Démarchage Téléphonique : décision du 1 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05838

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Démarchage Téléphonique : décision du 1 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05838

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 01 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/05838 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OZRD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 novembre 2020 – tribunal judiciaire de Perpignan N° RG 19/02053

APPELANTE :

S.A.S EDF ENR

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Christophe BELLOC, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [D] [L]

né le 29 Novembre 1955 à ALBI (81000)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Karine LEBOUCHER de la SELARL LEBOUCHER AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Madame [U] [C] épouse [L]

née le 21 Janvier 1955 à MONTAUBAN (82000)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Karine LEBOUCHER de la SELARL LEBOUCHER AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 AVRIL 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

L’affaire a été mise en délibéré au 1er juin 2023.

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE 

Le 09 janvier 2017, dans le cadre d’un démarchage à domicile à Saint Fliu d’Aval, de la société EDF ENR (la venderesse), M. [D] [L] et Mme [U] [C], épouse [L] (les acquéreurs), ont signé un bon de commande pour l’installation d’un système photovoltaïque au prix de 15.929 euros.

L’ouvrage a été réceptionné sans réserve le 25 février 2017.

Les acquéreurs se sont plaints de l’absence de baisse de leur consommation d’électricité et de l’existence de malfaçons dans l’installation.

Les démarches amiables n’ont pas abouti.

C’est dans ce contexte que par acte d’huissier de justice en date du 24 juin 2019, les acquéreurs ont fait assigner la venderesse en annulation du contrat de vente.

Par jugement du 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

Prononcé la nullité du contrat conclu le 09 janvier 2017 entre M. et Mme [L] et la société EDF ENR ;

Condamné la société EDF ENR à payer à M. et Mme [L] la somme de 14.592 euros en remboursement du prix, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2019 ;

Condamné la société EDF ENR à déposer l’installation et remettre la toiture en l’état d’origine ;

Condamné la société EDF ENR à payer à M. et Mme [L] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article R631-4 du code de la consommation et n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La société EDF ENR a relevé appel de ce jugement par une déclaration en date du 17 décembre 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 mars 2023 aux termes desquelles la SAS EDF ENR demande, au visa des articles L111-1, L221-5, L221-9, L221-18 et L221-20 du code de la consommation, 1182 du code civil, d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit aux demandes de M. et Mme [L], et statuant à nouveau de :

Débouter M. et Mme [L] de l’ensemble de leurs demandes ;

Condamner M. et Mme [L] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens.

Vu leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 mars 2023, aux termes desquelles M. et Mme [L] demandent, au visa des articles L111-1 et suivants, L221-1 et suivants, L242-1 du code de la consommation, 1103 et suivants, 1224 et suivants du code civil, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de :

à titre subsidiaire,

Ordonner la résolution du contrat de vente au titre de la violation des lois régissant le démarchage à domicile ;

Condamner la société EDF ENR à leur restituer la somme de 14.592 euros correspondant au montant du bon de commande avec intérêts au taux légal ;

Condamner la société EDF ENR à prendre en charge le coût des travaux de dépose et de remise en état soit la somme de 2.932,60 euros ;

en toutes hypothèses,

Condamner la société EDF ENR à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Dire que sur le fondement de l’article R631-4 du code de la consommation, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire les sommes retenues par l’huissier instrumentaire.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 15 mars 2023.

MOTIFS

Sur la nullité du contrat de vente

M. Et Mme [L], au visa des dispositions des articles L.221-9, L. 221-5, L. 111-1, L.242-1 du code de la consommation invoquent huit causes possibles de nullité du bon de commande, toutes contestées par la EDF ENR.

Il convient au préalable de constater que le contrat hors établissement tel que visé par l’article L.221-9 du code de la consommation est en l’espèce un ensemble de plusieurs documents:

– un récapitulatif de la commande, signé par chacun des époux [L], daté du 09 janvier 2017 comprenant la mention suivante au dessus de l’encadré réservé aux signatures :

‘Je reconnais avoir reçu avant signature de ce récapitulatif de commande les informations précontractuelles visées par l’article L111-1 du Code de la consommation.

