Démarchage Téléphonique : décision du 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/00935

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Démarchage Téléphonique : décision du 24 juin 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/00935

ARRÊT DU

24 Juin 2022

N° 1158/22

N° RG 20/00935 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S4T6

MLB/CH

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

20 Janvier 2020

(RG 17/00535 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 24 Juin 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [Z] [K]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représenté par Me Dominique HENNEUSE, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

SAS REGIE NETWORKS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Marie Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Bruno DEGUERRY, avocat au barreau de LYON

DÉBATS :à l’audience publique du 18 Mai 2022

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 23 février 2022

EXPOSE DES FAITS

M. [Z] [K], né le 8 février 1988, a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 janvier 2010 en qualité d’attaché commercial, statut agent de maîtrise, par la société Régie Networks, qui commercialise l’espace publicitaire des fréquences locales des radios du groupe NRJ, applique la convention collective de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française et emploie de façon habituelle au moins onze salariés.

Il a été promu chef de publicité, statut cadre, par avenant du 1er janvier 2012, au forfait de 217 jours par an.

M. [K] a été convoqué par lettre en date du 10 juillet 2017 à un entretien le 18 juillet 2017 en vue de son licenciement et mis à pied à titre conservatoire. A l’issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 juillet 2017.

Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :

«En qualité de chef de publicité, votre mission est de commercialiser des actions de promotion publicitaires auprès d’une clientèle d’annonceurs locaux. Or, nous déplorons aujourd’hui des manquements graves et répétés à vos obligations contractuelles.

Notamment, vos résultats sont insuffisants. Au cumul à fin juin, vous êtes à -31,9 % de vos objectifs.

Vos décalages sont marqués et plus particulièrement sur le chiffre d’affaires radio, qui est en net retrait par rapport à vos objectifs (-44,4 %) et de N-1 (-37,8 %). Sur le périmètre de votre direction commerciale, vous êtes le commercial qui affiche la plus grande contre performance.

Le chiffre d’affaires que vous réalisez auprès de nouveaux clients baisse d’année en année. Il est, en effet, passé de 126 403 € en 2014 à 33 481 € sur le premier semestre 2017. La courbe du nombre de nouveaux clients est aussi en forte baisse (40 en 2013 et seulement 18 à fin 2016) et très en dessous des fondamentaux de l’entreprise qui demandent 3 nouveaux clients par mois et par commercial.

Ce chiffre insuffisant de nouveaux clients est essentiellement dû à votre manque de prospection (sur le premier semestre 2017, vous n’avez rencontré que 43 de vos prospects en R1).

Ces mauvais résultats s’expliquent également par un manque d’activité et d’actions commerciales de votre part. Vous ne réalisez pas les 20 rendez-vous clients demandés par semaine. Votre activité est très en dessous de nos attentes, pour preuve vous avez réalisé 12 rdv/semaine en janvier, 11 rdv/semaine en février, 8 rdv/semaine en mars, 10 rdv/semaine en avril, 7 rdv/ semaine en mai, 12 rdv/semaine en juin).

Des points réguliers ont été faits avec vos managers au cours desquels il vous a, notamment, été demandé de réaliser des sessions de phoning, acte commercial incontournable pour notre force de vente. Or, vous persistez à ne pas faire régulièrement ces sessions puisque selon vous «vous n’êtes pas un vulgaire vendeur qui fait du démarchage téléphonique».

En 22 semaines, vous n’avez réalisé que 6 sessions de phoning et avez obtenu les résultats suivants :

En semaine 4, votre matrice phoning ne recense aucun RDV pris

En semaine 7, 1 R1.

En semaine 8, 3 R1.

En semaine 12, 1 R1.

En semaine 21, 1 R1.

En semaine 22, 1 R1.

Soit au total, 7 R1 recensés en 22 semaines au lieu des 5 rendez-vous demandés par sessions, chaque session devant être réalisée 2 fois par semaine.

