Démarchage Téléphonique : décision du 21 juin 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/00762

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Démarchage Téléphonique : décision du 21 juin 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/00762

ARRÊT N°

JFL/LZ

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 21 JUIN 2022

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 17 mai 2022

N° de rôle : N° RG 21/00762 – N° Portalis DBVG-V-B7F-ELYD

S/appel d’une décision du TRIBUNAL DE PROXIMITE DE DOLE en date du 04 mars 2021 [RG N° 11-20-136]

Code affaire : 50A Demande en nullité de la vente ou d’une clause de la vente

S.A.S. CAP OUVERTURES C/ [B] [D], [N] [D]

PARTIES EN CAUSE :

S.A.S. CAP OUVERTURES

Sise 125, avenue du Maréchal Juin – 39100 DOLE

Représentée par Me Boris LASSAUGE de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau de JURA

APPELANTE

ET :

Monsieur [B] [D]

né le 16 Septembre 1953 à BRIEY

de nationalité française, retraité, demeurant 13 Rue du Ruisselet – 08240 NOUART

Représenté par Me Brigitte EGLOFF, avocat au barreau de JURA

Madame [N] [D]

née le 11 Septembre 1959 à BALAISEAUX

de nationalité française, retraité, demeurant 13 Rue du Ruisselet – 08240 NOUART

Représentée par Me Brigitte EGLOFF, avocat au barreau de JURA

INTIMÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, magistrat rédacteur et Cédric SAUNIER, conseiller.

L’affaire, plaidée à l’audience du 17 mai 2022 a été mise en délibéré au 21 juin 2022. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties

M. [B] [D] et Mme [N] [M] épouse [D] (les consorts [D]) ont contacté la SAS Cap Ouvertures, (la société Cap Ouvertures) aux fins de changer les menuiseries extérieures de leur maison. Le gérant de la société Cap Ouvertures, M. [L], s’est transporté alors à leur domicile afin de prendre les cotes des ouvertures et chiffrer le coût des travaux. Le 22 février 2018, la société Cap Ouvertures a établi deux devis. Le 27 juin 2018, les consorts [D], a accepté le second devis d’un montant de 17 350 euros et, le même jour, a envoyé un chèque d’acompte d’un montant de 5 350 euros. Le devis contresignés par les parties prévoit un délai de réalisation des travaux de 8 semaines. Le 4 mars 2019, le chèque d’acompte a été encaissé.

Le 3 juin 2019, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception (LRAR), et par l’entremise de l’UFC Que Choisir, les consorts [D] ont mis en demeure la société Cap Ouvertures de rembourser l’acompte de 5 350 euros. Le 14 juin 2019, la société Cap Ouvertures a indiqué par LRAR être prête à réaliser les travaux sous réserve du règlement préalable et intégral du chantier. Le 2 juillet 2019, les consorts [D] ont avisé la société Cap Ouvertures de leur décision de se rétracter, d’annuler la commande et ont sollicité le remboursement de l’acompte. Le conciliateur a convoqué les consorts [D] et la société Cap Ouvertures le 22 juin 2020 mais a établi un constat d’échec de la conciliation.

Par exploit d’huissier délivré le 19 mai 2020, les consorts [D] ont assigné la société Cap Ouvertures devant le tribunal de proximité de Dole, lequel a, par jugement rendu le 4 mars 2021 :

condamné la société Cap Ouvertures à verser aux consorts [D] la somme de 5 350 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 3 juin 2019 ;

ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 19 mai 2020 ;

rejeté la demande en indemnisation des consorts [D] ;

rejeté la demande en exécution forcée de la société Cap Ouvertures ;

condamné la société Cap Ouvertures à verser aux consorts [D] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeté la demande de la société Cap Ouvertures au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejetéles plus amples demandes ;

condamné la société Cap Ouvertures aux dépens;

et rappelé que sa décision est exécutoire de plein droit.

Pour parvenir à cette décision, le premier juge a considéré que :

Concernant la résolution ;

Les consorts [D] se sont acquittés de leurs obligations et en particulier du versement d’un chèque d’acompte au jour de la signature du contrat ; considérant également qu’un délai de 8 semaines était établi par le contrat ; considérant que les travaux n’ont pas été réalisés près de 3 ans après souscription ; considérant que ce retard de livraison n’est pas imputable aux consorts [D] dans la mesure où la société Cap Ouvertures ne démontre pas que le décalage des travaux résulte de leur volonté ; considérant que les consorts [D] ont mis en demeure la société Cap Ouvertures, non pas d’exécuter les travaux mais de restituer l’acompte, sans que la société Cap Ouvertures n’essaie pour autant d’exécuter les travaux sollicitant le versement complet du prix ; le tribunal de proximité de Dole en déduit que la société Cap Ouvertures n’a pas respecté son obligation contractuelle de livraison dans le délai prévu au contrat, de sorte qu’elle a commis une faute de nature à justifier la résolution du contrat.

