Délégation de paiement : 11 mai 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08658

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Délégation de paiement : 11 mai 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08658

N° RG 19/08658 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MYCL

Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

au fond du 05 décembre 2019

RG : [Cadastre 1]/13337

SCI SCCV COTE SUD

C/

SARL SOCIÉTÉ [Y] ARCHITECTE

SCI LE DAUPHIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 11 Mai 2022

APPELANTE :

La SCCV COTE SUD, Société civile immobilière au capital de 1 000 euros, inscrite au RCS de LYON sous le n°507 641 710 dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Joseph PALAZZOLO de la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON, toque : 480

INTIMÉES :

La société [Y] ARCHITECTE, SARL au capital de 2 000 , inscrite au RCS de Lyon sous le n° 498 282 581, dont le siège social est [Adresse 2], représentée par son gérant en exercice, M. [K] [Y], domicilié audit siège.

Représentée par Me Philippe GRATTARD de la SCP GRATTARD & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 910

La SCI LE DAUPHIN, dénommée antérieurement SCI [Adresse 3], inscrite au RCS de LYON, sous le numéro 408 978 120, dont le siège social est sis, [Adresse 4] représentée par son gérant en exercice domicilié audit siège

Représentée par Me Anne MYNARD, avocat au barreau de LYON, toque : 465

******

Date de clôture de l’instruction : 23 Mars 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Mars 2022

Date de mise à disposition : 11 Mai 2022

Audience présidée par Véronique MASSON-BESSOU, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Christine SAUNIER-RUELLAN, président

– Karen STELLA, conseiller

– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Christine SAUNIER-RUELLAN, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

Exposé du litige

Par contrat du 27 septembre 2007, la SCI Le Dauphin a confié à la SARL [Y] Architecte la maîtrise d”uvre complète d’un programme immobilier de 17 logements à réaliser sur une parcelle BZ [Cadastre 1] sise [Adresse 3] (Rhône), contre le paiement d’honoraires d’un montant de 186 001,92 euros.

La SARL [Y] Architecte a déposé la demande de permis de construire le 26 mai 2010 et l’autorisation de permis de construire a été obtenue le 30 juillet 2010.

Souhaitant se désengager du projet de promotion, la SCI Le Dauphin a consenti le 2 août 2013 en la forme authentique, une promesse unilatérale de vente de la parcelle BZ [Cadastre 1] au bénéfice de la SCCV Côte Sud pour un prix de 523 800 euros, sous les conditions suspensives suivantes :

L’obtention, au plus tard le 31 mai 2014, d’un ou plusieurs prêts d’un montant global de 1 000 000 euros par la SCCV Côte Sud, à charge pour celle-ci de solliciter au moins deux banques et de déposer les dossiers afférents au plus tard le 31 janvier 2014 ;

L’obtention par la SCCV Côte Sud d’une garantie financière d’achèvement au plus tard le 31 mai 2014 ;

L’extension au profit de l’ensemble immobilier à bâtir sur la parcelle BZ [Cadastre 1] d’une servitude de passage existante portant sur la rampe d’accès du bâtiment A de la résidence voisine [Adresse 6], de manière à ce qu’elle porte à l’avenir sur le sous-sol de cette résidence, ainsi que le sous-sol de la [Adresse 8].

Cette promesse unilatérale de vente prévoyait un délai pour lever l’option expirant le 30 juillet 2014 et la validité de la promesse expirait le 30 septembre 2014.

Aux termes de cette promesse, la SCCV Côte Sud s’est obligée à supporter les honoraires de la SARL [Y] Architecte à concurrence de la somme de 49 952,49 euros TTC, correspondant au dépôt du permis de construire, sous réserve de la levée des conditions suspensives. Il était indiqué que de convention expresse entre l’architecte et la SCCV Côté Sud, les honoraires seraient payés le jour de la signature de l’acte authentique.

Elle s’est engagée en outre à supporter ces honoraires dans l’hypothèse où la vente ne se réaliserait pas de son fait, nonobstant la levée des conditions suspensives, sauf si elle venait à exercer son droit de rétractation dans la mesure où elle en bénéficie.

Cette promesse n’a jamais été exécutée, de par l’absence de réalisation des conditions suspensives.

La SARL [Y] Architecte n’a pas été désintéressée de la somme due au titre des frais de permis de construire.