Lors d’un entretien avec votre directeur commercial France et votre directeur régional, au mois de février dernier, il vous a été une nouvelle fois demandé de mettre en place ces sessions de phoning. Il vous a alors été indiqué que votre directeur commercial vous accompagnerait pour réaliser certaines de ces sessions.

Le 14 mars, [Y] [E] s’est déplacé sur [Localité 7]. En amont de ce rendez-vous, soit le 8 mars, votre manager vous a demandé de préparer une liste de 50 à 60 prospects. Le mardi 14 mars au titre de préparation de la session phoning, vous lui avez tendu le TV Avantages en disant qu’il s’agissait là de votre base de phoning. Vous n’aviez délibérément pas préparé ce travail. Ainsi, vous affichez votre décision de ne pas vous soumettre aux directives de votre hiérarchie.

Ce manque de travail se traduit également dans le suivi de vos dossiers clients : vous n’adressez pas à la comptabilité les règlements de vos clients, vous ne répondez pas à certaines demandes du siège, vous ne faites pas le suivi de la balance âgée de vos clients, vous ne respectez pas vos engagements.

Ce manque de travail, ce manque de présence sur le terrain, ce manque de respect des fondamentaux de vente de l’entreprise s’accompagnent également d’absences non justifiées sur votre lieu de travail. Vos collègues et votre hiérarchie ont constaté vos absences au sein des bureaux sans pour autant que votre reporting n’indique de rendez-vous clients sur ces dates. Vos collègues indiquent par ailleurs un désintérêt de votre part pour l’entreprise. Récemment, vous avez découvert la présence d’un stagiaire sur le site 13 jours calendaires après son arrivée dans l’entreprise !

Le 21 juin dernier, votre directeur régional s’est rendu sur le site de [Localité 7] pour contrôler votre présence au travail. Il n’a pu que constater votre absence durant toute la matinée. Un seul rendez-vous était indiqué dans votre pilotage à cette date. A posteriori, vous avez rajouté deux rendez-vous sur cette matinée. Rendez-vous que vous n’aviez pas évoqués avec votre directeur commercial lors de votre débrief du 26 juin. Le seul rendez-vous indiqué était celui chez le client « l’incroyable » or, vous avez reconnu par la suite que ce rendez-vous n’avait pas eu lieu ; votre seul contact avec ce client à cette date avait été un simple échange de SMS. Ainsi, quand on contrôle votre activité, on relève des anomalies et des contradictions dans vos propos. Votre pilotage n’est donc pas fiable et affiche une activité commerciale qui n’existe pas. On est donc en droit de s’interroger sur ce que vous faites en semaine lorsque vous n’êtes ni au bureau ni chez nos clients.

Il ne fait aucun doute aujourd’hui que ce manque de travail et de résultats sont étroitement liés à votre seconde activité professionnelles que vous ne nous avez d’ailleurs jamais déclarée, contrairement à votre obligation d’exclusivité figurant dans votre contrat de travail.

Vous vous permettez, lors de rendez-vous avec des clients NRJ, de proposer les services et produits de votre société. Ce comportement est totalement inacceptable.

En analysant l’activité commerciale que vous déclarez, on constate que plusieurs rendez-vous chez nos clients ou prospects ne donnent pas lieu à la signature de contrats pour Régie Neworks mais à la signature de contrats pour votre société de vidéo surveillance. En effet, ces mêmes enseignes apparaissent, peu après vos rendez-vous NRJ, sur votre site internet comme étant des clients de votre entreprise.

Lors d’un entretien avec vos managers vous aviez indiqué que c’était votre compagne qui démarchait les clients, puis vous nous avez indiqué que c’était vous qui les démarchiez le samedi ‘ Aujourd’hui, ces mêmes clients nous indiquent que vous les démarchez, en semaine, lors de vos rendez-vous NRJ.

