Démarchage Téléphonique : décision du 22 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/16421

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Démarchage Téléphonique : décision du 22 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/16421

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/280

Rôle N° RG 19/16421 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFB67

SARL HACH TEL

C/

SAS DIGITAL SOLUTIONS PROD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Anaïs BARUSTA

Me Sophie SAVAÏDES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 26 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2018F02652.

APPELANTE

SARL HACH TEL, prise en la personne de son gérant,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Anaïs BARUSTA, avocat au barreau de NICE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS DIGITAL SOLUTIONS PROD, prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Sophie SAVAÏDES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 24 Mai 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre, magistrat rapporteur

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon bon de commande signé le 17 janvier 2018, la SAS Digital Prod a mis à la disposition de la SAS Hach Tel 100 numéros téléphoniques surtaxés pour les besoins de son activité, la réalisation de jeux concours.

Par courriel du 25 janvier 2018, la SAS Digital Prod a notifié à la SAS Hach Tel des signalements graves de pratiques commerciales trompeuses effectuées à partir de ces numéros et par courrier recommandé du 8 février 2018, la SAS Digital Prod a notifié à la SAS Hach Tel la coupure de l’accès auxdits numéros et la suspension des reversements.

La SAS Hach Tel a contesté les motifs de la suspension par courrier recommandé du 5 mars 2018.

La rupture contractuelle pour manquements graves a été notifiée à la SAS Hach Tel par courrier recommandé du 21 mars 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 mai 2018, la SAS Hach Tel a mis la SAS Digital Prod en demeure de régler la somme de 28 735,70 euros TTC au titre de deux factures des 5 février et 5 mars 2018.

N’ayant pas été réglée, elle a fait assigner la SAS Digital Prod devant le tribunal de commerce de Marseille, lequel a, par jugement du 26 septembre 2019 :

– débouté la SARL Hach Tel de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– débouté la SAS Digital Solutions Prod de ses demandes reconventionnelles ;

– condamné la SARL Hach Tel à payer à la SAS Digital Solutions Prod la somme de 2 000 € (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles occasionnés par la procédure ;

– conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, laissé les dépens à la charge de la SARL Hach Tel ;

– rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement.

La SARL Hach Tel a interjeté appel par déclaration du 23 octobre 2019.

Par conclusions du 27 mars 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SARL Hach Tel demande à la cour de :

– réformer le jugement rendu le 26 septembre 2019 par le tribunal de commerce de Marseille,

à titre liminaire,

– constatant que les premiers juges ont motivé leur décision en faisant application de l’article 8 des CGV,

– constatant qu’elle ne rapporte pas la preuve de l’absence de reversements par l’opérateur Telecom pour les numéros exploités par la SARL Hach Tel,

– faire injonction à la société Digital Solutions Prod de justifier de l’absence de reversements des 100 numéros attribués et exploités par la société Hach Tel pour la période janvier et février 2018, sous astreinte de 100 euros de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

à titre principal,

– constatant que les conditions générales de vente utilisée à l’appui du jugement sont antérieures au bon de commande du 17 janvier 2018 et concernent une société Remmedia, extérieure à la relation contractuelle entre les parties à la procédure,

– constatant que la société Digital Solutions Prod a annulé le premier bon de commande du 5 janvier 2018 et a transmis un second bon de commande venu annuler le premier le 16 janvier 2018, sans transmettre les conditions générales et recommandations déontologiques correspondantes en annexes,

– constatant que la société Hach Tel a signé ledit bon de commande du 17 janvier 2018,

– dire que les conditions mentionnées dans des documents contractuels afférents à un autre contrat ne sont pas applicable à l’ensemble des contrats. Dire que chaque contrat devait avoir ses propres conditions générales

– dire que les conditions générales de vente signées le 5 janvier 2018 et relatives à un bon de commande signé le 5 janvier 2018 sont inapplicables à un bon de commande du 17 janvier 2018,

– dire que les clauses contenues sont inopposables et inapplicables à la société Hach Tel et rejeter l’ensemble des arguments adverses relatifs à l’application de ces dispositions inopposables,

à titre subsidiaire,

– réformer le jugement en ce qu’il a considéré la résiliation comme non abusive et non disproportionnée en se référant aux clauses contenues dans les conditions générales de vente inopposables à la concluante

en tout état de cause,

– constatant le non-paiement des factures de la SARL Hach Tel

– dire et juger que la société Digital Solutions Prod devra reverser les sommes liées à l’exploitation des 100 numéros à Hach Tel sur la période de janvier et février 2018,

– dire et juger que la résiliation du contrat est injustifiée, disproportionnée et faire droit à la demande de dommages et intérêts de la société Hach Tel,

– dire et juger que la résiliation n’a d’effet que pour l’avenir, faire droit à la demande de paiement de la requérante pour l’exploitation des 100 numéros sur la période de janvier et février 2018 ainsi composée :

