Délégation de paiement : 19 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/18754

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Délégation de paiement : 19 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/18754

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 5

ARRET DU 19 OCTOBRE 2022

(n° /2022, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/18754 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYKD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2019 -Tribunal de Commerce d’EVRY RG n° 2016F00434

APPELANTE

SASU BATEXPLAN

[Adresse 11]

[Localité 10]

Représentée par Me Alexis LEGENS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1933

INTIMES

Monsieur [G] [M]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Marie-Laure TIROUFLET DE BUHREN de la SELARL EDOU – DE BUHREN HONORE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0021

S.A.S.U. QUALICONSULT SECURITE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Société IMMOBILIERE 3 F

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédéric COPPINGER de la SCP COBLENCE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053

SA PARIS OUEST CONSTRUCTION Prise en la personne de tous représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

SCP [N] [V] en qualité de ‘mandataire liquidateur’ de la ‘SARL CONCEPT METAL’

[Adresse 6]

[Localité 3]

N’a pas constitué avocat

SAS CONCEPT METAL

[Adresse 13]

[Localité 4]

N’a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre

Mme Valérie MORLET, Conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame [U] [T] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La société d’habitation à loyer modéré Immobilière 3F a fait procéder, en qualité de maître de l’ouvrage, à l’édification d’un ensemble immobilier comprenant 251 logements, des places de stationnements, trois commerces dont une crèche associative à [Localité 12] ([Localité 12]).

Pour mener à bien cette opération, celle-ci a confié un marché de travaux en entreprise générale à la société Paris Ouest Construction en qualité de mandataire solidaire d’un groupement d’entreprises.

Dans ce cadre, cette dernière société a sous-traité certaines prestations du lot ‘serrurerie -métallerie’ à la société Concept Metal, laquelle a sous-traité diverses prestations à la société Batexplan.

Par ailleurs, la société Immobilière 3F a confié :

– une mission de maîtrise d’oeuvre à une équipe dont M. [M] est le mandataire,

– une mission de coordonnateur SPS à la société Qualiconsult Sécurité.

Les travaux de la société Paris Ouest Construction, et donc par voie de conséquence ceux concernant la société Concept Metal, ont été réceptionnés :

– pour la tranche 1 : le 8 décembre 2015,

– pour la tranche 2 : le 18 janvier 2016,

– pour la tranche 3 : le 23 février 2016,

– pour la tranche 4 : le 11 mars 2016.

Les 10 et 14 juin 2016, la société Batexplan a fait délivrer une assignation aux sociétés Concept Metal et Immobilière 3F devant le tribunal de commerce d’Evry aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 85 285,61 euros au titre du solde de fournitures et de pose d’équipements de serrurerie impayé.

Le 29 novembre 2016, la société Immobilière 3F a fait assigner en intervention forcée et en garantie la société Paris Ouest Construction.

Le 8 janvier 2018, la société Immobilière 3F a fait assigner en intervention forcée et en garantie la SCP [N] [V], ès qualités de liquidateur de la société Concept Metal.

Le 5 juillet 2018, la société Immobilière 3F a fait assigner en intervention forcée et en garantie M. [G] [M] et la société Qualiconsult Sécurité.

La société Concept Metal a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 21 novembre 2017 et la SCP [N] [V] a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 19 septembre 2019, le tribunal de commerce d’Evry, a :

Ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 20l6F434, 2016F8l 1, 20l8F68 et 20l8F496 et dit que le jugement leur serait commun,

Dit qu’il incombait à la société Concept Metal de faire accepter la société Batexplan et agréer ses conditions de paiement par le maître de l’ouvrage, la société Immobilière 3F,

Dit qu’i1 relevait des obligations de la société Concept Metal de fournir à la société Batexplan la caution bancaire en application de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance,

Débouté la société Batexplan de sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Concept Metal,

Débouté la société Batexplan de sa demande en condamnation de la société Immobilière 3F,

Débouté la société Concept Metal de sa demande de condamnation à l’égard de la société Batexplan,

Débouté la société Immobilière 3F de ses demandes en garantie à l’égard de la société Paris Ouest Construction,

Condamné la société Immobilière 3F à payer à la société Paris Ouest Construction la somme de 84 274,6l eurosau titre du solde de son décompte général,

