Demande de nullité de marque par le licencié lui-même ?
Demande de nullité de marque par le licencié lui-même ?
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Une société licenciée d’une marque a soutenu que le contrat de licence dont elle bénéficiait portait sur deux marques françaises nulles, une marque dont la protection a été refusée aux Etats unis et un portefeuille clients inexistants et que ce contrat était donc dépourvu d’objet au sens de l’article 1108 du code civil (ancienne version), les redevances payées étant sans aucune contrepartie. Elle a demandé la restitution des redevances payées du 1 janvier 2015 au 23 février 2018, soit 223.022,70 euros.

Seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité

Or, seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l’article L711-4. La demande en nullité de marque fondée sur l’existence de droits antérieurs ne peut être invoquée que par le titulaire dudit droit antérieur. Dès lors, la demande de nullité de ces marques a été déclarée irrecevable.

Concernant le fichier clients qui a aussi été concédé par ce contrat, la société

a reconnu dans le préambule connaître parfaitement “le réseau de distribution

du concédant, et en particulier les membres de ce réseau” de telle sorte qu’elle ne peut soutenir que ce portefeuille de clients n’existait pas au jour du contrat.

Paiement des redevances sans contestation  

Cette affirmation est d’autant moins crédible que la société s’est acquittée pendant 3 ans de la redevance due au titre des marques et du portefeuille clients, sans procéder à aucune réclamation concernant une absence de fichier clients qu’elle invoque pour la première fois dans le cadre de cette procédure.

Preuve de l’existence de la base de données clients

A titre surabondant, il peut être souligné que le constat d’huissier réalisé démontre l’existence d’une base de données clients mis à sa disposition et son usage jusqu’à la résiliation du contrat de telle sorte que non seulement ce contrat avait bien un objet certain mais qu’en plus l’obligation de la mettre à disposition a bien été exécutée.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE  CIVILE
JUGEMENT DU 23 AOUT 2022

 
N° RG 19/07194 – N° Portalis DBX6-W-B7D-TSE2
 
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
 
Lors des débats et du délibéré :
 
3CF Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
 
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente
 
N° RG 19/07194 – N° Portalis Madame Hélène MARTRON, Juge
 
DBX6-W-B7D-TSE2
 
Madame Ophélie CARDIN, greffier lors des débats,
 
Minute n° 2022/00 Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de greffier lors du délibéré
 
DEBATS :
 
AFFAIRE :
 
A l’audience publique du 07 Juin 2022 sur rapport d’Hélène
 
MARTRON, Juge, conformément aux dispositions de l’article 785 du
 
Code de Procédure Civile. S.A.R.L. DIVA AGENCE
 
C/ JUGEMENT:
 
Contradictoire Société C-A B
 
Premier ressort,
 
S.A.R.L. X Par mise à disposition au greffe,
 
DEMANDERESSE :
 
S.A.R.L. DIVA AGENCE
 
[…]
 
[…] délivrées le représentée par Maître Bruno CARBONNIER de la SCP LE à
 
Avocats : la SELARL CORDOUAN STANC-CARBONNIER, avocats au barreau de MONTPELLIER,
 
AVOCATS avocats plaidant, et par Me Agathe DE GROMARD, avocat au
 
Me Agathe DE GROMARD barreau de BORDEAUX, avocat postulant
 
DEFENDERESSE :
 
Société C-A B
 
Unit 2503
 
[…]
 
[…]
 
représentée par Maître Florian DE SAINT-POL de la SELARL
 
CORDOUAN AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
 
N° RG 19/07194 – N° Portalis DBX6-W-B7D-TSE2
PARTIE INTERVENANTE :
 
S.A.R.L. X, venant aux droits de la SARL DIVA
 
AGENCE
 
[…]
 
[…]
 
représentée par Maître Bruno CARBONNIER de la SCP LE
 
STANC-CARBONNIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats plaidant, et par Me Agathe DE GROMARD, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant
 
EXPOSE DU LITIGE
 
La SARL DIVA Agence (ci-après « DIVA »), spécialisée dans la distribution de vins aux professionnels, a été immatriculée à Bordeaux le 1er juillet 2005.
 