– facture n°1 d’un montant de 4.367,40 € TTC

– facture n°2 d’un montant de 24.368,30 € TTC

– dire et juger que la mauvaise foi de la société Digital Solutions Prod est caractérisée,

– dire et juger que le défaut de paiement a causé un préjudice certain à la SARL Hach Tel, qui après avoir exploité les numéros, s’est vue privée de la trésorerie qu’elle était en droit de recevoir,

– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Digital Solutions Prod,

en conséquence,

– condamner la société Digital Solutions Prod à payer à Hach Tel la somme de 28.735,70 € TTC assortie du taux d’intérêt légal et au paiement de 3.000 € de dommages et intérêts pour inexécution de ses engagements contractuels. Et la condamner à une somme de 2.000 € au titre de la résistance à ne pas payer, autant injustifiée qu’abusive. La condamner également à la somme de 1.000 € en raison de ses man’uvres dolosives,

– rejeter toute demande reconventionnelle de la société Digital Solutions Prod,

– condamner la société Digital Solutions Prod à payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de la procédure.

Par conclusions du 25 mai 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SAS Digital Prod demande à la cour de :

– recevoir la société Digital Solutions Prod en ses demandes fins et prétentions ;

– dire et juger que les conditions générales de vente et annexes ont été portées à la connaissance de la société Hach Tel et acceptées par cette dernière ;

– dire et juger que l’ensemble des clauses des conditions générales de vente sont valables ;

– dire et juger en conséquence que les conditions générales sont applicables à l’espèce et confirmer le jugement du 26 septembre 2019 ;

– dire et juger que les signalements notifiés à Hach Tel démontrant l’existence d’une pratique interdite de démarchage téléphonique sous la forme de spams vocal et SMS incitant à appeler des numéros surtaxés sont constitutifs d’un trafic anormal sur les numéros attribués à cette dernière au sens des conditions générales de vente applicables entre les parties ;

– dire et juger que ces agissements sont constitutifs d’un trafic anormal ;

– dire et juger que conformément aux dispositions de l’article 8 des CGV les coupures de numéros, suspension des reversements puis la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Hach Tel en l’état du trafic anormal constaté et avéré constituent la stricte application du contrat ;

– dire et juger que la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Hach Tel est dès lors fondée ;

– dire et juger qu’en application du contrat, en cas de résiliation prononcée aux torts exclusifs du client, aucun reversement n’est dû ;

en conséquence :

– confirmer le jugement du 26 septembre 2019 et débouter la société Hach Tel de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions en cause d’appel ;

à titre d’appel incident

– réformer le jugement du 26 septembre 2019 et :

– dire et juger que les agissements particulièrement frauduleux et fautifs de la société Hach Tel ont causé un préjudice commercial à la société Digital Solutions Prod qui a perdu les gains escomptés sur au moins une année de ce contrat ;

– dire et juger qu’en l’état de la gravité des agissements de Hach Tel, Digital Solutions Prod a subi un préjudice d’image et de réputation grave dans un domaine d’activité particulièrement sensible ;

en conséquence :

– condamner la société Hach Tel au paiement de la somme de 30 000 € à titre de réparation du préjudice commercial ;

– condamner la société Hach Tel au paiement de la somme de 10 000€ à titre de réparation du préjudice d’image et de réputation ;

en toutes hypothèses

– condamner Hach Tel au paiement de la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

La SARL Hach Tel soutient que c’est à tort que les premiers juges ont considéré que les conditions générales de vente lui étaient applicables alors que le bon de commande du 17 janvier 2018, annulant le précédent du 5 janvier 2018 n’était pas accompagné des conditions générales de vente ni des recommandations déontologiques. Elle en déduit que celles signées le 5 janvier 2018 ne lui sont pas opposables et ajoute qu’en outre lesdites conditions générales comportaient le nom d’une société tierce. Elle maintient sa demande de production de pièces que les premiers juges ont rejetée à tort, la pièce produite par l’intimée ne faisant état que de la suspension des numéros et non des reversements.

Subsidiairement, elle fait valoir que l’article 8 des conditions générales de vente a un caractère potestatif, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges et que le prononcé de la résiliation du contrat à ses torts exclusifs n’est pas justifié et présente un caractère disproportionné. Elle précise à l’appui de sa demande en paiement, que la résiliation ne joue que pour l’avenir et qu’elle est donc fondée à réclamer le paiement des sommes dues avant la résiliation.

La SAS Digital Prod réplique que les conditions générales de vente sont opposables, signées par l’appelante, que le contrat liant les parties est composé du bon de commande, des conditions générales de vente et des recommandations déontologiques, formant un tout, de sorte que la modification du bon de commande le 17 janvier 2018, qui ne constitue que les conditions particulières de ce contrat, n’invalide pas les documents signés préalablement. Elle rappelle que des manquements graves et répétés ont été signalés par l’opérateur collecteur, lequel avait déjà procédé à la suspension des numéros, et que la résiliation aux torts exclusifs de la SARL Hach Tel est justifiée en raison de ces manquements graves constituant un trafic anormal.