Concernant la capitalisation des intérêts ;

Dans la mesure où celle-ci est de droit lorsqu’elle est sollicitée en application de l’article 1343-2 du code civil, elle devait être ordonnée à compter du 19 mai 2020, date de l’assignation.

Concernant la demande reconventionnelle en exécution forcée ;

Elle est sans objet en raison de la résolution du contrat.

Par déclaration parvenue au greffe le 30 avril 2021, la société Cap Ouvertures a relevé appel de l’entier jugement excepté en ce qu’il rejetait la demande d’indemnisation des consorts [D].

Dans ses dernières conclusions transmises le 26 juillet 2021, la société Cap Ouvertures demande à la cour de réformer le jugement en ce qu’il :

condamne la société Cap Ouvertures à verser aux consorts [D] la somme de 5 350 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 3 juin 2019 ;

ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 19 mai 2020 ;

rejette la demande en exécution forcée de La société Cap Ouvertures ;

condamne la société Cap Ouvertures à verser aux consorts [D] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejette la demande de la société Cap Ouvertures au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejette les plus amples demandes ;

condamne la société Cap Ouvertures aux dépens;

et demande à la cour d’appel de :

dire que le contrat liant les consort [D] à la société Cap Ouvertures à force obligatoire

débouter les consorts [D] de l’intégralité de leurs demandes ;

condamner les consorts [D], au besoin sous astreinte comminatoire, à mettre en mesure la société la société Cap Ouvertures d’exécuter le contrat : en proposant plusieurs plannings d’exécution des travaux et en lui permettant d’accéder au chantier pour exécuter ses prestations ;

condamner les consorts [D] à payer à la société Cap Ouvertures la somme de 17 350 euros ;

condamner les consorts [D] à payer à la société Cap Ouvertures la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner les consorts [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

A l’appui de ses demandes, la société Cap Ouvertures fait d’abord valoir que le contrat n’encourt aucune résolution, que ce soit sur le fondement d’une inexécution ou d’un droit de rétractation et plus particulièremnet que :

Les deux hypothèses de résolution pour inexécution du contrat, prévues à l’article L. 216-2 du code de la consommation sont inapplicables à l’espèce. La première hypothèse implique que le consommateur ait mis en demeure le professionnel de s’exécuter dans un délai supplémentaire raisonnable, que le professionnel ne se soit pas exécuté dans le délai nouvellement imparti et que le consommateur ait enfin envoyé un écrit l’informant de la résolution du contrat. Tel n’est pas le cas d’espèce, la formalité de mise en demeure d’exécuter le contrat n’étant pas acquise, car elle ne concerne que le remboursement de l’acompte. La seconde hypothèse de résolution n’implique pas de mise en demeure mais suppose que le professionnel refuse de s’exécuter dans le délai imparti alors que le-dit délai a été érigé en condition essentielle du contrat, laquelle résulte des circonstances qui entourent la conclusion du contrat ou d’une demande expresse du consommateur avant la conclusion du contrat. Or en l’espèce le délai n’était pas une condition essentielle de l’engagement des consorts [D] qui n’avaient mentionné aucune urgence à réaliser les travaux, comme le démontre le fait qu’il ont attendu 4 mois avant de régulariser le devis. Ils n’avaient pas davantage formulé de demande expresse visant à ériger le délai en condition essentielle. Au surplus, la société Cap Ouvertures n’a pas refusé de s’exécuter, comme en atteste sa demande d’exécution forcée, et à plus forte raison qu’elle avait déjà acquis les menuiseries nécessaires à la réalisation des travaux.