La société DIVA a déposé à l’INPI la marque verbale française “DIVA” le 2 novembre
2000 sous le numéro 01 061949 en classe de produits n°33, qui désigne notamment les vins.
 
La société X a ensuite déposé ce même signe en tant que marque verbale le 22 septembre 2010 sous le numéro 37684575 en classes de produits n°35 désignant les ventes
(promotion des–) pour les tiers ; vente au détail (présentation des produits sur tout moyen de communication pour la –). Elle l’a aussi déposé le 17 janvier 2011 en tant que marque internationale.
 
La société C-A B est une entreprise enregistrée à Hong-Kong exerçant une activité de vente de vins auprès de professionnels, s’approvisionnant en vins notamment aux Etats-Unis.
 
Le 1 janvier 2015, DIVA a concédé à C-A B une licence de marques exclusive sur le signe « DIVA » lui permettant de l’exploiter pour désigner des bouteilles produites aux Etats-Unis et d’utilisation de son portefeuille clients, et ce pour une durée indéterminée.
 
Le 23 décembre 2017, le gérant de C-A B, M. Y Z, a notifié
 
à la société DIVA sa volonté de résilier le contrat après expiration du délai de préavis de
 
2 mois soit le 23 février 2018.
 
Considérant que la société Y. devait lui verser une indemnité de résiliation du contrat, ce que celle-ci conteste, la société DIVA l’a assignée devant le tribunal de grande instance de Bordeaux par acte du 16 avril 2019 aux fins notamment de paiement de la dite indemnité.
 
Par traité de fusion signé le 21 juin 2019 approuvé par assemblée générale extraordinaire du 24 septembre 2019, la société X a absorbé la société DIVA et a régularisé le 12 mars 2020 des conclusions d’intervention volontaire pour reprendre la présente instance.
 
Par ordonnance du 19 octobre 2020, le juge de la mise en état a rejeté la demande en nullité de l’assignation formée par C-A B du fait de de sa fusion-absorption avec la société X et l’a condamnée à verser à X la somme de 800 € au titre des frais irrépétibles.
 
Dans ses dernières conclusions en date du 7 octobre 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un plus ample exposé de son argumentation, la société X demande au tribunal de :
 
– SE DECLARER COMPETENT ;
 
– DIRE que la société X vient aux droits de la société DIVA Agence en vertu d’une opération de fusion-absorption approuvée par traité de fusion signé le
 
21 juin 2019 et approuvée en assemblée extraordinaire le 24 septembre 2019, et que la société X a repris l’instance engagée par la société DIVA Agence ;
 
– REJETER la demande de communication de pièces formée par C-A B ;
 
– REJETER la demande de nullité des marques « DIVA » n°01 3 061 949 et n°103768475 formée par la société C-A B ainsi que sa demande de nullité du contrat du 1 er janvier 2015 ;
 
– REJETER la fin de non-recevoir adverse fondée sur la prescription ;
 
– JUGER que la société C-A B a manqué à ses obligations contractuelles tirées du contrat de licence du 1 er janvier 2015 en :
 
• Refusant de s’acquitter de l’indemnité contractuelle de résiliation de 207 339,92
 
Euros prévue à l’article 13.2 du contrat ;
 
• Refusant de communiquer les documents comptables sollicités par la société DIVA sur le fondement de l’article 9 du contrat ;
 
– CONDAMNER EN CONSEQUENCE la société C-A B à l’exécution forcée en nature de ses engagements contractuels, et plus précisément :
 
• La condamner à s’acquitter auprès de la société X venant aux droits de la société
 
DIVA Agence de la somme de 207 339,92 € au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation prévue par le contrat de licence de marques ;
 