C’est dans ces circonstances qu’en date du 12 novembre 2014, la SARL [Y] Architecte a assigné la SCCV Côte Sud, la SARL Prestibat, associée de la SCCV Côte Sud, et la SCI Le Dauphin devant le Tribunal de grande instance de Lyon, pour obtenir paiement des sommes suivantes :

49 952,49 euros TTC au titre de ses honoraires en souffrance,

27 209,89 euros au titre de l’indemnité de rupture du contrat d’architecte,

5 919,37 euros au titre des intérêts moratoires contractuels, arrêtés au 31 août 2014, à parfaire jusqu’au complet règlement.

Par jugement en date du 5 décembre 2019, le Tribunal de grande instance de Lyon a :

Rejeté les demandes dirigées contre la SARL Prestibat, et prononcé sa mise hors de cause ;

Condamné la SCCV Côte Sud à payer à la SARL [Y] Architecte la somme de 49 952,49 euros, avec intérêts au taux légal du 21 février 2014 ;

Condamné la SCCV Côte Sud à payer à la SARL [Y] Architecte la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SCCV Côte Sud à payer à la SCI Le Dauphin la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SCCV Côte Sud aux dépens de l’instance ;

Rejeté le surplus des demandes principales, reconventionnelles et accessoires.

Le tribunal retient en substance :

que la promesse unilatérale de vente n’a été consentie qu’au bénéfice de la SCCV Côte Sud et que la société Prestibat ne s’est jamais engagée au règlement de l’honoraire de l’architecte ;

qu’il y a eu une délégation de paiement de nature imparfaite, consentie par anticipation par la SCI Le Dauphin et la SCCV Côte Sud au profit de la SARL [Y] Architecte avec accord de cette dernière et que donc la promesse unilatérale de vente est créatrice de droits au bénéfice de la SARL [Y] Architecte ;

que la non réalisation des conditions suspensives résulte du manque de diligences de la SCCV Côte Sud , qu’elles sont réputées avoir été réalisées et qu’elle est donc tenue par les termes de la délégation de paiement opérée dans l’acte, à supporter les honoraires de l’architecte ;

qu’il résulte implicitement des dispositions conventionnelles par lesquelles la SCCV Côte Sud s’est engagée à régler cet honoraire en cas de non réalisation de la vente de son fait, malgré la réalisation de l’ensemble des conditions suspensives, que la délégation a vocation à produire effet dans l’hypothèse d’une caducité de la promesse de vente par absence de levée d’option dans le délai imparti ;

qu’il ne peut être soutenu que le travail de la SARL [Y] Architecte aurait profité à un tiers tenu de lui régler ses honoraires, alors que le projet mené par la SCI Le Dauphin et celui finalement réalisé par la société L’Oregal, qui a acquis le tènement et mené l’opération de promotion à son terme, sont totalement différents ;

qu’il n’est pas établi que la SCCV Côte Sud s’est substituée à la SCI Le Dauphin dans le contrat d’architecte, et qu’elle n’est donc pas tenue de régler les intérêts moratoires et la pénalité de rupture anticipée du contrat ;

que la SCI Le Dauphin n’est pas fondée à demander à la SCCV Côte Sud de l’indemniser de la somme de 9 568 euros, correspondant aux honoraires de suvi de la démolition des existants sur le terrain, objet de la promesse de vente, cette somme ayant vocation à rester à la charge de la SCI Le Dauphin en l’absence de transfert de l’opération de promotion et qu’elle n’est pas plus fondée à solliciter une indemnisation de 6 600 euros au titre des frais de démolition pour pouvoir vendre à la société L’oregal, alors que les frais engagés n’ont pas été exposés en raison d’une faute de la SCCV Côté Sud.

Par déclaration régularisée par RPVA le 17 décembre 2019, la SCCV Côte Sud a relevé appel des chefs du jugement la condamnant et la déboutant de ses demandes de condamnation solidaire ou in solidum des sociétés [Y] Architecte et SCI Le Dauphin à lui payer les sommes de :

50 000 euros en réparation du préjudice subi,

12 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 16 mars 2021, l’appelante demande à la Cour d’appel de Lyon de :

Réformer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Lyon en ce qu’il a :

o Condamné la SCCV Côte Sud à payer à la SARL [Y] Architecte la somme de 49 952,49 euros, avec intérêts au taux légal du 21 février 2014,

o Condamné la SCCV Côte Sud à payer à la SCI LE Dauphin et à la société [Y] Architecte la somme de 4 000 euros chacune en indemnisation des frais non répétibles du procès,

o Condamné la SCCV Côte Sud aux dépens de l’instance,

o Débouté la société SCCV Côte Sud de ses demandes.