Dit que le compte-rendu d’intervention du 27 août 2015 est inopérant à caractériser la connaissance, par la société Immobilière 3F, de la présence de la société Batexplan sur le chantier,

Dit que l’on ne peut reprocher à la société Immobilière 3F la violation de l’une des obligations que lui impose la loi de 1975 sur la sous-traitance,

Débouté la société Qualiconsult Sécurité de sa demande de mise hors de cause ainsi que ses appels en garantie à l’encontre de M. [M] et de la société Paris Ouest Construction,

Dit mal dirigée l’action introduite à l’encontre de M. [M] par la société Immobilière 3F, l’en a débouté,

Dit inopérant l’appel en garantie de la société Immobilière 3F,

Débouté la société Batexplan de sa demande en condamnation de la société Immobilière 3F à la somme de 5 000 euros pour résistance abusive,

Ordonné l’exécution provisoire du jugement,

Condamné la société Batexplan à payer à la société Paris Ouest Construction la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté comme inopérantes ou mal fondées, les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ; les en a déboutés respectivement ;

Condamné solidairement les sociétés Batexplan, Concept Metal et Qualiconsult Sécurité aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 177,88 euros TTC.

Par déclaration d’appel du 21 octobre 2019, la société Batexplan a interjeté appel du jugement, intimant la société Immobilière 3F, la société Paris Ouest Construction, la société Qualiconsult Sécurité et M. [G] [M].

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 19 décembre 2019, la société Batexplan, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants anciens du code civil, des articles 3 et 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et 1383 ancien du code civil, de :

La recevoir en son appel ;

Y faisant droit ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Concept Metal ;

Le réformer également en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de la société Immobilière 3F ;

L’infirmer encore en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société Paris Ouest Construction la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau ;

Fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Concept Metal à la somme de 84 274,61 euros correspondant au solde des travaux de fournitures et de pose d’équipements de serrurerie demeuré impayé ;

Condamner in solidum la société Immobilière 3F à lui payer la somme de 84 274,61 euros au titre dudit solde demeuré impayé ;

Dire et juger que cette somme sera assortie des intérêts de droit à compter du 3 février 2016 ;

Ordonner la capitalisation des intérêts ;

Condamner en sus la société Immobilière 3F à lui payer les sommes de :

– 5 000 euros à titre d’indemnité pour résistance abusive et comportement dilatoire ;

– 5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner enfin toutes parties succombantes aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce notamment compris le coût des significations et de l’exécution forcée dont distraction en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 12 août 2020, la société Immobilière 3F, intimée, demande à la cour, au visa des articles 331, 367, 369 du code de procédure civile, des dispositions de la loi du 31 décembre 1975, des articles 1134, 1147 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, de :

La déclarer recevable et bien fondée en ses moyens et demandes,

Rejeter intégralement comme mal fondé l’appel présenté par la société Batexplan à l’encontre du jugement rendu le 19 septembre 2019 par le tribunal de commerce d’Evry (2016F00434) ;

Rejeter en conséquence comme mal fondées les demandes de la société Batexplan à

son encontre ;

Débouter la société Qualiconsult Sécurité de son appel incident ;

Confirmer le jugement rendu le 19 septembre 2019 par le tribunal de commerce d’Evry (2016F00434) en l’ensemble de ses dispositions,

Condamner la société Batexplan à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction opérée en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

Déclarer que la société Concept Metal est responsable, en application de l’article 1382 du code civil, du préjudice financier qu’elle subira en cas de condamnation à verser des sommes en principal, intérêts, dommages-intérêts, accessoires, frais et dépens au profit de la société Batexplan ;

Déclarer que la société Paris Ouest Construction est responsable, en application des anciens articles 1134 et 1147 du code civil, du préjudice financier qu’elle subira en cas de condamnation à verser des sommes en principal, intérêts, dommages-intérêts, accessoires, frais et dépens au profit de la société Batexplan ;

Déclarer que M. [G] [M] est responsable, en application des anciens articles 1134 et 1147 du code civil, du préjudice financier qu’elle subira en cas de condamnation à verser des sommes en principal, intérêts, dommages-intérêts, accessoires, frais et dépens au profit de la société Batexplan ;

