→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne une demande de communication de documents bancaires et fiscaux de la part des appelants à M. [G], Mme [U], et M. [C], ainsi que des sociétés Talyox Précision et Groupe XP. Les appelants demandent également une indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile. En réponse, les parties intimées contestent la recevabilité de la demande et refusent de divulguer des informations en invoquant le secret bancaire. L’audience pour cet incident a été reportée au 21 août 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE BESANÇON
1ère Chambre Civile
ORDONNANCE N°
N° RG 23/01649 – N° Portalis DBVG-V-B7H-EWEY
S/appel d’une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON en date du 04 octobre 2023 [RG N° 2021003936]
Code affaire : 50B – Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix
ORDONNANCE D’INCIDENT DU 21 AOÛT 2024
S.A.S. MEGEP INDUSTRIE prise en la personne de son Président en exercice domicilié de droit en cette qualité audit siège social
Sise [Adresse 2]
Représentée par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
S.A.S. EXCAMED prise en la personne de son Président en exercice domicilié de droit en cette qualité audit siège social
Sise14 [Adresse 7]
Représentée par Me Alexandre LIARD de la SCP DEGRE 7, avocat au barreau de BESANCON
APPELANTES
DEMANDERESSES A L’INCIDENT
ET :
Monsieur [S] [C]
né le 15 Mars 1963 à [Localité 6]
de nationalité française, demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT – PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représenté par Me Patrick AUDARD de la SCP AUDARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant
Madame [R] [U] épouse [C]
née le 17 Février 1959 à [Localité 8]
de nationalité française, demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT – PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat plaidant
Représentée par Me Patrick AUDARD de la SCP AUDARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, avocat postulant
Monsieur [V] [G]
né le 25 Septembre 1981 à [Localité 5]
de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Franck BOUVERESSE, avocat au barreau de BESANCON
SARL GROUPE XP agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice
Sise [Adresse 4]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT – PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Patrick AUDARD de la SCP AUDARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant
S.A.R.L. TALYOX
Sise [Adresse 3]
Représentée par Me Franck BOUVERESSE, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉS
DEFENDEURS A L’INCIDENT
Ordonnance rendue par Cédric SAUNIER, conseiller de la mise en état, assisté de Fabienne ARNOUX, greffier.
Le dossier a été plaidé à l’audience du 19 juin 2024, les parties ont été avisées de la date de mise à disposition au 21 Août 2024.
* * * * * * *
Par acte du 08 juillet 2019, la SARL Groupe XP, représentée par ses co-gérants M. [S] [C] et Mme [R] [U] épouse [C], a cédé à la SAS Excamed pour un prix de 1 000 000 euros la totalité des actions composant le capital social de sa filiale la SAS Megep Industrie, exploitant une activité de mécanique générale de précision.
L’acte de cession comportait :
– d’une part une clause prévoyant un accompagnement du cessionnaire par la société Groupe XP pendant une durée minimale de trois ans, pour le développement de la branche usinage des filiales de la société Excamed ;
– d’autre part une clause de non-concurrence.
A l’issue de la rupture de la convention d’assistance à l’initiative de la société Megep Industrie intervenue le 10 janvier 2020, plusieurs salariés de cette dernière ont présenté leur démission, à savoir M. [P] [C], M. [V] [G], M. [W] [H], M. [F] [M] et M. [Y] [X].
Le 30 juillet suivant, la SARL Talyox Précision a été créée par M. [V] [G], M. [W] [H], M. [F] [M] et M. [Y] [X].
Saisi par les sociétés Excamed et Megep Industrie de demandes indemnitaires formées, sur le fondement des responsabilités contractuelle et délictuelle, à l’encontre des sociétés Groupe XP et Talyox Précision ainsi que de M. [C], Mme [U], M. [G] et M. [X] au motif de la violation de la clause de non-concurrence, le tribunal de commerce de Besançon, par jugement rendu le 04 octobre 2023 :
– s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Besançon ‘pour statuer sur le cas de M. [Y] [X]’ ;
– a dit qu’à l’expiration du délai d’appel, le dossier sera transmis par le greffe à la juridiction compétente ;
– s’est déclaré compétent ‘pour statuer sur le cas de M. [V] [G]’ ;
– a débouté les sociétés Excamed et Megep Industrie de l’ensemble de leurs demandes ;
– a débouté la société Talyox Précision et M. [G] de leur demande de dommages -intérêts au titre du caractère abusif de la procédure ;
– a débouté M. [C] et Mme [U] de leur demande de dommages-intérêts ;
– a condamné les sociétés Excamed et Megep Industrie à payer à la société Groupe XP, Mme [U], M. [C] et la société Talyox Précision la somme de 500 euros chacun ;
– a condamné les sociétés Excamed et Megep Industrie aux entiers dépens liquidés à la somme de 232,01 euros.
Les sociétés Excamed et Megep Industrie ont relevé appel du jugement par déclaration transmise le 10 novembre 2023 puis ont déposé leurs conclusions au fond les 06 février et 06 mai suivants.