Et statuant à nouveau,

Dire et juger les demandes de la société [Y] Architecte manifestement mal fondées ;

Débouter la société [Y] Architecte de l’ensemble de ses demandes ;

Débouter la SCI Le Dauphin de l’ensemble de ses demandes ;

Condamner solidairement ou in solidum la société [Y] Architecte et la SCI Le Dauphin à payer à la société SCCV Côte Sud la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi ;

Condamner solidairement ou in solidum la société [Y] Architecte et la SCI Le Dauphin à payer à la société SCCV Côte Sud la somme de 12 000 euros HT sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner solidairement ou in solidum la société [Y] Architecte et la SCI Le Dauphin aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP Hartemann Palazzolo, avocat sur son affirmation de droit.

La SCCV Côte Sud soutient à l’appui de ses demandes :

Qu’elle n’est pas liée par le contrat d’architecte conclu entre la société [Y] Architecte et la SCI Le Dauphin et qu’elle ne peut en conséquence être condamnée à payer une prestation commandée et effectuée pour le compte de la SCI Le Dauphin en vertu d’un contrat dont elle n’est pas partie ;

Que la société [Y] Architecte n’est pas fondée à se prévaloir de la promesse unilatérale de vente régularisée le 2 août 2013 entre la société Le Dauphin et la SCCV Côte Sud alors qu’elle n’est pas partie à cet acte et qu’en tout état de cause, l’acte authentique n’ayant pas été signé et l’option n’ayant pas été levée, la SCI Le Dauphin reste seule débitrice de la facture émise par la société [Y] Architecte ;

Que les conditions suspensives de la promesse unilatérale en date du 2 août 2013 n’étant pas réalisées et l’acte authentique n’ayant pas été régularisé, la SCI LE Dauphin reste la seule débitrice de la facture litigieuse ;

que la SCI Le Dauphin n’a subi aucun préjudice en vendant à un prix largement supérieur à la société L’Oregal et que le projet établi par l’architecte [Y] a été intégralement repris par la société L’Oregal, de sorte qu’en utilisant le travail fait par l’architecte [Y], il semble logique qu’elle en paye la facture ou pour le moins que la SCI Le Dauphin la supporte.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 10 septembre 2021, la SCI Le Dauphin demande à la Cour de :

Confirmer le jugement rendu le 5 décembre 2019.

Y ajoutant,

Juger que la SCI LE Dauphin non professionnelle de l’immobilier a rempli ses obligations tant à l’égard des SARL [Y] Architecte que de la SCCV Côte Sud, tous deux professionnels,

Rejeter les demandes de la société [Y] à l’encontre de la SCI Le Dauphin,

Condamner en conséquence, la société SCCV Côte Sud ou qui mieux le devra, à régler à la SCI Le Dauphin les sommes de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance et de l’appel.

La SCI Le Dauphin soutient à l’appui de ses demandes :

qu’il ressort de la promesse unilatérale de vente que la SCCV Côte Sud s’est obligée à régler les honoraires de la SARL [Y] Architecte sous réserve de la levée des conditions suspensives ;

que différents actes matériels démontrent que dès le mois de mai 2013, la volonté des trois parties était de transférer le contrat initial incluant le permis de construire et tous ses effets à la SCCV Côte Sud ;

que dès lors qu’aucune diligence n’a été effectuée par la société SCCV Côte Sud, notamment pour obtenir les prêts, s’agissant des conditions suspensives, les conditions sont réputées accomplies ;

que les dispositions de l’acte initial prévoyaient que la société SCCV Côte Sud s’engageait à régler les honoraires en cas de non réitération de son fait, malgré la réalisation de l’ensemble des conditions suspensives, la délégation ayant vocation à produire effet dans l’hypothèse d’une caducité de la promesse de vente par absence de levée d’option dans le délai imparti, et qu’il en résulte que la SCCV Côte Sud ne peut échapper à ses obligations de paiement des honoraires ;

que si le terrain a été cédé par la SCI Le Dauphin à la Société Linéa, celle-ci n’a pas acquis le permis de construire précédent dans la mesure où son projet est fondamentalement différent que celui qui avait été établi par la société [Y].

