Délégation de paiement : 8 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/10335

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Délégation de paiement : 8 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/10335

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 356

Rôle N° RG 19/10335 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEP2Z

[I] [N]

[P] [X] épouse [N]

C/

SA ENGIE

SA CDC HABITAT SOCIAL CIAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Audrey QUIOC

SELARL CAMPOCASSO & ASSOCIES

Me Constant SCORDOPOULOS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d’Instance de MARTIGUES en date du 13 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11-17-0015.

APPELANTS

Monsieur [I] [N]

né le 31 Mars 1979 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3] – [Localité 2]

représenté par Me Audrey QUIOC, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Madame [P] [X] épouse [N]

née le 10 Juillet 1982 à [Localité 10], demeurant [Adresse 3] – [Localité 2]

représentée par Me Audrey QUIOC, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SA ENGIE, demeurant [Adresse 1] – [Localité 6]

représentée par Me Charlotte MOREAU de la SELARL CAMPOCASSO & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

SA CDC HABITAT SOCIAL CIAL, demeurant [Adresse 4] – [Localité 5]

représentée par Me Constant SCORDOPOULOS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 04 Mai 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022 puis les parties ont été avisées que le prononcé de la décison était prorogé au 8 septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 septembre 2022,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon acte sous seing privé du 15 octobre 2009, la SA HLM Nouveau Logis Provençal devenue CDC Habitat Social a consenti à bail à Mme [P] [X] un appartement T3 situé 60 Place du Relais, Résidence [9], [Adresse 8], [Localité 2], moyennant un loyer mensuel initial révisable de 467,29 euros et une provision sur charges de 112,5 euros.

Madame [X] s’est mariée avec M. [I] [N] le 5 janvier 2013.

Ils ont quitté les lieux le 28 janvier 2015.

La SA HLM Nouveau Logis Provençal et la SA Gaz de France Dolce Vita devenue ENGIE ont conclu un contrat de vente de gaz réparti correspondant à un service de fourniture d’énergie et de facturation destiné aux immeubles collectifs équipés d’un chauffage individuel centralisé au gaz naturel.

Par acte du 13 décembre 2016, M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N] ont fait citer, devant le Tribunal d’instance de Martigues, Gaz de France Dolce Vita devenu ENGIE aux fins de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– constater qu’il n’existe pas de contrat de fourniture de gaz entre eux et ENGIE mais seulement un contrat entre GDF et le Nouveau Logis Provençal,

– dire que les factures émises entre mars 2012 et février 2015 ne sont pas dues,

– condamner la défenderesse à rembourser les paiements indus faits par les requérants soit la somme de 3 639,61 euros,

– condamner la défenderesse à leur payer les sommes de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de l’obstination de GDF et des menaces proférées pour les obliger à payer des sommes qu’il savait ne pas être dues au lieu de se retourner contre le Nouveau Logis Provençal et de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 21 juillet 2017, la société ENGIE a fait citer la SA HLM Nouveau Logis Provençal aux fins de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– ordonner la jonction de la procédure de M. et Mme [N] avec celle de la SA HLM Nouveau Logis Provençal,

– condamner cette dernière à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Par jugement contradictoire du 13 mai 2019, le Tribunal d’instance de Martigues a statué de la façon suivante :

– ordonne la jonction des procédures n° 11 17 778 et 11 17 15,

– déboute M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N] de toutes leurs demandes fins et prétentions formées à l’encontre de la SA Engie,

– condamne solidairement M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N] à payer à la SA ENGIE la somme de 566,79 euros correspondant à leurs arriérés de facture de consommation de gaz impayés au 19 février 2015,

– déboute la SA ENGIE de sa demande en garantie formée à l’encontre de la SA HLM Nouveau Logis Provençal,

– déboute la SA Engie et le Nouveau Logis Provençal de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens qu’elle a elle-même engagés.

Le premier juge a décidé qu’au vu de la facturation de M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N], soit une moyenne de 79,10 euros par mois, celle-ci paraît adaptée à la consommation habituelle pour un logement de la superficie des locataires et qu’il n’y a pas lieu à garantie par le bailleur, celui-ci ayant rempli ses obligations, aucune faute dirimante n’étant démontrée à son encontre.