• Lui ordonner de communiquer ses documents comptables certifiés par expert-comptable qui portent sur les résultats d’exploitation des marques concédées en licence sur les années
 
2015, 2016 et 2017, et ce sous astreinte de 250 € par jour de retard passé le délai d”un mois
 
à compter de la date de signification du jugement ;
 
• Dans l’hypothèse où les documents comptables certifiés révéleraient des résultats
 
d’exploitation des marques concédées supérieurs aux résultats qui ont été transmis par
 
C-A B, CONDAMNER C-A B à verser à X la différence entre l’indemnité contractuelle revalorisée selon les véritables résultats d’exploitation, et l’indemnité contractuelle initialement calculée de 207 339,92 €.
 
– CONDAMNER la société C-A B à payer des intérêts légaux au titre de
 
l’absence de paiement de l’indemnité contractuelle de l’article 13.2 et ce depuis la mise en demeure de la société DIVA Agence en date du 23 avril 2018 ;
 
– CONDAMNER la société C-A B à des dommages-et-intérêts à hauteur de
 
5000 Euros au titre de l’inexécution de l’obligation de communiquer ses documents comptables ;
 
– REJETER l’ensemble des demandes de la société C-A B ;
 
– CONDAMNER la société C-A B au paiement de la somme de 9000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
– CONDAMNER la société C-A B au paiement des entiers dépens de l’instance.
 
– ORDONNER l’exécution provisoire du jugement.
 
Par ses dernières conclusions en date du 6 décembre 2021 auxquelles il y a lieu de se reporter pour le détail de leurs moyens, la société C-A B demande au tribunal de :
 
• Déclarer la société C-A B bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
 
• Rejeter l’ensemble des demandes formées par la société X (venant aux droits de la société DIVA AGENCE) ;
 
A TITRE PRINCIPAL ET AVANT-DIRE DROIT : SUR LA DEMANDE DE COMMUNICATION DE PIECES :
 
• Condamner la société X (venant aux droits de la société DIVA AGENCE) à verser aux débats, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir :
 
– La licence d’exploitation exclusive du portefeuille de clients conclue entre les sociétés DIVA AGENCE et X ;
 
– Tout document attestant de l’existence dudit portefeuille de clients à la date de la conclusion du contrat soit au 1 janvier 2015 ; er
 
– Le traité de fusion et le rapport du commissaire à la fusion des sociétés DIVA Agence et X ;
 
A TITRE SUBSIDIAIRE : SUR LA NULLITE DU CONTRAT DE LICENCE DE MARQUE LITIGIEUX
 
• Prononcer la nullité des marques « DIVA » n°01 3 061 949 et n°103768475 pour l’intégralité des produits et services déposés ;
 
• Ordonner l’inscription du jugement à intervenir au registre national des marques ;
 
• Constater l’absence de tout portefeuille de clients, et de toute licence de marque afférente ;
 
• Prononcer la nullité du contrat de licence de marque pour défaut d’objet ;
 
En conséquence :
 
• Condamner la société X (venant aux droits de la société DIVA AGENCE) à verser à la société Y. la somme de 223 022, 70 €, correspondant aux redevances versées par la société Y. tout au long de l’exécution du contrat de licence de marque ;
 
A TITRE TRES SUBSIDIAIRE :
 
• Prononcer la prescription de l’action de la société X (venant aux droits de la société DIVA AGENCE), au regard des dispositions de l’article 13 du contrat de licence ;
 
En conséquence :
 
• Rejeter l’ensemble des demandes de la société X (venant aux droits de la société DIVA AGENCE) ;
 
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
 
• Prononcer le défaut de validité de la clause contenue à l’article 13 du contrat de licence ;
 
En conséquence :
 
• Rejeter l’ensemble des demandes de la société X (venant aux droits de la société DIVA AGENCE) ;
 
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
 
• Condamner la société X (venant aux droits de la société DIVA AGENCE) au paiement à la société Y. de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
• Condamner la société X (venant aux droits de la société DIVA AGENCE) au paiement des entiers dépens ;
 
• Ordonner l’exécution provisoire et sans caution de la décision à intervenir ;
 
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2022.
 
