Démarchage Téléphonique : décision du 1 septembre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 19/04588

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Démarchage Téléphonique : décision du 1 septembre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 19/04588

N° RG 19/04588 – N° Portalis DBV2-V-B7D-IK76

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE DIEPPE du 31 Octobre 2019

APPELANTE :

SOCIETE ANONYME COOPERATIVE ARTISANALE A CAPITAL VARIABLE – COOPERE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON CELINE BART AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Christophe JOLLIVET, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMEE :

Madame [B] [J]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Jessy LEVY de la SELARL JESSY LEVY AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Claire BENSASSON, avocat au barreau de l’ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 28 Juin 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 28 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 01 Septembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 01 Septembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [B] [J] a été engagée par la société Coopéré en qualité de voyageur, représentant, placier par contrat de travail à durée indéterminée à compter 23 avril 2002.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention nationale interprofessionnelle des VRP du 3 octobre 1975.

Le licenciement pour faute grave a été notifié à la salariée le 29 juin 2018.

Par requête du 9 août 2018, Mme [B] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Dieppe en contestation de son licenciement et paiement d’indemnités.

Par jugement du 31 octobre 2019, le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement de Mme [B] [J] est sans cause réelle et sérieuse, constaté l’exécution déloyale du contrat de travail, condamné la société Coopéré à verser à Mme [B] [J] les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 403,28 euros ;

indemnité légale de licenciement : 7 906,78 euros ;

indemnité compensatrice de préavis : 5 201,64 euros ;

congés payés y afférents : 520,16 euros ;

dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 1733,88 euros ;

indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros

ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure.

La société Coopéré a interjeté appel le 26 novembre 2019.

Par conclusions remises le 13 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Coopéré demande à la cour de la recevoir en son appel, d’infirmer le jugement rendu et statuant à nouveau,

-juger le licenciement pour faute grave de Mme [B] [J] fondé et justifié ;

-juger que la loyauté de la société dans l’exécution du contrat de travail ne peut pas être remise en cause ;

-débouter Mme [B] [J] de l’ensemble de ses demandes, infondées et injustifiées,

-condamner Mme [B] [J] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais d’exécution.

Par conclusions remises le 24 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [B] [J] demande à la cour de :

-confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et constaté l’exécution déloyale du contrat de travail,

-l’infirmer sur le montant alloué au titre de l’indemnité légale de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail,

statuant à nouveau,

-condamner la société Coopéré à lui verser les sommes suivantes :

indemnité conventionnelle de licenciement : 5 895,19 euros ;

indemnité spéciale de rupture : 4 171,44 euros ;

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 34 677,60 euros ;

dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat : 13 871,04 euros ;

en tout état de cause, condamner la société Coopéré à lui verser les sommes suivantes :

paiement de la mise à pied conservatoire : 921,63 euros ;

congés payés afférents : 92,16 euros ;

indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 9 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu’elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail. L’article L.1235-1 du même code précise qu’à défaut d’accord, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il appartient à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, selon la lettre de licenciement pour faute grave du 29 juin 2018 qui fixe les limites du litige, il est reproché à Mme [B] [J] d’avoir :

– produit volontairement des faux rapports de visite dans le but de dissimuler son manque d’activité ;

-un non-respect des consignes ;

-une insuffisance de travail ;

-des résultats particulièrement dégradés.

La société Coopéré est une société à forme coopérative qui exerce une activité de vente aux artisans coiffeur, de matériel, d’équipements ainsi que des produits nécessaires à l’exercice de leur activité professionnelle.

Mme [B] [J] y est engagée depuis le 23 avril 2002 en qualité de voyageur représentant placier (V.R.P).

Il convient d’examiner successivement les griefs.

I – établissement de faux rapports

Il est reproché à Mme [B] [J] la production de faux rapports de visites, lesquels ont été établis volontairement dans le but de dissimuler un manque d’activité qui lui est imputable, en ce que sur 66 salons qu’elle a déclaré avoir visité entre les 15 mai et 31 mai 2018, 33 affirment n’avoir reçu aucune visite de sa part, ce en dépit des consignes auxquelles elle était soumise.

En application de l’article 12.1 du contrat de travail, la salariée était tenue quotidiennement de réaliser un compte-rendu détaillé des visites effectuées en précisant le nom et l’adresse des sociétaires et prospects.