– Sur l’opposabilité des conditions générales de vente et la résiliation du contrat :

La lecture des pièces montre, comme le soutient la SAS Digital Prod, que le contrat est constitué de trois documents formant un tout : le bon de commande constituant les conditions particulières, les conditions générales de vente et les recommandations déontologiques.

La seule modification des conditions particulières, intervenue le 17 janvier 2018, sous la forme d’un bon de commande annulant et remplaçant celui du 5 janvier 2018, n’a donc pas pour effet de rendre caduc l’ensemble du contrat.

Etant rappelé que l’appelante a signé les conditions générales de vente et les recommandations déontologiques, celles-ci lui sont pleinement opposables comme l’a exactement énoncé le tribunal de commerce de Marseille.

C’est avec une particulière mauvaise foi que la SARL Hach Tel se prévaut de la mention d’une société « Remmedia » dans les conditions générales de vente quand d’une part, ce nom ne figure qu’à deux endroits, dans l’article 1 définitions et l’article 16, alors que le nom du prestataire, la SAS Digital Prod, figure dans tous les autres articles, y compris dans l’article 8 litigieux régissant les conditions de la résiliation du contrat et que, d’autre part, le nom de Remmedia figure également sur le bon de commande du 17 janvier dont l’appelante revendique pourtant l’application.

Il ne s’agit à l’évidence, comme le souligne l’intimée, que d’une erreur de transcription, sans incidence sur la validité des conditions générales, signées par la SARL Hach Tel sans aucune observation ni contestation.

L’appelante excipe du caractère potestatif de l’article 8 des conditions générales sans toutefois en demander la nullité, mais échoue à démontrer qu’elle dépend de la seule volonté de la SAS Digital Prod puisque la résiliation est fondée sur les manquements du seul client à ses obligations contractuelles.

L’article 8 des conditions générales du contrat est par conséquent pleinement opposable et applicable en l’espèce.

Comme l’a souligné le tribunal de commerce de Marseille, les pièces produites montrent l’existence de signalements d’appels anormaux par les clients aux opérateurs (tiers au contrat), constitutifs d’un trafic anormal au sens du contrat, et répercutés à la SAS Digital Prod.

Sous forme de Spam vocaux et de pratiques commerciales agressives, ces signalements ont conduit l’opérateur tiers, concomitamment au courrier de mise en demeure du 8 février 2018 émanant de la SAS Digital Prod, à suspendre toute utilisation des numéros attribués à la SARL Hach Tel laquelle ne justifie pas d’une activité réelle de jeu-concours ainsi qu’elle l’avait déclaré lors de la conclusion du contrat.

C’est à raison que les premiers juges ont énoncé que la production par l’appelante d’un règlement de jeu concours et d’un procès-verbal de constat d’huissier attestant de son dépôt en l’étude, était totalement insuffisante à démontrer une activité réelle alors que la SARL Hach Tel ne justifie pas par exemple des appels reçus ou des cadeaux distribués aux participants.

Les signalements recueillis par les opérateurs contreviennent directement aux dispositions d’ordre public du Code de la consommation, rappelées dans les obligations déontologiques, et fondent à juste titre la résiliation intervenue aux torts de la SARL Hach Tel.

L’article 8 des conditions générales prévoit qu’en cas de résiliation du contrat aux torts du client, celui-ci perd définitivement tout droit à quelques reversements que ce soit si l’exploitation du ou des numéros relève d’un trafic anormal.

Or la résiliation a été prononcée précisément pour ce motif ce qui rend sans objet la demande de production de pièces, justement rejetée par le tribunal de commerce de Marseille, et conduit au rejet des demandes en paiement de la SARL Hach Tel.

Le jugement est confirmé sur ces points.

– Sur l’appel incident :

Force est de constater que la SAS Digital Prod ne produit pas plus devant la cour que devant le tribunal de commerce de Marseille de pièces susceptibles de justifier les préjudices qu’elle invoque. Le lien figurant dans ses conclusions ne mène qu’au site de la DGCCRF qui fait effectivement état d’agissements frauduleux tels que ceux reprochés à la SARL Hach Tel et de contrôles opérés sur les intermédiaires, mais aucune des sociétés n’est citée.

Ainsi, ni le préjudice commercial, ni le préjudice d’image et de réputation ne sont démontrés et le jugement déféré est confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 26 septembre 2019,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SARL Hach Tel à payer à la SAS Digital Prod la somme de quatre mille cinq cents euros,

Condamne la SARL Hach Tel aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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