Je reconnais également avoir reçu un exemplaire (par mail, clé USB ou courrier), pris connaissance et accepté l’intégraIité des conditions générales de vente en vigueur à la date de la commande. J’ai également pris connaissance du fait que certaines caractéristiques de ma commande sont plus amplement détaillées sur sa version électronique que j’ai pu lire dans son intégralité sur mon ordinateur personnel concomitamment à la vente. Lorsque cette lecture s’est avérée impossible pour des raisons techniques, il m’a été remis une version papier de la commande, du contrat et des autres documents contractuels.

Ma signature numérisée du bon de commande, du mandat administratif et des chiffres clés emporte reconnaissance pleine et entière de ma part de la validité des informations recueillies et stockées sous forme électronique. Je reconnais également que la valeur juridique de ces documents électroniques est identique à celle d’un acte sous seing privé établi sur papier. Ces informations pourront être utilisées par EDF ENR Solaire notamment en cas de litige’.

– l’offre autoproduction – devis bon de commande- daté et signé, comprenant la mention suivante :

‘ Je reconnais avoir reçu un exemplaire des Conditions Générales en vigueur au 06/10/2014 et en accepter les termes. Les Conditions Générales, le présent bon de commande et les annexes font partie intégrante du Contrat. Certains articles du code de la consommation sont reproduits au verso.

Je reconnais avoir reçu et compris avant signature de ce bon de commande, de manière lisible et compréhensible, les informations précontractuelles visées par l’article L111-1 du code de la consommation, et notamment les caractéristiques essentielles du bien ou du service (voir le « Devis ” et « Mon projet photovoltaïque ”l, le prix du bien ou du service (voir le « Devis ”), la date ou le délai dans lequel EDF ENR Solaire

s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service (voir le « Récapitulatif de commande” et les « Conditions générales de vente ”), les informations relatives aux garanties légales, aux modalités de mise en ‘uvre des garanties et aux autres conditions contractuel/es (voir les « Conditions générales de vente )’.

– la plaquette Mon projet photovoltaïque, informations précontractuelles adressée par voie électronique le 09 janvier 2017.

Il n’est certes pas contestable au regard de la dernière jurisprudence citée ( 1re Civ., 1 février 2023, pourvoi n° 20-22.176) que la charge de la preuve de l’accomplissement par le professionnel des obligations légales d’information mises à sa charge à l’occasion de la conclusion d’un contrat hors établissement pèse sur celui-ci.

La question est donc en l’espèce afférente à la portée de l’ensemble contractuel constitué de ces trois pièces et des annexes, tel le mandat d’assistance administrative, signé par les consommateurs.

La validité de l’ensemble contractuel est a minima discutée par M. Et Mme [L] en ce qu’ils soutiennent que EDF ENR ne rapporte pas la preuve que le document publicitaire leur a été remis. Ils font alors fi de la transmission de la plaquette par mail du 09 janvier 2017 et de la mention signée par eux selon laquelle les conditions générales de vente incluses dans ce document leur ont été transmises.

Ils critiquent alors le contenu qu’ils estiment insuffisant de chaque document en leur faisant grief du non respect de certaines dispositions du code de la consommation spécialement choisies, document par document.

Le code de la consommation évoque le contrat hors établissement mais n’indique pas que ce contrat doit être constitué d’un seul et unique document. En apposant leur signature sur le bon de commande et le récapitulatif de commande, les parties ont entendu inclure dans l’ensemble contractuel les conditions générales de vente et il est établi qu’ils ont reçu les informations précontractuelles inclues tant le document ‘mon projet photovoltaïque’ que dans le récapitulatif de commande.

Au moyen tiré de l’absence d’indication de la marque des panneaux photovoltaïques, il sera alors répondu que la plaquette ‘mon projet photovoltaïque’ comporte la précision en page 7 que les modules sont de marque Photowatt de fabrication française. L’indication de la marque, élément essentiel au regard des prescriptions de l’article L111-1 en ce qu’elle permet au consommateur de se renseigner sur la notoriété, l’origine géographique et les normes de fabrication induites a donc été fournie.

Une installation photovoltaïque comprend en revanche une deuxième pièce maîtresse qu’est l’onduleur et le consommateur doit pouvoir être informé au titre des caractéristiques essentielles du bien de la marque de cet appareil qui lui permet de se positionner sur la notoriété, l’origine et les normes de fabrication induites, notamment dans une logique environnementale ou géopolitique. Le bon de commande indique un onduleur EDF ENR Solaire, alors que la plaquette indique ‘des onduleurs choisis parmi les leaders du marché’ et que la facture porte indication d’un onduleur de marque STECA, de telle sorte que l’information de la marque de l’onduleur n’a pas été valablement fournie au titre des informations précontractuelles. Le bon de commande encourt la nullité de ce chef.