Déclarer que la société Qualiconsult Sécurité est responsable, en application des articles 1134 et 1147 du code civil, du préjudice financier que subira Immobilière 3F en cas de condamnation à verser des sommes en principal, intérêts, dommages-intérêts, accessoires, frais et dépens au profit de la société Batexplan ;

Déclarer que la société Concept Metal, en vertu de l’ancien article 1382 du code civil, la société Paris Ouest Construction, M. [G] [M] et la société Qualiconsult Sécurité, en vertu des anciens articles 1134 et 1147 du code civil, sont tenus in solidum de l’indemniser de l’intégralité du préjudice financier résultant des condamnations en en principal, intérêts, dommages-intérêts, accessoires, frais et dépens prononcées le cas échéant à son encontre au profit de la société Batexplan ;

Ordonner la fixation de sa créance à ce titre au passif de la société Concept Metal à due concurrence des condamnations en principal, intérêts, dommages-intérêts, accessoires, frais et dépens prononcés le cas échéant à son encontre au profit de la société Batexplan ;

Condamner in solidum la société Paris Ouest Construction, M. [G] [M] et la société Qualiconsult Sécurité à la garantir de toutes les condamnations en en principal, intérêts, dommages-intérêts, accessoires, frais et dépens qui seraient prononcées contre elle ;

Condamner in solidum la SCP [N] [V] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Concept Metal, la société Paris Ouest Construction, M. [G] [M] et la société Qualiconsult Sécurité à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ;

Condamner in solidum la SCP [N] [V] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Concept Metal, la société Paris Ouest Construction, M. [G] [M] et la société Qualiconsult Sécurité aux entiers dépens dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Rejeter toutes prétentions, fins et conclusions contraires.

Par conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 13 mai 2020, la société Paris Ouest Construction, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1315 du code civil, de :

– Déclarer recevable, la société Batexplan, en son appel ;

– Déclarer mal fondée en son appel, la société Batexplan ;

– Constater que la société Batexplan ne formule aucune demande, ni n’articule aucun grief à son encontre ;

En conséquence,

– Confirmer en toutes ses dispositions, le jugement entrepris tant du chef des demandes de la société Batexplan que du chef de la demande de condamnation de la société Immobilière 3F au paiement du solde de son marché ;

– Débouter la société Immobilière 3F de son appel en garantie à l’encontre de la concluante ;

Y ajoutant,

‘ Condamner tout succombant à lui verser la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Condamner tout succombant aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 14 septembre 2020, M. [G] [M], intimé, demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1134 du code civil, soit respectivement les articles 1217, 1231-1, 1103, 1193 et 1194 du code civil suivant l’article 2 de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, de :

– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 septembre 2019 par le tribunal de commerce d’Evry (n°2016 F00434) ;

– Débouter la société 3F immobilière de son appel en garantie à son encontre ;

– Débouter la société Qualiconsult Sécurité de son appel en garantie à son encontre ;

– Condamner tout succombant à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner tout succombant aux entiers dépens, dont distraction opérée conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 2 octobre 2020, la société Qualiconsult Sécurité, intimée, demande à la cour, au visa des articles L. 4532-2 et suivants du code du travail et de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, de :

Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– dit que le compte rendu d’intervention du 27 août 2015 est inopérant à caractériser la connaissance par la société immobilière 3F de la présence de la société Batexplan sur le chantier,

– l’a déboutée de sa demande de mise hors de cause ainsi que ses appels en garantie à l’encontre de M. [M] et de la société Paris Ouest Construction ,

– rejeté comme inopérant ou mal fondé, les demandes autres, plus amples au contraire des parties, les en déboute respectivement,

– l’a condamné solidairement avec les sociétés Batexplan et Concept Metal aux entiers dépens en ce compris les frais de greffe liquider à la somme de 177,88 euros TTC,

Statuant à nouveau,

Rejeter les demandes de la société Immobilière 3F à son encontre et l’en débouter,

La mettre hors de cause,

Débouter toute partie de toutes demandes, prétentions et/ou appels en garantie dirigés contre elle,

