Délégation de paiement : 5 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/03278

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Délégation de paiement : 5 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/03278

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54D

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/03278 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T6H4

AFFAIRE :

S.A.R.L. LE PARCHAMP ESCUDIER

C/

S.A.S. VIAL LAMBERT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mai 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 01

N° Section : 00

N° RG : 2019F1324

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Christine BLANCHARD-MASI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. LE PARCHAMP ESCUDIER, prise en la personne ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618, et Me Erik MARTINEZ, Plaidant, avocat au barreau de Paris

APPELANTE

****************

S.A.S. VIAL LAMBERT, prise en la personne ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Christine BLANCHARD-MASI de la SELARL CALICE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 10, et Me Sylvie FRANCK, Plaidant, avocat au barreau de l’Esonne

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Mai 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel ROBIN, Président, ayant été entendu en son rapport, et Madame Valentine BUCK, Conseiller,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Valentine BUCK, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY,

FAITS ET PROCÉDURE

La société le Parchamp-Escudier a entrepris des travaux de modification d’un immeuble à [Localité 5] ; elle a contracté le 5 juin 2015 avec la société Bagot pour un montant total de 1 970 000 euros pour la réalisation « tous corps d’état ». Le 14 avril 2016, la société Bagot a sous-traité le lot serrurerie à la société Vial-Lambert au prix de 115 280 euros, porté à 131 000 euros par un avenant du même jour visant une somme complémentaire de 15 720 euros. Par trois avenants ultérieurs, le montant des travaux sous-traités a été porté à la somme totale de 142 481,94 euros.

La société Vial-Lambert a émis des factures pour un montant total de 88 574,76 euros, au titre des travaux réalisés jusqu’en mai 2017, mais a reçu des paiements à concurrence de 70 964,35 euros seulement ; par lettre du 5 décembre 2017, elle a réclamé à la société le Parchamp-Escudier le paiement du solde, soit 17 610,41 euros

Par jugement en date du 6 mai 2020, le tribunal de commerce de Nanterre, considérant que l’agrément du sous-traitant par le maître d’ouvrage prévoyait expressément un paiement direct de celui-là par celui-ci, lequel avait d’ailleurs effectué les paiements antérieurs, que la société le Parchamp-Escudier avait déclaré une créance à la procédure de liquidation judiciaire ouverte contre l’entreprise principale mais que cette déclaration était postérieure à la mise en demeure envoyée par le sous-traitant et que l’existence de cette créance n’était pas établie par une décision de justice, a condamné la société le Parchamp-Escudier à payer à la société Vial-Lambert la somme de 17 610,41 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2017 outre leur capitalisation, et l’a condamnée aux dépens et au paiement d’une indemnité de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Le 15 juillet 2020, la société le Parchamp-Escudier a interjeté appel de cette décision.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 10 mai 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience de la cour du 30 mai 2022, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

*

Par conclusions déposées le 20 avril 2022, la société le Parchamp-Escudier demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée par la société Vial-Lambert, d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Vial-Lambert au remboursement de la somme de 20 253,98 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2020, outre les dépens et une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

À titre liminaire, la société le Parchamp-Escudier soutient que la demande de la société Vial-Lambert en paiement de la somme de 17 610,41 euros à titre de dommages et intérêts, en application de l’article 1240 du code civil et de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, est irrecevable car nouvelle en appel.

Pour solliciter l’infirmation du jugement, elle fait valoir que, si elle a agréé le sous-traitant, le paiement direct prévu par l’acte signé à ce titre ne fait référence à aucune délégation de paiement, laquelle aurait dû être expressément consentie conformément au cahier des clauses administratives particulières ; l’agrément du sous-traitant, et l’acceptation de ses conditions de paiement, n’impliquerait pas l’existence d’une telle délégation ; en outre, la mention d’un paiement direct ne s’analyserait pas en une délégation de paiement ; enfin, la société Bagot n’aurait pas confirmé le montant réclamé par la société Vial-Lambert.

Pour s’opposer à l’action directe du sous-traitant à son encontre, la société le Parchamp-Escudier affirme que la société Bagot n’a pas exécuté ses obligations et qu’une expertise judiciaire, ordonnée en référé, a révélé que de nombreuses réserves émises lors de la réception du 30 mars 2017 devaient encore être levées ; elle-même serait ainsi créancière de l’entreprise principale et non l’inverse, ce qui ferait obstacle à l’action du sous-traitant contre le maître de l’ouvrage.

La société le Parchamp-Escudier conteste également avoir manqué à ses obligations à l’égard du sous-traitant en n’exigeant pas que l’entreprise principale fournisse une caution à celui-ci, en soutenant, d’une part, que le montant total du marché sous-traité n’avait pas été porté à sa connaissance et, d’autre part, que la société Vial-Lambert ne lui a jamais signalé aucune difficulté concernant cette garantie de paiement.

Par conclusions déposées le 21 mars 2022, la société Vial-Lambert demande à la cour de confirmer le jugement entrepris ou, subsidiairement, d’écarter la fin de non-recevoir opposée par la société le Parchamp-Escudier et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 17 610,41 euros à titre de dommages et intérêts, et, en tout état de cause, de la condamner aux dépens et au paiement d’une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

En réponse à la fin de non-recevoir opposée par l’appelante, la société Vial-Lambert fait valoir qu’elle ne réclame pas d’autre somme que celle sollicitée en première instance et que les moyens nouveaux sont recevables en appel.