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 30 septembre 2021, la société [Y] Architecte demande à la Cour de :

Au principal :

Confirmer le jugement entrepris en ce que :

il a mis hors de cause de la société Prestibat,

il a condamné la société SCCV Côte Sud à régler à la société [Y] Architecte la somme de 49 952,49 euros TTC au titre des honoraires d’obtention du permis de construire, outre intérêts au taux légal à compter du 21 février 2014 date de la mise en demeure, la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance.

Infirmant partiellement le jugement entrepris :

Condamner la société SCCV Côte Sud à régler à la société [Y] Architecte :

la somme de 27 209,89 euros correspondant à 20 % de la partie des honoraires qui lui auraient été versés si sa mission n’avait pas été prématurément interrompue en application de l’article G 9.1 des conditions générales du contrat ;

la somme de 5 919,37 euros correspondant aux intérêts moratoires contractuels de l’article G 5.4.2 des conditions générales du contrat arrêtés au 31 août 2014, outre, [Cadastre 1],98 euros par jour calendaire jusqu’au parfait paiement à intervenir à compter du 1er septembre 2014.

Subsidiairement :

Condamner la SCI Le Dauphin à payer les mêmes sommes à la société [Y] Architecte.

En tout état de cause :

Condamner la SCCV Côte Sud ou qui mieux le devrait à régler à la société [Y] Architecte la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et condamner les mêmes aux entiers dépens d’appel.

La société [Y] Architecte soutient à l’appui de ses demandes :

que la SCCV Côte Sud a nécessairement accepté de se voir transférer le contrat d’architecte, alors qu’elle a repris à son compte le permis de construire rédigé par la Sarl [Y] Architecte et que cette dernière l’a manifestement accepté puisqu’elle a, ensuite du transfert de la demande dudit permis par ses soins au nom de la SCCV Côte Sud, rédigé un permis modificatif à la seule demande de la SCCV Côte Sud ;

qu’il existe bien un lien de droit et d’obligation entre la SCCV Côte Sud et la société [Y] Architecte, alors que la SCCV Côté Sud s’est obligée à procéder au règlement de la facture du permis de construire de la société [Y] Architecte, sous la seule réserve de la levée de conditions suspensives, a chargé la société [Y] Architecte d’établir et d’obtenir pour son compte un permis de construire modificatif, et a reconnu par écrit le 7 novembre 2013, être liée à la société [Y] Architecte et lui devoir le règlement de ses honoraires lors de la levée des conditions suspensives mises à l’opération immobilière ;

que l’absence de levée des conditions suspensives résulte de la propre carence de la SCCV Côte Sud, laquelle, ayant refusé d’accomplir les démarches utiles à la levée des conditions suspensives qui lui incombait, ne peut se prévaloir de sa propre carence pour éluder le paiement d’honoraires auquel elle s’était obligée ;

que les pièces versées aux débats établissent que le projet de la société [Y] Architecte et celui de la société Linéa ne sont aucunement identiques ;

que si par impossible, il était jugé que la SCCV Côte Sud ne se soit pas vue transférer le bénéfice du contrat d’architecte, il y aurait alors lieu de prononcer les condamnations sollicitées contre la SCI Le Dauphin à raison de l’absence de diligence de celle-ci aux fins de l’obtention du financement nécessaires à la réalisation de l’opération stipulée à titre de condition suspensive du paiement des honoraires d’architecte, le fait d’avoir confié l’opération à la SCCV Côte Sud ne l’exonérant alors pas du non-respect de ses obligations.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour rappelle au préalable qu’en vertu de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel ne défère à la Cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.

En l’espèce, la SCCV Côte Sud n’ayant pas fait appel de la décision déférée en ce qu’elle a mis hors de cause la société Prestibat, et les intimés n’ayant pas fait appel de ce chef de décision, lequel en outre n’est pas critiqué, il n’y a pas lieu de confirmer le jugement du 5 décembre 2019 de ce chef, comme le sollicitent la SCI Le Dauphin et la société [Y] Architecte puisqu’il n’entre pas dans le cadre de l’appel.

I : Sur les demandes de la société [Y] Architecte

1) Sur la demande de la société [Y] Architecte au titre de ses honoraires d’obtention du permis de construire et des intérêts moratoires

La SCCV Côte Sud demande l’infirmation de la décision déférée en ce qu’elle l’a condamnée à payer à la société [Y] Architecte la somme de 49 952,49 euros outre intérêts au taux légal à compter du 21 février 2014 au titre de ses honoraires d’obtention de permis de construire.

