Délégation de paiement : 10 mai 2022 Cour d’appel de Chambéry RG n° 20/00273

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Délégation de paiement : 10 mai 2022 Cour d’appel de Chambéry RG n° 20/00273

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 10 Mai 2022

N° RG 20/00273 – N° Portalis DBVY-V-B7E-GNLW

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d’ANNECY en date du 21 Janvier 2020, RG 2018J00108

Appelante

S.A.R.L. 100DRILLON-NET74, dont le siège social est situé 53 Rue des Cottages – 74190 PASSY

Représentée par Me Jennifer BOULEVARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL BERNY AVOCAT, avocats plaidants au barreau de LYON

Intimés

S.A.S. RUBIN dont le siège social est situé 290 Allée de Glaizy – ZI de Glaisy – 74300 THYEZ

Me [R] [F] agissant en qualité d’administrateur de l’Etude de Maître [I], mandataire judiciaire de la Société [S]

dont le siège social est situé 6 Rue René Blanc – 74101 LYON

Représentés par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentés par l’ASSOCIATION CABINET RIBES ET ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de BONNEVILLE

S.A.R.L. TEMA, dont le siège social est situé 399 rue Antoine Pissard – 74700 SALLANCHES

Représentée par Me Bérangère HOUMANI, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE

S.A.S. ARBOTECH dont le siège social est situé Parc Altais – 27 rue Adrastée – 74650 CHAVANOD

Représentée par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELAS FIDAL, avocats plaidants au barreau d’ANNECY

S.A. [N], dont le siège social est situé 1840 route de Besançon – 39000 LONS LE SAUNIER

Société [E] ROBERT LOUIS, es qualité d’administrateur judiciaire de la société [S], dont le siège social est situé 39, Avenue du Parmelan – 74000 ANNECY

S.E.L.A.R.L. [U] [X], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ISO MENUISERIE, dont le siège social est situé 15 avenue des Allobroges – ‘Le Médicis’ – 74200 THONON-LES-BAINS

Sans avocats constitués

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 08 mars 2022 avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

– M. Michel FICAGNA, Président,

– Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

– Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Il a été procédé au rapport.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Tema est intervenue en qualité de maître d’oeuvre pour un chantier de rénovation avec extension et mise en conformité d’un centre de vacances APAS situé au col de Voza à Saint-Gervais les Bains (Haute-Savoie).

La société Arbotech, bureau d’études en économie de la construction, est intervenue en qualité de co-traitant du maître d’oeuvre.

Le 8 novembre 2015, la société Tema a sollicité la société 100Drillon-Net 74 pour l’établissement d’une proposition pour une prestation de nettoyage et évacuation des déchets deux jours par semaine pendant 6 semaines sur l’ensemble du site.

Le 15 novembre 2015, la société 100Drillon-Net 74 a adressé à la société Tema un devis d’un montant de 3.456 € TTC, accepté le 16 novembre 2015, le maître d’oeuvre indiquant qu’il convenait de commencer les interventions le jour même.

En prévision de la visite de la commission de sécurité le 15 décembre 2015 et de la fin du chantier, la société Arbotech a sollicité la société 100Drillon-Net 74 pour qu’elle renforce son équipe le 14 décembre (8 à 10 personnes) pour procéder au nettoyage final de l’immeuble, et lui a demandé de faire le nettoyage de la piscine, pour lequel un devis a été établi, accepté par la société Arbotech le 11 décembre 2015 pour 1.536 € TTC.

Les interventions se sont poursuivies jusqu’au 22 décembre 2015 et la société 100Drillon-Net 74 a établi des bons d’intervention correspondant aux prestations réalisées. Elle a émis deux factures :

– une facture n° 151200426 du 29 décembre 2015, adressée à la société Tema, pour un montant de 29.142,00 € TTC correspondant aux prestations de nettoyage du chantier,

– une facture n° 151200427 du 29 décembre 2016, adressée à la société Arbotech, pour un montant de 1.536,00 € TTC correspondant au nettoyage de la piscine.

Malgré plusieurs rappels et relances, les deux factures sont restées impayées. La société 100Drillon-Net 74 a alors adressé deux mises en demeure aux sociétés Tema et Arbotech le 24 octobre 2016, par lettre recommandée avec accusé de réception.

