Délégation de paiement : 5 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/01608

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Délégation de paiement : 5 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/01608

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

(n° , 4 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01608 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCVJ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Septembre 2021 -Président du TJ de [Localité 5] – RG n° 21/52063

APPELANTE

Société ORMOY L’ACIONNA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me Angélique CHARRIER, substituant Me VERNEJOUL, avocat au barreau de PARIS, toque : P443

INTIMEE

S.A.R.L. LIVRY CONSTRUCTIONS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvie VERNIOLE DAVET de la SELARL VERDUN VERNIOLE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0309

Assistée par Me Céline CHICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0309

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 septembre 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Patricia LEFEVRE, Conseiller, conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre,

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président,

Patricia LEFEVRE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre et par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*******

Titulaire d’un marché de travaux tout corps d’état conclu avec la société civile de construction vente Ormoy l’Acionna, la société RGC, entreprise générale a conclu, le 5 juin 2020, un contrat de sous-traitance avec la société Livry construction d’un montant de 779 020 euros pour la réalisation de travaux de gros-‘uvre soit, les fondations et longrines de trente-six maisons, les fondations, poutres, maçonnerie, dallage et escaliers des trois collectifs.

Le 7 septembre 2020, le maître d’ouvrage, la société Ormoy l’Acionna, le titulaire du marché de travaux, la société RGC et son sous-traitant la société Livry construction ont procédé à une déclaration de sous-traitance consistant, selon cet acte, en une acceptation du sous-traitant et un agrément de ses conditions de paiement. Il était précisé que la société RGC déclarait que son sous-traitant ne remplissait pas les conditions pour avoir droit au paiement direct.

Par courrier recommandé en date du 12 octobre 2020, la société Ormoy l’Acionna a résilié le marché de travaux de la société RGC, évoquant notamment des retards ainsi que des malfaçons et non façons affectant la maison témoin qui n’avaient pas été reprises malgré une mise en demeure du 2 octobre précédent.

Le 15 octobre 2020, le tribunal de commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de la société RGC, qui avait procédé à une déclaration de cessation des paiements le 9 octobre 2020.

La société Livry construction a adressé à la société Ormoy l’Acionna une facture relative à sa seconde situation de travaux en date du 13 octobre 2020 d’un montant de 90 087 euros, puis par l’intermédiaire de son conseil, elle l’a mise en demeure de la régler, le 27 novembre 2020.

En réponse, la société Ormoy l’Acionna a, par courrier en date du 11 décembre 2020, fait valoir que les nombreuses malfaçons et non façons qui affectaient les travaux réalisés par le sous-traitant faisaient obstacle au règlement sollicité.

C’est dans ce contexte que par acte extra-judiciaire du 3 mars 2021, la société Livry construction a introduit un référé provision devant le président du tribunal judiciaire de Paris, sollicitant subsidiairement, la désignation d’un expert judiciaire.

Par ordonnance contradictoire du 13 septembre 2021 le juge des référés a condamné la société Ormoy l’Acionna à verser à la société Livry construction la somme de 90 087 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2020, a rejeté la demande au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement et a condamné la société Ormoy l’Acionna à verser à la société Livry Construction la somme de 1 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont le recouvrement direct par le conseil de la société demanderesse était autorisé.

Le 19 janvier 2022, la société Ormoy l’Acionna a interjeté appel et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 mars 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 834, 835 et 455 du code de procédure civile et des articles 1240, 1231 et suivants et 1336 du code civil, d’infirmer l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau, de :

– dire n’y a voir lieu à référé sur les demandes formées par la société Livry construction qui sera déclarée irrecevable ou à tout le moins, mal fondée en ses demandes ;

– dire que la société Livry construction a engagé sa responsabilité délictuelle à son égard, en raison des fautes commises sur le chantier et la condamner à lui payer la somme de 100 500 euros au titre du préjudice qu’elle a subi.

Subsidiairement, elle demande à la cour de désigner un expert dont elle précise la mission, afin qu’il se prononce sur l’exécution des travaux réalisés par la société Livry construction. En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de l’intimée au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

Par ordonnance du 2 juin 2022, les conclusions de la société Livry construction notifiées en date du 11 avril 2022 ont été déclarées irrecevables car tardives.