L’article L. 221-18 du code de la consommation prévoit une faculté de résolution unilatérale pour les contrats conclus hors établissement ou à distance au sens de l’article L. 221-1 du code de la consommation. Le contrat conclu entre la société Cap Ouvertures et les consorts [D] ne peut être qualifié comme tel. Il est évident que le contrat n’a pas été conclu à distance au sens de l’article L. 221-1, 1° du même code. Il n’a pas davantage été conclu hors établissement au sens de l’article L. 221-1, 2°, a, du même code en ce qu’il n’a pas été conclu au domicile des consorts [D] en présence de la société Cap Ouvertures mais a été conclu au siège social de Cap Ouvertures les jours qui ont suivis le 27 juin 2018. Etant précisé que le lieu de conclusion du contrat est déterminé en application de l’article 1110 du code civil comme étant celui où parvient l’offre. Le contrat conclu entre La société Cap Ouvertures et les consorts [D] n’est pas davantage un contrat hors établissement au sens de l’article L. 221-1, 2°, b, du même code en ce qu’il n’a pas été immédiatement conclu après que le consommateur ait été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes. En effet, ce sont les consorts [D] qui ont sollicité La société Cap Ouvertures et pas l’inverse. Au surplus, la conclusion du contrat n’a pas été immédiate.

A supposer que la faculté de rétractation existe, celle-ci ne serait pas applicable en l’espèce. Ainsi, en application de l’article L. 221-28, 3°, du code de la consommation, le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, ce qui est le cas. Or, la commande a supposé la mesure des cotes des ouvertures existantes et les menuiseries ne sont pas standardisées. La majorité des fenêtres sont posées sur des dormants existants auxquels elles doivent donc s’adapter ; en comparant les dimensions des menuiseries commandées par les consorts [D] figurant sur le devis à la grille des mesures standards fournie par les consorts [D], on constate que les menuiseries commandées pour les consorts [D] ne sont en rien standards, les menuiseries étant alors constitutives de sur-mesure ; la couleur de l’intérieur des fenêtres n’est pas un blanc standard selon les spécifications des consorts [D].

La société Cap Ouvertures fait encore valoir que le contrat, qui n’a pas pu être résolu sur le fondement de l’inexécution ou de la faculté de rétractation, est valable et revêt force obligatoire, ce dont elle infère qu’elle est fondée à solliciter le paiement du prix du contrat soit 17 350 euros à défaut de l’exécution forcée des travaux.

Subsidiairement, à supposer que le contrat soit considéré comme résilié, elle soutient que les consorts [D] doivent être condamnés à lui payer le prix du contrat en application de l’article 1794 du code civil, selon lequel ‘Le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l’ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l’entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise’.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 3 septembre 2021, les consorts [D] demandent à la cour de :

déclarer l’appel de la société Cap Ouvertures mal fondé ;

débouter l’appel de la société Cap Ouvertures ;

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

de condamner la société Cap Ouvertures au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à tous les dépens dont distraction au profit des avocats de la cause.

Les consorts [D] font valoir que :

La demande de paiement intégral anticipée était abusive et injustifiée. Les consorts soulignent par ailleurs que les allégations suivantes de la société Cap Ouvertures sont infondées : la proposition de commander immédiatement les huisseries et de les stocker jusqu’au printemps 2019 ; que les consorts [D] ont refusé la pose en mars 2019, que le chèque d’acompte a été encaissé pour couvrir les frais de commande ; que la société Cap Ouvertures a réitéré sa proposition de procéder à la pose ce que les consorts [D] auraient refusé ; que les fenêtres étaient commandées et à disposition depuis juin 2018.

Les menuiseries commandées n’étaient pas des biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés au sens de l’article L.221-28, 3°, du code de la consommation. En effet, les consorts [D] considèrent à titre liminaire qu’il n’est pas établi que les dites menuiseries aient été fabriquées, commandées ou livrées ; ensuite, les consort [D] considèrent que des fenêtres en PVC blanc ne sont pas spécifiques ; que la nécessité de prendre les mesures des cotes des ouvertures ne détermine pas à elle seule que les fenêtres seront à confectionner selon des spécifications particulières ; que les dimensions ne sont pas en elles-mêmes un critère de spécification comme en atteste la disponibilités de multiples dimensions sur des sites de vente dans la catégorie standard ; qu’inversement la spécificité peut résulter de la forme ou des sens d’ouvertures ; que les spécifications génèrent habituellement une majoration des tarifs ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

En application de l’article L. 216-2 du même code, le contrat peut être résolu si le professionnel refuse de livrer et si le délai était une condition essentielle du consentement. Or, ce délai était une condition essentielle de leur engagement car correspondant à l’attente des intimés. De plus, la société Cap Ouverture a refusé de s’exécuter si on considère qu’elle a été contactée à plusieurs reprises, par téléphone et par deux courriers du 2 juin et du 2 juillet 2020 et que sa seule la seule réponse a été de solliciter le versement intégral du prix.