A titre subsidiaire,

Vu l’article 1240 du code civil,

Condamner in solidum M. [G] [M] et la société Paris Ouest Construction à la garantir et la relever intégralement de toutes les éventuelles condamnations en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens qui seraient prononcées à son encontre,

En toute hypothèse,

Condamner in solidum la société Immobilière 3F et les sociétés succombantes :

– à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance ;

– aux entiers dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Condamner in solidum la société Immobilière 3F et les sociétés succombantes :

– à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel ;

– aux entiers dépens d’appel, dont distraction opérée conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande formée à l’encontre de la société Metal Concept

Exposé des moyens des parties

La société Batexplan soutient que la réalité des prestations qu’elle a accomplies ne peut être déniée et que la société Concept Metal, sous-traitant de premier rang qui est considéré comme l’entrepreneur principal à son égard, a conservé le prix des travaux dont elle a été intégralement payée par l’entreprise générale. Elle ajoute que la preuve est libre en matière commerciale et qu’en tout état de cause, aucune défectuosité n’est établie, le sous-traitant de premier rang reconnaissant lui-même les retards récurrents dans les livraisons. Elle considère par conséquent que le solde des travaux restant dû est justifié à hauteur de 84 274,61 euros.

Me [N] [V], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Concept Metal, n’a pas constitué avocat.

Réponse de la cour

Il résulte de l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et qu’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel.

En outre, toute créance, pour être valablement recouvrée, doit être certaine, liquide et exigible.

Enfin, par application combinée des articles 9 du code de procédure civile et 1315 du même code dans sa version applicable aux faits, il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, alors même que l’émission d’une facture est impropre à établir que son auteur a fourni les prestations dont il demande le paiement et à justifier à elle seule une créance, il n’est pas contesté, pas même qu’il n’était contesté en première instance, que la société Batexplan a exécuté ses prestations dont l’insuffisante qualité ou l’absence de finitions n’est pas démontrée.

La société Batexplan rapporte en outre la preuve qu’elle a déclaré sa créance à concurrence de 88 782,61 euros entre les mains du mandataire liquidateur de la société Concept Metal, conformément aux dispositions de l’article L. 622-24 du code de commerce.

Par conséquent, il y a lieu de retenir, au regard de l’ensemble des factures et des autres éléments versés aux débats et non utilement contredits à l’instance, conformément aux dispositions de l’article L. 110-3 du code de commerce relatives à la liberté de la preuve en matière commerciale, que la société Concept Metal n’a pas réglé le solde de ses factures à la société Batexplan avec qui elle entretient des relations contractuelles assimilables à celles qui existent entre l’entrepreneur principal et son sous-traitant en vertu de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

Aussi, convient-il d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Batexplan de sa demande de fixation de créance à l’encontre de la société Concept Metal et, statuant à nouveau, la cour fixera la créance de la société Batexplan à la somme de 84 274,61 euros.

Sur la demande formée à l’encontre de la société Immobilière 3F

Exposé des moyens des parties

La société Batexplan réclame à la société 3F, sur le fondement de l’action directe qui lui est ouverte à l’encontre du maître d’ouvrage, le paiement de sa créance en cas de défaillance de son propre contractant, dès lors que sa présence était connue nonobstant l’absence d’acceptation et d’agrément de ses conditions de paiement. Elle soutient que la société Immobilière 3F, qui connaissait sa présence sur le chantier, n’a pas pour autant mis en demeure l’entrepreneur principal de recueillir son acceptation, de faire agréer ses conditions de paiement et de s’assurer de ses garanties de paiement, et a ainsi engagé sa responsabilité quasi-délictuelle à son égard et doit l’en indemniser.

La société Immobilière 3F soutient que le coordonnateur SPS ne l’a pas alertée de la présence sur le chantier de la société Batexplan et précise que le compte-rendu d’intervention du 27 août 2015 ne constitue pas une preuve indiscutable d’une connaissance éclairée du maître d’ouvrage s’agissant d’une opération de 251 logements.