En l’espèce, suite à la réalisation d’une enquête de satisfaction auprès d’un panel de sociétaires et de prospects tous confondus et l’obtention de résultats alarmants, l’employeur a mené une enquête approfondie sur les rapports de visite de la salariée, mission confiée à M. [W] [R] qui s’est livré à une analyse de la sincérité du rapport des visites de Mme [B] [J] pour la période allant du 15 mai au 31 mai 2018 en prenant contact avec les sociétaires et prospects pour lesquels une visite avait été déclarée.

Ces circonstances sont confirmées par un mail envoyé le 3 mai 2018, par lequel en prévision de l’assemblée générale de Coopéré du 25 juin 2018, Mme [N] [O] sollicitait des différents V.R.P une communication de ‘pouvoirs’ à faire remplir avec le cachet des salons sociétaires de Coopéré, les informant dans le même temps de l’organisation d’une enquête de satisfaction qui allait être menée afin de mesurer la mobilisation des sociétaires au sujet de cet événement.

La salariée met en cause la valeur probante du rapport qui certes ne comporte pas le nom des sociétaires et prospects, pour autant identifiables en ce qu’est précisé leur numéro d’identification.

Si la cour écarte des débats les attestations de Mme [A] [C] et de M. [Y] [E] compte tenu de la différence flagrante de signatures apposées sur les attestations qui leur sont attribuées par rapport à celles portées sur leur pièce d’identité, néanmoins, l’employeur produit aussi l’attestation de Mme [N] [O], responsable marketing, qui écrit le 25 janvier 2019 avoir sollicité, à la demande de la direction générale, M. [W] [R] pour qu’il réalise des appels sur le secteur 29 dévolu à Mme [B] [J], afin de déterminer si celle-ci présentait lors de ses visites, l’invitation à participer à l’assemblée générale de Coopéré prévue pour juin 2018, appels auxquels elle a assisté comme travaillant dans un open space, précisant également que M. [R] la tenait informée de ses investigations, elle-même procédant à l’information de la direction générale en sa qualité de responsable du service administration des ventes.

La réalité des investigations opérées ne peut être mise en cause du seul fait que le rapport de M. [R] a été adressé le 5 juin alors que la convocation à l’entretien préalable était adressée le 4 juin 2018, dès lors qu’il résulte des pièces produites par l’employeur que M. [R] a régulièrement fait un compte-rendu de ses diligences antérieurement à l’envoi de cette convocation établissant déjà la réalité du grief, ainsi que cela résulte entre autres du mail du 1er juin 2018 de M. [R] adressé à M.[H] l’informant qu’il avait procédé à 54 appels sur le secteur 29 et qu’il lui restait à faire les appels du 31 mai 2018 concernant 10 prospects et 2 sociétaires.

Dès lors, la seule circonstance que les conclusions du rapport d’investigation de M. [W] [R] aient été communiquées à la direction de manière concomitante à l’envoi du courrier d’entretien préalable au licenciement de Mme [B] [J] n’est pas de nature à remettre en cause la sincérité du document présenté par la société Coopéré alors que l’entreprise disposait déjà des premiers constats suite aux investigations de M. [W] [R].

Il ressort du compte-rendu d’enquête que sur 65 visites analysées, 35 sont expressément mentionnées comme ‘faux-rapport’ en réaction aux déclarations des responsables ainsi que des salariés des salons qui affirment ne pas avoir vu Mme [B] [J] aux dates auxquelles elle a déclaré les avoir visités.

Pour contester les résultats ainsi obtenus, la salariée verse aux débats les attestations de Mmes [S] et [F] qui en des termes similaires écrivent que Mme [B] [J] est passée régulièrement toutes les 5 semaines, ce qui ne permet pas de contredire les diligences de l’employeur tendant à établir qu’elle n’est pas passée entre les 15 et 31 mai 2018.

Concernant M. [V], il résulte des éléments recueillis lors de l’enquête que, contacté le 5 juin 2018 pour vérifier de la réalité du passage de Mme [B] [J] le 31 mai 2018, il a été répondu que la représentante n’était pas passée la semaine dernière et la lettre adressée par M. [V] au directeur de la société le 19 juillet 2018 ne le contredit pas expressément quand il évoque la visite faite en mai sans plus de précision.

