 16 février 2016 entre la SAS Locam et Madame [E] pour défaut de paiement du loyer, prononcé la résiliation du contrat de location financière conclu entre les parties le 16 février 2016 aux torts exclusifs de madame [E], a condamné cette dernière au paiement à la société Locam de la somme de 14 579euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2016, rejeté la demande de capitalisation des intérêts, condamné Madame [E] au paiement d’une somme de 1euro au titre de la clause pénale et l’a condamnée à restituer à ses frais le matériel, objet du contrat résilié, à la SAS Locam dans le mois suivant le jugement et condamné Madame [E] au paiement d’une somme de 1 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La juridiction a retenu que le contrat n’était pas soumis aux dispositions du code de la consommation, Madame [E] ayant conclu dans le cadre de son activité professionnelle et qu’il n’est pas établi que le contrat a été conclu hors établissement, que la preuve de l’existence d’un dol n’était pas rapportée, le bon de commande visant une participation commerciale a été signée par madame [S], mais que l’exemplaire signé par Madame [E] ne reprend pas de telles mentions.

Le 7 janvier 2019, Madame [E] [Z] a interjeté appel de cette décision.

Dans des conclusions déposées et notifiées le 20 septembre 2022, madame [E] [Z] demande à la Cour de :

Vu les articles 1116, 1117,1134,1147,1183,1184, 1692, 1289,1382, 1383 et 1384 du code civil,

Vu les articles L 221-3,L221-18, L221-20 et L221-29 du code de la consommation,

Recevoir Madame [E] en ses demandes, fins et conclusions,

Les déclarer bien fondées,

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille sauf en ce qu’il a considéré comme devant être hors taxe la somme réclamée au titre des loyers à échoir et en ce qu’il a accepté de réduire à 1euro la somme de 1 778,16euros réclamée au titre de la clause pénale,

Le réformer pour le surplus,

A titre principal :

Dire et juger que Madame [Z] [E] a régulièrement exercé la faculté de rétractation qui lui offrent les dispositions du code de la consommation,

A titre subsidiaire :

Dire et juger que le contrat de location conclu le 16 février 2016 avec la SAS Locam est nul en application des dispositions de l’article L 442-1 du code de la consommation,

Tirer toutes les conséquences de droits de cette nullité et juger l’absence de toute créance de la société Locam fondée sur ce contrat et la condamner à lui rembourser les loyers versés,

Débouter la société Locam de ses demandes,

A titre subsidiaire :

Annuler le contrat sur le fondement de l’article 1116 du code civil le contrat de location de longue durée du 16 février 2016 afin qu’en soient tirées toutes conséquences de droit,

Tirer toutes conséquences de droit de cette nullité et juger l’absence de toute créance de la société Locam fondée sur ce contrat et la condamner à lui rembourser les loyers versés,

Débouter la SAS Locam de ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiairement :

Annuler pour dol le bon de commande et le contrat de partenariat signés le 16 février 2016 entre Madame [E] et la société Chrome bureautique et du fait de l’interdépendance des contrats prononcer la caducité du contrat de location longue durée conclu le 16 février 2016,

Tirer toutes conséquences de droit de cette annulation,

Dire le contrat de location caduc du fait de l’interdépendance des contrats,

Constater que le contrat de partenariat client référent conclu le 16 février 2016 a été frappé de résiliation suite au refus du liquidateur judiciaire de poursuivre l’exécution du contrat,

Dire et juger que du fait de l’interdépendance des contrats le contrat de location financière est devenu caduc à compter du jour de sa prise d’effet,

Tirant toutes conséquences de droit de cette caducité, dire et juger que la SAS Locam doit restituer à madame [E] les loyers acquittés,

Distinguer parmi les sommes réclamées par la SAS Locam les sommes correspondant aux loyers impayés à la date de l’assignation et les sommes correspondant aux loyers à échoir,

Dire et juger que la somme réclamée par la société Locam au titre des loyers à échoir ne saurait inclure la TVA ou le montant de l’assurance et doit être fixée à la somme de 13 862euros

Dire et juger que la clause de résiliation anticipée imposant le paiement de l’ensemble des loyers à échoir s’analyse en une clause pénale devant être réduite au montant d’un euro,

Dire et juger que la créance de la société Locam ne saurait excéder la somme de 1 148,20euros,

En toute hypothèse :

Dire que la restitution se fera à la diligence et aux frais de la société Locam,

Débouter la société Locam de ses demandes,

Condamner la SAS Locam au paiement d’une somme de 2 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et notifiées le 17 juillet 2019, la SAS Locam demande à la Cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation du contrat de location financière conclu entre les parties le 16 février 2016 aux torts exclusifs de Madame [E],

Condamner Madame [E] [Z] à régler les loyers HT dus pour un montant de 14 579euros mais en y ajoutant le montant de la TVA soit 61×47,80 =2915,80euros,

En conséquence :

Condamner Madame [E] à verser la somme de 17 498,80euros,

Juger que seule Madame [E] est engagée à l’exclusion de Madame [S],

Dire qu’il n’y a eu aucun démarchage de Chrome à l’égard de Madame [E],

Si par extraordinaire la Cour devait retenir un démarchage :

Juger que le contrat échappe aux dispositions du code de la consommation par application de l’article L221-2-4,

Juger que le droit de rétractation est inapplicable au présent contrat, Madame [E] ayant contracté dans le champ de son activité principale et non pour des besoins personnels et domestiques,

Juger que Madame [E] ne justifie pas de manoeuvres dolosives,

Débouter Madame [E] de sa demande de caducité du contrat de location,

Juger la liquidation judiciaire de la société IME -anciennement Chrome Bureautique- sans conséquence sur la résiliation du contrat de location préalablement acquise par application de la clause résolutoire,

Débouter Madame [E] de sa demande de réduction de la clause pénale, dire et juger qu’elle n’est pas manifestement excessive,

Ordonner la restitution du matériel à la SAS Locam sous astreinte de 50euros par jour de retard aux frais de madame [E],

Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1154 du code civil,

Condamner madame [E] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2022.

