Délai de forclusion et modalités de paiement : Clarifications sur les incidents de paiement non régularisés

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Délai de forclusion et modalités de paiement : Clarifications sur les incidents de paiement non régularisés

La SA BNP Paribas a accordé à M. [D] plusieurs prêts personnels et un prêt auto entre 2016 et 2017. En raison de paiements manquants, BNP Paribas a mis en demeure M. [D] à plusieurs reprises avant de l’assigner en justice en avril 2021 pour obtenir le paiement des sommes dues. Le tribunal de proximité de Cognac a jugé en novembre 2021 que les demandes de BNP Paribas étaient irrecevables et a débouté la société de sa demande. BNP Paribas a fait appel de cette décision. En appel, M. [D] a demandé la confirmation du jugement de première instance et des indemnités. L’affaire a été fixée pour audience en juin 2024, et l’instruction a été clôturée en mai 2024. La cour a finalement confirmé le jugement de première instance et condamné BNP Paribas à verser des frais à M. [D].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Cour d’appel de Bordeaux
RG
22/00055
COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 12 SEPTEMBRE 2024

N° RG 22/00055 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MPZH

S.A. BNP PARIBAS

c/

[K] [D]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de COGNAC (RG : 11-21-86) suivant déclaration d’appel du 05 janvier 2022

APPELANTE :

S.A. BNP PARIBAS agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

Représentée par Me William MAXWELL de la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocat posulant au barreau de BORDEAUX et assistée par Me Eric BOHBOT, avocat plaidant au barreau de VERSAILLES

INTIMÉ :

[K] [D]

né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 4] (16)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Jean-paul POLLEUX de la SELARL CABINET VALOIS, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 juin 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérengère VALLEE, conseiller,, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Paule POIREL, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Suivant offre préalable de crédit la SA BNP Paribas a consenti à M. [K] [D] :

– un prêt personnel de regroupement de crédits d’un montant de 25 857,34 euros, remboursable en 66 mensualités de 490,26 euros avec assurance, assorti d’un taux d’intérêts de 7,13% par an, l’offre a été acceptée le 4 mars 2016 ;

– un prêt auto d’un montant de 5 000 euros au taux contractuel de 2,47% l’an remboursable en 48 mensualités de 112,50 euros avec assurance, l’offre a été acceptée le 23 décembre 2016 ;

– un prêt personnel d’un montant de 30 000 euros remboursable en 72 échéances de 499,08 euros avec assurance, au taux débiteur de 4,70%, l’offre a été acceptée le 22 septembre 2017.

Par courrier recommandé des 13 juillet 2019, 15 juillet 2019, 21 octobre 2019, la société BNP Paribas a mis en demeure M. [D] de régler les échéances impayées des trois prêts dans un délai de 15 jours, faute de quoi la déchéance du terme sera appliquée.

Par acte d’huissier de justice du 27 avril 2021, la société BNP Paribas a assigné M. [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Cognac aux fins notamment de le voir condamner au paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

* au titre du prêt personnel du 4 mars 2016, la somme de 15 296,38 euros, majorée des intérêts, outre la somme de 1 283,13 euros au titre de l’indemnité de résiliation de 8%, majorée des intérêts,

* au titre du prêt personnel du 23 décembre 2016, la somme de 3 037,05 euros, majorée des intérêts, outre la somme de 231,77 euros au titre de l’indemnité de résiliation de 8%, majorée des intérêts,

* au titre du prêt personnel du 22 septembre 2017, la somme de 27 735, 79 euros, majorée des intérêts, outre la somme de 2 034, 81 euros au titre de l’indemnité de résiliation de 8%.