SUR CE, LA COUR

Pour condamner la société Ormoy l’Acionna à régler, à titre de provision, la situation de travaux présentée par la société Livry construction le juge des référés a retenu l’existence non sérieusement contestable d’une délégation de paiement, estimant que dès lors le maître de l’ouvrage était mal fondé à se prévaloir des règles de l’action directe (notamment du non-respect de l’obligation de mettre préalablement en demeure le titulaire du marché) et de la mauvaise exécution du marché tant pour s’opposer à la demande en paiement et que pour solliciter la réparation de son préjudice et subsidiairement, la nomination d’un expert. Le rejet de cette demande reconventionnelle n’est pas repris au dispositif de l’ordonnance querellée.

L’appelante critique cette motivation, faisant valoir qu’elle n’a consenti aucune délégation de paiement à la société Livry construction selon les conditions édictées par l’article 1336 du code civil. Elle ajoute qu’aucun des éléments retenus par le juge – un courriel émanant d’un salarié de l’entreprise qui n’avait aucune habilitation pour l’engager ou le règlement d’une première situation de travaux, le 25 septembre 2020 – ne permet pas de déduire l’existence d’une délégation de paiement.

Elle prétend que la délégation de paiement étant incertaine, la société Livry construction devait mettre en oeuvre l’action directe et fait ensuite le constat que les conditions de cette action prévue à l’article 12 de la loi du 31 décembre 1975 ne sont pas remplies, faute de mise en demeure préalable du titulaire du marché ou de déclaration de créance au passif de la liquidation. Elle prétend que l’action du sous-traitant sur ce fondement serait irrecevable.

Aux termes du deuxième alinéa de l’article 835 du même code, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

Ainsi que l’a rappelé le premier juge, en matière de sous-traitance, la délégation de paiement est une alternative à la caution due au sous-traitant par l’entrepreneur principal en application de l’article 14 de la loi du 31décembre 1975. Elle consiste pour l’entrepreneur principal (délégant) à demander au maître de l’ouvrage (délégué) de payer directement au sous-traitant (délégataire) les sommes dues en exécution de ses prestations.

Elle obéit aux règles de l’article 1336 du code civil : l’entrepreneur principal délègue le sous-traitant au maître de l’ouvrage. Cet accord tripartite n’est soumis à aucune condition de forme, mais il suppose l’accord du délégant (qui renonce à recevoir son dû) et du délégué et il ne peut pas résulter de la simple acceptation du sous-traitant et de l’agrément de ses conditions de paiement.

En l’espèce, la contestation soulevée par la société Ormoy l’Acionna est sérieuse dans la mesure où la délégation par l’entrepreneur principal n’est retenue qu’au constat d’un courriel adressé le 7 septembre 2020 à la société Livry construction qui s’inscrit dans un échange relatif à la déclaration de sous-traitance entre une agence de maîtrise d’oeuvre et un employé de la société Ormoy l’Acionna et un règlement direct d’une première situation de travaux, le 25 septembre 2020, à une date où la situation financière de la société RGC était obérée puisqu’elle a procédé à une déclaration de cessation des paiements, quelques semaines plus tard.

Par conséquent, la décision déférée sera infirmée en ce qu’elle a accueilli la demande de condamnation provisionnelle de la société Livry construction qui se heurte à une constatation sérieuse et qui ne peut pas prospérer.

A titre reconventionnel, la société Ormoy l’Acionna réclame à titre principal l’allocation d’une somme de 100 500 euros au titre du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de la mauvaise exécution de ses prestations par la société Livry construction. Il en résulte que l’appelante demande paiement de sa créance indemnitaire elle-même, alors que le juge des référés peut seulement allouer une provision de ce chef. Il n’y a donc lieu à référé de ce chef.

S’agissant de la demande de désignation d’un technicien, celle-ci ne peut être fondée au regard des textes visés par l’appelante que sur les dispositions de l’article 834 du code de procédure civile.

Ce texte énonce : dans tous les cas d’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’urgence, condition d’intervention du juge des référés sur ce fondement n’est pas caractérisée ni même alléguée. En effet, les travaux exécutés par la société Livry construction ont été démolis et repris par une nouvelle entreprise, l’appelante sollicitant d’ailleurs une expertise ‘sur pièces’.

La demande reconventionnelle de la société l’Ormoy l’Acionna sera rejetée.

Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront infirmées. La société Livry construction sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer une indemnité au titre des frais exposés par  la société Ormoy l’Acionna pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe

Dans la limite de l’appel dont elle est saisie

Infirme l’ordonnance en date du 13 septembre 2021 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant

Dit n’y avoir lieu à référé tant sur la demande de la société Livry construction que sur la demande reconventionnelle de la société Ormoy l’Acionna ;

Condamne la société Livry construction à payer à la société Ormoy l’Acionna la somme de 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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