MOTIVATION DE LA DECISION
 
I. sur les demandes de communication de pièces
 
Sur le fondement des articles 10, 11, 142 et 138 du code de procédure civile, la société Y. demande à titre principal, et avant dire droit, la communication de différentes pièces.
 
Elle demande tout d’abord communication de tout document attestant de l’existence dudit portefeuille de clients à la date de la conclusion du contrat soit au 1 janvier 2015. Elle
soutient n’avoir jamais eu communication d’un document répertoriant les clients existants de telle sorte que le contrat litigieux est privé d’objet et donc nul, à moins que la société
 
X n’apporte la preuve contraire, le constat d’huissier du 28 septembre 2021 étant inopérant pour prouver que ce fichier client existait lors de la conclusion du contrat et que la société DIVA AGENCE l’aurait licencié à la société X.
 
Elle demande aussi communication du contrat de la licence d’exploitation exclusive de portefeuilles de clients conclue entre les sociétés DIVA et X. Dans ses dernières conclusions, elle fait valoir que si la société X a transmis le contrat sollicité en date du 1 janvier 2011, on peut douter de sa véracité de sa production tardive et qu’en tout état de cause il n’a pour objet que les marques litigieuses et non le fichier clients.
 
Elle sollicite enfin la communication du traité de fusion et le rapport du commissaire à la fusion afin de voir comment la créance sollicitée a été valorisée, la société X ne pouvant avoir en tant que société absorbante des droits supérieurs à ceux transmis par la société absorbée.
 
Après avoir soutenu qu’elle n’avait pas à communiquer le contrat de licence demandé puisqu’elle reconnaissait en tant que propriétaire des marques les avoir concédés à la société DIVA, la société X a versé au débat le contrat de licence conclu le 1 janvier 2011 entre elle et la société DIVA. Elle a aussi transmis un constat d’huissier du 28 septembre 2021 afin de démontrer l’usage par la société Y. de la base de données clients qui avaient été mise à sa disposition par intranet.
 
Concernant la demande de communication du traité de fusion, la société X fait valoir que s’agissant d’informations sensibles, elle se heurte au secret des affaires et qu’en tout état de cause cette pièce n’est pas nécessaire et pertinente pour résoudre le litige. Elle souligne que l’opération correspondait à une fusion simplifiée de telle sorte qu’il n’existe pas de rapport du commissaire.
 
Sur ce,
 
Il ne peut qu’être constaté que le contrat de licence de marques du 1 janvier 2011 conclu entre la société DIVA et X dont la communication est sollicitée a d’ores et déjà été transmis par la société X malgré son opposition initiale. On ne peut manifestement pas déduire du seul caractère tardif de sa transmission un quelconque doute sur sa véracité. Dès lors, cette demande sera rejetée.
 
Il résulte des pièces versées au débat et notamment des termes du contrat de licence de marques du 1 janvier 2015 ainsi que du constat d’huissier réalisé le 28 septembre 2021er que la communication du fichier clients sollicitée ne s’avère pas nécessaire pour résoudre le litige. Dès lors, cette demande sera rejetée.
 
Concernant la demande de transmission du traité de fusion, il doit être constaté que ce document ne constitue pas un élément de preuve pertinent à la résolution du litige de telle sorte que cette demande sera aussi rejetée.
 
II. Sur les demandes de nullité du contrat et nullité des marques formée par la société Y.
 
La société Y. soutient que le contrat de licence porte sur deux marques françaises nulles, une marque dont la protection a été refusée aux Etats unis et un portefeuille clients inexistants et que ce contrat est donc dépourvu d’objet au sens de l’article 1108 du code civil (ancienne version), les redevances payées étant sans aucune contrepartie. Elle demande donc la restitution des redevances payées du 1 janvier 2015 au 23 février 2018, soit 223.022,70 euros.
 
