Définition de l’oeuvre audiovisuelle

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Définition de l’oeuvre audiovisuelle
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Intérêt de la qualification

La qualification d’oeuvre audiovisuelle a son importance dans la mesure où elle détermine les obligations de diffusion d’œuvres audiovisuelles françaises et européennes et les obligations de production audiovisuelle des chaînes de télévision. En outre, la qualification a un impact direct sur l’octroi des aides délivrées par la compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels (COSIP) encadré par le décret n°95-110 du 2 février 1995 relatif au soutien financier à la production, à la préparation et à la distribution d’oeuvres audiovisuelles.

En matière contractuelle, on pourra se référer à la définition donnée par le Code de la propriété intellectuelle ou se référer à la notion de Programme (voir infra).

Les définitions de l’oeuvre audiovisuelle

Il existe à l‘heure actuelle plusieurs définitions de l’oeuvre audiovisuelle.

Premièrement, l’article L112-2 6º du Code de la propriété intellectuelle donne une définition de l’oeuvre audiovisuelle mais dont la portée est limitée pour ce qui nous concerne puisqu’elle vise à protéger la sphère du droit d’auteur et ne participe pas d’une politique en faveur de la culture. Selon ce texte, sont notamment considérées comme oeuvres de l’esprit « les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles ».

La directive n° 2010/13/UE du 10 mars 2010 “Services de médias audiovisuels” pose plusieurs nouvelles définitions concernant les oeuvres audiovisuelles. En premier lieu, le terme «audiovisuel» se réfère aux images animées, combinées ou non à du son, couvre les films muets, mais pas la transmission audio ni les services de radiodiffusion. Un service de média audiovisuel est un service de communication électonique dont l’objet principal est la fourniture de programmes dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer le grand public.

L’ancienne notion de «radiodiffusion télévisuelle»: ou «émission télévisée» devient un service de médias audiovisuels linéaire : un service fourni pour le visionnage simultané de programmes sur la base d’une grille de programmes. A l’opposé le service de média audiovisuel à la demande est un service non linéaire :service de visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur demande individuelle sur la base d’un catalogue de programmes sélectionnés par le fournisseur de services de médias (essentiellement la Vidéo à la demande et la télévision de rattrapage ou Catch-up TV).

L’article 4 du décret n°90-66 du 17 janvier 1990 conserve l’ancienne définition en creux selon laquelle constituent des oeuvres audiovisuelles les émissions ne relevant pas d’un des genres suivants : oeuvres cinématographiques de longue durée ; journaux et émissions d’information ; variétés ; jeux ; émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau ; retransmissions sportives ; messages publicitaires ; télé-achat ; autopromotion ; services de télétexte. Il résulte de cette définition négative, que constituent des oeuvres audiovisuelles :

– les fictions télévisuelles (téléfilms, feuilletons, séries, oeuvres d’animation, émissions scénarisées pour la jeunesse) ;

– les oeuvres d’animation autres que de fiction ;

– les documentaires ;

– les magazines minoritairement réalisés en plateau ;

– les divertissements minoritairement réalisés en plateau ;

– les vidéomusiques ;

– les oeuvres cinématographiques de court métrage (durée inférieure à 60 minutes) ;

– les concerts, adaptations et retransmissions de spectacles théâtraux, lyriques et chorégraphiques. Selon la position du CSA “les captations de spectacles ne sont considérées comme oeuvres audiovisuelles dès lors que ces spectacles existent indépendamment de la télévision. Ne sont pas retenus dans les captations de spectacles les remises de prix et récompenses ainsi que les concours”.

Il résulte de l’article 5 du décret no 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l’application de l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986 que constituent des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles d’expression originale française les oeuvres réalisées intégralement ou principalement en version originale en langue française ou dans une langue régionale en usage en France.