La société Qualiconsult Sécurité réplique que la société Immobilière 3F a eu connaissance de l’intervention sur le chantier de Batexplan à la faveur du compte-rendu de son intervention du 27 août 2015 et de la demande d’agrément présentée par mail du 14 octobre 2015 par la société Paris Ouest Construction. Elle ajoute que la société Immobilière 3F, en sa qualité de professionnel de la construction, aurait dû vérifier que la société Batexplan bénéficiait de l’agrément de la maîtrise d’ouvrage, et qu’en cas de doute, elle aurait dû solliciter des renseignements sur la mission du sous-traitant, l’identité de son donneur d’ordre et son éventuel agrément.

Réponse de la cour

Sur l’action directe du sous-traitant de second rang

L’article’12 de la loi n°’75-1334 du 31’décembre 1975 dispose que le sous-traitant, qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées, dispose d’une action directe contre le maître de l’ouvrage si l’entrepreneur ne paie pas, un mois après avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance.

L’action directe est une action subsidiaire, en ce sens qu’elle ne peut être exercée qu’en cas de défaillance de l’entrepreneur principal.

Cette action est ouverte au sous-traitant en second rang non accepté mais dont la présence est connue à l’encontre du maître de l’ouvrage.

En l’espèce, la preuve de la connaissance de l’intervention de la société Batexplan par la société Immobilière 3F est rapportée par le fait qu’en sa qualité de maître d’ouvrage, elle a organisé une coordination en matière de sécurité et de santé et désigné, à cet effet, la société Qualiconsult Sécurité en qualité de coordinateur rémunéré par le maître d’ouvrage.

Le coordinateur SPS l’a informé de la présence de la société Batexplan sur le chantier, ainsi qu’il résulte du compte rendu d’intervention du 27 août 2015 qui y fait précisément mention et qui a été adressé à trois représentants de la société Immobilière 3F ce que cette dernière ne conteste pas utilement.

En outre, la société Qualiconsult Sécurité verse aux débats un mail en date du 14 octobre 2015 aux termes duquel il apparaît indéniablement que la maîtrise d”uvre avait une connaissance de l’intervention du sous-traitant en second rang puisque l’objet de ce pli est la demande d’agrément de la société Batexplan.

Si le maître de l’ouvrage avait connaissance de la présence de la société Batexplan sur le chantier, aucun élément versé aux débats n’établit toutefois qu’il avait agréé les conditions de paiement du contrat de sous-traitance ni même qu’il en avait eu connaissance.

En outre, la simple attitude passive de la société Immobilière 3F, de même qu’un simple échange de courrier en cours de chantier, ou sa participation à des réunions de chantier avec le sous-traitant ne saurait constituer un agrément.

Il y a par conséquent lieu de dire que la connaissance de la présence de la société Batexplan sur le chantier ou sa participation à des réunions de chantier ne suffisent pas à caractériser la volonté non équivoque du maître d’ouvrage d’agréer ses conditions de paiement.

Il s’ensuit que le jugement sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu’il a débouté le sous-traitant de son action directe en paiement à l’encontre de la société Immobilière 3F.

Sur l’action indemnitaire du sous-traitant de second rang

En vertu des dispositions de l’article 14-1 la loi du 31 décembre 1975 susvisée, le maître de l’ouvrage a l’obligation, dès lors qu’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant qui ne lui a pas été présenté, et qu’il n’a pas agréé, de mettre en demeure l’entrepreneur principal de respecter les dispositions de l’article 3 de la loi, c’est-à-dire recueillir son acceptation du sous-traitant auquel il a recours, et de faire agréer ses conditions de paiement.

A défaut, le maître d’ouvrage engage sa responsabilité quasi-délictuelle envers le sous-traitant sur le fondement de l’article 1382 du code civil sans que cette responsabilité soit atténuée par la négligence ou la faute du sous-traitant qui n’aurait pas sollicité son acceptation ou la fourniture d’une garantie de paiement.

Le sous-traitant, quant à lui, n’est pas tenu de susciter son acceptation et l’agrément de ses conditions de paiement.

Le manquement du maître d’ouvrage suppose ainsi la réunion de deux conditions, tenant d’une part à sa connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier et, d’autre part, à la violation d’une obligation imposée au maître de l’ouvrage par la loi de 1975 précitée.