Par jugement contradictoire du 15 novembre 2021 le tribunal judiciaire de Cognac :

– constaté que l’action en paiement engagée par la société BNP Paribas à l’encontre de M. [D] en vertu du prêt personnel de regroupement n°62009269 souscrit le 4 mars 2016, du prêt auto n°60584504 souscrit le 23 décembre 2016 et du prêt personnel n° 60644741 souscrit le 22 septembre 2017 est forclose,

– déclaré irrecevables les demandes en paiement de la société BNP Paribas,

– rappelé que, en conséquence, la créance ne pourra faire l’objet d’aucun paiement forcé,

– débouté la société BNP Paribas de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que la décision est assortie de l’exécution provisoire de droit en vertu de l’article 514 du code de procédure civile,

– condamné la société BNP Paribas aux dépens.

La société BNP Paribas a relevé appel de l’ensemble des chefs de ce jugement par déclaration du 5 janvier 2022, et par dernières conclusions déposées le 28 mars 2022, elle demande à la cour de :

– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Cognac le 13 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Au titre du prêt personnel du 4 mars 2016 :

– condamner M. [D] à payer à la société BNP Paribas la somme de 15 296,38 euros, majorée des intérêts au taux contractuel de 7,13 % l’an, à compter du 16 avril 2021, et jusqu’au parfait paiement,

– condamner M. [D] à payer à la société BNP Paribas, au titre de l’indemnité de résiliation de 8 %, la somme de 1 283,13 euros, majorée des intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure en date du 14 novembre 2019, et jusqu’au parfait paiement,

Au titre du prêt personnel du 23 décembre 2016 :

– condamner M. [D] à payer à la société BNP Paribas la somme de 3.037,05 euros, majorée des intérêts au taux contractuel de 2,47 % l’an, à compter du 16 avril 2021, et jusqu’au parfait paiement,

– condamner M. [D] à payer à la société BNP Paribas, au titre de l’indemnité de résiliation de 8 %, la somme de 231,77 euros, majorée des intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure en date du 14 novembre 2019, et jusqu’au parfait paiement,

Au titre du prêt personnel du 22 septembre 2017 :

– condamner M. [D] à payer à la société BNP Paribas la somme de 27 735,79 euros, majorée des intérêts au taux contractuel de 4,70 % l’an, à compter du 16 avril 2021, et jusqu’au parfait paiement,

– condamner M. [D] à payer à la société BNP Paribas, au titre de l’indemnité de résiliation de 8 %, la somme de 2 034,81 euros, majorée des intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure en date du 14 novembre 2019, et jusqu’au parfait paiement,

En tout état de cause :

– condamner M. [D] aux entiers dépens de l’instance,

– condamner M. [D] au paiement d’une somme de 2 000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées le 22 juin 2022, M. [D], demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de proximité de Cognac le 15 novembre 2021,

Y rajoutant,

– condamner la société BNP PARIBAS à verser à M. [D] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société BNP PARIBAS aux entiers dépens.

L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 6 juin 2024.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 23 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la forclusion

L’article L. 311-52 du code de la consommation, devenu l’article R. 312-35 du même code, impose à l’organisme de crédit d’agir dans les deux années suivant la défaillance de l’emprunteur, c’est-à-dire le premier incident de paiement non régularisé. Ce délai de forclusion n’est susceptible ni de suspension, ni d’interruption.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident de paiement non régularisé intervenu après le premier réaménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéréssés ou après adoption d’un plan conventionnel de redressement.

Il est constant que le prêteur ne peut reporter unilatéralement des échéances ou les annuler pour fixer à sa convenance la date du premier impayé non régularisé, et que de tels reports ne constituent pas un réaménagement au sens de l’alinéa 2 de l’article R. 312-35 du code de la consommation et son sans effet sur le délai de forclusion (Civ. 1ère, 28 octobre 2015, n°14-23.267).

