Délégation de paiement : 3 octobre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/00178

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Délégation de paiement : 3 octobre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 22/00178

N° R.G. Cour : N° RG 22/00178 – N° Portalis DBVX-V-B7G-ON4M

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 03 Octobre 2022

DEMANDERESSE :

S.A. ICF SUD EST MEDITERRANEE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Maître MATHEY substituant Me Fabienne MARECHAL de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON (toque 722)

DEFENDERESSE :

S.A.S. FORUM INTERIM VAR immatriculée au R.C.S de FREJUS sous le numéro 812 696 375, représentée par son Président en exercice;

siège social :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

avocat postulant : Me Timo RAINIO, avocat au barreau de LYON (toque 1881)

avocat plaidant : Maître FERNANDEZ substituant Maître Xavier CANIS avocat au barreau de PARIS

Audience de plaidoiries du 19 Septembre 2022

DEBATS : audience publique du 19 Septembre 2022 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d’appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 1er septembre 2022, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 03 Octobre 2022 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

””

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.S. Forum intérim Var (FIV) intervenant dans le domaine du travail temporaire dans le secteur du bâtiment, a mis à disposition de la société HFN France, chargée du gros ‘uvre, des ouvriers intérimaires qui sont intervenus dans le cadre de l’opération de construction dont la S.A. ICF Sud Est Méditerranée (ICF) était chargée de maîtrise d’ouvrage.

Une convention de délégation de paiement a été régularisée entre la société ICF, la société HFN France et la société FIV.

La société FIV a souhaité que la société ICF prenne à sa charge les factures non réglées de la société HFN France mais la société ICF s’y est opposée.

Par acte du 7 janvier 2021, la société FIV a assigné la société ICF devant le tribunal de commerce de Lyon, lequel par jugement contradictoire du 23 mars 2022, a notamment  condamné la société ICF au paiement de la somme de 209 920 € à la société FIV et de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société ICF a interjeté appel de ce jugement le 22 avril 2022.

Par assignation en référé délivrée le 7 juin 2022 à la société FIV, elle a saisi le premier

président afin de :

– surseoir à statuer sur les demandes de la société ICF dans l’attente de la décision définitive à intervenir du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lyon,

– être autorisée à consigner la somme de 216 739,79 € auprès de la Caisse des dépôts et consignation, en garantie du montant de la condamnation résultant du jugement du tribunal de commerce de Lyon du 23 mars 2022, en principal, intérêts et frais,

– condamner la société FIV à lui payer une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

A l’audience du 19 septembre 2022 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s’en sont remises à leurs écritures, qu’elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation et dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 1er septembre 2022, la société ICF maintient des demandes contenues dans son assignation et fait état de la saisine du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lyon dans le but d’obtenir la mainlevée des saisies pratiquées par la société FIV les 9 et 10 mai 2022 pour solliciter in limine litis un sursis à statuer.

Elle soutient le caractère abusif des trois saisies-attribution opérées par la société FIV sur les comptes bancaires de la société ICF, sans mise en demeure ni sommation préalable.

Elle estime que le paiement aurait pu être organisé dans des conditions moins préjudiciables que celles mises en ‘uvre dans le cadre de mesures d’exécution forcée.

Elle assure que la décision est vouée à être réformée, la délégation de paiement n’ayant pas été prise en compte.

Elle invoque des conséquences manifestement excessives en expliquant craindre de ne pas pouvoir se faire restituer les sommes qui seraient appréhendées par effet des saisies-attribution en raison du montant de la dette au titre de l’exercice de l’année 2019 s’élevant à la somme de 3 millions d’euros.

Elle fait état de ce que son adversaire a fait figurer à son bilan de l’année 2021 une dette de 4 915 338 € et un passif de 5 842 822 €, alors qu’elle ne publie plus ses comptes sociaux depuis le 31 décembre 2019.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 12 septembre 2022, la société FIV s’oppose aux demandes adverses et sollicite la condamnation de la société ICF à lui payer la somme de 7 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle considère qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer car la procédure devant le juge de l’exécution connaît un objet distinct et n’aura pas d’impact sur la possibilité d’autoriser ou non la société ICF à consigner le montant des condamnations assorties de l’exécution provisoire.

Elle conteste le caractère abusif des saisies-attribution dans la mesure où elles ont été pratiquées en vertu d’un titre exécutoire. Elle relève que les arguments adverses appuyant sa demande d’aménagement de l’exécution provisoire et portant sur le caractère abusif des saisies-attribution et sur les chances de réformation sont hors sujet.

Elle observe que la société ICF soutient qu’elle craint de ne pas être remboursée alors même qu’elle était prête à régler le montant des condamnations. Elle reproche à la société ICF de ne pas apporter d’élément pour étayer sa crainte et souligne que cette dernière avait expressément indiqué par la voie de son conseil, avant que les mesures d’exécution soient engagées, qu’elle acceptait de procéder au paiement des condamnations mises à sa charge.