La société Taylox Précision et M. [G] ont constitué avocat le 21 novembre 2023 et ont déposé leurs conclusions au fond le 13 février 2024.
La société Groupe XP, Mme [U] et M. [C] ont constitué avocat le 07 décembre 2023 et ont déposé leurs conclusions au fond le 30 avril 2024.
Par conclusions du 03 mai 2024, les sociétés Excamed et Megep Industrie ont saisi le conseiller de la mise en état d’un incident.
– à M. [G], Mme [U] et M. [C], de communiquer :
. la copie recto-verso du chèque tiré sur le compte de Mme [U] ou M. [C] et encaissé le 25 juillet 2020 à la SA Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté sur un compte ouvert au nom de M. [G], qu’ils peuvent requérir de leur banque respective ;
. ou d’une attestation de la société Banque Populaire de Bourgogne Franche Comté indiquant qu’elle n’a jamais procédé à l’encaissement d’un chèque n° 2957404 ‘tiré sur un compte M. et Mme [C] sur le compte de M. [G]’ ;
– à M. [G], de communiquer :
. ses extraits de compte bancaire des mois de juillet 2020 et août 2020 mentionnant le débit de la somme versée au capital de la société Talyox le 29 juillet 2020 ;
. la copie du reçu remis par son acheteur en contrepartie de la vente des bijoux provenant de sa mère ;
. les formulaires fiscaux 2091 SD obligatoires en matière de cession de bijoux d’une valeur de plus de 5 000 euros ;
– à Mme [U] et M. [C], de communiquer leurs extraits de comptes bancaires des mois de juillet 2020 et août 2020 intitulé à leurs deux noms dont ils pourront biffer les intitulés de toutes les opérations exceptées celles qui portent sur un montant égal ou supérieur à 40 000 euros ;
Les appelants demandent en outre la condamnation solidaire de M. [G], M. [C], Mme [U] et les sociétés Talyox Précision et Groupe XP à leur verser la somme de 3 000 euros à chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec réserve des dépens.
Au soutien de leurs demandes, ils font valoir, au visa des articles 10 du code civil et 138, 139, 142, 788 et 907 du code de procédure civile :
– que M. [G] ne justifie pas de l’origine des fonds lui ayant permis de faire un apport en numéraire d’un montant de 80 000 euros lors de la création de la société Talyox Précision, l’attestation établie par sa mère faisant état d’un don de bijoux n’étant pas probante ;
– que dans cette hypothèse, il lui a été nécessaire de vendre lesdits bijoux et de satisfaire aux obligations fiscales prévues par l’article 150, VI, du code général des impôts ;
– qu’il lui appartient d’apporter la preuve du moyen de défense qu’il invoque concernant la provenance des fonds ;
– qu’en considération de la difficulté probatoire à laquelle elle est confrontée en sa qualité de victime de faits de concurrence illicite, il n’apparaît pas disproportionné, au regard des intérêts en présence et du caractère déterminant de ces éléments sur l’exercice du droit de la preuve, d’ordonner la production de la copie d’un chèque bancaire et des relevés de comptes de M. [G], Mme [U] et M. [C], ou encore d’une attestation de leur établissement bancaire.
Par conclusions transmises le 21 mai 2024, Mme [U], M. [C] et la société Groupe XP ont conclu :
– à titre principal, à l’irrecevabilité de la demande présentée par les sociétés Megep Industrie et Excamed en raison de leur caractère nouveau ;
– subsidiairement, au rejet de la demande aux fins de production de pièces ;
– très subsidiairement et à titre reconventionnel, à la condamnation des sociétés Megep Industrie et Excamed à produire, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, les documents fondant leurs allégations selon lesquelles un chèque aurait émis et encaissé par les parties intimées ;
– en toute hypothèse, de condamner solidairement les sociétés Megep Industrie et Excamed à leur payer la somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’incident.
Ils font valoir :
– qu’en application des articles 564 à 566 du code de procédure civile, les demandes formées à leur encontre sont irrecevables ;
– que leur demande ne repose sur aucun élément et ne vise qu’à suppléer à leur propre carence probatoire, tout en alléguant l’existence d’un chèque dont ils refusent de divulger de quelle manière cette information leur aurait été révélée en violation du secret bancaire.
Par conclusions transmises le 21 mai 2024, la société Taylox Précision et M. [G] ont conclu :
– à titre principal, à l’irrecevabilité de la demande présentée par les sociétés Megep Industrie et Excamed en raison de leur caractère nouveau ;
– subsidiairement, au rejet de la demande aux fins de production de pièces ;
– très subsidiairement et à titre reconventionnel, à la condamnation des sociétés Megep Industrie et Excamed à produire, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, les documents fondant leurs allégations selon lesquelles un chèque aurait émis et encaissé ;
– en toute hypothèse, de condamner solidairement les sociétés Megep Industrie et Excamed à leur payer la somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’incident.