Motifs :

Les parties sont en l’état d’un contrat conclu le 16 février 2016 dont Madame [Z] [E] a sollicité la résiliation par un courrier daté du 15 mars 2016. Elle invoque l’article L 121-16 I II dans sa rédaction applicable au présent contrat, du code de la consommation à l’appui de ses demandes.

Les dispositions du code de la consommation sus visées énoncent que la faculté de rétractation ouverte aux consommateurs par l’article L 121-21 du code de la consommation en vigueur jusqu’en juillet 2016, est étendue aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. Le consommateur dispose, selon le texte sus visé, d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle.

Aux termes de l’article L121 -17 du code de la consommation relatif à l’obligation d’information pré-contractuelle, il est précisé que ‘ Préalablement à la conclusion d’un contrat vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’État ‘.

En l’espèce, sur le contrat conclu le 16 février 2016, il est mentionné qu’il a été souscrit à [Localité 5], Madame [E] ayant ses locaux [Adresse 3] à [Localité 5] et la société Locam ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 6]. Il est donc acquis que les contrats ont été conclus hors du lieu où la société Locam exerce habituellement et en permanence son activité au sens de l’article L121-16 du code de la consommation.

Il importe peu que le ‘consommateur’ ait ou non sollicité la venue du professionnel dans ses locaux et qu’il ait ou non subi un démarchage ce critère n’étant pas retenu par les textes applicables et la jurisprudence.

Par ailleurs, il n’est pas discuté que Madame [E], exerçant une activité d’orthophoniste n’emploie pas cinq salariés ou plus. Enfin, l’exercice d’une telle activité ne lui confère aucune compétence particulière pour apprécier l’intérêt tant matériel que financier à s’engager dans une opération englobant la location d’un photocopieur, sa maintenance et son renouvellement éventuel dans le cadre du partenariat mis en place. Dès lors que les services proposés sont étrangers à son champ de compétence professionnelle, elle peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions de l’article L121-16 I III du code de la consommation, le critère de l’utilité du matériel loué n’étant nullement retenu par les textes et la jurisprudence.

Il est constant que le contrat location en cause, prévoyant la mise à disposition d’un photocopieur moyennant le paiement de loyers, n’est pas assimilable à une opération de crédit s’agissant d’une location simple non soumise à la réglementation bancaire. Il en résulte que Madame [E] peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions relatives au droit de rétractation. Le contrat de location conclu avec la société Locam ne figure pas au nombre des contrats visés à l’article L. 121-16-1 du code de la consommation pour lesquels l’exercice du droit de rétractation est exclu.

Le contrat conclu entre les parties ne comporte pas de formulaire type de rétractation et si ce formulaire est présent sur le contrat de maintenance conclu avec la société Chrome, aucune information lisible et compréhensible sur les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit n’a été portée à la connaissance de Madame [E].

Aussi, en application des dispositions de l’article L 121-21-1 du code de la consommation applicable au litige, le délai de rétractation est prolongé de 12 mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial.

En l’espèce, Madame [E], qui bénéficiait d’un délai expirant le 2 mars 2017, a exprimé par courrier du 15 mars 2016 sa volonté de mettre un terme au contrat, soit dans le délai légal et a donc parfaitement exercé son droit de rétractation

Il convient d’infirmer la décision de première instance et de dire et juger que Madame [E] est libre de tout engagement vis à vis de Locam.

La Cour relève que Madame [E] ne formule aucune autre prétention à titre principal auquel la juridiction a fait droit et qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes formulées uniquement à titre subsidiaire.

Conformément aux dispositions de l’article L121-21-3 du code de la consommation dans sa version applicable pour les contrats conclus hors établissement, lorsque les biens sont livrés au domicile du consommateur au moment de la conclusion du contrat, le professionnel récupère les biens à ses frais s’ils ne peuvent pas être renvoyés normalement par voie postale en raison de leur nature. Tel est le cas en l’espèce.

La société Locam succombant supportera les dépens et doit payer à Madame [E] la somme de 1 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Par ces motifs la Cour statuant par arrêt contradictoire :

Infirme le jugement rendu le 13 novembre 2018par le tribunal de grande instance de [Localité 5],

Statuant à nouveau :

Dit que Madame [Z] [E] a valablement exercé son droit de rétractation par courrier adressé à la SAS Locam en temps utile,

Dit que Madame [Z] [E] est libérée de toute obligation vis à vis de la SAS Locam,

Dit qu’il appartient à la SAS Locam de récupérer à ses frais le photocopieur marque Olivetti MF 3100 dans les locaux professionnels de Madame [Z] [E] ,

Condamne la SAS Locam à payer à Madame [Z] [E] la somme de 1 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Locam aux entiers dépens y compris ceux de première instance.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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