Elle réfute l’existence de difficultés financières en indiquant qu’elle réalise un chiffre d’affaires de 18 491 962 €, qu’elle enregistre un résultat bénéficiaire de 417 833 € et dispose d’actifs circulants de plus de 4 000 000 € pour le bilan de l’année 2019. Elle indique fournir également des éléments financiers pour l’année 2021.

Pour satisfaire aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l’exposé des moyens à l’énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Sur la demande liminaire de sursis à statuer

Attendu qu’aux termes de l’article 378 du Code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine ;

Attendu qu’il ressort de l’assignation en référé délivrée par la société ICF qu’elle avait saisi le juge de l’exécution en contestation des saisies-attribution avant même de nous saisir pour l’autoriser à consigner le montant des condamnations rendues provisoirement indisponibles par l’effet de ces mesures d’exécution forcée ;

Attendu qu’il est difficile de comprendre que la saisine actuelle du premier président qui tend à ce qu’il ne statue pas alors qu’il est potentiellement destiné à ne pas avoir à statuer si le juge de l’exécution n’ordonne pas la mainlevée des saisies-attribution, en raison de l’irrecevabilité à réclamer un aménagement dès lors que la décision assortie de l’exécution provisoire a été totalement exécutée ;

Attendu que la société ICF n’a d’ailleurs pas sollicité l’arrêt de l’exécution provisoire attachée à la décision du tribunal de commerce et n’est pas fondée à soutenir que la solution apportée par le juge de l’exécution est susceptible d’avoir une influence sur la décision car elle est susceptible de déterminer totalement la recevabilité de la demande d’aménagement s’il est patienté dans l’attente de sa décision ;

Que la société ICF souligne d’ailleurs à bon droit dans son assignation que sa demande d’aménagement peut être immédiatement examinée sans avoir à attendre le résultat de sa saisine du juge de l’exécution et le motif légitime dont elle doit justifier pour être autorisée à consigner ne dépend pas particulièrement de cette décision statuant sur la régularité et la proportionnalité de mesures d’exécution forcée ;

Attendu que cette demande de sursis à statuer doit être rejetée ;

Sur la demande de consignation

Attendu qu’aux termes de l’article 521 du Code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation ;

Que le pouvoir prévu par ce texte est laissé à la discrétion du premier président, le demandeur n’ayant comme charge que d’invoquer un motif légitime pour être autorisé à procéder à cette consignation qui n’a pas pour effet d’arrêter l’exécution provisoire mais d’empêcher sa poursuite ;

Attendu que comme le souligne la société FIV, les arguments opposés par la société ICF concernant la régularité et la proportionnalité des mesures d’exécution forcée qui ressortissent du pouvoir juridictionnel exclusif du juge de l’exécution sont hors sujet et inopérants à appuyer une demande de consignation ;

Que l’invocation de moyens de réformation et de conséquences manifestement excessives ne correspondent pas d’autre part aux critères d’un arrêt de l’exécution provisoire qui n’est pas sollicité ;

Attendu que la société ICF s’appuie sur une crainte de la survenance de difficultés pour obtenir une restitution en cas d’infirmation ;

Qu’elle ne manque pas de se contredire tout d’abord lorsqu’elle critique son adversaire qui a fait procéder à des mesures d’exécution forcée pour souligner dans son assignation «qu’utilement avertie et de concert avec la société FIV, [elle] aurait pu organiser un paiement dans des conditions moins préjudiciables» et surtout lorsque dans le courrier de son conseil du 12 mai 2022, elle envoie à l’huissier un chèque émis le 28 avril 2022 à l’ordre de la CARPA du montant des condamnations assorties de l’exécution provisoire ; que ce chèque a été émis avant que les saisies-attribution soient effectuées sur les comptes de la société ICF ;

Attendu qu’en acceptant de faire un tel paiement sans relever un éventuel risque de non-restitution, la société ICF ne justifie pas d’un motif légitime lui permettant d’être autorisée à consigner des condamnations qu’elle avait directement entendu payer ;

Que cette demande de consignation doit être rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la société ICF succombe et doit supporter les dépens de ce référé comme indemniser son adversaire des frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d’appel du 22 avril 2022,

Disons n’y avoir lieu à surseoir à statuer,

Rejetons la demande de consignation présentée par la S.A. ICF Sud Est Méditerranée,

Condamnons la S.A. ICF Sud Est Méditerranée aux dépens de ce référé et à verser à la S.A.S. Forum intérim Var une indemnité de 1 200 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE MAGISTRAT DELEGUE

 


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