Par déclaration du 26 juin 2019, M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N] ont interjeté appel contre le jugement précité en ce qu’il les a déboutés de toutes leurs demandes à l’encontre de la SA Engie, qu’il les a condamnés solidairement à payer à la SA ENGIE la somme de 566,79 euros correspondant à leur arriéré de consommation de gaz impayés au 19 février 2015, qu’il a débouté la SA Engie de sa demande de garantie à l’encontre de la SA HLM Nouveau Logis Provençal.

Selon leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2021, M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N] demandent de voir :

– dire et juger autant recevables que bien fondés l’appel et les demandes des époux [N],

– réformer le jugement querellé,

– prononcer qu’il n’existe pas de contrat de fourniture de gaz entre les époux [U] et GDF mais seulement un contrat entre GDF et Nouveau Logis Provençal,

– Ordonner qu’en l’absence de contrat VGR avant 2011 et l’absence de délégation signée, la facture de consommation de 2009 à février 2011, n°702093084 d’un montant de 945,06 euros devra être remboursée par ENGIE,

– ordonner l’annulation des factures émises entre mars 2011 et février 2015 et prononcer que ces factures ne sont pas dues par les époux [N] et en conséquence,

– condamner ENGIE à rembourser les paiements indus faits par les époux [N] soit la somme totale de 3639,31 euros sur le fondement des articles 1302 et suivants du code civil, pour les factures émises de mars 2011 à février 2015,

– condamner ENGIE à payer aux époux [N] la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l’obstination de GDF et des menaces proférées, pour les obliger à payer des sommes qu’il savait ne pas être dues au lieu de se retourner contre le Nouveau Logis Provençal.

– condamner ENGIE ou tout autre succombant à régler aux époux [N] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître QUIOC qui y a pourvu.

Dans leurs conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N] soutiennent que la société Nouveau Logis Provençal facture aux locataires de 2011 à 2015 l’eau froide, l’eau chaude et le chauffage dans les charges et qu’il existe une double facturation de la part des intimés alors qu’ils n’ont signé aucun contrat avec la société ENGIE. De même, les appelants font valoir qu’ils n’ont signé aucun contrat de délégation auprès du bailleur et que le régime de la stipulation pour autrui n’est pas applicable en l’espèce, les seuls paiement ne suffisant pas à établir cette dernière.

En outre, les époux [N] relèvent que la société ENGIE émet des factures sans effectuer de relevés annuels de consommation comme l’exige l’article L. 224-11 du code de la consommation. D’ailleurs, ENGIE invoquerait qu’elle n’a pu relever les compteurs du fait du bailleur.

Or, les époux [N] dénient l’existence de compteur individuel à l’entrée de chaque logement et précisent que la facture de résiliation étant d’un montant de 141,93 euros, le tribunal ne pouvait les condamner à une somme supérieure à celle réclamée par ENGIE.

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 3 décembre 2019, la société ENGIE demande de voir :

– confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la jonction des instances principale et en intervention forcée,

– vu l’existence du contrat « Vente de Gaz Réparti » conclu entre la société ENGIE et la société Nouveau Logis Provençal, et considérant que les appelants ne contestent pas avoir bénéficié de la fourniture de gaz par la société ENGIE pour l’eau chaude et le chauffage de leur appartement,

– rejeter la demande de remboursement de la somme 3639,31euros correspondant aux factures émises entre mars 2011 et février 2015, présentée par les époux [N] sur le fondement des articles 1302 et suivants du code civil, ainsi que leur demande d’annulation des factures ultérieures,

– condamner les époux [N] au paiement de la somme de 566,79 euros au titre de leurs impayés de consommation de gaz, actualisés au 19 février 2015,

– Néanmoins su appel incident,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Martigues en date du 13 mai 2019 en ce qu’il a rejeté l’appel en garantie du bailleur Nouveau Logis Provençal,

– condamner en conséquence la société Nouveau Logis Provençal à garantir le paiement de la somme de 566,79 euros au bénéfice de la société ENGIE, conformément aux dispositions contractuelles contenues dans l’offre de VGR,

– condamner en outre la société Nouveau Logis Provençal à relever et garantir la société ENGIE indemne de toute condamnation éventuelle,