Ils font valoir :
– qu’en application des articles 564 à 566 du code de procédure civile, les demandes formées à leur encontre sont irrecevables ;
– au visa des articles 138, 139 et 142 du code de procédure civile, que leur demande ne repose que sur de simples allégations, sans établir l’existence du chèque qu’elles invoquent et dont elles sollicitent la communication, alors que M. [G] n’est pas tenu par une clause de non-concurrence et que le secret bancaire constitue un motif légitime de refus de communication ;
– que par ailleurs, M. [G] n’a jamais prétendu avoir cédés des biens obtenus de sa mère.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’incident, appelé à l’audience du 19 juin 2024, a été mis en délibéré au 21 août suivant.
– Sur la recevabilité de la demande de communication de pièces sous astreinte présentée par les sociétés Megep Industrie et Excamed,
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
En application de l’article 913-1 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces.
Il peut se faire communiquer l’original des pièces versées aux débats ou en demander la remise en copie.
Il peut faire aux avocats des parties toutes communications utiles et, au besoin, leur adresser des injonctions.
Il est constant que dans les procédures comportant une mise en état, une demande de production de pièces formée conformément aux dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile peut être présentée soit devant le conseiller de la mise en état en vertu de ses attributions propres, soit devant la juridiction de jugement.
En l’espèce, la demande de communication de pièces sous astreinte formée par les sociétés Megep Industrie et Excamed a été adressée au conseiller de la mise en état, de sorte qu’elle n’est pas soumise à l’article 564 du code de procédure civile conditionnant la recevabilité des demandes formées devant la cour à leur absence de caractère nouveau.
Cette demande est donc recevable.
– Sur la demande de communication de pièces sous astreinte présentée par les sociétés Megep Industrie et Excamed,
En application de l’article 138 du code de procédure civile, si, dans le cours d’une instance, une partie entend faire état d’un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n’a pas été partie ou d’une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l’affaire d’ordonner la délivrance d’une expédition ou la production de l’acte ou de la pièce.
L’article 139 du même code prévoit que la demande est faite sans forme. Le juge, s’il estime cette demande fondée, ordonne la délivrance ou la production de l’acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu’il fixe, au besoin à peine d’astreinte.
Enfin, il résulte de l’article 142 du code précité que les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139.
Il est constant que le juge ne peut, sur le fondement des dispositions précitées, ordonner la production de pièces sans que l’existence de ces dernières soit, sinon établie avec certitude, du moins vraisemblable.
L’utilité d’une demande de communication de pièces s’apprécie au regard des prétentions et des moyens de la partie qui la sollicite, et non au regard de sa pertinence quant à la solution du litige, seul le tribunal statuant au fond étant à même d’en apprécier la valeur probante.
En l’espèce, les sociétés Megep Industrie et Excamed fondent leur demande de communication de pièces sous astreinte dirigée à l’encontre M. [G], Mme [U] et M. [C] sur le fait que M. [G] ne justifie pas de l’origine des fonds qui lui auraient permis de faire un apport en numéraire d’un montant de 80 000 euros lors de la création de la société Talyox Précision, en faisant valoir le défaut de valeur probante de l’attestation établie par sa mère faisant état d’un don de bijoux et la nécessaire déclaration fiscale attachée à la vente desdits bijoux.
Etant rappelé qu’il appartient à chacune des parties de produire les éléments de droit et de fait nécessaire au succès de leurs propres prétentions, la preuve de la validité de la clause de non-concurrence, des personnes y étant assujetties et d’une activité qui aurait été commise en violation d’une telle clause dans le cadre de la constitution d’une nouvelle société à laquelle M. [G] aurait pris part incombe à ceux qui s’en prévalent, à savoir les sociétés Megep Industrie et Excamed.
La communication, par les intimés, des pièces de nature à corroborer leurs moyens et arguments présentés en défense devant la cour relève de leur propre charge probatoire qu’il appartiendra à la cour statuant au fond d’apprécier.
Par ailleurs, les sociétés Megep Industrie et Excamed se bornent à affirmer d’une part que M. [G] aurait procédé à une opération de vente de bijoux obtenus de sa mère et d’autre part qu’un chèque bancaire aurait été émis entre les intimés, sans produire aucun élément de nature à rendre vraisemblable l’existence de pièces bancaires et fiscales relatives à de telles opérations.
La demande de communication de pièces formée par les sociétés Megep Industrie et Excamed sera en conséquence rejetée en ce qu’elle ne relève pas des dispositions précitées.
Le conseiller de la mise en état, par ordonnance rendue après débats contradictoires :
– déclare recevable la demande de communication de pièces sous astreinte présentée par la SAS Megep Industrie et la SAS Excamed ;
– déboute la SAS Megep Industrie et la SAS Excamed de leur demande de production de pièces sous astreinte formée à l’encontre de M. [S] [C], Mme [R] [U] épouse [C] et M. [V] [G] ;
– déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à condamnation aux dépens.
Le greffier Le conseiller