Démarchage Téléphonique : décision du 15 novembre 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/00607

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Démarchage Téléphonique : décision du 15 novembre 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/00607

ARRET N°538

N° RG 21/00607 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GGNT

[X]

C/

[N]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00607 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GGNT

Décision déférée à la Cour : jugement du 02 décembre 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIORT.

APPELANTE :

Madame [Y] [X]

née le 14 Octobre 1988 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

ayant pour avocat Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

INTIME :

Monsieur [Z] [N] exerçant sous l’enseigne EDITIONS CONSEIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Emmanuelle GERARD, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

– Contradictoire

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS

Le 20 septembre 2018, Mme [X], naturopathe, signait électroniquement un bon de commande établi par M. [N] exerçant sous l’enseigne Editions Conseil portant sur l’achat d’une campagne publicitaire dans deux magazines du groupe Lafont Presse : Féminin Santé, Médecine Douce.

Le coût de la prestation s’élevait à 5200 euros, devait être réglé en 12 versements mensuels.

M. [N] envoyait à Mme [X] un bon à tirer le 11 octobre 2018, lui demandait de le vérifier et de le retourner avec la mention bon pour accord.

Le 18 octobre 2018, il envoyait la maquette par défaut, annonçait qu’elle serait publiée en l’état sauf avis contraire.

M. [N] a mis en demeure Mme [X] de payer les factures établies les 18 octobre, 6 novembre 2018 et 26 juin 2019, rappelé que le contrat excluait tout droit de rétractation.

Par acte du 17 septembre 2020, il a assigné Mme [X] devant le tribunal judiciaire de Niort aux fins de paiement de la somme de 5200 euros.

Mme [X] n’a pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 2 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Niort a condamné Mme [X] à verser à M. [N] la somme de 5800 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2019, l’a condamnée aux dépens et au paiement d’une indemnité de procédure.

Le premier juge a notamment retenu que :

Les parties ont conclu un contrat à distance portant sur la réalisation d’une campagne publicitaire destinée à promouvoir l’activité professionnelle de Mme [X].

L’encart publicitaire comportait des éléments personnalisés, reprenait les nom, prénom, profession, numéro de téléphone, adresse comme le démontre la maquette qui a été envoyée le 10 octobre 2018.

Mme [X] ne saurait se prévaloir d’un droit à rétractation.

Elle n’a pas réglé les sommes dues malgré plusieurs relances.

‘Editions Conseil’ a exécuté ses obligations, lui a transmis par mail le 20 septembre 2018 un bon à tirer pour la maquette de l’encart publicitaire, bon réalisé en fonction des éléments qu’elle avait fournis conformément à l’article 6 des conditions générales de vente.

Il lui a été demandé de retourner le bon à tirer signé avec la mention bon pour accord, précisé que les épreuves non retournées dans les 48 heures étaient considérées comme acceptées.

LA COUR

Vu l’appel en date du 24 février 2021 interjeté par Mme [X]

Vu l’article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 25 mai 2021, Mme [X] a présenté les demandes suivantes :

Dire et juger Mme [Y] [X] recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

-Réformer le jugement entrepris en ce que le Tribunal a :

-condamné Madame [Y] [X] à verser à Monsieur [Z] [N] la somme de 5.800 €, avec intérêts au taux légal à compter du 26 Juin 2019,

-prononcé la capitalisation des intérêts échus,

-condamné Madame [Y] [X] à verser à Monsieur [Z] [N] la somme de 800 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

-condamné Madame [Y] [X] aux entiers dépens,

Statuant à nouveau :

Vu les articles L 221-1, L 221-3, L 221-5, L 221-9, L 221-18, L 221-29 et L 242-1 du Code de la Consommation,

Dire et juger nul et de nul effet le contrat conclu hors établissement le 20 septembre 2018 entre Mme [Y] [X] et M. [Z] [N] exerçant à l’enseigne « EDITIONS CONSEIL »,

En conséquence,

-Débouter M. [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Si, par impossible, il devait être jugé que le contrat litigieux ne doit pas être frappé de l’unité,

alors la Cour de Céans, par application de l’article 462 alinéa 1 du CPC, rectifiera l’erreur matérielle affectant le jugement entrepris en ce qu’il est retenu la somme de 5 800 € dans le dispositif de la décision alors que, dans les motifs, il est retenu celle de 5 200 €,

-Le condamner au paiement de la somme de 2 500 € par application de l’article 700 du CPC,

-Le condamner également aux entiers frais et dépens, lesquels seront recouvrés par la SELARL LEXAVOUE POITIERS en vertu de l’article 699 du CPC.

A l’appui de ses prétentions, Mme [X] soutient en substance que :

-Le jugement est affecté d’une erreur matérielle. Le montant de la condamnation est de 5200 et non 5800 euros.

-Elle a fait l’objet d’un démarchage téléphonique.

-Le contrat litigieux a été conclu à distance et hors établissement.

-Il a été édité durant la conversation téléphonique, envoyé dans la foulée. Elle a fait l’objet d’un forcing commercial.

-La prestation proposée : une campagne publicitaire dans deux magazines est sans lien avec son activité professionnelle de naturopathe et de relaxologue.