– ensuite, considérant que la société ENGIE ne s’est jamais montrée obstinée ou menaçante à l’encontre des requérants, mais a simplement mis en ‘uvre, sans aucun abus de droit, des modalités de recouvrement de ses créances impayées,

– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande formulée par les époux [N] en paiement de dommages-intérêts en réparation d’un prétendu préjudice subi, aujourd’hui estimé à la somme de 5 000 euros,

– rejeter la demande de paiement de la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, formulées par les époux [N],

– infirmer le jugement et condamer les époux [N] au paiement de la somme de 3 500 euros au bénéfice de la société ENGIE, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la partie succombante au paiement des entiers dépens d’instance et d’appel, en ce compris les dépens engagés au titre de la procédure d’assignation en intervention forcée.

Dans ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société ENGIE soutient que le contrat de ‘Vente de gaz réparti’ repose sur deux contrats, un contrat collectif de fourniture de gaz naturel entre ENGIE et le bailleur et un contrat d’individualisation liant ENGIE et chaque locataire, que ce dernier contrat permet de facturer directement le client de ses consommations individuelles d’eau chaude sanitaire et de chauffage sur la base d’une délégation de paiement. Elle explique qu’avec l’offre FideloConso, chaque bénéficiaire reçoit une facture individualisée comprenant ses consommations individuelles de gaz et sa contribution à la part commune de chauffage et que les compteurs individuels d’eau chaude et de chaleur de chaque bénéficiaire ainsi que le compteur général de gaz de l’immeuble sont relevés à distance tous les deux mois environ.

L’intimée soutient qu’elle a reçu la délégation de paiement de Mme [X] le 8 février 2011 mais n’est pas en mesure de la produire ; que la délégation de paiement pour être effective doit être certaine et non équivoque ; que les époux [N] ont bien été bénéficiaires de ses services et que le contrat VGR doit s’analyser en une stipulation pour autrui, le bénéficiaire ayant accepté tacitement cette stipulation en payant spontanément ses factures.

En outre, ENGIE rappelle que le relevé annuel des consommations d’énergie prévu par l’article L. 224-11 du code de la consommation ne date que de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 entrée en vigueur le 19 août 2016 et que du fait de la dépose des compteurs en 2011, elle n’a pu procéder à la relève effective des consommations d’eau chaude des locataires.

De plus, la société ENGIE soutient qu’elle a vérifié la régularité de la facturation des appelants en faisant une analyse des consommations de ceux-ci et que le bailleur lui a transmis des index de consommation réalisée par la société ISTA-CIC, ce dernier devant répondre de ses propres manquements.

Elle reproche également aux époux [N] le montant de leur demande indemnitaire qui n’était que de 2 500 euros en première instance alors qu’il n’a pas été fait que deux courriers de relance qui ne les menaçaient pas de coupure de fourniture, les factures étant d’ailleurs parfaitement légitimes puisqu’elles correspondaient de manière non contestable à la consommation de gaz pour l’eau chaude et le chauffage des occupants du logement.

Selon conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2019, CDC Habitat Social venant aux droits de la société HLM Nouveau Logis Provençal demande de voir :

– confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la jonction des instances principales et en intervention forcée,

– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions en ce qu’il a débouté M. et Mme [N] de toutes leurs demandes, fins et prétentions formées à l’encontre de la société ENGIE et les a condamnés au paiement de la somme de 566,79 euros correspondant à leurs arriérés de facture de consommation de gaz impayés,

– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il débouté ENGIE de sa demande en garantie à l’encontre de la société NLP devenue CDC HABITAT SOCIAL,

– constater l’existence du contrat Vente de Gaz Réparti conclu entre ENGIE et le NLP,

– dire et juger que CDC HABITAT SOCIAL a respecté ses obligations découlant du contrat Vente de Gaz Réparti,

– dire et juger que CDC HABITAT SOCIAL a fait signer le contrat de délégation aux époux [N],

– dire et juger que CDC HABITAT SOCIAL a communiqué à ENGIE tous les INDEX relevés

par la société ISTA CIC,

– dire et juger que CDC HABITAT SOCIAL n’a commis aucune faute pouvant entraîner sa responsabilité,

– débouter les époux [N] et ENGIE de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner tout succombant à payer au NLP la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître Scordopoulos qui y a pourvu.