Vous semblez ne plus privilégier les intérêts de votre employeur. Vous n’avez pas honoré un engagement pris auprès d’un de nos clients, Monsieur [N], au profit d’une vente réalisée pour la structure de votre compagne. Ce client extrêmement mécontent par votre manque de fiabilité, ne souhaite plus travailler avec vous pour sa communication. Lors d’un rendez-vous chez ce client NRJ, pour le suivi des caméras de surveillance que vous lui avez par ailleurs installées, vous vous êtes permis de dénigrer le produit que votre directeur commercial lui a vendu lorsqu’il a repris le suivi de ce compte.

Compte tenu de votre niveau et de votre expérience dans l’entreprise, cette activité commerciale, anormalement basse, ainsi que ce refus à mettre en place les actions commerciales demandées traduisent une volonté délibérée de votre part de s’affranchir de vos obligations contractuelles à l’égard de votre employeur Régie Networks. Ce défaut d’activité pour le compte de Régie Networks se fait au profit de votre société personnelle dont vous êtes gérant.

Depuis la création de votre société, en janvier 2016, vous n’avez plus atteint vos objectifs.

Nous ne pouvons accepter un tel comportement.»

Par requête reçue le 20 décembre 2017, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Valenciennes pour obtenir un rappel de frais de déplacement et faire constater l’illégitimité de son licenciement.

Par jugement en date du 20 janvier 2020 le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société Régie Networks à payer à M. [K] :

1 583,67 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire

158,36 euros au titre des congés payés y afférents

981,87 euros au titre des congés payés y afférents

4 999,84 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il a évalué la moyenne des trois derniers mois de salaire à 3 272,93 euros, débouté M. [K] du surplus de ses demandes et dit que les dépens seront à la charge de la société Régie Networks.

Le 12 février 2020, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 23 février 2022.

Selon ses conclusions reçues le 29 septembre 2021, M. [K] sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement en en ce qu’il a dit que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, qu’elle dise que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, qu’elle confirme le jugement sur les sommes allouées et, y ajoutant, qu’elle condamne la société Régie Networks à lui payer :

80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

666 euros au titre des frais de déplacement

5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

et déboute la société Régie Networks de l’ensemble de ses demandes.

Selon ses conclusions reçues le 20 juillet 2020, la société Régie Networks sollicite de la cour qu’elle confirme le jugement en ce qu’il a validé le principe du licenciement et rejeté la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la demande au titre des frais de déplacement, qu’elle le réforme en ce qu’il a écarté la faute grave et accordé des sommes à M. [K], qu’elle dise que le licenciement repose sur une faute grave, déboute M. [K] de l’ensemble de ses demandes et le condamne reconventionnellement à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est référé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur les frais de déplacement

A l’appui de son appel, M. [K] expose que ses frais de déplacements ne lui ont pas été remboursés depuis le mois de janvier 2017. Il conteste avoir essayé de se faire rembourser plusieurs fois des frais identiques.

La société Régie Networks répond que la demande n’est ni fondée ni étayée et qu’elle produit à titre superfétatoire les tableaux de frais dont M. [K] a sollicité le remboursement de façon injustifiée.

Les frais professionnels correspondent à des dépenses engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle qui doivent lui être remboursées par l’employeur.

M. [K] ne produit aucun élément. Il ne démontre pas qu’il aurait engagé des frais, qu’il ne détaille pas et dont il ne justifie pas, qui devraient lui être remboursés. Le jugement qui l’a débouté de ce chef de demande sera confirmé.

Sur le licenciement

En application des articles L.1232-6 et L.1234-1 du code du travail, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est motivée par les résultats insuffisants du salarié résultant de son désinvestissement, s’étant manifesté par un manque d’activité commerciale (prospection, sessions de phoning), le non respect des consignes de sa direction, sa carence dans le suivi des dossiers clients et ses absences injustifiées sur le lieu du travail, au profit du développement, sur son temps de travail, de sa propre société, par le démarchage de clients ou prospects de la société Régie Networks, le non respect d’un engagement pris auprès d’un client au profit d’une vente réalisée pour la structure de sa compagne et le dénigrement auprès d’un client du produit vendu par son directeur commercial.