Concernant Mme [D] [U] propriétaire des salons ‘[D] Coiffure’ identifié sous le numéro sociétaire 760088, et ‘Mon salon’ identifié sous le numéro 760976, qui affirme avoir reçu une visite de Mme [B] [J] les 22 et 23 mai 2018, contredisant ainsi les conclusions du rapport de M. [W] [R] qui, pour ces deux numéros de sociétaires, avait identifié l’existence de faux rapports, l’employeur met en cause la régularité de cette attestation qui ne respecte pas les règles prescrites par l’article 202 du code de procédure civile faute de comporter les mentions manuscrites obligatoires et de permettre d’établir les fonctions et responsabilités de Mme [U], qui, en tout état de cause, n’atteste pas avoir vu la salariée les 22 et 23 mai 2018 et surtout qu’elle aurait fait une visite commerciale.

La cour, qui apprécie la valeur probante des éléments produits quand bien même ils ne répondent pas en totalité aux exigences fixées par l’article 202 du code de procédure civile, retient en l’espèce que dès lors que Mme [U] se qualifie de ‘patronne coiffeuse’ et communique une copie de sa pièce d’identité, et qu’elle affirme précisément que Mme [B] [J] est passée dans son salon [Adresse 6] le 22 mai et [Adresse 5] le 23 mai pour y déposer entre autres une plaquette de mobilier, la salariée démontre que cette sociétaire a bien été visitée aux dates déclarées dans ses rapports de visite, sans qu’il puisse être exclu l’objet commercial de la rencontre.

Ainsi, même si concernant Mme [U], la fausseté du rapport n’est pas établie, pour le reste l’employeur démontre suffisamment la réalité de la falsification des rapports de visites présentés par Mme [B] [J] entre les 15 et 31 mai 2018, sans que les attestations versées par la salariée évoquant la régularité dans ses cycles de visites et son professionnalisme ne permettent de le contredire.

Le grief est ainsi justifié.

II – non-respect des consignes

Il est reproché à Mme [B] [J] d’avoir déclaré des visites de prospects les 27 avril, 3 mai, 4 mai et 25 mai 2018 en méconnaissance des consignes commerciales communiquées aux VRP à l’occasion de l’opération ‘Hello May’.

Mme [B] [J] conteste avoir méconnu les consignes de cette opération aux motifs que l’employeur ne démontre pas l’existence de visites qu’elle aurait effectuées aux dates de l’opération, lesquelles, en tout état cause, ne portaient que sur des demi-journées, l’autorisant alors à visiter son secteur pendant l’autre partie de la journée.

Il ressort du courrier rédigé le 20 avril 2018 par M. [Z] [T] [H], Directeur général de la société Coopéré, adressé à la force de vente Coopéré, qu’à partir du 24 avril 2018, a été mise en place l’opération ‘Hello May’ consistant à dédier des jours spécifiques pendant le mois de mai au démarchage téléphonique à destination des sociétaires inactifs et perdus, précisant que ce sont 5 demi-journées qui seront consacrées à cette opération les 27 avril, les 3, 4,18 et 25 mai 2018, les autres jours du mois de mai étant exclusivement consacrés à la visite des sociétaires actifs et à la prospection.

Outre qu’une partie de ces dates est hors du champ du contrôle permettant d’établir l’activité de la salariée entre les 15 et 31 mai 2018, de sorte que l’employeur ne rapporte pas la preuve du non respect des consignes en dehors de cette période, dès lors que l’opération ‘ Hello May’ portait expressément sur des demi-journées, ainsi que cela ressort des modalités de son organisation définie par le directeur général, il ne peut être reproché à Mme [B] [J] d’avoir visité des sociétaires sur une demi-journée le 18 mai, les éléments produits n’établissant pas qu’elle y a procédé au delà de ce créneau, étant précisé que le 25 mai, la salariée n’a mentionné aucune visite .

Dans ces conditions, la société Coopéré n’établit pas que Mme [B] [J] s’est livrée à des visites de prospects ou de sociétaires pendant les jours de l’opération Hello May en méconnaissance de la consigne imposant le démarchage téléphonique sur une demi-journée.

Le grief n’est pas établi.

