Délégation de paiement : 20 octobre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01850

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Délégation de paiement : 20 octobre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 22/01850

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 20/10/2022

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JOUR FIXE

N° de MINUTE :

N° RG 22/01850 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UHEO

Jugement (N° 2021001545) rendu le 29 mars 2022 par le tribunal de commerce de Valenciennes

APPELANTE

SAS SMAC, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Erwan Le Briquir, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉES

SAS Coreal, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Jérôme Bertin, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

SAS Habitat et Commerce, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 3]

représentée par Me Jonathan Daré, avocat au bareau de Valenciennes, avocat constitué

assistée de Me Hélène Cayla-Destrem, avocat plaidant, substituée à l’audience par Me Marie Dutel-Allard, avocats au barreau de Paris

DÉBATS à l’audience publique du 14 juin 2022 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Nadia Cordier

conseiller en remplacement de Laurent Bedouet président empêché et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

La société Smac est une entreprise de bâtiment spécialisée en couverture bardage étanchéité.

La société Coréal est une entreprise générale de bâtiment.

La société Habitat et commerce, maître d’ouvrage, a confié à la société Coréal un marché privé de travaux intitulé « Construction de deux bâtiments commerciaux-La Sentinelle ».

La société Coréal a sous-traité par contrat à la société Smac la réalisation du lot « couverture-bardage » pour un montant de 600 000 euros.

La société Smac a fait parvenir sept factures de situations de travaux à la société Coréal.

La société Coréal n’a pas réglé ces factures.

Après plusieurs mises en demeure et à défaut de règlement amiable, par actes du 16 février 2021, la société Smac a fait assigner, par-devant le tribunal de commerce de Valenciennes, la société Coréal et la société Habitat et commerce pour l’audience du 9 mars 2021.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 29 mars 2022, le tribunal de commerce de Valenciennes :

Vu les articles 10, 232, 514 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 1103, 1104, 1193, 1231-1 et suivants et 1240 du code civil,

Vu les articles L441-9 et D.441-5 du code de commerce,

Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance,

Vu l’article 1343-5 du code civil,

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

Vu le contrat de sous-traitance,

Vu les conditions générales du contrat de sous-traitance édition 2005

Vu les pièces versées aux débats,

– a constaté qu’une délégation de paiement a été signée entre les parties au titre du paiement direct de la société Smac par le maître d’ouvrage, la société Habitat et commerce ;

– a dit et jugé que la société Coréal est recevable et bien fondée de se prévaloir des stipulations du contrat de sous-traitance conclu entre les parties ;

– En conséquence,

– s’est déclaré incompétent pour connaître de la présente instance ;

– a dit que, par application de l’article 82 du code de procédure civile, le dossier de la présente instance sera transmis au tribunal de commerce de Paris par les soins de Monsieur le greffier de ce tribunal à défaut d’appel dans le délai de quinzaine de la notification du présent jugement et que l’instance sera poursuivie devant ledit tribunal de commerce de Paris ;

– a dit n’y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– a condamné la société Smac aux entiers frais et dépens de l’instance, les frais de greffe étant liquidés à la somme de 140,74 €.

Par déclaration en date du 14 avril 2022, la SAS Smac a interjeté appel, reprenant dans son acte d’appel l’ensemble des chefs de la décision sus-visée.

Par requête de la même date, elle a saisi le premier président ou son délégataire pour être autorisée à assigner à jour fixe s’agissant d’un appel sur la compétence.

Par ordonnance du 3 mai 2022, la société SAS Smac a été autorisée à assigner à jour fixe la société Coréal et la SAS Habitat et commerce, ce qu’elle a fait.

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 14 juin 2022, la SAS Smac demande à la cour de :

Vu les articles 83 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 10, 42, 43, 46, 232, 514 et suivants du code de procédure civile ;

Vu les articles 1103, 1104, 1193, 1231-1 et suivants et 1240 du code civil,

Vu les articles L 441-9 et D 441-5 du code de commerce,

Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

Vu le contrat de sous-traitance ;

Vu les conditions générales du contrat de sous-traitance édition 2005,

Vu les pièces versées aux débats,

– déclarer l’appel recevable et la SAS SMAC bien fondée en son appel et en conséquence,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Valenciennes le 29 mars 2022 en ce qu’il a énoncé :