Quant au fond, elle invoque en premier lieu l’existence d’une délégation de paiement résultant expressément de l’acceptation du sous-traitant par le maître de l’ouvrage et de l’agrément de ses conditions de paiement, ainsi que le démontrerait la mention d’un « paiement direct » par celui-ci à celui-là ; ceci serait corroboré par l’exécution spontanée de l’obligation ainsi mise à la charge de la société le Parchamp-Escudier.

À défaut, la société Vial-Lambert serait fondée à reprocher à la société le Parchamp-Escudier d’avoir failli à ses obligations en n’exigeant pas de l’entrepreneur principal qu’il justifie d’avoir fourni caution. Enfin, la société le Parchamp-Escudier serait mal fondée à mettre en doute le montant de la créance du sous-traitant.

Le cas échéant, la société Vial-Lambert déclare exercer l’action directe contre le maître de l’ouvrage ; elle affirme que la société le Parchamp-Escudier ne peut se prétendre libérée de ses obligations à l’égard de l’entreprise principale en invoquant une créance dépourvue de caractère certain, en ce qu’elle résulte uniquement d’une déclaration faite par ses soins au passif de la procédure collective ouverte à l’égard de la société Bagot, d’autant que cette déclaration a été faite postérieurement à la mise en demeure qui lui a été adressée le 28 juin 2018.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

Ainsi que le soutient à juste titre la société Vial-Lambert, l’article 563 du code de procédure civile autorise les parties à invoquer de nouveaux moyens pour justifier les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge.

Dès lors, la société le Parchamp-Escudier est mal fondée à soutenir que la société Vial-Lambert ne pourrait réclamer, à titre de dommages et intérêts, la somme qui était sollicitée en première instance en exécution d’une délégation de paiement.

Sur la délégation de paiement

Conformément à l’article 14 alinéa 1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, à peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes dues par l’entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, doivent être garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l’entrepreneur d’un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret, sauf si l’entrepreneur délègue le maître de l’ouvrage au sous-traitant dans les termes de l’ancien article 1275 du code civil, désormais devenu l’article 1338 de ce code, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.

En l’espèce, le contrat de sous-traitance conclu le 14 avril 2016 prévoit expressément que « les paiements s’effectueront en paiement direct, dans le cadre d’une délégation de paiement signée par le Maître d’ouvrage, le Maître d”uvre, l’Entrepreneur principal et le Sous-traitant, pour un montant de 115 280,00 € ». Par un acte signé par la société Vial-Lambert le 16 janvier 2017, par la société Bagot le 18 janvier 2017 et par la société le Parchamp-Escudier le 26 janvier 2017, celle-ci a accepté le sous-traitant et agréé ses conditions de paiement, l’acte excluant expressément un paiement du sous-traitant par l’entreprise générale et prévoyant exclusivement un « paiement direct ».

Il en résulte que la société le Parchamp-Escudier a expressément accepté de payer directement la société Vial-Lambert « dans le cadre d’une délégation de paiement », ainsi que le prévoyaient les conditions de paiement convenues entre l’entreprise principale et le sous-traitant. Il importe peu que le document ci-dessus n’a pas été signé par le maître d”uvre, ainsi que le prévoyait le contrat de sous-traitance, alors que l’intervention de ce tiers n’est pas une condition de validité de la délégation de paiement, laquelle est valablement conclue entre un délégant, un délégué et un délégataire, et que le maître de l’ouvrage n’a pas subordonné son propre engagement à l’intervention du maître d”uvre.

L’engagement du maître de l’ouvrage à l’égard du sous-traitant est au demeurant corroboré par la pratique suivie par les parties et par la circonstance que, nonobstant les dispositions d’ordre public de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, la société le Parchamp-Escudier n’a pas exigé de la société Bagot qu’elle justifie avoir fourni la caution à laquelle elle aurait été tenue en l’absence de délégation de paiement.

La société le Parchamp-Escudier invoque en vain les dispositions du nouvel article 1340 du code civil, qui reprennent celles de l’ancien article 1277, alors que l’engagement qui lui est opposé ne résulte pas d’une simple indication qui aurait été faite par la société Bagot.

Enfin, la société le Parchamp-Escudier est mal fondée à opposer la circonstance que la société Bagot n’aurait pas « confirmé » les montants réclamés, alors qu’elle-même est tenue de payer les sommes contractuellement dues à la société Vial-Lambert dans la limite de son engagement à l’égard de l’entreprise principale et qu’il lui appartient, le cas échéant, de justifier du fait qui aurait produit l’extinction de son obligation.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La société le Parchamp-Escudier, qui succombe, a été à juste titre condamnée aux dépens de première instance. Elle sera également condamnée aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

Selon l’article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; les circonstances de l’espèce justifient de condamner la société le Parchamp-Escudier à payer à la société Vial-Lambert une indemnité de 5 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d’appel ; elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

REJETTE la fin de non-recevoir invoquée par la société le Parchamp-Escudier ;

CONFIRME le jugement déféré ;

Ajoutant au jugement déféré,

CONDAMNE la société le Parchamp-Escudier aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à la société Vial-Lambert une indemnité de 5 000 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,

 


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