III – insuffisance de résultats résultant d’une négligence fautive

Il est reproché à Mme [B] [J] de ne pas respecter son nombre contractuel de 300 visites de sociétaires sur un cycle de 5 semaines, ce qui démontre qu’elle ne travaille pas suffisamment, expliquant ainsi une dégradation de ses résultats.

Mme [B] [J] conteste cette insuffisance flagrante de travail aux motifs qu’entre 2017 et 2018, il n’y a pas eu de baisse du nombre de visites qu’elle a effectuées, que ses résultats étaient meilleurs que ceux de nombreux de ses collègues, que les résultats obtenus sur les mois d’avril et de mai étaient supérieurs à ceux obtenus en 2016 et 2017, que son chiffre d’affaires de janvier à juin 2018 est supérieur à celui réalisé en 2017, qu’elle n’a jamais eu aussi peu d’inactifs qu’en mars et avril 2018. Au sujet des visites, elle soutient que la réalisation de 300 visites sur 5 semaines est impossible au regard des secteurs géographiques dévolus aux V.R.P.

Concernant le non-respect des 300 visites contractuelles, aux termes de l’article 12.1 du contrat de travail, il était exigé de la salariée qu’elle prospecte et visite un minimum de 300 salons distincts, régulièrement et sur un cycle de cinq semaines.

Il ressort des pièces produites par l’employeur qu’à partir du passage 4 de l’année 2016, Mme [B] [J] n’a plus atteint son quota de 300 visites par cycle de 5 semaines, effectuant entre 193 et 236 visites par cycle, alors que les trois cycles précédents elle réalisait entre 286 et 294 visites.

Si ce constat est indiscutable et que la salariée ne peut évoquer de manière opérante l’impossibilité d’accomplir le nombre de visites fixées contractuellement dès lors qu’il est établi qu’elle l’a fait et qu’il n’est pas justifié d’une modification dans les modalités d’exercice de ses fonctions, néanmoins, alors que l’employeur avait régulièrement accès à ses rapports de visite lui permettant ainsi de comptabiliser l’activité de sa salariée, l’absence de réaction de l’employeur pendant près de deux ans ne permet pas de retenir un manquement fautif de la salariée.

Concernant la baisse du chiffre d’affaires, l’employeur produit un tableau reprenant le chiffre d’affaires général réalisé par Mme [B] [J] depuis 2008 :

Années

CA réalisé

Différence

% de variation

2008

313 117.13 euros

***

***

2009

257 030.31 euros

– 56 086.82 euros

-17.89%

2010

319 321.96 euros

+62 291.65 euros

+24.24%

2011

265 152.79 euros

– 54 169.17 euros

-16.96%

2012

258 822.10 euros

-6330.69 euros

-2.40%

2013

246 811.32 euros

-12 010.78 euros

-4.64%

2014

238 090.26 euros

-8 721.06 euros

– 3.53%

2015

228 068.95 euros

-10 024.31 euros

– 4.21%

2016

255 596.74 euros

+ 27 530.79 euros

+ 12.07%

2017

235 056.42 euros

– 20 540.32 euros

-8.04 %

Il en résulte une variation du chiffre d’affaires sur la période 2008-2017, et si effectivement, le chiffre d’affaires général de la salariée entre 2016 et 2017 est en baisse, passant de 255 596 euros en 2016 à 235 056 euros en 2017, soit une diminution de 8.04 %, néanmoins, le résultat de  2017 reste meilleur que celui de 2015 et compte tenu des variations d’un exercice sur l’autre, et alors qu’il n’est établi une fausse déclaration affectant les rapports de visite que sur une courte période de 15 jours, du 15 au 31 mai 2018, il ne peut s’en déduire que cette baisse était liée à un manque de travail de la salariée.

Cette variation affecte également le nombre de nouveaux sociétaires acquis à la société Coopéré.

Variation du nombre de sociétaires entre 2008 et 2017 :

Année

Nombre de sociétaires

Différence

% de variation

2008

11

***

***

2009

8

-3

– 27.27%

2010

12

+4

0,5

2011

5

-7

-58.33%

2012

12

+7

1,4

2013

6

-6

-50%

2014

5

– 1

-20%

2015

15

+10

2

2016

13

-2

-13.33%

2017

8

-5

-38.48%

Ces données ne peuvent davantage être mise en lien avec un manque de travail de la salariée.