Enfin la société Cap Ouvertures sollicite une indemnisation de l’entrepreneur sur le fondement de l’article 1794 du code civil qui prévoit, en cas de résiliation par le maître d’ouvrage, quoique l’ouvrage soit déjà commencé. Or les travaux de pose n’ont jamais commencé et l’entrepreneur ne démontre aucune dépense, travaux, pas plus que ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 avril 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 17 mai 2022 et mise en délibéré au 21 juin.

En application de l’article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motifs

Sur la résolution du contrat sur le fondement de la faculté légale de rétractation de l’article L. 221-20 du code de la consommation ;

En application de l’article L.221-18 du code de la consommation, en matière de contrats conclus à distance et hors établissement, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25 du même code.

Par ailleurs, en vertu de l’article L.221-20 du même code, lorsque les informations relatives au droit de rétractation n’ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l’article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l’article L. 221-18 du même code.

Enfin, en application de l’article L.221-1 du même code en sa version applicable à la cause, sont considérés comme des contrats à distance : tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat. Sont considérés comme des contrats conclus hors établissement : tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur : a) Dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur ; b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d’une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ; c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur.

En l’espèce, le contrat conclu entre la société Cap Ouvertures et les consorts [D] n’est pas un contrat à distance, lequel implique le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat et alors que les parties se sont rencontrées en amont de la conclusion du contrat au domicile des consorts [D].

De même le contrat considéré n’est pas un contrat conclu hors établissement au sens de l’article L.221-1, a, du code de la consommation, lequel implique notamment d’être conclu dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties. Le contrat s’est formé en l’absence des consorts [D] lors de la réception par la société Cap Ouvertures du devis du 27 juin 2018, en son siège social et donc dans le lieu où la société Cap Ouvertures exerce son activité. En outre, et pour les mêmes raisons, le contrat ne s’est pas formé en la présence physique simultanée des parties. La circonstance selon laquelle les consorts [D] ont sollicité la société Cap Ouvertures est inopérante.

Pareillement, le contrat considéré n’est pas un contrat conclu hors établissement au sens de l’article L.221-1, b, du code de la consommation, lequel implique notamment la conclusion immédiate du contrat après sollicitation personnelle et individuelle du consommateur alors que ce sont les consorts [D] qui ont sollicité la société Cap Ouvertures et que la conclusion du contrat a été effectuée plusieurs mois après la sollicitation.

Enfin et également, le contrat considéré n’est pas un contrat conclu hors établissement au sens de l’article L.221-1, c, du code de la consommation, lequel envisage l’hypothèse d’une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur alors qu’aucune excursion n’a été organisée.

Dont on déduit que le contrat conclu entre la société Cap Ouvertures et les consorts [D] n’est ni un contrat à distance, ni un contrat hors établissement.

Par conséquent, la faculté de rétractation offerte par l’article L. 221-20 du code de la consommation ne trouve pas à s’appliquer.

Dès lors, les consorts [D] n’ont pu valablement se rétracter.

Sur l’exception à la faculté de rétractation posée par L. 221-28, 3°, du code de la consommation ;

En application de l’article L. 221-28, 3°, du code de la consommation en sa version applicable à la cause, le droit de rétractation prévu par l’article de l’article L.221-18 du même code ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.

Le moyen doit être écarté sans qu’il soit utile de s’interroger sur le caractère de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés au sens de l’article L.221-28 du code de la consommation, le contrat considéré ne répondant pas à la qualification de contrat à distance ou hors établissement nécessaire à l’application de cet article.

Sur la résolution du contrat pour inexécution en application de l’article L.216-2, alinéa 1, du code la consommation ;

En application de l’article L.216-2, alinéa 1, du code la consommation, en sa version applicable à la cause, en cas de manquement du professionnel à son obligation de livraison du bien ou de fourniture du service à la date ou à l’expiration du délai prévus au premier alinéa de l’article L. 138-1 ou, à défaut, au plus tard trente jours après la conclusion du contrat, le consommateur peut résoudre le contrat, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par un écrit sur un autre support durable, si, après avoir enjoint, selon les mêmes modalités, le professionnel d’effectuer la livraison ou de fournir le service dans un délai supplémentaire raisonnable, ce dernier ne s’est pas exécuté dans ce délai.

Il résulte des dispositions précitées qu’à défaut de livraison des biens dans le délai imparti, le consommateur peut résoudre le contrat par lettre recommandée avec avis de réception sous réserve d’avoir enjoint le professionnel à s’exécuter dans un délai supplémentaire raisonnable en observant les mêmes formalités et après avoir constaté l’inexécution dan le délai nouvellement imparti.