Il ressort des pièces versées aux débats qu’un contrat d’architecte est intervenu le 27 septembre 2007 entre et la SCI [Adresse 3], représentée par [D] [L], laquelle s’est substituée par la suite à la SCI Le Dauphin et la société [Y] Architecte pour une mission de maîtrise d’oeuvre complète en vue de la construction d’un immeuble de 17 logements sur une parcelle située [Adresse 3] (Rhône), pour un prix de 186 001,92 euros TTC.

La société [Y] Architecte a émis le 16 juillet 2013 une facture de 49 952,49 euros TTC correspondant à ses honoraires d’établissement du permis de construire et sollicitait la condamnation de la SCCV Côte Sud à lui régler la somme susvisée aux motifs qu’elle y est tenue en vertu d’une promesse unilatérale de vente intervenue entre la SCI Le Dauphin et la SCCV Côte Sud le 2 août 2013.

Cette promesse unilatérale de vente est également versée aux débats.

Aux termes de cette promesse, la SCI Le Dauphin a conféré à la SCCV Côte Sud la faculté d’acquérir si bon lui semble la parcelle sise [Adresse 3] et la SCCV, bénéficiaire, a accepté la promesse de vente en tant que promesse, se réservant la faculté d’en demander ou non la réalisation suivant ce qu’il lui conviendra (page 4).

Il est indiqué en page 5 :

que la promesse de vente est consentie pour une durée expirant le 30 septembre 2014 à 16 heures ;

que la réalisation de la promesse aura lieu par la levée d’option faite par le bénéficiaire au plus tard le 30 juillet 2014, suivie de la signature de l’acte de vente et du paiement du prix ;

que faute pour le bénéficiaire d’avoir levé l’option dans les conditions et délai ci-dessus fixés, la présente promesse de vente, sans que les parties aient besoin de faire aucune mise en demeure, ni de remplir aucune formalité, sera alors considérée comme caduque et de nul effet sans indemnité de part ni d’autre, hormis le cas échéant l’indemnité d’immobilisation ainsi qu’il est dit aux articles CONDITIONS SUSPENSIVES et INDEMNITE D’IMMOBILISATION.

Il était par ailleurs indiqué en page 9 de la promesse :

que les parties reconnaissent expressément que le dossier de permis de construire a été élaboré et déposé par l’intermédiaire de Monsieur [K] [Y], architecte DPLG [Adresse 7] ;

qu’il a été convenu entre les parties que l’acquéreur du ou des biens objet des présentes, aura seul la charge de régler les honoraires d’architecte d’un montant maximum de quarante-neuf mille neuf cent cinquante-deux euros et quarante-neuf centimes toutes taxes comprises (49 952,49 euros TTC), sous réserve de la fourniture des plans DCE plans de détails et des plans de vente et des modifications éventuelles ainsi que le suivi architectural ;

que ces honoraires seront définitivement acquis à Monsieur [K] [Y], architecte DPLG dès la levée de la dernière des conditions suspensives, mais que de convention expresse entre ce dernier et le Bénéficiaire aux présentes, il est convenu que les honoraires seront payés le jour de la signature de l’acte authentique sur présentation d’une facture faisant ressortir le montant de la TVA ;

qu’enfin, la commission sera également due par le bénéficiaire aux présentes en cas de non-réalisation de la vente du fait de ce dernier et ce malgré la réalisation de toutes les conditions suspensives stipulées aux présentes sauf s’il venait à exercer son droit de rétractation dans la mesure où il en bénéficie.

Or, dans la mesure où il n’est pas contesté que la SCCV Côte Sud n’a pas levé l’option au 30 juillet 2014, où il n’est pas contesté que les conditions suspensives n’ont pas été levées, notamment celle tenant à l’obtention d’un prêt et qu’aucun acte authentique n’a été signé, il apparaît que, conformément aux termes de l’acte du 2 août 2013, la promesse de vente est caduque et de nul effet et il résulte nécessairement de cette caducité que la SCCV Côte Sud ne peut être considérée comme acquéreur tenu au règlement des honoraires de l’architecte, et tenue aux termes d’une clause qui, en raison de la caducité de l’acte, est nécessairement sans effet.

Par ailleurs, la société [Y] Architecte n’est aucunement partie à l’acte de promesse unilatérale de vente du 2 août 2013 et il n’est pas justifié qu’elle avait accepté un débiteur autre que la SCI Le Dauphin, une telle acceptation étant en tout état de cause sans effet dès lors que la promesse unilatérale de vente est caduque et notamment la clause qui y est intégrée.