– constate qu’une délégation de paiement a été signée entre les parties au titre du paiement direct de la société Smac par le maître d’ouvrage, la société Habitat et commerce, ;

– dit et juge que la société Coréal est recevable et bien fondée de se prévaloir des stipulations du contrat de sous-traitance conclu entre les parties ;

– en conséquence,

– se déclare incompétent pour connaître de la présente instance ;

– dit que, par application de l’article 82 du code de procédure civile, 1e dossier de la présente instance sera transmis au tribunal de commerce de Paris par les soins de Monsieur le greffier de ce tribunal à défaut d’appel dans le délai de quinzaine de la notification du présent jugement et que l’instance sera poursuivie devant ledit tribunal de commerce de Paris ;

– dit n’y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne la société Smac aux entiers frais et dépens de l’instance, les frais de greffe étant liquidés à la somme de 140,74 €.

– statuant à nouveau,

– vu l’absence de cautionnement et de délégation de paiement,

– prononcer la nullité du sous-traité ;

– déclarer le tribunal de commerce de Valenciennes pour connaître du litige ;

– juger que le tribunal de commerce de Valenciennes a compétence pour statuer sur le présent litige ;

– vu l’article 86 du code de procédure civile ;

– renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Valenciennes afin que l’instance se poursuive ;

– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la nullité du sous-traité ne serait pas retenue par la cour,

– juger que la clause attributive de compétence prévue au « sous-traité » ne trouve pas à s’appliquer contrairement aux dispositions de l’article 46 du code de procédure civile ;

– juger que le tribunal de commerce de Valenciennes a compétence pour statuer sur le présent litige ;

– vu l’article 86 du code de procédure civile,

– renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Valenciennes afin que l’instance se poursuive ;

– en toute hypothèse

– débouter les sociétés Coréal et Habitat et commerce de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner in solidum les sociétés Coréal et Habitat et commerce au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Elle plaide que :

– acceptée et agréée par le maître de l’ouvrage, elle n’a pas obtenu la signature de la délégation de paiement matérialisant ses conditions de paiement et aucune garantie de paiement n’a été délivrée ;

– des difficultés de paiements ont été rapidement notées et ont donné lieu à des mises en demeure, ainsi qu’à une information de la SAS Coréal de la suspension du contrat jusqu’à complet paiement des situations de travaux et l’obtention d’une garantie de paiement ;

– à raison de l’inertie fautive de l’entreprise principale, elle a dû mettre en ‘uvre la procédure de l’action directe (article 12 de la loi du 31 décembre 1975) auprès du maître de l’ouvrage, la SAS Habitat et commerce ;

– un échéancier avait été proposé mais était trop échelonné dans le temps, ne reprenant pas l’entièreté des sommes dues à la SAS Smac et ne comportant aucune garantie sur le respect de l’engagement, et a donc été refusé ;

– des règlements sont intervenus et une reprise du chantier a été envisagée, aucun justificatif de paiement ne lui étant toutefois parvenu ;

– une assignation en référé a été délivrée pour obtenir une provision sur les sommes dont la société Coréal et le maître de l’ouvrage demeurent redevables, laquelle a été rejetée par le juge des référés à raison d’une contestation sérieuse tenant à la nullité du contrat de sous-traitance résultant de l’absence de garantie de paiement.

Elle estime que :

– le tribunal a procédé à une application erronée des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 et a dénaturé les pièces du dossier, en rejetant la demande de nullité du sous-traité formulée ;

– aucune délégation de paiement n’a été signée entre les parties ;

– cette garantie de paiement, à supposer qu’elle existe, n’a de toute façon pas été transmise avant le début des prestations ;

– seule a été effectuée une acceptation et un agrément de la SAS Smac par le maître de l’ouvrage, conformément à l’article 3 de la loi de 1975, éléments distincts de la garantie de paiement prévue à l’article 14 de la même loi ;

– l’annexe 5, qui est un modèle de délégation de paiement, n’a jamais été signée par l’entreprise principale, le sous-traitant et le maître de l’ouvrage ;

– en tout état de cause, et en l’espèce, dans l’hypothèse erronée où une délégation de paiement lui aurait été fournie, il est constaté que malgré les stipulations du sous-traité relatives au « paiement 100 % » par le maître de l’ouvrage, seule la SAS Coréal réglait les situations ;

– à supposer qu’une délégation ait été consentie, elle serait nécessairement devenue caduque dès lors qu’aucun paiement direct n’a été effectué par le maître de l’ouvrage ;

– l’entreprise principale n’aurait respecté qu’une des conditions imposées par la loi, à savoir faire accepter et agréer son sous-traitant, méconnaissant son obligation liée à la garantie des sommes dues.