Suite aux relances, la société Arbotech, après avoir réuni l’ensemble des entreprises, a établi un tableau de répartition des prestations de nettoyage, retenant la somme de 4.285,00 € TTC à la charge du compte prorata géré par la société Abbe, le surplus de 20.000 € étant réparti entre les entreprises. A la demande de la société Arbotech, la société 100Drillon-Net 74 a alors établi des factures, datées du 31 décembre 2016, au nom de chacune des entreprises en fonction de la répartition faite.

Seules les sociétés Abbe (gros-oeuvre) et LP Charpente (bardage – charpente bois – couverture) ont effectivement procédé au paiement, ramenant le solde des prestations de nettoyage à 21.466,41 € (comprenant la piscine). Aucune autre entreprise n’a accepté de régler directement la société 100Drillon-Net 74, malgré des mises en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre 2017.

Les sociétés [S] et Rubin (co-traitants du lot chauffage – plomberie – ventilation) ont contesté devoir une quelconque somme à la société 100Drillon-Net 74 en indiquant avoir procédé au règlement d’une partie du nettoyage au titre du compte prorata.

Les sociétés Iso Menuiserie, Solsystem et [N] ne se sont pas manifestées.

C’est dans ces conditions que, par actes délivrés le 25 avril 2018, la société 100Drillon-Net 74 a fait assigner les sociétés Tema et Arbotech devant le tribunal de commerce d’Annecy pour obtenir leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 21.466,41 €, outre intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2016, la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, et celle de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par actes des 13 et 14 septembre 2018, la société Tema a fait assigner les sociétés [S], Rubin, Abbe, Iso Menuiserie, Solsystem et [N] aux fins d’être relevée et garantie de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre.

La société [S] a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d’Annecy du 5 mars 2019. La société Tema a fait appeler en cause Me [E], administrateur judiciaire, et Me [I], mandataire judiciaire.

L’ensemble de ces procédures ont été jointes.

La société Tema a contesté devoir une quelconque somme à la société 100Drillon-Net 74, les prestations étant dues par les entreprises. Elle a également contesté la facturation à laquelle il a été procédé par la demanderesse, non conforme au devis initial. Subsidiairement elle a sollicité d’être relevée et garantie par les entreprises.

La société Arbotech a soulevé à titre principal l’irrecevabilité des demandes de la société 100Drillon-Net 74, le cocontractant de la société 100Drillon-Net 74 ne pouvant être que le maître de l’ouvrage, les entreprises étant en outre en charge du nettoyage du chantier.

La société Abbe a soutenu qu’elle s’était libérée de ses obligations en procédant au paiement du compte prorata, et la société [S] a contesté devoir une quelconque somme.

Les sociétés Iso Menuiserie, Solsystem et [N] n’ont pas comparu devant le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 21 janvier 2020, le tribunal de commerce d’Annecy a :

dit et jugé qu’ayant procédé au règlement de la somme de 4.285 € en sa qualité de gestionnaire du compte prorata, la société Abbe a rempli ses obligations et n’a commis aucune faute,

débouté la société Abbe de ses autres demandes,

débouté la société Tema des fins de son appel en cause à l’égard des sociétés Rubin et [S], ainsi qu’à l’égard de Me [I], ès qualités de liquidateur de la société [S], comme étant mal fondée,

débouté la société Rubin de ses autres demandes,

débouté la société 100Drillon-Net 74 de l’ensemble de ses demandes,

invité la société 100Drillon-Net 74 à mieux se pourvoir à l’encontre des sociétés Iso Menuiserie, Solsystem, [N] et [S] afin d’obtenir le règlement de ses factures en attente,

condamné la société 100Drillon-Net 74 à payer à chacune des sociétés Tema et Arbotech la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société 100Drillon-Net 74 aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 24 février 2020, la société 100Drillon-Net 74 a interjeté appel de ce jugement à l’encontre des sociétés Tema et Arbotech.