S’agissant ensuite du délai de rétractation, lequel est non seulement passible de prolongation pour douze mois par application des dispositions de l’article L.221-20 du code de la consommation mais également passible de nullité comme il est de jurisprudence constante (cf notamment 1re Civ., 31 août 2022, pourvoi n° 21-10.075 rendu sous l’empire des textes anciens parfaitement transposables à l’espèce), l’article L. 221-18 du code de la consommation applicable en l’espèce dispose :

‘Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.

Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :

1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l’article L. 221-4 ;

2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.

(…)’

En l’espèce, le contrat porte tout à la fois sur la vente d’un système photovoltaïque et sur son installation. Il s’agit donc d’un contrat mixte dont le prix de 15992€ porte principalement à hauteur de 13435€ sur la vente de matériel. Au delà de la prépondérance du prix de vente sur les frais d’installation, résiduels, la Cour de cassation, sans plus d’égard à l’article 2.5 de la directive 2011-83/UE invoqué par l’appelante comme l’auteur du pourvoi sur lequel il a été statué que de constater l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne a jugé très récemment au visa des articles L.221-1 II, L.221-18 et L. 221-20 que le contrat mixte, portant sur la livraison de biens ainsi que sur une prestation de service d’installation et de mise en service, devait être qualifié de contrat de vente ( 1re Civ., 17 mai 2023, pourvoi n° 21-25.670).

Il s’ensuit qu’en l’espèce, la mention selon laquelle le délai de rétractation expire quatorze jours après le jour de la conclusion du contrat est erronée puisque le délai expirait quatorze jours après la réception du bien par le consommateur, conformément au 2° de l’article L.221-18 du code de la consommation.

La nullité est encourue de ce chef.

Les autres moyens de nullité du bon de commande au regard de l’ensemble contractuel analysé ci dessus et des mentions portées sur les divers documents qui le constituent sont en voie de rejet, la cour y trouvant les mentions adéquates relatives aux exigences prévues à peine de nullité.

Pour échapper à la sanction de la nullité, EDF ENR évoque les dispositions de l’article 1182 du code civil pour conclure que M. Et Mme [L] ont confirmé l’acte nul en signant le 25 février 2017 le procès-verbal de réception sans réserve, en payant la facture d’installation de leur équipement, en bénéficiant depuis la mise en service d’une production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque leur permettant de réduire le montant de leurs factures d’électricité.

Nul ne conteste que la nullité encourue est relative et passible de confirmation, laquelle doit procéder de l’exécution volontaire en connaissance du vice qui l’affecte avec l’intention de le réparer.

En l’espèce, le bon de commande ou tout autre document contractuel comporte la reproduction des dispositions de l’article L.111-1 du code de la consommation mais non celle de l’article L221-9 prévoyant les mentions prévues à peine de la nullité prescrite à l’article L242-1 du code de la consommation, de telle sorte que M. Et Mme [L] n’ont pas eu connaissance du vice. L’intention de réparer quelque chose qu’ils ignoraient ne peut alors résulter de la simple exécution contractuelle consistant à accepter l’installation, à payer la facture et à bénéficier entre le 05 novembre 2018 et le 04 janvier 2019, période insignifiante visée dans le courrier D’EDF ENR dans sa réponse du 08 avril 2019 d’une baisse de consommation de plus de 37%.

M. Et Mme [L] n’ayant pas confirmé l’acte nul, le jugement sera confirmé par motifs substitués.

Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, la société EDF ENR supportera les dépens d’appel, avec application des dispositions de l’article R.631-4 du code de la consommation qu’il n’y a pas lieu d’écarter comme l’a fait le premier juge.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article R631-4 du code de la consommation

statuant à nouveau

met à la charge D’EDF ENR l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution.

Confirme le jugement sur le surplus

Y ajoutant,

Condamne EDF ENR aux dépens d’appel.

Condamne EDF ENR à payer à M. et Mme [L] la somme de 2500€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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