Elle souligne que :

– nécessairement la décision sur la compétence doit être infirmée, le tribunal ayant méconnu les dispositions de l’article 46 du code de procédure civile, et ce que, le sous-traité soit déclaré nul ou non ;

– le sous-traité étant nul, l’hypothèse de l’article 46 du code de procédure civile relative à la compétence en matière délictuelle trouve à s’appliquer en l’espèce, la commune de la Sentinelle, jouxtant Valenciennes, étant le lieu de réalisation du dommage, ce qui donne compétence au tribunal de Valenciennes ;

– compte tenu de la pluralité de défendeurs, la clause attribuant compétence au tribunal dans le ressort de Créteil n’a pas vocation à s’appliquer, conduisant à se référer à l’article 46 du code de procédure civile, et dans ce cadre à l’hypothèse relative à la compétence en matière contractuelle, soit le lieu de livraison effective de la chose (fourniture de marchandises pour l’exécution du sous-traité) ou le lieu d’exécution de la prestation de service ( travaux sous traités), soit La Sentinelle en l’espèce, et donc le tribunal de commerce de Valenciennes ;

– la clause attributive de compétence, outre le fait qu’elle ne s’applique pas en cas de pluralité de défendeurs par application du sous-traité, ne peut en tout état de cause trouver à s’appliquer dès lors que la SAS Habitat et commerce est partie à l’instance.

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 13 juin 2022 , la société Coréal demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1147, 1290 du code civil,

Vu l’article 48 du code de procédure civile ;

Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

Vu la jurisprudence et les pièces susvisées ;

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes du 29 mars 2022 en ce qu’il a décidé de :

– juger la société Coréal recevable et bien fondée de se prévaloir des stipulations contractuelles du contrat conclu entre les parties ;

– déclarer incompétent le tribunal de commerce de Valenciennes ;

– ordonner en conséquence le renvoi de l’affaire devant le tribunal de commerce de Paris ;

– condamner la société Smac aux entiers dépens ;

– l’infirmer pour les frais irrépétibles et statuant à nouveau,

– condamner la société Smac à payer à la société Coréal la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;

– condamner la société Smac à payer à la société Coréal la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d’appel ;

– en tout état de cause,

– condamner la société Smac aux entiers dépens, au titre de la procédure d’appel dont distraction au profit du Cabinet Lexavoue Amiens Douai, représenté pour les besoins de la présente instance par Me Le Roy, avocat au barreau de Douai, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

– la convention relative à l’acceptation de la société Smac en tant que sous-traitant a également prévu une délégation de paiement permettant à la société Smac de solliciter le paiement de ses factures auprès du maître d’ouvrage ;

– une délégation a contrairement à ce qu’affirme la société Smac été signée entre elle-même, le sous-traitant et le maître d’ouvrage, laquelle dispensait de la fourniture d’une garantie de paiement des travaux ;

– la société Habitat et commerce confirme cette acceptation dans le cadre de la présente procédure d’appel.

Elle revient sur le déroulé du chantier, les non-conformités des travaux réalisés (bardage), les règlements, quand bien même une délégation de paiement existait, la société Smac menaçant de ne plus intervenir, l’abandon du chantier, la nécessité de confier des travaux supplémentaires et de reprise à une société tierce. Le DCD émis par la société Coréal fait ressortir non pas une dette de sa part mais une créance.

Elle souligne que :

– l’agrément des conditions de paiement de la société Smac, signé par celle-ci ainsi que par les sociétés Habitat et commerce et Coréal, indique expressément les conditions de paiement, à savoir 100 % par le maître de l’ouvrage ;

– la société Smac bénéficie d’un engagement direct du maître d’ouvrage de procéder au paiement de ses factures valant garantie de paiement, aucun règle de forme n’étant nécessaire et l’acceptation du sous-traitant étant expresse, à raison de l’apposition de sa signature sur le document ;

– les dispositions de la loi sur la sous-traitance ayant été respectées, le contrat n’encourt aucune nullité.