Par actes délivrés les 17, 21 et 24 septembre 2020, la société Tema a fait assigner en appel provoqué les autres parties, à l’exception des sociétés Solsystem et Abbe, avec cette précision que la société Iso Menuiserie est désormais en liquidation judiciaire, Me [U] [X] ayant été désigné en qualité mandataire liquidateur.

L’affaire a été clôturée à la date du 7 février 2022 et renvoyée à l’audience du 8 mars 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 10 mai 2022.

Par conclusions notifiées le 4 novembre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société 100Drillon-Net 74 demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 1321 et suivants du code civil,

infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

‘ débouté la société 100Drillon-Net 74 de l’ensemble de ses demandes,

‘ invité la société 100Drillon-Net 74 à mieux se pourvoir à l’encontre des sociétés Iso Menuiserie, Solsystem, [N] et [S] afin d’obtenir le règlement de ses factures en attente,

‘ condamné la société 100Drillon-Net 74 à payer à chacune des sociétés Tema et Arbotech la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné la société 100Drillon-Net 74 aux entiers dépens de l’instance,

déclarer recevables et bien fondées l’ensemble des demandes présentées par la société 100Drillon-Net 74,

condamner solidairement les sociétés Tema et Arbotech à payer à la société 100Drillon-Net 74 la somme de 21.466,41 € TTC outre intérêts légaux de retard à compter de la lettre de mise en demeure de payer du 24 octobre 2016,

condamner la société Tema à payer à la société 100Drillon-Net 74 la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice causé,

condamner la société Arbotech à payer à la société 100Drillon-Net 74 la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice causé,

condamner solidairement les sociétés Tema et Arbotech à payer à la société 100Drillon-Net 74 la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 12 janvier 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Tema demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 1103 et suivants du code civil,

Vu l’article 1240 du code civil,

A titre principal,

constater que la société 100Drillon-Net 74 a accepté d’annuler ses factures dirigées contre les sociétés Tema et Arbotech et d’en établir de nouvelles selon le compte prorata et le tableau de répartition qui lui a été communiqué par la société Arbotech,

constater que la société 100Drillon-Net 74 a encaissé les sommes qui lui ont été remises par la société Abbe et la société LP Charpente selon le compte prorata et le tableau de répartition,

dire que la société 100Drillon-Net 74 ne saurait en conséquence et à présent réclamer le paiement de ses factures à la société Tema,

en conséquence, confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,

débouter la société 100Drillon-Net 74 de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire, si par impossible la cour devait considérer que la société 100Drillon-Net 74 justifie de sa créance à l’encontre de la société Tema,

constater que la société Tema a signé le devis n° 121115 de la société 100Drillon-Net 74 pour un montant de 3.456 € TTC,

constater que la société Tema n’a donné aucune autorisation à la société 100Drillon-Net 74 pour un éventuel dépassement de ce montant,

constater que la société 100Drillon-Net 74 ne justifie pas d’une intervention qui excéderait les conditions définies dans son devis et ne justifie pas avoir sollicité l’autorisation de la société Tema pour réaliser des prestations non comprises dans le devis, ni l’avoir informée au préalable du coût des éventuelles prestations non comprises au devis,

en conséquence, dire et juger que la société Tema ne saurait être tenue au paiement d’un montant supérieur à la somme de 3.456 € TTC prévue au devis,

constater que la société 100Drillon-Net 74 reconnaît dans ses écritures avoir d’ores et déjà obtenu règlement pour sa prestation auprès des sociétés Abbe et LP Charpente pour un montant supérieur au devis initial, soit 7.861,89 €,

dire et juger que la société 100Drillon-Net 74 a obtenu règlement de sa prestation réalisée au titre du devis n° 121115 et d’avantage,

débouter la société 100Drillon-Net 74 de l’ensemble de ses demandes,

A titre très subsidiaire,

déclarer recevable et bien fondée l’action récursoire de la société Tema à l’encontre de:

‘ la SELARL [U] [X] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Iso Menuiserie,