Il n’est pas contesté que M. [K], seul commercial sur le secteur valenciennois, s’est montré particulièrement performant jusqu’en 2016 et qu’il figurait dans le groupe de tête de nombreux challenges.

La société Régie Networks soutient que ses résultats sont devenus catastrophiques, alors que les objectifs assignés étaient réalistes et réalisables, comme le montrent les résultats obtenus sur la même période par d’autres agences au potentiel commercial identique.

Au soutien de ses allégations, la société se prévaut du «business warning» à fin juin 2017, montrant que M. [K] avait réalisé 68 % de son objectif (retard de 32 %), du «ratio de commercialisation» pour la période du 1er janvier au 31 mai 2017 et d’une courbe du «cumul CA 12 mois» en diminution constante depuis avril 2016.

Elle produit également le «cumul juin 2017» des trois commerciaux du [Localité 5] et des quatre commerciaux de [Localité 4], à titre de comparaison. Il en résulte qu’un commercial sur trois au [Localité 5] avait atteint ses objectifs, les deux autres accusant un retard de 21,4 % et 48,5 %, et que deux commerciaux sur quatre à [Localité 4] avaient atteint leurs objectifs, les deux autres affichant un retard de 22,9 % et 31,4 %.

S’agissant du chiffre d’affaires radio évoqué par la société Régie Networks dans la lettre de licenciement, les documents ci-dessus montrent que M. [K] accusait un retard à fin juin 2017 de 44,4 %. Parmi les sept autres commerciaux du [Localité 5] et de [Localité 4], seuls deux avaient atteint leurs objectifs.

Le salarié répond à juste titre que ses objectifs étaient largement supérieurs à ceux de ses collègues du [Localité 5] et de [Localité 4] et produit ses tableaux de pilotage montrant un quasi doublement de ses objectifs entre 2011 et 2017 et la réalisation de 59 % de son chiffre d’affaires annuel en 2017 malgré la rupture de son contrat de travail en juillet 2017. Il produit également des rapports de «réunion [Localité 6] et [Localité 7]», dont l’employeur ne conteste pas qu’ils se rapportent, comme l’indique le salarié dans ses conclusions à la période de juin à août 2017. Ces rapports ne font pas globalement ressortir que les résultats par rapport aux objectifs étaient moins bons à [Localité 7] qu’à [Localité 6]. Selon ces rapport, M. [K] a apporté à fin juin 12 nouveaux clients, contre 10, 11 et 13 pour les commerciaux de [Localité 6], et 16 à fin juillet contre 10, 13 et 14 pour les commerciaux lillois.

Le salarié justifie par ailleurs que sur le challenge Google du 5 avril au 30 juin 2017, auquel il indique sans être contredit que participaient 150 commerciaux sur le plan national, il est arrivé, selon les points intermédiaires, une fois troisième, trois fois quatrième, une fois cinquième et une fois sixième.

Ainsi, même si les résultats de M. [K] n’étaient pas aussi bons qu’ils l’étaient les années précédentes, il ne peut au vu des éléments ci-dessus être retenu qu’ils étaient devenus catastrophiques et en être déduit que le salarié avait délaissé son activité au service de son employeur.

Pour caractériser l’absence totale d’activité commerciale imputée au salarié, la société Régie Networks se prévaut d’un mail de M. [E], directeur commercial de [Localité 6]-[Localité 7] à M. [X], directeur régional, en date du 16 mars 2017 et des imprimés à renseigner pour les phoning.