Dans ses conclusions, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société CDC Habitat Social soutient que les charges facturées ne sont pas des consommations d’eau chaude ni d’électricité des locataires mais correspondent à la facturation du coût du fluide basé sur le prix de l’eau froide sans le coût du réchauffement de l’eau, à celle de l’électricité consommée par la chaufferie collective et à celle du contrat d’entretien de la chaufferie.

Le bailleur soutient que Mme [N] a signé la délégation de paiement le 8 février 2011 pour bénéficier de l’offre VGR ; qu’ils se sont acquittés des factures en bénéficiant des prestations d’ENGIE, que de plus le contrat VGR s’analyse en une stipulation pour autrui et que chaque locataire a un compteur individuel placé à l’extérieur de son logement.

Il prétend que suite à la dépose des compteurs appartenant à ENGIE en 2011, il les a fait remplacer et a transmis à cette dernière société les relevés réalisés par la société ISTA CIS.

En outre, il fait valoir que les consommations se sont avérées tout à fait cohérentes avec les précédentes habitudes de consommation et la moyenne nationale.

La procédure a été clôturée le 20 avril 2022.

MOTIVATION :

Sur les demandes de M. et Mme [N] envers la société ENGIE :

En vertu l’ancien article 1275 du code civil, applicable en l’espèce au vu de la date du litige, la délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s’oblige envers le créancier n’opère point novation, si le créancier n’a expressément déclaré qu’il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation.

Il résulte de cette disposition que la délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur.

Il résulte de la jurisprudence que dans le cadre d’une délégation simple, le consentement du délégué peut être tacite à condition qu’il soit certain et non équivoque et peut notamment résulter de paiements effectués par ce dernier auprès du délégataire.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la SA HLM Nouveau Logis Provençal (délégant) et GAZ DE FRANCE Dolce Vita devenu ENGIE (délégataire) ont conclu un contrat de vente de gaz réparti correspondant à un service de fourniture de gaz et de facturation destiné aux immeubles collectifs équipés d’un chauffage individuel centralisé au gaz naturel et permettant une facturation directe aux locataires (délégués) de leur consommation de gaz.

A ce premier contrat, a été substitué le 19 juin 2015 le contrat dénommé ‘Vertuoz Habitat’ concernant l’ensemble de l’immeuble Résidence L’Aurige (composé de 90 logements) situé Place du Relais, 13 270 Fos Sur Mer, dont est propriétaire la société HLM Nouveau Logis Provençal.

Selon acte sous seing privé du 15 octobre 2009, la SA HLM Nouveau Logis Provençal devenue CDC Habitat Social a consenti à bail à Mme [P] [X] un appartement T3 situé 60 Place du Relais, Résidence L’Aurige, [Adresse 8], [Localité 2], moyennant un loyer mensuel initial révisable de 467,29 euros et une provision sur charges de 112,5 euros.

Madame [X] s’est mariée avec M. [I] [N] le 5 janvier 2013 sans qu’il soit contesté qu’il est ainsi devenu cotitulaire du bail signé antérieurement par son épouse.

Ils ont quitté les lieux le 28 janvier 2015.

Cependant, il n’est produit aucun contrat de délégation signé par Mme [X] ou par M. [N], qui dénient avoir signé pareil document.

Ainsi, les appelants demandent de voir infirmer le jugement déferé en qu’il a rejeté leur demande de remboursement de paiements indus effectués pour un montant total de 3639,31 euros correspondant aux factures de mars 2011 à février 2015.

En outre, ils demandent également le remboursement par ENGIE de la somme de 945,06 euros correspondant à la facture n°702093084 du 31 mars 2011.

Pour s’opposer aux demandes en paiement de la société ENGIE, M. et Mme [N] invoquent également une double facturation qui émanerait du bailleur et d’ENGIE.