-Elle bénéficiait d’une faculté de rétractation de 14 jours.

-Il s’agit d’une réglementation d’ordre public. Des sanctions civiles sont prévues.

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 20 juillet 2021 , M. [Z] [N] a présenté les demandes suivantes :

Vu le contrat

Vu les dispositions des articles 1103, 1240 du code civil, L221-28 du code de la consommation Vu le jugement dont appel

– Débouter Madame [Y] [X] de l’intégralité de ses demandes, fins, et conclusions,

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de NIORT du 2 décembre 2020,

Y ajoutant

– Condamner Madame [Y] [X] à payer à Monsieur [Z] [N] exerçant sous l’enseigne EDITIONS CONSEIL la somme de 2.000,00€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.

A l’appui de ses prétentions, M. [N] soutient en substance que :

-Mme [X] a été destinataire des conditions générales de vente, connaissait la portée de son engagement.

-Elle a régularisé le bon en le signant, après avoir pris connaissance des conditions.

-Ces conditions excluaient expressément tout droit à rétractation.

-La nullité du contrat n’est pas encourue.

-La qualité de professionnelle de Mme [X] exclut la faculté de rétractation.

Elle a souscrit le bon de commande dans le cadre de son activité professionnelle.

-L’article L.221-28 du code de la consommation dispose que le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats (…) 3° de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.

-Une prestation est sur mesure dès lors que sa revente à un autre client par le professionnel est impossible. En l’espèce, il s’agit de la conception d’une maquette personnalisée.

-Le contrat a été conclu dans le cadre de l’activité professionnelle.

-Il n’y a pas de droit de rétractation lorsque le contrat est signé à distance.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 29 août 2022 .

SUR CE

-sur la nullité du contrat

Mme [X] soutient que le contrat est nul au motif qu’il aurait dû prévoir une faculté de rétractation.

L’intimé le conteste et fait valoir, subsidiairement, que la sanction civile encourue n’est pas la nullité du contrat.

L’article L.121-21-8 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat dispose que le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats (…) 3° de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.

Les conditions générales de vente produites définissent les modalités selon lesquelles M. [N] commercialise à un Annonceur des insertions publicitaires personnalisées.

Elles indiquent notamment:

‘Le présent bon de commande vaut ordre d’insertion de la publicité personnalisée de l’Annonceur.

Tout bon de commande accepté et signé sera considéré comme ferme et définitif; aucune annulation ne sera prise en compte et aucun remboursement ne pourra être demandé.

Il ne pourra être résilié par l’Annonceur pour quelque cause que ce soit.

Editions Conseil tient à préciser que le droit de rétractation ne peut être exercé pour cette commande. ‘

Le bon vise les articles correspondants du code de la consommation.

Il est indiqué qu’un bon à tirer sera réalisé sur la base des éléments techniques fournis par l’Annonceur et sera soumis au client par courrier électronique, courrier postal ou télécopie à l’adresse figurant sur le présent bon de commande.

Il est de droit constant que le critère commun des exceptions au principe du droit de rétractation est l’impossibilité pour le professionnel de re-commercialiser auprès d’autres consommateurs la prestation concernée.

En l’espèce, Mme [X] a signé un contrat relatif à une campagne publicitaire, contrat dont l’objectif est de faire connaître, promouvoir son activité professionnelle de naturopathe.

Elle a donc agi en qualité de professionnelle.

Le contrat vise la diffusion, la promotion de son activité dans deux magazines dont le lectorat est susceptible d’être intéressé par son activité professionnelle

Il est, contrairement à ce qu’elle soutient, en relation directe, certaine avec son activité professionnelle.

La maquette ou bon à tirer est un bien confectionné répondant à des besoins spécifiques.

Elle ne peut à l’évidence faire l’objet d’une commercialisation auprès d’aucun autre professionnel, serait-il naturopathe, dans la mesure où elle a été fabriquée sur les instructions de Mme [X] et sur la base de données éminemment personnelles (nom, prénom, profession, adresse, numéro de téléphone ).

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le contrat litigieux excluait tout droit à rétractation.

Les sanctions encourues en la matière sont des sanctions administratives ou pénales (amendes), non la nullité du contrat.

-sur la demande de paiement

Les conditions générales de vente indiquent que le défaut de paiement d’une des échéances fixées entraînera l’exigibilité immédiate de la totalité de la créance et justifiera une pénalité égale à une fois et demi le taux d’intérêt légal en vigueur.

Le jugement sera donc confirmé sauf à rectifier l’erreur matérielle qui affecte le montant de la condamnation, le montant retenu dans le dispositif du jugement différant de celui demandé et retenu dans la motivation.

-sur les autres demandes

Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d’appel seront fixés à la charge de l’appelante.

Il est équitable de la condamner à payer à l’intimé la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

-confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné Mme [Y] [X] à verser à M. [Z] [N] la somme de 5.800 €, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2019

Statuant de nouveau :

-condamne Mme [Y] [X] à verser à M. [Z] [N] la somme de 5200 € avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2019

Y ajoutant :

-déboute les parties de leurs autres demandes

-condamne Mme [X] aux dépens d’appel

-condamne Mme [X] à payer à M. [N] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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