Elle souligne qu’au soutien de son argumentaire pour solliciter la nullité du contrat, la société Smac allègue que la délégation de paiement n’a été régularisée que postérieurement au début de la réalisation des travaux qui lui ont été confiés et postérieurement à l’établissement de sa situation de travaux n°1.

Outre le fait que la société Smac reconnaît ainsi la validité de la délégation de paiement qu’elle a elle-même signée, elle rappelle que la jurisprudence considère que lorsque le sous-traitant a décidé en toute connaissance de cause de commencer l’exécution de ses prestations sans disposer de la garantie de paiement prévue par la loi du 31 décembre 1975, la Cour de cassation considère que : « la violation des formalités de l’article 14, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1975, qui ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, est sanctionnée par une nullité relative, à laquelle ce dernier peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, en connaissance du vice l’affectant », ce qui ne permet plus de s’en saisir.

Elle développe une argumentation relative à l’estoppel, demandant à la cour d’en tirer toute conséquence et observant qu’in fine la demande principale en première instance est devenue subsidiaire en appel, les demandes étant incompatibles entre elles.

Elle se prévaut :

– des dispositions de l’article 15 des conditions générales qui donnent compétence au tribunal de Créteil ;

– du fait qu’il y a pluralités de défendeurs et que la société Habitat et commerce a son siège social à [Localité 4] ;

– la clause attributive ne donne aucunement la possibilité de saisir le tribunal du lieu d’exécution du contrat ;

– les articles 42 et 43 du code de procédure civile ont vocation à s’appliquer en l’espèce, le tribunal du siège de la société Habitat et commerce étant seul compétent

Elle rejette l’argumentation sur la clause attributive développée par la société Smac indiquant que l’application du contrat entre la société Coréal et la société Smac peut tout à fait se concilier avec les dispositions légales applicables pour les non signataires. Tel est le cas en l’espèce, puisque la juridiction de renvoi sollicitée est celle correspondant au siège social de la société Habitat et commerce, soit [Localité 4] conformément aux dispositions de l’article 46 du Code de procédure civile.

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 13 juin 2022, la société Habitat et commerce demande à la cour de :

Vu la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance

Vu l’article 16 du Code de procédure civile,

Vu les articles 75 et suivants du Code de procédure civile,

Vu les pièces communiquées ;

In limine litis, vu l’absence de péril imminent des droits de la société Smac,

– renvoyer le dossier à la mise en état afin que les parties puissent se défendre et faire valoir leur argumentation dans des conditions loyales ;

A titre principal :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes du 29 mars 2022 en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris ;

A titre subsidiaire :

– Si la cour rejette l’exception d’incompétence, il y a lieu de renvoyer le dossier au tribunal de commerce de Valenciennes,

En tout état de cause :

– débouter la société Smac de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

‘ Constaté qu’une délégation de paiement avait été signée entre les parties au titre du paiement direct de la société Smac par le maître d’ouvrage, la société Habitat et commerce ;

‘ Dit et jugé que la société Coréal est recevable et bien fondée de se prévaloir des stipulations du contrat de sous-traitance conclu entre les parties ;

-condamner la société Smac à verser à la société Habitat et commerce la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle conteste l’absence de garantie de paiement et fait valoir que la société Smac a été acceptée et ses conditions de paiement agréées le 22 octobre 2019. L’article 6.2 du contrat de sous-traitance prévoit que le sous-traitant est payé à 100 % par le maître de l’ouvrage privé.

Elle soutient que la société Smac ne démontre nullement que ses droits sont en péril et donc que la procédure à jour fixe ne se justifie pas.

Elle rappelle qu’il y a pluralité de défendeurs et que la société Habitat et commerce a son siège social à [Localité 4]. Conformément aux dispositions des articles 42 et 43 du Code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est celle du lieu où demeure le défendeur.

Elle estime que  :

– la délégation de paiement directe par le maître de l’ouvrage a été prévue et signée par l’ensemble des parties ;

– la société Smac bénéficie d’un engagement direct du maître de l’ouvrage de procéder au paiement de ses factures valant garantie de paiement ;

– l’affirmation de la société Smac selon laquelle cette délégation de paiement ne serait pas valable puisque le document susmentionné ne constituerait que l’agrément et l’acceptation de la société Smac, et non une délégation de paiement, ne peut tenir, aucune forme n’étant imposée pour la délégation qui n’est pas obligatoirement un document distinct ;

– il importe peu que la société Coréal ait réglé les situations n° 1, 2 et 3, les factures lui ayant été adressées par le sous-traitant.