Même s’il existe des incohérences de facturation du prix du mètre cube de l’eau chaude et de l’eau froide par le bailleur au vu des différents décomptes annuels de régularisation, certains retenant un prix moindre pour l’eau chaude (année 2011) ou d’autres pour l’eau froide (année 2010), le moyen invoqué par le bailleur selon lequel le poste ‘charges eau chaude’ correspond à la fourniture de l’eau sans son réchauffement aux locataires, le prix du fluide étant basé sur le prix de l’eau froide facturé par la SEERC, est pertinent au vu des montants des sommes annuelles retenus pour la consommation d’eau chaude comparée à ceux pour la consommation d’eau froide.

En outre, il n’est pas possible de procéder, comme le font les locataires, à une comparaison entre les consommations retenues d’une part par le bailleur et d’autre part par ENGIE dont un certain nombre de factures se fondent sur des consommations estimées et non relevées.

Ainsi, au vu des pièces versées aux débats, il n’existe pas de double facturation faite par les intimés :

– la société Nouveau Logis Provençal décomptant au titre des charges communes de chauffage uniquement l’entretien et l’électricité nécessaires au fonctionnement de la chaufferie et au titre de l’eau chaude, seule la consommation du fluide sans son réchauffement,

– la société ENGIE décomptant la consommation personnelle des locataires en gaz nécessaire aussi bien au chauffage de l’eau chaude et qu’au chauffage du logement ainsi que la quote-part due par ces derniers en fonction des quantièmes représentées par la superficie de leur logement au titre du chauffage collectif de l’immeuble.

En outre, M et Mme [N] ne nient pas avoir toujours bénéficié des prestations de fourniture de gaz d’ENGIE destinée à les alimenter individuellement en eau chaude et en chauffage, et ce alors que ces prestations n’étaient pas payées au bailleur.

Les époux [N] n’invoquent pas non plus avoir conclu un contrat de fourniture de gaz auprès d’un autre fournisseur.

Ainsi, si la société ENGIE ne peut se fonder sur une délégation de paiement expresse, elle est bien-fondée à invoquer une délégation de paiement acceptée tacitement par les locataires qui ont reçu les prestations de gaz fournies par l’intimée et en ont payé une partie. Le recours à la stipulation pour autrui est donc sans emport en l’espèce.

Le fait de ne pas les avoir payées en intégralité ne saurait suffire à considérer que M. et Mme [N] ont refusé de contracter avec ENGIE alors que leur attitude repose en réalité sur la croyance erronée d’une double facturation par ENGIE et le Nouveau Logis Provençal.

En outre, à titre surabondant, il ne peut être admis que les locataires bénéficient d’une prestation pendant plusieurs années sans en payer la contrepartie financière.

Quant au moyen invoqué par les appelants sur l’absence de relevé annuel de consommation reproché à ENGIE, il convient de rappeler que l’ancien article L. 121-91 du code de la consommation applicable du 1er mars 2011 jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, soit à la date du 17 août 2016, ne prévoit pas d’obligation de relevé annuel pour le fournisseur d’électricité ou de gaz mais dispose dans son alinéa 4 ‘qu’en cas de facturation à terme ou fondée sur un index estimé, l’estimation du fournisseur reflète de manière appropriée la consommation probable ; cette estimation est fondée sur les consommations réelles antérieures sur la base des données transmises par les gestionnaires de réseaux lorsqu’elles sont disponibles, le fournisseur indique au client sur quelle base repose son estimation’.

Par conséquent, les factures adressées par ENGIE à M. et Mme [N] jusqu’à leur départ des lieux loués à la fin du mois de janvier 2015 ne nécessitaient pas d’être fondées sur des relevés de consommation.

Cependant, il est justifié aux débats par les intimés qu’un relevé du compteur d’eau chaude de l’appartement des époux [N] a été effectué en juin 2014 par la société ISTA à la demande de la société Nouveau Logis Provençal et adressé à ENGIE alors que les appelants ne justifient pas l’absence de compteur individuel comme ils le prétendent.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu’il a ordonné la jonction des procédures principale et en intervention forcée et rejeté les demandes de M. et Mme [N] aux fins de dire que les factures émises entre mars 2011 et février 2015 ne sont pas dues et d’être remboursés par ENGIE de la somme de 3639,61 euros.