En effet, outre le caractère très variable du nombre de souscriptions obtenues chaque année, il était admis par l’employeur un contexte économique difficile dans un domaine très concurrentiel, M. [G] [I] ancien directeur général de la société écrivant le 10 décembre 2014 dans un message de rentrée destinée aux salariés que ‘2014 aura été une année difficile dans un contexte de récession définitivement établi’ et que ‘La coiffure est particulièrement atteinte par ce phénomène.’ ou encore que 2017 avait été une année de dynamisme sans précédent mais que néanmoins les résultats n’étaient pas à la hauteur des investissements, la faiblesse des chiffres provenant d’un manque de nouveaux sociétaires qui ne remplacent pas les sociétaires devenus inactifs, soit par disparition pure et simple, soit par arrêt de la relation commerciale, évoquant une érosion naturelle, et en dépit de cette situation, Mme [B] [J] est parvenue à améliorer son classement parmi les 50 VRP que compte l’entreprise, occupant en 2017, la 34ème place alors qu’en 2013 elle se situait à la 42ème place.

Dans ces conditions, il n’est pas établi par la société Coopéré que la baisse des résultats puisse être mise en lien avec un comportement fautif de la salariée.

Au regard de ce qui précède, seul l’établissement de faux rapports de visite est établi sur une période circonscrite du 15 au 31 mai 2018, ce qui constitue un manquement aux obligations contractuelles de loyauté et de nécessaire transparence et de sincérité dans les relations devant régir l’exécution du contrat de travail justifiant le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [B] [J], laquelle n’avait fait l’objet d’aucune observation sur son travail au cours des seize années d’exercice.

La cour infirme en ce sens le jugement entrepris.

Sur les conséquences financières de la rupture

I – indemnité de licenciement

Mme [B] [J] sollicite le versement de 5 895,19 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement en exécution de l’article 13 de la convention collective des voyageurs, représentants, placiers, sur la base d’un salaire mensuel de référence non contesté de 1 733,88 euros.

Selon l’article 13 de la convention collective des voyageurs représentants placiers, lorsque, après 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise, le représentant de commerce se trouve dans l’un des cas de cessation du contrat prévus à l’article L. 751-9, alinéas 1er et 2, du code du travail (1) alors qu’il est âgé de moins de 65 ans et qu’il ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 15 du présent accord, l’indemnité à laquelle l’intéressé peut prétendre en vertu des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 751-9 précité est fixée comme suit, dans la limite d’un maximum de 6 mois et demi (2) :

– pour les années comprises entre 0 et 3 ans d’ancienneté : 0,15 mois par année entière ;

– pour les années comprises entre 3 et 10 ans d’ancienneté : 0,20 mois par année entière ;

-pour les années comprises entre 10 et 15 ans d’ancienneté : 0,25 mois par année entière ;

-pour les années au-delà de 15 ans d’ancienneté : 0,30 mois par année entière.

Cette indemnité conventionnelle de rupture, qui n’est cumulable ni avec l’indemnité légale de licenciement ni avec l’indemnité de clientèle, sera calculée sur la rémunération moyenne mensuelle des douze derniers mois, déduction faite des frais professionnels.

Toutefois, cette indemnité sera calculée sur la seule partie fixe convenue de cette rémunération lorsque l’intéressé bénéficiera également de l’indemnité spéciale de rupture prévue à l’article 14.

Aux termes du dernier alinéa de l’article L.751-9 du code du travail, désormais recodifié à l’article L.7313-17 du code du travail, lorsque l’employeur est assujetti à une convention ou accord collectif de travail ou à une décision unilatérale de sa part ou d’un groupement d’employeurs, le voyageur représentant placier peut, dans les cas de rupture du contrat de travail mentionnés aux articles L.7313-13 et 7313-14, bénéficier d’une indemnité.

L’indemnité est égale à celle à laquelle le voyageur, représentant ou placier aurait pu prétendre si, bénéficiant de la convention ou du règlement il avait selon son âge été licencié ou mis à la retraite.

Cette indemnité n’est pas cumulable avec l’indemnité de clientèle. Seule la plus élevée est due.

Il apparaît à la lecture combinée de ces deux textes que cette indemnité conventionnelle doit être calculée uniquement sur la partie fixe lorsqu’il est octroyé au salarié l’indemnité spéciale de rupture prévue à l’article 14 de la convention collective.