Elle fait valoir que la marque n°013061949 déposée en classe 33 le 2 novembre 2000 et la marque n°103768475 déposée en classe 35 le 22 septembre 2010 sont nulles sur le fondement des articles L711-4 et L711-3 du CPI car de nombreuses marques au signe identique ou similaire avaient été antérieurement déposées pour des produits et services identiques. Elle soutient que la clause selon laquelle elle renonce à obtenir restitution des redevances déjà acquittées et à être déliées de ses obligations dans le cas où la nullité de la marque serait prononcée n’est pas valable car elle contrevient aux régles essentielles du droit des marques interdisant le dépot de marques déceptives ou descriptives. Elle fait aussi valoir que ce contrat portait sur l’exploitation des fichiers clients qui n’existe pas et qu’en tout état de cause, elle n’a jamais été destinataire d’un tel fichier et a exploité son activité grace à ses propres clients. Elle souligne qu’elle n’a jamais reconnu l’existence de ce fichier client par le préambule du contrat de concession mais a seulement reconnu connaître les membres du réseau de distribution qui ne peuvent être assimilés à des clients. Elle soutient que la pièce 23 ne démontre aucunement l’existence d’un fichier client, qu’elle ne peut rapporter la preuve de quelque chose qui n’existe pas et qu’il appartient à la partie qui se prétend libérer de son obligation d’en justifier.
 
La société X soutient que le contrat de licence de marques est parfaitement valable et que l’article L714-3 dans sa version applicable en l’espèce, prévoit que seul le titulaire
 
d’un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l’article L-711-4.
 
Sur ce,
 
Il résulte effectivement de l’article L714-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable en l’espèce, que seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l’article L711-4.
 
La demande en nullité de marque fondée sur l’existence de droits antérieurs ne peut être invoquée que par le titulaire dudit droit antérieur.
 
Or, en l’espèce, la société Y. invoque la nullité des marques n°013061949 déposée en classe 33 le 2 novembre 2000 et la marque n°103768475 sur ce fondement sans pour autant être titulaires de droits antérieurs.
 
Dès lors, la demande de nullité de ces marques ne pourra qu’être déclarée irrecevable.
 
Concernant le fichier clients qui a aussi été concédé par ce contrat, la société C A
B a reconnu dans le préambule connaître parfaitement “le réseau de distribution
du concédant, et en particulier les membres de ce réseau” de telle sorte qu’elle ne peut soutenir que ce portefeuille de clients n’existait pas au jour du contrat. Cette affirmation est
d’autant moins crédible que la société Y. s’est acquittée pendant 3 ans de la redevance due au titre des marques et du portefeuille clients, sans procéder à aucune réclamation concernant une absence de fichier clients qu’elle invoque pour la première fois dans le cadre de cette procédure. A titre surabondant, il peut être souligné que le constat d’huissier réalisé le 28 septembre 2021 démontre l’existence d’une base de données clients mis à sa disposition et son usage jusqu’à la résiliation du contrat de telle sorte que non seulement ce contrat avait bien un objet certain mais qu’en plus l’obligation de la mettre à disposition a bien été exécutée.
 
Dès lors, le contrat de licence a pour objet les marques n°013061949 et n°103768475 ainsi qu’un portefeuille clients.
 
La demande en nullité dudit contrat pour défaut d’objet sera donc rejetée.
 
III. Sur la demande de paiement d’une indemnité formulée par la société X
 
– sur la prescription
 
La société Y. soutient que le contrat de licence de marque et de fichier clients prévoit en son article 13-2 un délai de prescription abrégé d’un an pour pouvoir solliciter en justice le paiement d’une indemnité de résiliation, conformément à l’article 2254 du code civil prévoyant que le délai de prescription peut être abrégé par l’accord des parties, et qu’elle avait donc jusqu’au 23 février 2019 pour agir en justice.
 
