Délit de presse : la distance géographique compte

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Délit de presse : la distance géographique compte

En matière de délits de presse,  le délai de comparution du prévenu (vingt jours) est augmenté d’un jour par cinquante kilomètres de distance. Toutefois, cette règle n’est pas absolue et peut porter une atteinte disproportionnée au droit d’accès à un tribunal. C’est à tort que des juges d’appel ont retenu la validité d’un acte de poursuite délivré un mois et six jours avant la date de l’audience, bien qu’une distance de plusieurs milliers de kilomètres séparât le lieu de délivrance de l’acte au défendeur résidant sur l’Ile de la Réunion. Le défendeur n’avait pu se  présenter à l’audience.  

Atteinte disproportionnée au droit d’accès à un tribunal



Selon la Cour de cassation, dans certaines circonstances, lorsque le domicile du prévenu est  très éloigné du lieu du procès, l’application de l’article 54 de la loi du 29 juillet 1881 peut porter une atteinte disproportionnée au droit d’accès de la partie civile à un tribunal dans les poursuites tout au moins engagées contre les personnes physiques, le délit ne pouvant être imputé à la personne morale.  

Article 54 de la loi du 29 juillet 1881

L’article 54 de la loi du 29 juillet 1881, en ce qu’il prévoit un délai entre la citation et la comparution devant le tribunal correctionnel de 20 jours outre un jour par cinq myriamètres de distance, permet ainsi, lorsque le prévenu résidant Outre-Mer est cité en Métropole, que ce délai soit porté à plusieurs mois, lorsque, en toute autre matière, le délai de distance est fixé à un mois, n’est pas conforme au droit d’agir en justice, au principe d’égalité devant la justice et au droit à la réputation, composante du droit au respect de la vie privée, garantis par les articles 2, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Décision n° 2019-786 QPC du 24 mai 2019

Par sa décision n° 2019-786 QPC en date du 24 mai 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré les mots « outre un jour par cinq myriamètres de distance » figurant au premier alinéa de l’article 54 de la loi du 29 juillet 1881, qui méconnaissaient le principe d’égalité devant la justice, contraires à la Constitution, l’abrogation des dispositions contestées étant reportée jusqu’au 31 mars 2020 et la déclaration d’inconstitutionnalité ne pouvant être invoquée dans les instances engagées par une citation délivrée avant la publication de la décision.

Unité obsolète

Le délai de distance exprimé à l’article 54 de la loi du 29 juillet 1881, qui a pour fonction de permettre au prévenu d’exercer utilement ses droits de la défense, doit s’interpréter à la lumière des principes qui régissent le procès équitable et qui garantissent l’équilibre des droits des parties ; en appliquant littéralement le mode de calcul prévu par ce texte et fondé sur le « myriamètre », unité de mesure élaborée en 1793 pour tenir compte des modes de transport de l’époque qu’étaient les randonnées à cheval et les longs voyages maritimes, portant ainsi le délai de distance à 180 jours, soit presque 6 mois, permettant ainsi aux prévenus d’obtenir la nullité de la citation au seul motif du non-respect d’une règle obsolète et ce quand bien même, touchés par la citation plus d’un mois avant leur comparution, ils avaient été mis en mesure de préparer utilement leur défense, la cour d’appel a porté une atteinte disproportionnée au droit d’accès à un tribunal de la partie civile et méconnu les principes gouvernant le procès équitable. Téléchargez la décision


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