En matière contractuelle, on pourra se référer à la notion de programme audiovisuel : “un ensemble d’images animées, combinées ou non à du son, constituant un seul élément dans le cadre d’une grille ou d’un catalogue établi par un fournisseur de services de médias et dont la forme et le contenu sont comparables à ceux de la radiodiffusion télévisuelle. Un programme est, à titre d’exemple, un film long métrage, une manifestation sportive, une comédie de situation, un documentaire, un programme pour enfants ou une fiction originale”.

Le noyau dur de la définition : l’éligibilité au COSIP

Le décret n°95-110 du 2 février 1995 concernant l’éligibilité au compte de soutien du COSIP et le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 relatif aux obligations de diffusion et de contribution à la production, donnent le noyau dur de la définition de l’oeuvre audiovisuelle.

L’esprit du COSIP est de contribuer au financement de la production, de la préparation et de la distribution d’oeuvres audiovisuelles uniquement à vocation patrimoniale et présentant un intérêt particulier d’ordre culturel, social, scientifique, technique ou économique. Le soutien ne peut être accordé au titre ou pour des œuvres audiovisuelles dont le contenu éditorial n’est pas contrôlé par l’entreprise de production et vise à favoriser la commercialisation de biens ou la fourniture de services, à valoriser les marques, l’image, ou les activités d’une entreprise ou d’une personne morale publique ou privée, de même qu’au titre ou pour des œuvres audiovisuelles destinées à assurer la promotion d’autres œuvres audiovisuelles ou cinématographiques ou n’en constituant que l’accessoire.

Le décret COSIP dispose que sont considérées comme des œuvres audiovisuelles les genres suivants :

– les fictions (à l’exclusion des sketches) ;
– les animations ;
– les documentaire de création ;
– les créations de spectacles vivants ;
– les œuvres cinématographiques de court métrage ;
– les vidéomusiques ;
– les concerts et les captations de spectacle dont le coût dépasse un certain montant ;
– les magazines présentant un intérêt particulier d’ordre culturel.

Force est de constater le caractère particulièrement étendu de cette définition dont le caractère « inflationniste » a été dénoncé par un rapport du CNC en date du 21 mars 2002. Selon ce rapport, la gestion des comptes du COSIP s’en trouve particulièrement altérée.

Applications jurisprudentielles

Si les documentaires de création sont bien considéres comme des oeuvres audiovisuelles, les juges (CAA de Paris, 4ème ch. , 18 mai 2006) ont fixé les contours de la notion de « documentaire de création » en annulant la qualification d’œuvre audiovisuelle attribuée par le CNC à l’émission Popstars.

En première instance, le Tribunal administratif de Paris avait jugé que « la série Popstars qui vise à relater et mettre en scène l’histoire complète d’un groupe de musique pop crée sous l’égide d’une maison de disque, de sa constitution à l’enregistrement d’un disque et à la présentation d’un concert final, en en filmant les différentes étapes et, notamment, les entraînements, les auditions, la sélection et les réactions de l’ensemble des participantes ; qu’il s’en suit que le contenu de l’émission ne lui préexiste pas et à été crée pour ses propres besoins de production et de diffusion » .

Comme confirmé en appel, il en résulte que l’émission ne constitue pas une oeuvre documentaire et ne saurait être regardée comme appartenant au genre documentaire de création, au sens de l’article 1er du décret du 2 février 1995 et n’est pas susceptible de bénéficier des aides de réinvestissement complémentaire. Le documentaire de création implique donc que le contenu du documentaire ne soit pas le fruit d’une création voulue et antérieure à l’oeuvre et qu’il ne soit pas créé pour des besoins propres de production.

Le Conseil d’État par un arrêt du 10 juillet 1995 a également considéré qu’une émission (« Tapis vert ») consistant à présenter les résultats de la Française des jeux, bien que scénarisée et comprenant des « sketches » n’était pas une oeuvre audiovisuelle en raison du genre dominant auquel elle appartenait, à savoir le jeu (genre exclu de la définition de l’oeuvre audiovisuelle donnée par le décret n°90-66 du 17 janvier 1990).