Les appelants seront, de plus, déboutés de leurs demandes formées en cause d’appel portant sur l’annulation des factures émises pendant cette période, dont celle de résiliation du 4 février 2015, et sur le remboursement de la somme de 945,06 euros au titre de la facture n°702093084 du 31 mars 2011.

En revanche, il sera fait droit à la demande en paiement formée par ENGIE à hauteur de la somme de 566,79 euros au titre de l’impayé de consommation de gaz arrêté au 28 janvier 2015, selon facture de résiliation n°20026796297 du 4 février 2015 que les appelants ne prouvent pas avoir payée.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de garantie formée par ENGIE à l’encontre de la SA HLM Nouveau Logis Provençal :

En vertu l’ancien article 1275 du code civil précité, la délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s’oblige envers le créancier n’opère point novation, si le créancier n’a expressément déclaré qu’il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation.

En l’espèce, il convient de faire application du contrat VGR FideloConso, applicable au moins jusqu’au 1er juillet 2015, dans les relations entre ENGIE et le bailleur au sujet de la demande de garantie du paiement de la facture impayée par les locataires en date du 4 février 2015.

Or, il résulte de l’article 7.1.1 de ses conditions générales que ‘la présente délégation n’emporte pas novation aux droits et obligations du client qui résultent du contrat, notamment quant à son obligation de paiement’.

Ainsi, en vertu de l’article 7.5.2 dudit contrat, il résulte clairement que le bailleur (délégant) n’étant pas déchargé de ses obligations envers ENGIE (le délégataire ou fournisseur de gaz), les sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires dues à ce dernier au titre du contrat pourront lui être facturées directement notamment en cas d’impayés lorsque le fournisseur aura épuisé, à cet égard, les moyens de recouvrement amiable qu’il pouvait raisonnablement exercer à l’encontre du délégué (ici le locataire).

Par conséquent, indépendamment de la caractérisation d’une faute qui aurait pu être commise par le délégant, le contrat de vente de gaz réparti FideloConso permet à la société ENGIE de réclamer à bon droit que le bailleur soit condamné à la garantir du paiement de la somme précitée de 566,79 euros due par les époux [N].

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts de M et Mme [N] :

M et Mme [N] étant déboutés de l’ensemble de leurs demandes et compte tenu qu’ils n’ont été victimes ni d’une double facturation, ni de paiements indus, il convient de rejeter leur demande de dommages-intérêts envers ENGIE qui n’a fait qu’user de voies de droit légales pour tenter d’obtenir le paiement de ses factures.

Ainsi, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité commande de faire droit à la demande de la société ENGIE présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les appelants sont condamnés solidairement à lui verser la somme visée au dispositif de la présente décision.

Il paraît équitable que CDC Habitat Social conserve la charge de ses frais irrépétibles.

Partie perdante, M et Mme [N] ne sauraient prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et devront supporter solidairement les entiers dépens d’appel sans qu’il y ait lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et que chacune des parties conservera à sa charge les dépens qu’elle a elle-même engagés.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement querellé en ce qu’il a ordonné la jonction des procédures principale et en intervention forcée, rejeté toutes les demandes de M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N] envers la SA ENGIE, condamné solidairement M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N] à payer à la SA ENGIE la somme de 566,79 euros correspondant à leur impayé de facture de consommation de gaz au 19 février 2015, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et dit que chacune des parties conserve à sa charge les dépens qu’elle a elle-même engagés ;

INFIRME ledit jugement pour le surplus ;

STATUANT DE NOUVEAU et Y AJOUTANT :

CONDAMNE CDC Habitat Social venant aux droits de la SA HLM Le Nouveau Logis Provençal à garantir la société ENGIE venant aux droits de GAZ DE FRANCE Dolce Vita du paiement de la somme de 566,79 euros ;

DÉBOUTE M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N] de leurs demandes en cause d’appel ;

DÉBOUTE CDC Habitat Social venant aux droits de la SA HLM Le Nouveau Logis Provençal de sa demande faite au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N] à payer à la société ENGIE venant aux droits de GAZ DE FRANCE Dolce Vita la somme de 1000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement M. [I] [N] et Mme [P] [X] épouse [N] aux entiers dépens d’appel sans qu’il y ait lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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