Dans son mail, M. [E] indique que les sessions phoning ne sont toujours pas réalisées malgré les engagement pris par M. [K], qu’il avait prévenu le salarié qu’il viendrait le 14 mars pour l’aider à faire sa session phoning et lui avait demandé à cette fin de préparer un listing de 50 à 60 prospects, que M. [K] l’avait assuré à plusieurs reprises qu’il travaillait à la préparation de ce listing, que cependant rien n’avait été préparé alors que le salarié avait justifié son manque d’activité la semaine d’avant par la préparation de ce document, que M. [K] lui avait seulement présenté le magazine «TV avantages» en vue d’appeler les prospects de ce support. M. [E] ajoute que, lors du débrief, M. [K] a fait preuve d’insubordination en contestant l’utilité de la préparation du phoning et la pertinence de la trame pour le phoning vue en réunion, que de plus il ne renseignait pas son pilotage (un seul rendez-vous renseigné pour cette semaine, «prévis» pas rentrés dans le JDV, un seul rendez-vous positionné en S+1).

Sont joints à l’appui des dires de M. [E] des extraits des plannings hebdomadaires des semaines des 6, 13 et 20 mars (du lundi au mercredi), ainsi que le journal des ventes d’avril. Les documents produits comportent cinq mentions en tout et font apparaître un total de quatre rendez-vous la première semaine et un rendez-vous chacune des semaines suivantes, tandis que le journal des ventes, qui fait apparaître le décalage entre le CA réalisé et les objectifs d’une part et le CA de l’année précédente d’autre part, n’est pas renseigné quant au «CA Prévi».

La société Régie Networks produit également un peu plus d’une vingtaine de tableaux excel « phoning ». La plupart sont des matrices vierges. Aucun de ces documents n’est daté ni ne comporte de mentions permettant de les rattacher à M. [K]. Six comportent des noms d’enseignes et des numéros de téléphones associés avec des commentaires sur l’issue du contact téléphonique.

M. [K] conteste les accusations sur la prétendue non réalisation des sessions de phoning. Il produit un mail du 14 mars 2017 transmettant à M. [E] son phoning de la matinée auquel est joint un tableau excel phoning renseigné, un mail du 20 mars 2017 lui transmettant une liste pour le phoning du lendemain, lui précisant qu’il n’y avait pas encore 60 noms mais qu’il allait en rajouter le soir, la réponse du directeur commercial le remerciant et lui demandant simplement de retirer trois noms faisant partie de la liste des prospects que lui-même couvrait et un nom correspondant à un client actif géré depuis [Localité 6], ainsi que des mails des 18 avril et 17 mai 2017 transmettant à M. [E] des résultats de ses phoning. Dans ce dernier mail, M. [K] admet n’avoir pas réalisé de session de phoning la semaine précédente.

Par ailleurs, l’appelant produit des mails des 1er, 19 et 20 juin 2017 signalant un problème informatique et que ses sessions phoning n’apparaissent plus dans son pilotage. La société ne fait pas d’observations sur ces mails et ne justifie pas des réponses apportées, comme elle ne justifie pas d’autres observations sur la réalisation des sessions de phoning après le 16 mars 2017, si ce n’est un rappel adressé au salarié le 25 avril 2017 pour qu’il renseigne dans l’onglet de la semaine 17 sa matrice post session phoning.

Ces seuls éléments ne permettent pas de démontrer le non respect des consignes de la société Régie Networks en matière de réalisation des sessions de phoning. Particulièrement, l’affirmation par l’employeur que suite à l’alerte de M. [E], mi-mars 2017, M. [K] ne s’est pas ressaisi et n’a pas suivi les instructions de son employeur en la matière n’est pas étayée.