‘ entreprise [N] SA,

‘ société Rubin,

‘ Me [E] en qualité d’administrateur de la société [S],

‘ Me [F] – MJ Synergie, en qualité d’administrateur de l’étude de Me [I], ès qualités de mandataire judiciaire de la société [S],

dire et juger que les sociétés précitées, en ne procédant pas au nettoyage du chantier conformément à la convention de compte prorata et à leurs obligations à l’égard du maître de l’ouvrage, ont contraint la société Tema à faire appel à la société 100Drillon-Net 74 pour pallier leur carence,

en conséquence condamner solidairement au titre de l’article 1240 du code civil :

‘ la SELARL [U] [X] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Iso Menuiserie,

‘ entreprise [N] SA,

‘ société Rubin,

‘ Me [E] en qualité d’administrateur de la société [S],

‘ Me [F] – MJ Synergie, en qualité d’administrateur de l’étude de me [I], ès qualités de mandataire judiciaire de la société [S],

à relever et garantir la société Tema de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle en principal, accessoires et dépens,

fixer la créance de la société Tema à la procédure de redressement judiciaire de la société [S], pour un montant de 29.466,41 €, correspondant au montant des demandes de la société 100Drillon-Net 74, dont il est sollicité la garantie,

fixer la créance de la société Tema à la procédure de redressement judiciaire de la société Iso Menuiserie, pour un montant de 29.466,41 €, correspondant au montant des demandes de la société 100Drillon-Net 74, dont il est sollicité la garantie,

En tout état de cause,

débouter les parties de l’ensemble de leurs demandes dirigées contre la société Tema,

débouter la société Rubin et Me [I], mandataire liquidateur de la société [S] de leurs demandes exorbitantes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

débouter la société 100Drillon-Net 74 de sa demande en dommages et intérêts,

condamner la société 100Drillon-Net 74 ou tout succombant in solidum à payer à la société Tema la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum la société 100Drillon-Net 74 ou tout succombant in solidum aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Bérangère Houmani.

Par conclusions notifiées le 2 novembre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Arbotech demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1134 et 1147 anciens du code civil (devenus articles 1103 et suivants du même code),

Vu les dispositions de l’article 1310 du code civil,

Vu les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

débouter la société 100Drillon-Net 74 de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, si par impossible la cour devait entrer en voie de condamnation contre de la société Arbotech,

dire et juger que celle-ci ne saurait être tenue qu’à hauteur de 1.536 € TTC et débouter la société 100Drillon-Net 74 de sa demande de condamnation solidaire,

En tout état de cause,

déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondée la demande de condamnation formée par la société 100Drillon-Net 74 au titre des dommages et intérêts,

condamner la société 100Drillon-Net 74 à verser à la société Arbotech la somme de 4.000 € à titre d’indemnité procédurale au visa des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la société 100Drillon-Net 74 aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel, avec pour ces derniers application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Clarisse Dormeval, avocat.

Par conclusions notifiées le 17 décembre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Rubin et Me [R] [F], administrateur de l’étude de Me [I], mandataire judiciaire de la société [S], demandent en dernier lieu à la cour de :

Vu l’article 1240 nouveau du code civil,

Vu l’article 1353 nouveau du code civil,

Confirmant le jugement entrepris,

débouter la société Tema de son appel provoqué à l’égard de la société Rubin, ainsi qu’à l’égard de Me [I] ès qualités de liquidateur de la société [S], comme étant mal fondé,

rejeter toute demande contre la société Rubin et Me [I] ès qualités de liquidateur de la société [S],

condamner la société Tema à payer à la société Rubin, d’une part, et à Me [I] ès qualités de liquidateur de la société [S], d’autre part, la somme de 4.000 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction pour ceux d’appel au profit de leur conseil, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Entreprise [N], assignée en appel provoqué par acte délivré à une personne habilitée le 21 septembre 2020, n’a pas constitué avocat devant la cour.

La SELARL [U] [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Iso Menuiserie, assigné en appel provoqué par acte délivré à une personne habilitée le 24 septembre 2020, n’a pas constitué avocat devant la cour.

MOTIFS ET DÉCISION

1/ Sur la demande formée par la société 100Drillon-Net 74 à l’encontre des sociétés Tema et Arbotech

En application de l’article 1134 ancien du code civil, applicable en l’espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

La société 100Drillon-Net 74 soutient que les prestations dont elle réclame le paiement lui ont été commandées par les sociétés Tema et Arbotech et qu’elle n’est liée par contrat qu’à ces deux sociétés, à l’exclusion des entreprises intervenues sur le chantier et du maître de l’ouvrage.

