La société BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE a accordé un prêt personnel de 12.000 euros à M. [D] [K] en février 2014, remboursable en 36 mois. En septembre 2021, la banque a assigné M. [K] pour faire constater la déchéance du terme et obtenir le remboursement de 8013,74 euros. Le tribunal d’instance a débouté la banque, estimant qu’elle n’avait pas fourni d’historique suffisant pour justifier sa demande. La banque a fait appel de cette décision. M. [K] n’ayant pas constitué avocat, la banque a poursuivi ses demandes en appel. Elle a affirmé que M. [K] avait cessé de payer ses échéances depuis 2020 et avait déposé un dossier de surendettement en 2015. En octobre 2023, la cour d’appel a ordonné la réouverture des débats pour examiner la déchéance des droits aux intérêts de la banque. Finalement, la cour a infirmé le jugement initial, prononcé la déchéance totale des droits aux intérêts de la banque, et condamné M. [K] à verser 7163,38 euros à la banque, tout en écartant l’application de certaines dispositions légales. M. [K] a également été condamné aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 12 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/ 318
Rôle N° RG 22/03489 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJAEY
S.A. BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE
C/
[D] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sylvain DAMAZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d’Instance de CAGNES SUR MER en date du 17 Décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/000624.
APPELANTE
S.A. BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sylvain DAMAZ de l’AARPI ADSL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉ
Monsieur [D] [K], demeurant [Adresse 2]
Assigné à étude le 02/05/2022
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2024.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2024
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 26 février 2014, la société BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE a consenti à M. [D] [K] un prêt personnel de 12.000 euros remboursable en 36 mois par échéances mensuelles hors assurance de 361,81 euros.
Par acte d’huissier du 02 septembre 2021, cette société a fait assigner M. [K] aux fins principalement de voir juger régulière la déchéance du terme et subsidiairement de prononcer la résolution du contrat et de le voir condamner à lui verser la somme de 8013,74 euros avec intérêts au taux nominal conventionnel.
Par jugement réputé contradictoire du 17 décembre 2021, le tribunal d’instance de Cagnes-sur-Mer a débouté la société BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE de ses demandes au titre du contrat n° 00050262713931 et l’a condamnée aux dépens.
Le premier juge a rejeté la demande du prêteur au motif qu’il ne produisait aucun historique permettant de vérifier la recevabilité de sa demande en paiement au regard du délai de forclusion.
Le 08 mars 2022, la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE a relevé appel de tous les chefs de cette décision.
M. [K] n’a pas constitué avocat. La déclaration d’appel et les conclusions lui ont été signifiées par acte du 02 mai 2022.
Par conclusions notifiées le 12 avril 2022 sur le RPVA et le 02 mai 2022 à l’intimé défaillant, la SA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE demande à la cour :
– d’infirmer le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
– de condamner M. [D] [K], au titre du dossier n°00050262713931, à lui verser la somme de 8013,74 € assortie des intérêts calculés au taux nominal conventionnel,
– de condamner M. [D] [K] à payer la somme de 500 €, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– de condamner M. [D] [K] aux entiers dépens.
Elle indique que M. [K] a cessé de faire face à ses obligations et note avoir prononcé la déchéance du terme le 10 févier 2021.
Elle souligne que ce dernier a déposé un dossier de surendettement en février 2015, période à compter de laquelle il a cessé de payer ses échéances.
Elle expose que M. [K] devait s’acquitter de 72 échéances de 30,50 euros dans le cadre du plan de surendettement et précise qu’il a cessé de le faire à compter du mois de novembre 2020.
Elle conteste toute forclusion de son action et fait état de sa créance.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 juin 2023.
Par arrêt avant-dire droit du 12 octobre 2023, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné la réouverture des débats et invité la société La banque Postale Consumer Finance à conclure sur l’éventuelle déchéance de son droits aux intérêts contractuels (5, 40%), liée à l’absence de vérification de la solvabilité de M. [K] à partir d’un nombre d’éléments suffisants et à fournir un décompte expurgé des intérêts (consistant en la différence entre le montant du capital emprunté et les sommes versées par l’emprunteur).