S’agissant du manque de prospection, la société Régie Networks expose dans la lettre de licenciement que M. [K] n’a rencontré sur le premier semestre 2017 que 43 de ses prospects en R1 et qu’il n’a pas réalisé les 20 rendez-vous clients demandés par semaine. Elle produit le «ratio de commercialisation» de [Localité 7] du 1er janvier au 31 mai 2017 faisant apparaître le nombre de rendez moyen par semaine cité dans la lettre de licenciement, soit 12 en janvier, 11 en février, 8 en mars, 10 en avril et 7 en mai. Il n’est pas produit d’élément pour juin, la lettre de licenciement faisant état pour ce mois d’un nombre de rendez-vous moyen de 12 par semaine. Aucun élément de comparaison avec la situation des sites de [Localité 6], du [Localité 5] et de [Localité 4] n’est produit qui pourrait révéler une anomalie imputable à M. [K], étant rappelé qu’il résulte de ce qui précède que la plupart des commerciaux n’étaient pas parvenu à atteindre leurs objectifs au cours de la période considérée et que le nombre de nouveaux clients emportés par l’appelant était similaire à celui des commerciaux de [Localité 6].

La société Régie Networks ne produit aucun élément de nature à caractériser une carence de M. [K] dans le suivi des dossiers clients, ne développant pas ce grief dans ses conclusions. M. [K] produit pour sa part différents mails et copies de chèques aux fins de justifier de son activité en la matière, ainsi que le témoignage de Mme [V], assistante administrative et commerciale, qui indique que la subite mise à pied de M. [K] a été une réelle surprise tant ce salarié était mis en avant non seulement pour son chiffre d’affaires et son nombre de nouveaux clients mais également pour son organisation administrative : bons de commande, suivi de son activité, agenda.

S’agissant du grief relatif au manque de loyauté de M. [K], la société Régie Networks expose que le salarié a violé la clause d’exclusivité contractuelle, qu’il a créé à son insu une société commerciale le 1er janvier 2016, a déclaré des rendez-vous imaginaires pour dissimuler l’activité qu’il exerçait pour son propre compte sur son temps de travail, a démarché sur son temps de travail des clients ou prospects de la société Régie Networks pour son propre compte et a dénigré auprès d’un client le produit vendu par son directeur commercial.

L’intimée se prévaut du contrat de travail, de documents justifiant de la création par M. [K] le 2 janvier 2016 de la société Bausa, qui exploite sous l’enseigne Camera Protect une activité de vente et installation de vidéo surveillance, ainsi que des attestations de M. [X], M. [N] et M. [E].

Le contrat de travail prévoit que, sauf accord écrit de l’employeur, M. [K] s’engage à n’exercer aucune activité professionnelle autre que celle exercée pour la société Régie Networks.

L’appelant répond à juste titre que cette clause n’est pas valable comme portant une atteinte générale à sa liberté de travailler alors qu’il n’est pas établi qu’elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, conformément à l’article L.1121-1 du code du travail.

L’activité de la société Bausa, distincte de celle de la société Régie Networks, ne concurrence pas l’intimée. L’affirmation par la société Régie Networks que l’activité de M. [K] a été développée à son insu, outre qu’elle est inopérante, est contredite par l’attestation de Mme [V], assistante administrative et commerciale, qui témoigne que lors d’une formation sur LinkedIn à laquelle participaient le 21 avril 2017 les équipes des agences de [Localité 6] et de [Localité 7] et leur manager, le profil de la page Camera Protect a été pris en exemple et que, en 2016, M. [X] a demandé à M. [K] de lui prêter sa camionnette Camera Protect pour déménager son jet ski.

L’attestation de M. [X] a trait à la journée du 21 juin 2017 et au débrief réalisé avec M. [E] le 26 juin 2017. Le directeur régional indique qu’il s’est présenté le 21 juin au bureau de [Localité 7] où M. [K] a été absent toute la matinée alors qu’un seul rendez-vous figurait dans son pilotage (avec l’annonceur l’Incroyable), deux autres ayant été ajoutés ensuite (Colval’kid et le Ripailleur) sans que M. [K] en ait fait état dans son débrief de la semaine. S’agissant de ce débrief, il rapporte des déclarations de M. [K] qu’il décrit comme incohérentes. Il indique que M. [K] a déclaré d’abord avoir fait les R1 et R2 par téléphone, n’avoir pas de brief correspondant au R1 et avoir envoyé par mail le dossier [S] correspondant au R2 et qu’il avait passé sa matinée au bureau, qu’il aurait eu un RDV téléphonique avec la Cité des Congrès et aurait envoyé le mail pour le [S] à l’Incroyable, qu’invité à transférer ce mail il a ensuite déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un mail mais d’un sms, que le mail envoyé à M. [E] sur l’Univers du Jeu n’est pas un transfert du mail adressé à la Cité des Congrés, qu’enfin, concernant sa matinée, le salarié a finalement déclaré avoir eu un rendez-vous chez Place Ô Saveurs (restaurant de sa conjointe) jusqu’à 10 heures et ne pas se rappeler ce qu’il avait fait ensuite.

