→ Résumé de l’affaireMonsieur et Madame [C] ont fait construire une maison sur leur terrain, qu’ils ont ensuite vendu à Monsieur et Madame [S]. Peu de temps après l’emménagement des nouveaux propriétaires, ces derniers ont constaté des problèmes de fissuration du mur séparant leur propriété de celle de leur voisine, ainsi qu’une désolidarisation du carrelage de la dalle béton et des murs de clôture. Ils ont assigné en référé les anciens propriétaires et la société de construction en vue d’une expertise et d’une indemnisation. Les anciens propriétaires contestent la demande d’expertise et demandent une indemnisation pour motif légitime. La décision est en attente pour le 13 août 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
13 AOUT 2024
N° RG 24/00287 – N° Portalis DB22-W-B7I-R33M
Code NAC : 54G
DEMANDEURS
Madame [A] [J] [G] épouse [S],
née le 03 Novembre 1982 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 1]
Monsieur [B] [M] [O] [S],
né le 30 Septembre 1980 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 1]
Représentés par Me Philippe QUIMBEL, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 227
DEFENDEURS
Monsieur [F] [C]
né le 19 Décembre 1974 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 4]
Madame [R] [Y] [K] épouse [C]
née le 27 Septembre 1971 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 4]
Représentés par Me Hélène ROBERT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 92
CJLCONSTRUCTION, société par actions simplifiée à capital variable, inscrite au R.C.S VERSAILLES sous le n° 818 998 015, dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège,
Non représentée,
***
Débats tenus à l’audience du : 18 Juin 2024
Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, greffière lors des débats et de Elodie NINEL, greffière placée lors du prononcé,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 18 Juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 13 Août 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :
Monsieur [F] [C] et Madame [R] [C], propriétaires d’un terrain situé [Adresse 1] à [Localité 7], cadastré section AE, N° [Cadastre 2], portant sur une surface de 401 m², terrain provenant de la division d’une parcelle d’une plus grande importance cadastrée section AE n°[Cadastre 5] de 11 a 83 centiares, ont fait procéder à la construction d’une maison individuelle par la société CJL CONSTRUCTION d’une surface de plancher de 112 m², l’emprise au sol étant de 70m², suivant permis de construire accordé selon arrêté de la commune de [Localité 7] le 8 juin 2016. La déclaration de conformité des travaux a été délivrée en date du 18 juillet 2017. Une assurance Dommages-Ouvrage a été contractée auprès de la société ELITE INSURANCE COMPAGNY.
Monsieur et Madame [C] ont vendu leur bien à Monsieur [B] [S] et Madame [A] [S] née [G] selon acte authentique dressé en date du 28 juillet 2022.
Par acte de Commissaire de Justice en date du 16 février 2024, M. [B] [S] et Mme [A] [G] épouse [S] ont assigné M. [F] [C], Mme [R] [K] et la société CJL CONSTRUCTION en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles aux fins de voir ordonner une expertise et condamner les défendeurs in solidum à leur verser [S] une somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent que peu de temps après leur emménagement, ils étaient alertés par leur voisine, Madame [H] épouse [W], quant à la dégradation du mur séparant leur propriété de la sienne, générant un phénomène de fissuration qui n’avait pu être remarqué lors de l’emménagement en raison de la présence de végétaux sur ledit mur mais qui avait été constaté depuis la propriété de Madame [H] épouse [W] avant la vente du bien ; qu’en l’absence de réponse des époux [C], un constat de commissaire de justice était établi le 13 décembre 2022 ; qu’en outre, il est apparu plus récemment au 1er étage une désolidarisation entière du carrelage de la dalle béton, constatée et attestée par Monsieur [P], artisan maçon, lequel préconise d’effectuer un contrôle de l’état de dalle béton et rapporte également que les murs de clôture sur la partie arrière et avant de la maison subissent un affaissement ainsi qu’une désolidarisation de la maison, les murs poussant vers la maison de Madame [H] épouse [W].
Aux termes de leurs conclusions, Monsieur et Madame [C] sollicitent de voir :
– débouter Monsieur et Madame [S] de leur demande d’expertise,
– à titre subsidiaire, leur donner acte de leurs protestations et réserves,
– condamner Monsieur et Madame [S] à leur payer une somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Ils relèvent l’absence de motif légitime.
La société CJL CONSTRUCTION n’est pas représentée.
La décision a été mise en délibéré au 13 août 2024.
Sur la demande d’expertise
L’article 143 du code de procédure civile dispose que « Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »
L’article 232 du code de procédure civile ajoute que « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert la lumière d’un technicien. »
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».
Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte, la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel. Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
Le motif légitime est un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, et présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui ; elle doit être pertinente et utile.
Si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir l’existence des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.
Il sera rappelé que le demandeur à l’expertise judiciaire n’a pas à établir le bien-fondé de l’action en vue de laquelle la mesure d’instruction est sollicitée.
En l’espèce, la mesure demandée est légalement admissible ; le litige potentiel a un objet et un fondement suffisamment caractérisés ; la prétention des demandeurs n’est pas manifestement vouée à l’échec ; les demandeurs, dont les allégations ne sont pas imaginaires et présentent un certain intérêt, justifient, notamment par le constat de Commissaire de justice et l’attestation de M. [P], du caractère légitime de leur demande.
En conséquence, il sera fait droit à la demande dans les conditions détaillées au dispositif.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Au stade de l’expertise, aucune des parties n’est considérée comme succombante, il n’y a donc pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront à la charge des demandeurs.
Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en premier ressort,
ORDONNONS une expertise,
COMMETTONS pour y procéder M. [V] [X], expert, inscrit sur la liste de la Cour d’appel de Versailles, avec mission de :
* convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,
* se faire remettre toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,
* se rendre sur les lieux et en faire la description,
* relever et décrire les désordres, malfaçons et inachèvements affectant l’immeuble litigieux, allégués dans l’assignation et résultant des pièces produites,
* en détailler les causes et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels fournisseurs ou intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables, dans quelle proportion,
* indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination,
* évaluer, notamment au vu de devis communiqués par les parties, les solutions et travaux nécessaires pour remédier tant aux désordres qu’aux dommages conséquents et en chiffrer le coût,
* préciser et évaluer les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons et inachèvements et par les solutions possibles pour y remédier,
* rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties,
* mettre, en temps utile, au terme des opérations d’expertise, par le dépôt d’un pré-rapport, les parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu’il leur fixera, leurs observations qui seront annexées au rapport,
DISONS que l’expert pourra, si besoin est, se faire assister de tout sapiteur de son choix,
FIXONS à 4000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui sera versé par les demandeurs, au plus tard le 31 octobre 2024, entre les mains du régisseur d’avance de recettes de cette juridiction, sous peine de caducité,
IMPARTISSONS à l’expert, pour le dépôt du rapport d’expertise, un délai de 8 mois à compter de l’avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision,
DISONS qu’en cas de refus ou d’empêchement de l’expert, il sera procédé à son remplacement par le magistrat chargé du contrôle des expertises qui est par ailleurs chargé de la surveillance des opérations d’expertise,
DISONS n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DISONS que les dépens seront à la charge des demandeurs.
Prononcé par mise à disposition au greffe le TREIZE AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Elodie NINEL, greffière placée, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.
LA GREFFIÈRE LA PREMIERE VICE-PRÉSIDENTE
Elodie NINEL Gaële FRANCOIS-HARY