***

À l’audience du 14 juin 2022, le dossier a été mis en délibéré au 20 octobre 2022.

MOTIVATION 

– Remarques procédurales

Au préalable, il convient de souligner qu’il n’y a pas lieu de reprendre ni d’écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à ‘constater que ….’ ou ‘dire que…’, telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu’elles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l’arrêt.

Il sera souligné que si des développements sont consacrés à l’estoppel et à l’interversion des demandes présentées entre la première instance et l’appel dans les écritures de la société Coréal, aucune fin de non-recevoir ne figure au dispositif.

Il n’y donc pas lieu d’y répondre plus avant, la cour n’en étant pas saisie valablement et la fin de non-recevoir n’étant pas d’ordre public.

Par ailleurs, les développements de la société Habitat et commerce relatifs à l’absence de preuve d’un péril imminent et le recours non justifié à la procédure à jour fixe sont hors de propos, s’agissant d’un appel d’un jugement statuant sur la compétence, dans le cadre des dispositions 83 et suivants du code de procédure civile, l’article 84 alinéa 2 prévoyant expressément qu’« en cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire ».

Ainsi, la demande de la société Habitat et commerce visant à « in limine litis, vu l’absence de péril imminent des droits de la société Smac, renvoyer le dossier à la mise en état afin que les parties puissent se défendre et faire valoir leur argumentation dans des conditions loyales », ne peut qu’être rejetée.

Au surplus, il sera observé que l’ensemble des parties, dans le cadre de la procédure, a été en mesure de prendre des écritures pour l’audience du 14 juin 2022.

– Sur la compétence

1) nécessitant de trancher une question de fond préalable 

En vertu des dispositions de l’article 79 du code de procédure civile, lorsqu’il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d’une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes.

Sa décision a autorité de chose jugée sur cette question de fond.

Contrairement à ce que laisse sous-entendre la société Coreal, le tribunal, saisi de l’exception d’incompétence, n’a pas statué à la fois sur le fond du litige et sur la compétence, mais a estimé que sa compétence dépendant d’une question de fond, il lui revenait d’envisager cette dernière.

En effet, la société Smac fondait la compétence de la juridiction de Valenciennes essentiellement sur les dispositions contractuelles, la clause attributive dans le sous-traité étant également envisagée par les parties, ce qui explique que le tribunal se soit penché au préalable sur le problème de la validité du sous-traité.

Cependant, pour trancher le litige relatif à la compétence, force est de constater que la validité du sous-traité n’a pas besoin d’être tranchée.

En effet, si les parties ont pu faire état de l’existence d’une clause attributive de compétence dans le sous-traité conclu le 23 octobre 2019, notamment à l’article 13 : Règlement des contestations ,prévoyant qu’ « en application de l’article 15 des conditions générales, les litiges seront soumis au tribunal compétent de Créteil, sauf appel en garantie, mise en cause des assurances ou pluralité de défendeurs. En cas de défaut d’indication du tribunal compétent au § ci-dessus, les tribunaux compétents du siège de l’entreprise principale seront compétent. Le présent contrat est soumis au droit français, la langue du contrat est la langue française », il ressort clairement des stipulations précitées que la clause attributive de compétence du contrat, auquel la société Habitat et commerce n’est d’ailleurs que tiers, ne s’applique pas en cas de pluralité de défendeurs, ce qui est manifestement le cas en l’espèce.

En outre, contrairement, à ce que laissent sous-entendre les intimés, ladite clause ne donne jamais compétence au domicile de l’un des défendeurs au choix, et notamment au tribunal du siège social du maître d’ouvrage, la société Habitat et commerce, mais prévoit qu’en l’absence d’indication du tribunal dans l’alinéa 1, ce qui n’est nullement le cas d’ailleurs en l’espèce, il est donné compétence au tribunal du siège de l’entreprise principale (EP), laquelle est la société Coréal qui a son siège social à Créteil.