La société X fait valoir que le délai d’un an est prévu uniquement pour notifier son intention de faire valoir ses droits.
 
Sur ce,
 
L’article 13-2 du contrat de licence de marque et de portefeuille clients du 1 er janvier
2015 est ainsi rédigé : “art 13-2: conditions de retrait- d’abandon
 
Le présent contrat peut être résilié par l’une ou l’autre des parties moyennant un préavis de deux mois notifié par lettre recommandée.
 
Pour que la partie faisant l’objet de cet abandon puisse prendre les dispositions appropriées et réorienter son activité en temps utile, la partie auteur de l’abandon doit, sans délai, dès
l’expiration du délai de préavis effectuer le paiement du versement libératoire, à titre de réparation d’une somme équivalente à trois années d’honoraires (annexe 3 Mode de calcul du versement libératoire).
 
Le droit à réparation sera annulé si la partie subissant la résiliation ne notifie pas son intention de faire valoir ses droits dans un délai d’un an à compter de la fin du contrat”.
 
Il résulte de cette disposition que le délai d’un an est prévu uniquement pour notifier son intention de faire valoir ses droits, ce qu’elle a fait par e-mail du 1 mars 2018 puis parer lettre de mise en demeure du 23 avril 2018, et non pour agir en justice de telle sorte que le délai de prescription de droit commun de 5 ans s’applique. La société DIVA ayant assigné la société Y. par acte du16 avril 2019, elle a bien agi en justice dans ce délai.
 
Par conséquent, la demande de paiement d’indemnité est recevable.
 
Sur le fond :
 
La société X soutient que l’indemnité de résiliation unilatérale prévue au contrat,
à savoir 207 339,92 euros, est due par la société Y. sur le fondement de
l’article 1134 du code civil sans que le juge ne puisse en réduire le montant, celle-ci ne pouvant être qualifiée de clause pénale et s’imposant aux deux parties, et non pas seulement au licencié.
 
Elle soutient que la défenderesse a en outre manqué à ses obligations contractuelles en ne communiquant pas ses documents comptables alors que cette communication était pourtant prévue par l’article 9 du contrat de licence. Il est donc demandé au tribunal de la condamner
à communiquer ces documents sous astreinte et le cas échéant de verser la différence entre
l’indemnité contractuelle calculée avec les derniers résultats d’exploitation et celles calculées au vu des précédents résultats ainsi qu’à payer en tout état de cause des dommages et intérêts.
 
La défenderesse soutient qu’en raison de la prohibition des engagements contractuels, elle peut librement résilier le contrat sans avoir à payer d’indemnité de résiliation et que le clause prévoyant le contraire va à l’encontre de ce principe constitutionnel. En outre, elle soutient que le contrat prévoit en cas de cessation sans faute une indemnité en renvoyant pour les modes de calcul à une annexe 3 qui n’existe pas et qu’il est en tout état de cause applicable qu’au licencié puisque il a pour base de calcul les redevances payées par celui-ci, et doit être écarté en ce qu’elle crée un déséquilibre entre les droits des parties. Au surplus, elle fait valoir que la demanderesse n’invoque aucun préjudice.
 
Sur ce,
 
Il résulte de l’article 13-2 du contrat de licence de marques conclu le 1 janvier 2015 entre la société DIVA Agence, aux droits desquels vient la société X, et la société C
A B qu’une indemnité sera due en cas de résiliation par l’une des parties au contrat, le mode de calcul de cette indemnité correspondant à 3 ans de redevances étant fixée par renvoi à l’annexe 3 de la convention selon lequel “ce montant est calculé sur la base de la moyenne des deux derniers exercices complets. A défaut, il est calculé prorata temporis (proportionnellement au temps écoulé)”.
 
Cette indemnité de résiliation qui ne fait pas obstacle à la résiliation du contrat mais
l’encadre afin de permettre à la partie subissant la résiliation de pouvoir réorienter son activité, ne heurte pas le principe de prohibition des engagements perpétuels.
 