En outre, si le comportement passif du maître de l’ouvrage n’emporte pas son acceptation du sous-traitant, la responsabilité du maître d’ouvrage peut cependant être retenue pour n’avoir pas satisfait à l’obligation de mettre en demeure l’entrepreneur principal de lui présenter le sous-traitant aux fins d’acceptation d’une part, et d’agrément des conditions de paiement dudit sous-traitant en vertu du sous-traité d’autre part.

Le maître de l’ouvrage doit ainsi mettre en demeure l’entrepreneur principal de se conformer’:

– aux obligations résultant de l’article 6 de la loi du 31’décembre 1975 (obligation de mettre en place un cautionnement ou une délégation de paiement dans le cadre de sous-traitance en chaîne)’;

– à l’obligation de l’article 5 de la loi du 31’décembre 1975 (obligation de déclaration au maître de l’ouvrage lors de la soumission de la nature, du montant des prestations sous-traitées et de l’identité des sous-traitants et des nouveaux sous-traitants devant intervenir lors de l’exécution).

La mise en ‘uvre de l’article 14-1 suppose toutefois que le maître d’ouvrage soit encore, au moment où il découvre l’existence du sous-traitant, débiteur de l’entrepreneur principal, étant ainsi souligné que l’action indemnitaire du sous-traitant est circonscrite aux seules sommes que le maître de l’ouvrage reste devoir à l’entrepreneur principal en vertu du marché le liant à celui-ci. Il s’ensuit que si le maître d’ouvrage n’est plus débiteur de l’entrepreneur, il ne peut lui être fait reproche de ne pas avoir satisfait aux obligations de l’article 14-1 précité.

En l’espèce, la connaissance par le maître d’ouvrage de la présence de la société Batexplan, sous-traitant secondaire sur le chantier, a été induite, comme il a été vu, de la mention de l’intervention du sous-traitant dans des comptes-rendus de chantier dont le maître d’ouvrage était destinataire.

Par ailleurs, s’il est constaté que la société Immobilière 3F n’a pas mis en demeure l’entrepreneur principal d’engager les démarches prévues à l’article 14 précité, le préjudice du sous-traitant n’est toutefois pas opposable au maître de l’ouvrage dès lors que ce dernier rapporte la preuve, sans être utilement contredit, qu’il a réglé entièrement entre les mains de l’entreprise principale le montant des prestations de la société Batexplan.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement, par substitution de motifs, en ce qu’il a débouté la société Batexplan de sa demande de condamnation de la société Immobilière 3F sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Il n’y a par conséquent pas lieu de statuer sur les recours en garantie de la société Immobilière 3F à l’encontre des sociétés Batexplan, Paris Ouest Construction, Qualiconsult Sécurité, Concept Metal et de M. [M].

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive

Au regard du sens de la présente décision, le refus par la société Immobilière 3F de faire droit à la demande de la société Batexplan était justifié et l’appelante ne saurait considérer que son comportement aurait dégénéré en abus, étant observé que l’appréciation inexacte qu’une partie se fait de ses droits n’est pas, en tout état de cause, constitutive d’une faute.

La société Batexplan ne rapportant pas la preuve de ce que la société Immobilière 3F aurait résisté de manière abusive et lui aurait généré un préjudice, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’appelante de sa demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur l’application qui y a été faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Me [N] [V], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Concept Metal, partie perdante, doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile et à l’article L. 622-17 du code de commerce qui instaure un traitement préférentiel en cas de décision postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective.

L’équité commande enfin que chaque partie conserve la charge de ses propres frais exposés et non compris dans les dépens prévus à l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a :

Débouté la société Batexplan de sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Concept Metal ;

Dit que le compte-rendu d’intervention du 27 août 2015 était inopérant à caractériser la connaissance, par la société Immobilière 3F, de la présence de la société Batexplan sur le chantier ;

Condamné la société Batexplan à payer à la société Paris Ouest Construction la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné solidairement les sociétés Batexplan, Concept Metal et Qualiconsult Sécurité aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 177,88 euros TTC ;

Y ajoutant :

Fixe la créance de la société Batexplan à l’encontre de la société Concept Metal à la somme de 84 274,61 euros ;

Condamne Me [N] [V], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Concept Metal, aux dépens de première instance et d’appel ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais exposés et non compris dans les dépens prévus à l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La Présidente,

 


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