Par note enregistrée sur le RPVA le 17 octobre 2023, le conseil de la société La Banque Postale Consumer Finance a indiqué adresser un décompte expurgé des intérêts.
La société La Banque Postale Consumer Finance n’a pas conclu après la réouverture des débats.
Selon l’article L 311-52 du code de la consommation dans sa version applicable à un contrat souscrit le 26 février 2014, les actions en paiement doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé(…).
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 331-7 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 331-7-1.
Le juge d’instance de Toulon a donné force exécutoire aux recommandations de la commission de surendettement par ordonnance du 22 février 2016.
Il ressort des pièces produites (historique du paiement) que l’action de la société Banque Postale n’était pas forclose au moment où le juge d’instance a donné force exécutoire aux recommandations de la commission de surendettement.
Selon les mesures homologuées par le juge, Monsieur [K] devait verser 72 échéances mensuelles de 30, 50 euros, ce qui a été mis en place par le prêteur dès le mois d’avril 2016.
Il ressort de l’historique produit au débat que le premier impayé non régularisé date du 05 novembre 2020. En conséquence, l’action en paiement du prêteur, intentée par l’assignation du 02 septembre 2021, dans les deux ans de cet impayé, est donc recevable et n’encourt aucune forclusion.
Selon l’article L 141-4 du code de la consommation, le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
L’article L 311-9 du code de la consommation, dans sa version applicable, énonce qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-6 ou au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier.
Aux termes de l’article L 311-48 du même code, dans sa même version applicable, lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
La société Banque Postale Consumer Finance ne démontre pas avoir vérifié la solvabilité de Monsieur [K] à partir d’un nombre suffisant d’éléments. En effet, il est uniquement produit au débat l’offre de contrat de crédit avec une fiche de dialogue, sans aucun autre élément.
La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE, 4e ch., 18 décembre 2014, aff. C-449/13 CA
Consumer Finance SA c/ [X] B et autres) a précisé le sens et la portée de cette obligation dans un arrêt préjudiciel : « l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens, d’une part, qu’il ne s’oppose pas à ce que l’évaluation de la solvabilité du consommateur soit effectuée à partir des seules informations fournies par ce dernier, à condition que ces informations soient en nombre suffisant et que de simples déclarations de celui-ci soient accompagnées de pièces justificatives, et, d’autre part, qu’il n’impose pas au prêteur de procéder à des contrôles systématiques des informations fournies par le consommateur.» .
Ainsi, il convient de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la société Banque Postale Consumer Finance et de condamner M.[K] à lui verser la somme de 7163, 38 euros.
Selon l’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Aux termes de l’article L 313-3 du code monétaire et financier, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.
La Cour de cassation juge que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ne dispense pas l’emprunteur du paiement des intérêts au taux légal.
Afin de garantir l’effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par la directive 2008/48/CE, il incombe au juge de réduire d’office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation légale d’information, le taux résultant de l’application des deux derniers textes précités, lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel. En conséquence, il convient d’écarter l’application de l’article L 313-3 du code monétaire et financier.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société Banque Postale Consumer Finance.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [K] est essentiellement succombant. Il sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Pour des raisons tirées de l’équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le jugement déféré qui a rejeté la demande faite par la société Banque Postale Consumer Finance au titre des frais irrépétibles sera confirmé. Il sera infirmé en ce qu’il a laissé les dépens à la charge de cette dernière.
La cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut, par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté la société Banque Postale Consumer Finance de sa demande faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la société Banque Postale Consumer Finance,
CONDAMNE M.[D] [K] à verser à la société Banque Postale Consumer Finance la somme de 7163, 38 euros,
ÉCARTE l’application de l’article L 313-3 du code monétaire et financier.
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M.[D] [K] aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,