Par une autre décision du 7 juin 1999, le Conseil d’État a également exclu de la catégorie des oeuvres audiovisuelles, une émission (« Graines de Star ») présentant les caractéristiques d’une émission de variété (genre hors de la définition du décret n°90-66 du 17 janvier 1990). L’émission en cause étant conçue essentiellement pour la télévision et diffusait un spectacle combinant numéros musicaux et autres attractions.

Les oeuvres audiovisuelles et cinématographiques européennes

Au sens de l’article 6 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 constituent des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles européennes :

a) Les œuvres originaires d’Etats membres de la Communauté européenne ;

b) Les œuvres d’Etats tiers européens parties à la convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l’Europe, qui répondent aux conditions suivantes :

1. D’une part, elles doivent être réalisées essentiellement avec la participation d’auteurs, d’artistes-interprètes, de techniciens collaborateurs de création résidant dans un ou plusieurs de ces Etats et avec le concours de prestations techniques réalisés dans des studios de prises de vues, dans des laboratoires ou studios de sonorisation situés dans ces mêmes Etats. Ces participations et concours ne peuvent pas être inférieurs à une proportion fixée par arrêté du ministre chargé de la culture et de la communication ;

2. D’autre part, elles doivent :

a) Soit être produites par une entreprise dont le siège est situé dans un des Etats susmentionnés et dont le président, directeur ou gérant ainsi que la majorité des administrateurs sont ressortissants d’un de ces Etats, à la condition que cette entreprise supervise et contrôle effectivement la production de ces œuvres en prenant personnellement ou en partageant solidairement l’initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation des œuvres considérées et en garantisse la bonne fin ;

b) Soit être financées majoritairement par les contributions de coproducteurs établis dans des Etats susmentionnés, à la condition que la coproduction ne soit pas contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis en dehors de ces Etats.

Les entreprises et coproducteurs visés ci-dessus ne doivent pas être contrôlés, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, par un ou plusieurs producteurs établis en dehors de ces Etats.

Constituent des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles européennes les œuvres coproduites dans le cadre d’accords conclus entre la Communauté européenne et des Etats tiers et répondant aux conditions définies dans ces accords.

Constituent enfin des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles européennes les œuvres qui sont produites dans le cadre d’accords bilatéraux de coproduction conclus entre des Etats membres de la Communauté européenne et des Etats tiers lorsque les œuvres sont financées majoritairement par les contributions de coproducteurs établis dans des Etats membres, à la condition que la coproduction ne soit pas contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis en dehors de ces Etats.

Pour les oeuvres produites ou coproduites par un producteur établi en France et pour lesquelles le bénéfice du soutien financier de l’Etat à l’industrie cinématographique et à l’industrie de programmes audiovisuels a été demandé, la qualification d’oeuvre européenne et celle d’oeuvre d’expression originale française sont attribuées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel après avis du directeur général du CNC

L’achèvement de l’oeuvre audiovisuelle

Conformément à l’article L121-5 du Code de la propriété intellectuelle, l’oeuvre audiovisuelle est réputée achevée lorsque la version définitive a été établie d’un commun accord entre, d’une part, le réalisateur ou, éventuellement, les coauteurs et, d’autre part, le producteur.

Si l’un des auteurs refuse d’achever sa contribution à l’oeuvre audiovisuelle ou se trouve dans l’impossibilité d’achever cette contribution par suite de force majeure, il ne pourra s’opposer à l’utilisation, en vue de l’achèvement de l’oeuvre, de la partie de cette contribution déjà réalisée. Il aura, pour cette contribution, la qualité d’auteur et jouira des droits qui en découlent.

Protection du support de l’oeuvre audiovisuelle

Il est interdit de détruire la matrice de la version définitive de l’oeuvre audiovisuelle. Toute modification de cette version par addition, suppression ou changement d’un élément quelconque exige l’accord des coauteurs. Tout transfert de l’oeuvre audiovisuelle sur un autre type de support en vue d’un autre mode d’exploitation doit être précédé de la consultation du réalisateur.


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