De sucroît, et pour la même raison, le fait, à supposé établi que la vente ne se soit pas réalisée du fait du bénéficiaire de la promesse, notamment s’agissant des conditions suspensives, est inopérant dès lors que l’acte concerné n’était aucunement une promesse synallagmatique de vente mais une une promesse unilatérale de vente, qui n’engageait que le seul promettant, la SCI Le Dauphin, et qu’en vertu de cet acte, le bénéficiaire disposait de la faculté, à son gré, d’en demander ou non la réalisation suivant ce qu’il lui conviendra et d’en lever l’option, étant observé que la rédaction des termes de cette promesse unilatérale, rédigée en réalité comme une promesse synallagmatique, pouvait effectivement prêter à confusion.

Enfin, en vertu de l’effet relatif des contrats tel que ressortant des dispositions de l’article 1199 du code civil, un tiers ne peut se voir contraindre d’exécuter un contrat auquel il n’est pas partie.

Or seule la SCI Le Dauphin est engagée aux termes du contrat d’architecte signé le 27 septembre 2007 et il n’est justifié d’aucune délégation par changement de débiteur de la part de la SCI Le Dauphin autre que celle imparfaite car non acceptée par l’architecte figurant à la promesse unilatérale de vente du 3 août 20213, acte sans effet dès lors que la promesse unilatérale de vente est caduque.

Dans ces conditions, le fait que la SCCV Côte Sud ait chargé la société [Y] Architecte d’établir un permis de construire modificatif est inopérant et il en est de même des courriers de la SCCV Côte Sud faisant état de la note d’honoraires, lesquels se réfèrent tous à la promesse unilatérale de vente, désormais caduque et donc sans effet sur les obligations à la charge de la SCCV Côte Sud qu’elle contenait.

Il en résulte que seule la SCI Le Dauphin, dont il n’est pas contesté qu’elle a contracté avec la société [Y] Architecte, est tenue au paiement des honoraires de l’architecte, au visa de l’article 1134 ancien du code civil, applicable à l’espèce.

La Société [Y] Architecte demande également la somme de 5 919,37 euros correspondant aux intérêts moratoires contractuels prévus à l”article G 5.4.2 des conditions générales du contrat arrêtés au 31 août 2014, outre, [Cadastre 1],98 euros par jour calendaire jusqu’au parfait paiement à intervenir à compter du 1er septembre 2014.

Le contrat d’architecte signé avec la SCI Le Dauphin, versé aux débats, prévoyait en son article G 5.4.2 que tout retard de règlement ouvrait droit au paiement d’une indemnité de retard de 3,5/10 000 ème du montant hors taxes de la facture par jour calendaire.

Pour autant :

d’une part, la somme de [Cadastre 1],98 euros ne correspond pas à 3,5 /10 000 ème du montant hors taxes de la facture qui est de 41 766,30 euros, et est en réalité de [Cadastre 1],61 euros par jour calendaire ;

d’autre part, la société [Y] Architecte ne justifie pas avoir adressé sa facture à la SCI Le Dauphin et s’est toujours adressée à la SCCV Côte Sud pour en réclamer le règlement, sa mise en demeure du 21 février 2014 n’étant d’ailleurs adressée qu’à la seule SCCV Côte Sud.

En tout état de cause, la société [Y] architecte s’est toujours adressée à titre principal à la SCCV Côte Sud pour réclamer le paiement de sa facture, la considérant comme débiteur principal, y compris dans le cadre des instances judiciaires engagées.

La Cour en conséquence retient que la somme due par la SCI Le Dauphin au titre du contrat d’architecte ne doit porter intérêts moratoires tel que prévu aux dispositions contractuelles qu’à compter de la date de signification du présent arrêt, qui a définitivement fixé la créance à la charge de la SCI Le Dauphin.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée qui a condamné la SCCV Côte Sud à payer à la SARL [Y] Architecte la somme de 49 952,49 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2014, et statuant à nouveau condamne la SCI Le Dauphin à payer à la société [Y] Architecte la somme de 49 952,49 euros, avec intérêts au taux contractuel de 3,5 /10 000 ème du montant hors taxes de la facture par jour calendaire, soit [Cadastre 1],61 €, à compter de la date de signification du présent arrêt.