M. [K] conteste tout manquement et fait valoir que son travail implique un démarchage important duquel découlent des absences répétées du bureau. L’existence de contacts prétendument imaginaires ou douteux de M. [K] avec l’Incroyable, Colval’kid, le Ripailleur, la Cité des Congrès n’est corroborée par aucun élément objectif. La page du logiciel de travail «pilotage» affichant l’activité commerciale déclarée par le salarié pour la période considérée n’est pas produite et M. [X] ne rapporte pas s’être rapproché des prospects ou client cités pour tenter de vérifier les dires du salarié. Pour sa part, M. [K] produit plusieurs attestations de clients, dont celle du Ripailleur, qui louent la qualité de son travail et de son suivi et datent de la reprise de leur dossier par le responsable de [Localité 6] en 2016 ou du licenciement de M. [K] en juillet 2017 la fin de leurs relations avec NRJ.

Alors que la lettre de licenciement fait état du constat par les collègues de M. [K] de ses absences, de son désintérêt pour l’entreprise et du fait qu’il aurait découvert tardivement la présence d’un stagiaire sur le site, il n’est produit aucun élément en ce sens.

M. [N], dirigeant du Bar à Pâtes, a écrit à M. [E] le 11 avril 2017 que M. [K] avait installé un système de vidéosurveillance dans son établissement et M. [E] atteste que lors d’un déjeuner avec M. [W] le 13 juin 2017, il a appris qu’à l’occasion d’un rendez-vous de ce dernier avec M. [K] le 28 février dernier, le salarié, après avoir parlé de la communication, avait directement enchainé sur le sujet des caméras de vidéosurveillance.

M. [K] conteste avoir conclu un contrat au profit de sa société pendant son temps de travail pour la société Régie Networks. Il fait observer que le courrier de M. [N] a manifestement été sollicité puisqu’il se conclut étonnamment par l’indication que son auteur espérait aider la société Régie Networks «dans la prise de décision concernant Monsieur [Z] [K]». Il ajoute que le mail adressé à M. [N] pour l’installation de sa vidéosurveillance a été adressé un samedi et produit des mails à l’appui de ses dires, au sujet desquels la société Régie Networks ne fait pas d’observation. Au demeurant, le courrier de M. [N] ne comporte pas de précision sur le contexte dans lequel s’est nouée la relation entre son entreprise et celle de la société Régie Networks et sur le jour d’installation du système de vidéosurveillance.

Enfin, les propos de M. [W] rapportés par M. [E] sont contredits par le témoignage de cette personne. M. [W] atteste que le rendez-vous avec M. [K] dans le cadre de la stratégie de communication de Big IV s’est conclu par la signature d’un contrat de communication, que la société a également fait appel aux services de M. [K] pour l’installation de la vidéo surveillance et que les différents rendez-vous et installations ont eu lieu en dehors des rendez-vous concernant NRJ.

Il n’est donc pas démontré que M. [K] a profité de ses rendez-vous avec les prospects ou clients de la société Régie Networks pour proposer les services et produits de sa société et développer son activité de vidéo surveillance.

La société Régie Networks ne produit aucun élément à l’appui de l’affirmation contenue dans la lettre de licenciement que les clients et prospects visités par M. [K] pour NRJ apparaissent peu après sur son site internet comme étant des clients de son entreprise.