Compte tenu de l’ancienneté acquise par Mme [B] [J] depuis le 16 avril 2002, de son salaire fixe d’un montant de 1 067,15 euros, le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement s’élève à 3 628,25 euros.

La société Coopéré est condamnée au paiement de cette somme.

II – indemnité spéciale de rupture

Mme [B] [J] sollicite le versement d’une indemnité de 4 174,44 euros en exécution des dispositions de l’article 14 de la convention collective des voyageurs représentants placiers applicables entre les parties.

Aux termes de ce texte, lorsque le représentant de commerce se trouve dans l’un des cas de cessation du contrat prévus à l’article L. 751-9, alinéas 1er et 2, du code du travail (1) alors qu’il est âgé de moins de 65 ans et qu’il ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 16 du présent accord, et sauf opposition de l’employeur exprimée par écrit et au plus tard dans les 15 jours de la notification de la rupture (2) ou de la date d’expiration du contrat à durée déterminée non renouvelable, ce représentant, à la condition d’avoir renoncé au plus tard dans les 30 jours suivant l’expiration du contrat de travail à l’indemnité de clientèle à laquelle il pourrait avoir droit en vertu de l’article L. 751-9 précité, bénéficiera d’une indemnité spéciale de rupture fixée comme suit, dans la limite d’un maximum de 10 mois ;

Pour les années comprises entre 0 et 3 ans d’ancienneté : 0,70 mois par année entière ;

Pour les années comprises entre 3 et 6 ans d’ancienneté : 1 mois par année entière ;

Pour les années comprises entre 6 et 9 ans d’ancienneté : 0,70 mois par année entière ;

Pour les années comprises entre 9 et 12 ans d’ancienneté : 0,30 mois par année entière ;

Pour les années comprises entre 12 et 15 ans d’ancienneté : 0,20 mois par année entière ;

Pour les années d’ancienneté au-delà de 15 ans : 0,10 mois par année entière.

Cette indemnité spéciale de rupture, qui n’est cumulable ni avec l’indemnité légale de licenciement, ni avec l’indemnité de clientèle, est calculée sur la rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois, déduction faite des frais professionnels, et à l’exclusion de la partie fixe convenue de cette rémunération.

L’ancienneté à retenir pour la détermination de l’indemnité prévue au présent article sera l’ancienneté dans la fonction.

Au regard de l’ancienneté de 16 ans, d’une rémunération de référence d’un montant non contesté de 474,37 euros, la cour condamne la société Coopéré à verser la somme de 4 171,44 euros à ce titre.

III – indemnité de préavis

Mme [B] [J] sollicite le versement d’une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 5 201,64 euros outre 520,16 euros de congés-payés en exécution de la convention collective applicable qui prévoit un préavis de trois mois au delà de deux années d’ancienneté dans l’entreprise.

Aux termes de l’article 12 de l’accord national interprofessionnel des voyageurs représentants, placiers du 3 octobre 1975, en cas de rupture du contrat à durée indéterminée à l’initiative de l’une ou l’autre des parties, la durée du préavis réciproque, sauf cas de force majeur ou de faute grave, sera au minimum :

-1 mois durant la première année ;

-2 mois durant la deuxième année ;

-3 mois au delà de la deuxième année ;

Sur la base d’un salaire moyen non contesté de 1 733,88 euros, la cour confirme le jugement entrepris ayant alloué la somme de 5 201,64 euros à ce titre et les congés payés afférents.

IV – Rappel au titre de la mise à pied conservatoire

Il n’est pas contesté que Mme [B] [J] a été mise à pied à compter du 4 juin 2018 jusqu’à la notification de son licenciement intervenu le 29 juin 2018, de sorte qu’elle est fondée à obtenir un rappel de salaire pour la somme non contestée de 921,63 euros outre la somme de 92,16 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur le préjudice moral

Aux termes de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Mme [B] [J] sollicite la réparation du préjudice moral résultant tant de l’exécution déloyale par l’employeur de ses obligations contractuelles en ce qu’elle a subi des conditions de travail dégradées en raison du stress quotidien, de la pression exercée sur les commerciaux et des réprimandes, générant une pression managériale alors qu’elle était une très bonne professionnelle, situation qui a engendré une altération de son état de santé, évoquant également le choc généré par la procédure de licenciement pour faute grave après plus de 16 ans d’ancienneté.