Sur le prêt de regroupement n°62009269

La société BNP Paribas estime que contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, le premier incident de paiement non régularisé doit être fixé à l’échéance du 4 mai 2019, faisant valoir, à l’appui de sa pièce n°28, qu’elle a pu prélever sur le compte bancaire de M. [D], la première mensualité d’un montant de 549,34 euros le 4 avril 2016 puis 32 mensualités de 490,26 euros qui sont à imputer sur les plus anciennes échéances impayées en application de l’article 1256 ancien du code civil, ce qui a permis de régulariser les échéances entre le 4 avril 2016 et le 4 décembre 2018, plaçant ainsi théoriquement le premier incident de paiement au 4 janvier 2019. Elle ajoute que M. [D] a sollicité le report de plusieurs mensualités qui n’ont pas été prélevées par la banque, à savoir les échéances de mai 2017, août 2017 et février 2019, plaçant ainsi le premier incident de paiement au 4 mai 2019.

Cependant, comme l’a justement constaté le premier juge, d’une part, le contrat de prêt ne fait nullement référence à une possibilité de report ou de suspension des échéances et à ses modalités, d’autre part, il n’est nullement démontré que ces reports correspondent à une demande de l’emprunteur pouvant s’analyser comme un réaménagement au sens des dispositions précitées.

Dès lors, c’est par d’exacts motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu que le report en fin de contrat d’échéances impayées décidé de façon unilatérale par l’organisme prêteur ne constituant pas un réaménagement au sens de l’article L. 311-52 du code de la consommation, le premier impayé non régularisé doit être fixé à la date du 4 novembre 2018 au plus tôt et à celle du 4 décembre 2018 si l’on considère l’échéance de décembre 2016, le relevé de compte sur la période du 24 novembre au 6 décembre 2016 n’étant pas plus produit en appel qu’en première instance en sorte que la preuve du paiement effectif de l’échéance de décembre 2016 n’est pas rapportée.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a déclaré la demande en paiement introduite par assignation du 27 avril 2021 irrecevable comme forclose.

Sur le prêt auto n°60584504

La société BNP Paribas estime là aussi que contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, le premier incident de paiement non régularisé doit être fixé à l’échéance du 4 mai 2019, faisant valoir qu’il ressort des duplicatas de relevés de compte produits en pièce n°28 que M. [D] a sollicité et obtenu de la banque le report des mensualités du 3 mai 2017, 3 août 2017, 1er février 2019 et 4 avril 2019.

Cependant, pour les mêmes motifs que ci-avant rappelés, le premier juge a exactement retenu que le report en fin de contrat d’échéances impayées décidé de façon unilatérale par le prêteur ne constituant pas un réaménagement au sens de l’article R. 312-35 du code de la consommation, le premier impayé non régularisé devant alors être fixé à la date du 4 janvier 2019, en sorte que l’action en paiement introduite par assignation du 27 avril 2021 doit être déclarée irrecevable comme forclose, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

Sur le prêt personnel n°60644741

La société BNP Paribas fait valoir que l’ensemble des mensualités a été régulièrement réglé par M. [D] qui a sollicité un seul et unique report de mensualité, à savoir celle du 12 avril 2019, et que compte tenu de ce report d’échéance, le premier incident de paiement non régularisé doit être fixé au 15 mai 2019.

Toutefois, là encore, le premier juge a justement constaté que d’une part, le contrat de prêt ne fait nullement référence à une possibilité de report ou de suspension des échéances et à ses modalités, d’autre part, il n’est nullement démontré que ces reports correspondent à une demande de l’emprunteur pouvant s’analyser comme un réaménagement au sens des dispositions précitées, en sorte que le report en fin de contrat d’échéances impayées décidé de façon unilatérale par l’organisme prêteur ne constituant pas un réaménagement au sens de l’article R. 312-35 du code de la consommation, le premier impayé non régularisé doit être fixé à la date du 15 avril 2019.

Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable comme forclose l’action en paiement introduite par assignation du 27 avril 2021.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. La société BNP Paribas, qui succombe, supportera la charge des dépens d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, la société BNP Paribas sera condamnée à payer la somme de 2.000 euros à M. [D].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne la société BNP Paribas à payer la somme de 2.000 euros à M. [D] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société BNP Paribas aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


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