Enfin, et comme il sera explicité ci-après, l’application des règles de droit commun ne nécessite pas plus que soit tranchée la question de la validité du sous-traité et de l’existence d’une délégation de paiement.

En conséquence, il n’y a donc pas lieu de statuer sur la demande de la société Smac visant à prononcer la nullité du sous-traité.

La décision des premiers juges ne peut qu’être infirmée en ce qu’elle a constaté qu’une délégation de paiement a été signée entre les parties au titre du paiement direct de la société Smac par le maître d’ouvrage, la société Habitat et commerce, et dit et jugé que la société Coréal est recevable et bien fondée à se prévaloir des stipulations du contrat de sous-traitance conclu entre les parties.

2) au titre des dispositions de compétence territoriale de droit commun 

Aux termes des dispositions de l’article 42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux.

L’article 46 du code de procédure civile prévoit que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :

– en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ;

– en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

– en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble ;

– en matière d’aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier.

A supposer que les articles 42 et 46 du code de procédure civile puissent être combinés en droit interne pour trancher la question de la compétence territoriale en cas de pluralité de défendeurs, la jurisprudence dont se prévaut la société Smac nécessite que le critère de compétence tiré de l’article 46 du code de procédure civile, et notamment le lieu d’exécution de la prestation, s’applique à tous les défendeurs.

Or, en l’espèce, s’agissant d’une action opposant l’entreprise principale, le sous-traitant et le maître d’ouvrage, la matière n’est ni contractuelle ni délictuelle à l’égard de tous.

En effet, la question de la validité du sous-traité conditionne l’option de compétence applicable entre l’entreprise générale et le sous-traitant, oscillant entre le critère de compétence contractuelle en cas de contrat valide et le critère de compétence délictuelle en cas d’annulation du sous-traité, mais elle ne conditionne jamais le critère de compétence applicable à la relation entre le sous-traitant et le maître de l’ouvrage, la matière n’étant alors ni contractuelle ni délictuelle mais légale, comme issue de la loi du 31 décembre 1975.

Ainsi, au vu des relations existant entre les parties, le critère de l’article 46 du code de procédure civile ne peut jamais être commun à toutes les parties aux litiges et les choix offerts par l’article 46 du code de procédure civile n’ont pas vocation à s’appliquer, ce qui justifie d’autant plus qu’il n’y ait pas lieu à statuer sur une question préalable relative à la validité du sous-traité.

Seules les dispositions de l’article 42 du code de procédure civile, en cas de pluralité de défendeurs, peuvent donc permettre de déterminer la juridiction pouvant connaître du litige, laquelle doit être la juridiction du ressort de l’un des défendeurs.

Or, si la société Coréal a son siège dans le ressort du tribunal de commerce de Créteil, la société Habitat et commerce dispose bien d’un siège social dans le ressort du tribunal de Paris, comme l’ont justement rappelé les premiers juges, justifiant que la compétence du tribunal de commerce de Valenciennes soit déclinée au profit de ce dernier tribunal.

La confirmation de la décision des premiers juges en ce qu’ils se sont déclarés incompétents pour connaître du litige et en ce qu’il a été prévu le renvoi de l’entier dossier au tribunal de commerce de Paris, s’impose.

– Sur les dépens et accessoires 

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société Smac succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens d’appel.

Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont confirmés.

Le sens du présent arrêt commande de condamner la société Smac à payer à la société Habitat et commerce et à la société Coréal la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande d’indemnité procédurale de la société Smac est rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

REJETTE la contestation de la procédure à jour fixe présentée par la société Habitat et commerce et sa demande de renvoi à la mise en état ;

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 29 mars 2022 en ce qu’il a constaté qu’une délégation de paiement a été signée entre les parties au titre du paiement direct de la société Smac par le maître d’ouvrage, la société Habitat et commerce et dit et jugé que la société Coréal est recevable et bien fondée de se prévaloir des stipulations du contrat de sous-traitance conclu entre les parties.

Statuant à nouveau,

DIT n’y avoir lieu à statuer sur une question de fond préalable et donc sur la demande de la société Smac visant à trancher à prononcer la nullité du sous-traité ;

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 29 mars 2022 pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Smac à payer à la société Habitat et commerce la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Smac à payer à la société Coréal la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Le Roy conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier

Marlène Tocco

P/Le président

Nadia Cordier

 


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