2) Sur la demande de la société [Y] Architecte au titre du solde de ses honoraires

La société [Y] Architecte sollicite la somme de 27 209,89 euros correspondant à 20 % de la partie des honoraires qui lui auraient été versés si sa mission n’avait pas été prématurément interrompue en application de l’article G 9.1 des conditions générales du contrat.

La demande de la société [Y] Architecte ne peut, compte tenu des éléments précédemment développés, qu’être dirigée à l’encontre de la SCI Le Dauphin.

Aux termes de ces dispositions, en cas de résiliation sur initiative du maître d’ouvrage que ne justifierait pas le comportement fautif de l’architecte, ce dernier a droit au paiement d’une indemnité de résiliation égale à 20 % de la partie des honoraires qui lui auraient été versés si sa mission n’avait pas été prématurément interrompue.

Pour autant, l’article G9 traitant de la résiliation du contrat précise en introduction que le contrat est résilié de plein droit un mois après une mise en demeure restée sans effet, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception et contenant déclaration ‘d’user du bénéfice de la présente clause’.

Or, comme l’a relevé à raison le premier juge, il n’est justifié d’aucune mise en demeure aux fins de résiliation du contrat émanant de l’architecte ou du maître d’ouvrage, de sorte que les conditions d’octroi de l’indemnité de résiliation ne sont pas acquises.

La Cour en conséquence confirme la décision déférée qui a rejeté la demande d’indemnité de résiliation présentée par la société [Y] Architecte à l’encontre de la SCI Le Dauphin.

II : Sur la demande reconventionnelle de la SCCV Côte Sud au titre de l’indemnisation de son préjudice

La SCCV Côte Sud demande que la SCI Le Dauphin et la société [Y] Architecte soient condamnées à lui verser la somme de 50 000 euros ‘en réparation du préjudice subi’.

Pour autant elle ne caractérise aucunement le préjudice dont elle demande réparation, se limitant à soutenir que la SCI Le dauphin et la société [Y] Architecte ont fait preuve d’un comportement déloyal, ce qui ne résulte que de ses seules allégations.

La Cour en conséquence déboute la SCCV Côte Sud de sa demande d’indemnisation.

III : Sur les demandes accessoires

La SCI Le Dauphin succombant, la Cour infirme la décision déférée qui a condamné la SCCV Côte Sud aux dépens de la procédure de première instance, et statuant à nouveau, condamne la SCI Le Dauphin aux dépens de la procédure de première instance.

Par voie de conséquence, la Cour infirme la décision déférée qui a condamné la SCCV Côte Sud à payer à la société [Y] Architecte et à la SCI Le Dauphin la somme de 4 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau, rejette ces demandes, non justifiées en équité.

La SCI Le Dauphin, partie perdante, est condamnée aux dépens à hauteur d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Hartemann Palazzolo, avocat.

La Cour condamne la SCI Le Dauphin à payer à la SCCV Côte Sud et à la société [Y] Architecte la somme de 2 000 euros chacune, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel, justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme la décision déférée qui a condamné la SCCV Côte Sud à payer à la SARL [Y] Architecte la somme de 49 952,49 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2014,

Statuant à nouveau :

Condamne la SCI Le Dauphin à payer à la société [Y] Architecte la somme de 49 952,49 euros, avec intérêts au taux contractuel de 3,5 /10 000 ème du montant hors taxes de la facture par jour calendaire, soit [Cadastre 1],61 euros, ce à compter de la date de signification du présent arrêt ;

Confirme la décision déférée qui a rejeté la demande d’indemnité de résiliation présentée par la société [Y] Architecte à l’encontre de la SCI Le Dauphin ;

Déboute la SCCV Côte Sud de sa demande d’indemnisation ;

Infirme la décision déférée qui a condamné la SCCV Côte Sud aux dépens de la procédure de première instance et, statuant à nouveau :

Condamne la SCI Le Dauphin aux dépens de la procédure de première instance ;

Infirme la décision déférée qui a condamné la SCCV Côte Sud à payer à la société [Y] Architecte et à la SCI Le Dauphin la somme de 4 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau :

Rejette ces demandes ;

Condamne la SCI Le Dauphin aux dépens à hauteur d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Hartemann Palazzolo, avocat ;

Condamne la SCI Le Dauphin à payer à la SCCV Côte Sud la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;

Condamne la SCI Le Dauphin à payer à la société [Y] Architecte la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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