Les sociétés Tema et Arbotech soutiennent en premier lieu qu’elles n’ont agi qu’en qualité de mandataire du maître de l’ouvrage auquel la société 100Drillon-Net 74 devrait réclamer ses prestations.

Toutefois, les deux devis acceptés, l’un par la société Tema, l’autre par la société Arbotech, ne font aucune référence au maître de l’ouvrage, ni au fait que la commande serait passée pour un tiers. Les courriers électroniques par lesquels la société 100Drillon-Net 74 a été sollicitée, s’ils font effectivement référence au chantier du village vacances APAS du col de Voza, ne donnent aucune indication sur le cadre dans lequel les sociétés Tema et Arbotech interviennent.

Au demeurant, si ces sociétés prétendent avoir agi comme mandataires du maître de l’ouvrage, on ne peut que s’interroger sur le fait qu’elles n’aient pas jugé utile d’appeler celui-ci en cause. La société 100Drillon-Net 74 souligne à juste titre que ni la société Tema, ni la société Arbotech, n’ont réagi lorsqu’elles ont reçu les factures libellées à leurs noms, puis les premières relances, seule la mise en demeure du 24 octobre 2016 ayant provoqué une première réaction.

Il résulte de ce qui précède que les devis, acceptés respectivement par la société Tema, d’une part (devis n° 121115), et par la société Arbotech (devis n° 071215), d’autre part, lient celles-ci à l’égard de la société 100Drillon-Net 74, étant souligné que le maître de l’ouvrage n’est jamais intervenu dans les échanges entre les parties.

La société Tema et la société Arbotech, suivies en cela par le tribunal, soutiennent que les prestations de nettoyage seraient dues en réalité par les entreprises puisque la société 100Drillon-Net 74 aurait annulé les premières factures pour en éditer de nouvelles au nom de chacune des entreprises, lesquelles, tenues du nettoyage du chantier, auraient été défaillantes.

Toutefois, il convient en premier lieu de rappeler que la société 100Drillon-Net 74 n’est pas partie à la convention de compte prorata dont les sociétés Tema et Arbotech se prévalent, laquelle ne lui est donc pas opposable. En effet cette convention ne lie que les entreprises dont les marchés renvoient au CCAP qui institue le compte prorata, ce qui n’est pas le cas de la société 100Drillon-Net 74.

En deuxième lieu, aucune annulation de facture par la société 100Drillon-Net 74 n’est établie, mais il ressort de l’examen des pièces produites que c’est à la demande expresse du maître d’oeuvre que celle-ci a établi des factures par entreprise en se fiant à la répartition faite par celui-ci, et ce près d’un an après la fin du chantier. L’édition de ces factures n’a pas pour effet de transformer le contrat initial en transférant sur les entreprises la charge des prestations réalisées, aucun contrat ne liant ces dernières à la société 100Drillon-Net 74.

Le seul fait que la société Abbe, gestionnaire du compte prorata, et la société LP Charpente aient chacune réglé les factures qui leur ont été adressées n’a pas pour effet de faire disparaître l’obligation pesant sur les donneurs d’ordre.

En effet, si la société 100Drillon-Net 74 a accepté de facturer les prestations selon la répartition proposée par le maître d’oeuvre, en l’absence de preuve de l’acceptation formelle et non équivoque tant par la société 100Drillon-Net 74 que par les entreprises de transférer la charge sur ces dernières, il n’y a ni novation, ni délégation de paiement, et encore moins cession de créance.

C’est donc à tort que le tribunal a retenu que la société 100Drillon-Net 74 avait renoncé à obtenir le paiement de ses prestations par les sociétés Tema et Arbotech.

2/ Sur le montant de la créance

La société 100Drillon-Net 74 réclame la condamnation solidaire des sociétés Tema et Arbotech à la totalité du solde restant dû au titre des prestations facturées tant pour le nettoyage de chantier que pour le nettoyage de la piscine.