En l’espèce, s’il est établi que la société Cap Ouvertures n’a pas respecté le délai de livraison initial de 8 semaines et ne s’est, à ce jour, pas exécuté, il n’est pas établi qu’elle a été mise en demeure d’effectuer la livraison. En effet, la mise en demeure nécessite un écrit. Or, seules deux lettres recommandées avec avis de réception sont parvenues à la société Cap Ouvertures, le 3 juin 2019 et le 2 juillet 2019, l’enjoignant respectivement à restituer l’acompte puis l’avisant de la décision des consorts [D] de se rétracter, d’annuler la commande et réitérant la demande le remboursement de l’acompte.

Dès lors, la résolution pour inexécution ne saurait prospérer sur ce fondement.

Sur la résolution du contrat pour inexécution en application de l’article L. 216-2, alinéa 3, du code la consommation ;

En application de l’article L. 216-2, alinéa 3, du code la consommation, le consommateur peut immédiatement résoudre le contrat lorsque le professionnel refuse de livrer le bien ou de fournir le service ou lorsqu’il n’exécute pas son obligation de livraison du bien ou de fourniture du service à la date ou à l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article L. 216-1 et que cette date ou ce délai constitue pour le consommateur une condition essentielle du contrat. Cette condition essentielle résulte des circonstances qui entourent la conclusion du contrat ou d’une demande expresse du consommateur avant la conclusion du contrat.

Il résulte des dispositions précitées que le consommateur peut immédiatement résoudre le contrat, sans mise en demeure préalable si le professionnel refuse de livrer le bien dans le délai imparti alors que le délai a été érigé en condition essentielle du contrat, laquelle résulte des circonstances de la conclusion du contrat ou d’une demande expresse du consommateur avant la conclusion du contrat.

En l’espèce, s’il est établi que la société Cap Ouvertures n’a pas livré les menuiseries dans le délai imparti de 8 semaines, il n’est pas établi que ce délai constituait une condition essentielle du contrat. En effet la circonstance selon laquelle ce délai correspondait à l’attente des parties, outre qu’elle n’est pas étayée, n’est pas suffisante à démontrer le caractère essentiel du délai. Les consorts [D] n’établissent pas davantage avoir formulé de demande expresse démontrant le caractère essentiel du délai de livraison.

Dès lors, la résolution pour inexécution ne saurait prospérer sur ce fondement.

Sur l’exécution forcée contrat ;

En application de l’article 1193 du code civil, les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.

Il résulte de cette disposition, de l’absence de consentement mutuel des parties pour mettre fin au contrat dans la mesure où la société Cap Ouvertures s’y oppose, ainsi que de l’absence de causes de résolution du contrat conclu entre la société Cap Ouvertures et les consorts [D] que celui-ci a conservé sa force obligatoire.

Par conséquent, la société Cap Ouvertures est fondée à obtenir le paiement du prix.

En revanche, si les consorts [D] peuvent être contraints à exécuter leur propre prestation, ils ne sauraient être contraints à recevoir celle de leur cocontractant, dont ils sont libres de se désintéresser. La circonstance selon laquelle les consorts [D] auraient cédé leur maison est inopérante, cette circonstance n’étant pas établie par la seule production d’une promesse de vente en date du 9 septembre 2020 dont les suites ne sont pas indiquées.

Le rejet de la demande de la société Cap Ouvertures tendant à contraindre ses clients à lui permettre d’exécuter la prestation promise, sera donc confirmé.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement rendu entre les parties le 4 mars 2021 par le tribunal de proximité de Dole, en ce qu’il a :

condamné la société Cap Ouvertures à verser aux consorts [D] la somme de 5 350 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 3 juin 2019 ;

ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 19 mai 2020 ;

condamné la société Cap Ouvertures à verser aux consorts [D] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeté la demande de la société Cap Ouvertures au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeté les plus amples demandes ;

condamné la société Cap Ouvertures aux dépens;

Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande en exécution forcée de la société Cap Ouvertures, par substitutions de motif ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne in solidum M. [B] [D] et Mme [N] [M] à payer à la SAS Cap Ouvertures la somme de 17 350 euros au titre du solde du prix ;

Déboute les consorts [D] de l’intégralité de leurs demandes ;

Les condamne in solidum aux dépens de première instance et d’appel ;

Les condamne in solidum à payer à la société Cap Ouvertures la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Jean-Francois Leveque, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.

Le greffier Le conseiller

 


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