En définitive, il n’est pas établi avec certitude que les moins bons résultats de M. [K] en 2017 résultent d’un comportement fautif de sa part dans la conduite de son activité commerciale et que le salarié ait fait preuve de déloyauté en travaillant au développement de sa propre société pendant le temps où il était censé travailler pour la société Régie Networks.

Les derniers griefs, qui ne sont d’ailleurs pas soutenus par la société Régie Networks dans ses conclusions, reposent sur le courrier du 11 avril 2017 de M. [N]. Ce dernier indique qu’alors que début 2016 M. [K] l’avait assuré que la plage horaire suivant la météo du matin serait réservée à la diffusion d’une publicité pour son établissement début 2017, il a découvert que la place était prise par «Place Ô Saveurs», qu’à la suite de cela il n’a plus voulu traiter avec M. [K] mais avec M. [E] mais que M. [K] a ensuite critiqué l’abonnement publicitaire conclu avec M. [E] en expliquant que le meilleur créneau horaire pour la diffusion d’un spot publicitaire est le matin.

M. [K] répond sans être contesté que la plage initialement réservée à M. [N] a été donnée à une autre enseigne parce qu’il n’avait pas réglé sa facture auprès de la société Régie Networks. Il ne s’explique pas sur ses propos critiques envers l’abonnement publicitaire vendu par M. [E] à M. [N]. Toutefois, cet élément, connu de M. [E] depuis le mois d’avril, ne justifie pas la rupture du contrat de travail.

Le jugement sera donc infirmé et le licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Il n’existe aucune contestation sur le montant du rappel de salaire et de congés payés consécutif à la mise à pied conservatoire devenue sans fondement et sur le montant de l’indemnité de licenciement dont l’intimée ne conteste que le principe. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Nonobstant son licenciement pour faute grave, M. [K] a perçu l’indemnité compensatrice de préavis pour 9 818,84 euros, celle-ci n’étant exclue par la convention collective qu’en cas de faute lourde. La société Régie Networks demande l’infirmation du jugement qui a accordé des congés payés sur préavis. Elle indique que cette somme a également été payée sur le bulletin de salaire de juillet 2017, qui mentionne le versement d’une indemnité compensatrice de congés payés de 4 018,65 euros. Tout en demandant la confirmation du jugement, M. [K] ne conteste pas que l’indemnité compensatrice de congés payés qui lui a été payée englobe les congés payés se rapportant à l’indemnité compensatrice de préavis. Le jugement sera infirmé de ce chef.

M. [K] était âgé de 29 ans et bénéficiait d’une ancienneté de 7 ans dans l’entreprise lors de la rupture de son contrat de travail. Sa rémunération brute mensuelle s’élevait à 3 272,93 euros. Il ne démontre pas l’existence d’un préjudice résultant de la perte de son emploi lui permettant de solliciter une indemnité d’un montant supérieur à celui prévu par l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version alors en vigueur. Il convient de lui allouer la somme de 19 637,58 euros.

Les conditions de l’article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement par la société Régie Networks des éventuelles indemnités de chômage versées à M. [K] à hauteur de six mois d’indemnités.

Sur les frais irrépétibles

Il convient de confirmer le jugement du chef de ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Régie Networks à verser à M. [K] la somme complémentaire de 1 200 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Régie Networks à verser à M. [Z] [K] la somme de 19 637,58 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Déboute M. [Z] [K] de sa demande au titre des congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis.

Ordonne le remboursement par la société Régie Networks au profit du Pôle Emploi des éventuelles indemnités de chômage versées à M. [Z] [K] du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent arrêt à hauteur de six mois d’indemnités.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris.

Condamne la société Régie Networks à verser à M. [Z] [K] la somme complémentaire de 1 200 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.

Condamne la société Régie Networks aux dépens.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK

 


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