Toutefois, s’il est exact que la société Arbotech est intervenue au cours de l’exécution des prestations de nettoyage de chantier, c’est en considération du rôle qui était le sien sur le chantier, mais non en qualité de donneur d’ordre, de sorte qu’elle ne peut être tenue des prestations commandées par la société Tema seule.

De la même manière, la société Tema ne peut être tenue des prestations relatives au nettoyage de la piscine qui n’ont été commandées que par la société Arbotech.

Ainsi, la facture n° 151200427 de 1.536,00 €, correspondant au nettoyage de la piscine, dont il n’est pas contesté qu’il a bien été effectué, est due en totalité par la société Arbotech qui sera condamnée à son paiement, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 octobre 2016.

Concernant la facture n° 151200426 d’un montant de 29.142,00 €, la société Tema soutient que ce montant ne pourrait être dû, alors que le devis initial était de 3.456,00 € TTC.

Le devis accepté par la société Tema (n° 121115) précise qu’il concerne des interventions effectuées pendant 6 semaines, d’une durée de 8h deux fois par semaines, ce qui revient à 16h par semaine pendant 6 semaines, soit un coût horaire de 30 € HT.

Or il ressort des échanges entre les parties, des bons d’intervention établis par la société 100Drillon-Net 74 et de la facture litigieuse que, à la demande du maître d’oeuvre, la société 100Drillon-Net 74 a été sollicitée pour des prestations complémentaires, notamment pour que les interventions soient faites par une équipe renforcée, alors que le devis ne concernait pas plus d’un agent, le taux horaire ci-dessus étant parfaitement conforme aux usages.

La société 100Drillon-Net 74 a ainsi été amenée à faire travailler jusqu’à 8 agents en même temps, plus de deux jours par semaine, puisque certaines semaines les interventions ont eu lieu pendant les 5 jours ouvrables.

La société Tema ne conteste pas la réalité de ces interventions et n’a jamais prétendu qu’elles n’avaient pas eu lieu, elle n’a d’ailleurs jamais protesté à la réception des bons d’intervention qui lui ont été adressés par la société 100Drillon-Net 74 au fur et à mesure des semaines (pièces n°6 et 13 de l’appelante), elle n’a pas non plus réagi lorsqu’elle a reçu la facture litigieuse, seules les relances et la mise en demeure ayant provoqué une contestation.

Le fait que les bons d’intervention, qui comprennent toutes les informations de facturation, n’aient pas été dûment acceptés par la société Tema est indifférent dès lors qu’il ressort des courriers électroniques échangés que c’est bien elle, ou la société Arbotech, qui a demandé des interventions supplémentaires dont elle ne peut sérieusement prétendre qu’elles auraient été incluses dans le devis d’origine. Les interventions ont continué après la réception des premiers bons d’intervention, sans aucune protestation de la part de la société Tema.

En réalité la commande initiale de prestations de ménage par le maître d’oeuvre était manifestement insuffisante pour faire face aux besoins du chantier, de sorte qu’il a été nécessaire de solliciter la société 100Drillon-Net 74 pour renforcer ses équipes et multiplier le nombre de jours d’intervention, alors que la livraison de l’ouvrage approchait.

Le fait que, suite aux premiers rappels, la société Tema ait prétendu les montants facturés ne seraient pas conformes au devis est encore indifférent, ces protestations étant très postérieures à la réalisation des prestations et de la transmission de tous les éléments l’informant de celles-ci (bons d’intervention).

Enfin, l’examen des bons d’intervention et de la facture établissent que cette dernière est conforme aux prestations exécutées et bien établie sur la base du prix horaire résultant du devis, soit 30 € HT pour un intervenant.

La facture est en conséquence due en totalité par la société Tema, sous déduction des paiements déjà effectués directement par la société Abbe (4.285,00 + 2.463,39 = 6.748,39 €), et par la société LP Charpente (1.113,50 €), soit un solde dû de:

29.142,00 – 7.861,89 € = 21.280,11 €.

Toutefois, le solde réclamé par la société 100Drillon-Net 74 est de 21.466,41 € TTC, comprenant les prestations de nettoyage de la piscine incombant à la société Arbotech et qu’il convient donc de déduire. La société Tema sera donc condamnée au paiement de la somme de:

21.466,41 – 1.536,00 = 19.930,41 €

outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 octobre 2016.