Au vu des termes du contrat, cette indemnité de résiliation est due quel que soit la partie qui met fin au contrat, concédant ou licencié, celle-ci devant payer une somme équivalente à trois ans de redevances acquittées par le licencié ou perçues par le concédant. Cette clause ne porte donc pas atteinte à l’équilibre entre les parties et le moyen selon lequel cette clause
n’est pas valable doit être écarté.
 
En outre, cette indemnité ne sanctionne pas l’inexécution par l’une des parties de ses obligations afin de la contraindre à les exécuter de telle sorte qu’elle ne peut être qualifiée de clause pénale au sens de l’article 1226 du code civil dans sa version applicable en
l’espèce, et ne peut donc être révisée.
 
En application de l’article 1134 du code civil, il y a donc lieu d’appliquer cette clause claire et précise du contrat de licence de marques du 1 janvier 2015 et de condamner la société Y. à payer une indemnité de résiliation correspondant à 3 années de redevances calculées en fonction de la moyenne des deux derniers exercices.
 
Au vu des derniers résultats d’exercice déclarés par la société Y., pour l’année 2015, 2016 et 2017, l’indemnité de résiliation s’élève à 207.339, 92 euros.
 
La société X sollicite à la fois la condamnation de la société Y. à payer la somme de 207.339, 92 euros mais aussi la communication sous astreinte des pièces comptables pour contrôler le montant des résultats d’exploitation et ainsi “réajuster” le montant de l’indemnité d’occupation.
 
Si la société Y. ne justifie effectivement pas d’avoir communiqué à la société X ses comptes pour les exercices 2015, 2016 et 2017 comme elle y était pourtant tenue en vertu de l’article 9 dudit contrat, il ne peut être fait droit à la demande de la société X de dommages et intérêts, et non de provision, sous réserve de “réajustement”.
 
Dans ces conditions, la société Y. sera condamnée à payer à la société X la somme de 207.339,92 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure au titre de l’indemnité de résiliation prévue par le contrat de licence de marques sans qu’il soit nécessaire d’ordonner la communication des éléments comptables sollicitées. Le prononcé d’une mesure d’astreinte ne s’avère pas non plus nécessaire.
 
Du fait de ce manquement à cette obligation de mise à disposition des comptes, la société
 
Y. sera condamnée à payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.
 
IV. Sur la demande reconventionnelle
 
A titre reconventionnel, la société Y. sollicite la condamnation de la société X à lui restituer les redevances payées en raison de l’effet rétroactif de la nullité du contrat de licence de marques.
 
Toutefois, la demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de licence ayant été
déclarée irrecevable, cette demande sera nécessairement rejetée.
 
V. Sur les demandes annexes
 
Succombant à l’instance, la société Y. sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à la SARL X, venant aux droits de la société DIVA agence, une indemnité de procédure dont le montant sera fixé en équité à la somme de 5.000 €.
 
Au vu de la nature de l’affaire, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.
 
PAR CES MOTIFS
 
LE TRIBUNAL statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
 
REJETTE la demande de communication de pièces,
 
DECLARE irrecevable la demande de nullité des marques,
 
REJETTE la demande en nullité du contrat de licence de marques,
 
DÉCLARE recevable la demande en paiement d’indemnité de résiliation,
 
CONDAMNE la société Y. à payer à la SARL X la somme de 207.339,92 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du
 
23 avril 2018 au titre de l’indemnité de résiliation du contrat de licence de marques,
 
CONDAMNE la société Y. à payer à la SARL X la somme de
 
1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de communiquer ses documents comptables,
 
REJETTE le surplus des demandes de la SARL X,
 
REJETTE la demande reconventionnelle,
 
CONDAMNE la société Y. à payer à la SARL X la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
 
CONDAMNE la société Y. aux entiers dépens,
 
ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.
 
La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et
Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de greffier.
 
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
 
 

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