Outre le caractère prescrit des éléments de preuve apportés par la salariée, l’employeur fait valoir que la salariée n’apporte aucun élément probant sur l’existence d’une quelconque faute, ni même d’un préjudice distinct.

Les éléments invoqués par la salariée au soutien de cette prétention ne sont pas soumis à la prescription fixée par l’article L.1471-1 du code de procédure civile et il n’est accordé aucune force probante à l’attestation de M. [K], ancien directeur régional en charge de l’encadrement des VRP de la région Nord, compte tenu du contentieux l’ayant opposé à l’employeur dans le cadre d’un licenciement disciplinaire.

Au soutien de sa prétention, Mme [B] [J] produit de nombreux mails rédigés par M. [L] [P] adressés à l’ensemble des commerciaux très tôt le matin, comparant les performances de chacun dans une diffusion générale, les accompagnant de ses commentaires pouvant tenir des propos encourageant mais pour d’autres humiliant tel que ‘c’est utile de réviser, pour certain, c’est obligatoire ou encore le 22 novembre 2016 au sujet du challende Diva ‘Il n’y a que 3 vendeurs qui jouent’!’ ou le 5 décembre 2016 pour les ventes HBBC en écrivant notamment ‘si tu ne vends pas la HBBC c’est que tu t’y prends comme un….’, le même jour pour les ventes Color Max écrivant ‘ si vous ne vendez pas 100 tubes /mois pour faire connaître une nouvelle coloration vous êtes en mode ‘vendeur/promeneur’ mais pas ‘vendeur/éleveur’.

Si l’horaire d’envoi est peu important dès lors que l’employeur justifie d’un note de service rappelant le droit à la déconnexion du 23 mai 2016 n’imposant pas aux salariés de prendre connaissance des mails dès réception, néanmoins, leur fréquence en faisant peser une pression quasi quotidienne en terme de résultat s’accompagnant de propos dévalorisant dès lors que les résultats attendus n’étaient pas atteints, au surplus, portés à la connaissance de tous de par la généralité des envois à l’ensemble des commerciaux, peu important que M. [P] n’est pas été alors salarié de la société Coopéré ,dès lors qu’il agissait comme son mandataire dans le cadre d’un coaching, il en résultait une pression anormale et excessive, se traduisant par un management pouvant être qualifié d’agressif, allant au-delà de la simple motivation et du soutien qu’il convient d’apporter aux salariés exerçant des activités commerciales dans un secteur concurrentiel.

Concernant la mise à pied conservatoire, dès lors que l’employeur engageait une procédure de licenciement pour avoir découvert des manquements de la salariée, même si le licenciement est requalifié en cause réelle et sérieuse, dès lors que la mesure conservatoire n’a pas été accompagnée de mesures vexatoires caractérisées, aucune faute ne peut être reprochée à l’employeur à ce titre, quand bien même cette décision a été suivie d’un arrêt de travail du 4 juin 2018 au 4 juillet 2018 pour un syndrome dépressif réactionnel à un conflit professionnel.

Aussi, le seul manquement résidant dans un management agressif de l’employeur caractérise une exécution déloyale du contrat de travail, ayant causé un préjudice à la salariée de par la pression ainsi exercée qui est plus justement indemnisé par l’octroi de la somme de 750 euros, la cour infirmant sur ce point le jugement entrepris.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie partiellement succombante, la société Coopéré est condamnée aux entiers dépens, déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Mme [B] [J] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles tant en première instance et en appel, infirmant sur ce point le jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a statué sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et sur les dépens ;

L’infirme en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit le licenciement de Mme [B] [J] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Coopéré à verser à Mme [B] [J] les sommes suivantes :

indemnité conventionnelle de licenciement : 3 628,25 euros

indemnité spéciale de rupture : 4 174,44 euros

rappel de salaire au titre de la mise à pied

conservatoire : 921,63 euros

congés payés afférents : 92,16 euros

préjudice moral au titre du manquement à

l’exécution loyale du contrat de travail : 750,00 euros

Déboute Mme [B] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Coopéré à payer à Mme [B] [J] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Coopéré de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Coopéré aux dépens de la présente instance.

La greffièreLa présidente

 


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