3/ Sur les dommages et intérêts

La société 100Drillon-Net 74 sollicite la condamnation de chacune des deux sociétés Tema et Arbotech à lui payer des dommages et intérêts en raison de leur comportement fautif.

Toutefois, la société 100Drillon-Net 74 ne justifie pas d’un préjudice distinct du seul retard dans le paiement de sa créance, de sorte qu’elle sera déboutée de cette demande.

4/ Sur l’appel provoqué

La société Tema a formé un appel provoqué contre les différentes entreprises du chantier en soutenant que celles-ci sont tenues au paiement des prestations de nettoyage de chantier qui ont été réalisées uniquement en considération de leur défaillance, alors que ce nettoyage leur incombait conformément aux stipulations des marchés et des diverses pièces contractuelles.

Toutefois, les courriers électroniques dont elle se prévaut sont insuffisants pour établir les défaillances alléguées, non plus que le compte-rendu de chantier qui procède à des rappels des obligations, mais ne met en évidence aucun manquement des entreprises en matière de nettoyage.

Par ailleurs, c’est à juste titre que les sociétés Rubin et [S] font valoir que le maître d’oeuvre a seul pris l’initiative de faire appel à un prestataire extérieur pour le nettoyage final du chantier, alors que ces prestations incombaient aux entreprises, sans obtenir leur accord préalable, ni pour le montant de ces prestations, ni pour leur nature.

La validation par le comité de gestion du compte prorata de la répartition à laquelle il a été procédé n’est pas opposable aux entreprises qui n’ont pas été consultées: en effet, le comité de gestion a imputé au compte prorata la seule somme de 4.285 €, le surplus de 20.000 € HT étant réparti entre les entreprises, hors toute convention, et alors qu’il a été donné quitus du compte prorata aux différentes entreprises.

La société Tema, invoque la clause 11.6 du CCAP qui prévoit notamment que «à défaut d’intervention sous une semaine, le maître de l’ouvrage fera, sans mise en demeure préalable, procéder au nettoyage du chantier au frais des entrepreneurs responsables ou au prorata des entrepreneurs ayant des travaux en cours dans le cas où les entrepreneurs responsables n’auraient pas été identifiés».

Toutefois, outre que seul le maître de l’ouvrage peut se prévaloir de cette clause, la société Tema n’établit pas les manquements qui auraient justifié le recours à la société 100Drillon-Net 74.

Aucune faute n’étant démontrée à la charge des entreprises, la société Tema ne peut qu’être déboutée de sa demande à l’égard des différentes entreprises contre lesquelles elle a formé un appel provoqué.

5/ Sur les autres demandes

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société 100Drillon-Net 74 la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner in solidum la société Tema et la société Arbotech à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La même équité commande de condamner la société Tema à payer à la société Rubin et à Me [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [S], la somme de 1.000 € chacun sur le même fondement.

Les sociétés Tema et Arbotech supporteront in solidum les entiers dépens de première instance et d’appel, avec pour ces derniers application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Annecy le 21 janvier 2020 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Tema à payer à la société 100Drillon-Net 74 la somme de 19.930,41 € au titre du solde dû sur la facture n° 151200426 du 29 décembre 2015, outre intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2016,

Condamne la société Arbotech à payer à la société 100Drillon-Net 74 la somme de 1.536,00 € au titre de la facture n° 151200427 du 29 décembre 2015, outre intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2016,

Déboute la société 100Drillon-Net 74 de sa demande de dommages et intérêts,

Déboute la société Tema de ses demandes aux fins d’être relevée et garantie par les entreprises,

Condamne in solidum la société Tema et la société Arbotech à payer à la société 100Drillon-Net 74 la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Tema à payer à la société Rubin et à Me [R] [F], administrateur de l’étude de Me [I], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [S], la somme de 1.000 € chacun (soit 2.000 € au total) sur le même fondement,

Condamne in solidum la société Tema et la société Arbotech aux entiers dépens, de première instance et d’appel, avec, pour ces derniers, application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause pouvant y prétendre.

Ainsi prononcé publiquement le 10 mai 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

 


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