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Dénoncer un mauvais payeur sur les réseaux sociaux est constitutif de dénigrement.
La société Nature Effiscience, qui a une activité de vente de produits cosmétiques, a chargé Mme X, qui exerce sous l’enseigne Be Influent, d’une mission d’accompagnement en stratégie digitale.
En décembre 2015, la société Nature Effiscience a mis fin aux relations contractuelles à effet au 1er janvier 2016. Sa facture émise le 14 janvier 2016 au titre du mois de décembre 2015 n’ayant pas été réglée, Mme X a publié un message dénonçant le comportement de sa cliente.
Selon l’article 1240, du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et l’existence d’une situation de concurrence n’est pas nécessaire à la qualification d’une faute de dénigrement. (Com., 4 novembre 2020, pourvoi n° 18-23.757).
D’autre part, même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure. (Même référence et Com., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-15.651).
Il en est également ainsi, et sous les mêmes réserves destinées à protéger la liberté d’expression, en cas de divulgation, par l’une des parties, d’une information de nature à jeter le discrédit sur l’autre partie. Enfin, le dénigrement peut être constitué même si l’auteur n’en tire aucun avantage.
En l’espèce, le fait d’indiquer, sur la page Facebook de la société intimée, que son compte avait été bloqué en raison de l’absence de paiement de facture, en dépit de relances, est de nature à jeter un discrédit sur ladite société, quand bien même cette absence de paiement était exacte et que les termes utilisés étaient d’ordre purement factuel.
Mme X soutient donc vainement que l’information contenue dans son message était neutre et que dès lors, ‘les termes dans lesquels l’information a été présentée au public ne peut qu’être considéré proportionnel eu égard aux faits de l’espèce’.
En outre, elle ne soutient pas que cette information se soit rapportée à un sujet d’intérêt général, ce qui n’était d’ailleurs pas le cas, s’agissant du blocage de la page Facebook d’une société de vente de produits cosmétiques en raison de l’absence de paiement de factures. La publication d’un tel message est donc fautive.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 26 Mai 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/02784 – N° Portalis DBVW-V-B7D-HDTT
Décision déférée à la Cour : 17 Mai 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :
Madame Y-Z X
[…]
[…]
Représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me MEYER, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT :
SARL NATURE EFFISCIENCE
prise en la personne de son représentant légal
[…]
[…]
Représentée par Me Dominique Serge BERGMANN, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me Cédric D’OOGHE, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 Février 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme PANETTA, Présidente de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, entendue en son rapport
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
— Contradictoire
— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
— signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
La société Nature Effiscience, qui a une activité de vente de produits cosmétiques, a chargé Mme X, qui exerce sous l’enseigne Be Influent, d’une mission d’accompagnement en stratégie digitale.
En décembre 2015, la société Nature Effiscience a mis fin aux relations contractuelles à effet au 1er janvier 2016.
Sa facture émise le 14 janvier 2016 au titre du mois de décembre 2015 n’ayant pas été réglée, Mme X reconnaît avoir suspendu les accès aux seuls comptes Facebook, Pinterest et Instagram de ladite société, et ce pendant moins de 48 heures.
Par lettre du 15 février 2016, la société Nature Effiscience l’a mise en demeure de rétablir les accès à Facebook, Pinterest, Twitter, Instagram et Google +, et de cesser d’utiliser une adresse électronique portant le nom de la société.
Le 4 mars 2016, la société Nature Effiscience l’a assignée en paiement de dommages-intérêts et publication de la décision.
Par jugement du 17 mai 2019, le tribunal de grande instance de Strasbourg a :
— déclaré recevable la demande formée par la SARL Nature Effiscience contre Mme X,
— condamné Mme X à payer à la SARL Nature Effiscience la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
— condamné Mme X à restituer à cette société les codes d’accès aux réseaux Instagram,
Pinterest et Google +, dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement,
— débouté Mme X de sa demande reconventionnelle,
— condamné Mme X aux dépens,
— condamné Mme X à payer à la SARL Nature Effiscience la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
— dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire,
— débouté la demanderesse de ses plus amples prétentions.
Le 17 juin 2019, Mme X a, par voie électronique, interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions du 12 novembre 2020, transmises par voie électronique le même jour, Mme X demande à la cour de :
— déclarer l’appel principal recevable et bien fondé
— y faisant droit : infirmer le jugement, et, statuant à nouveau :
— In limine litis : constater le défaut de droit à agir de la société Nature Effiscience et dire et juger son action irrecevable ;
— Subsidiairement : dire et juger la société Nature Effiscience mal fondée en ses demandes
— Sur appel incident de la société Nature Effiscience :
— juger son appel incident irrecevable et mal fondé, le rejeter et débouter la société Nature Effiscience de toutes demandes formées à ce titre
— En tout état de cause : débouter la société Nature Effiscience de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
— condamner la société Nature Effiscience à lui payer les sommes de :
— 600 euros au titre du règlement de la facture n° 0095, assortie des intérêts à taux légal à compter du 16 février 2016, date de la mise en demeure,
— 3 000 euros à titre de dommages-intérêts,
— 5 000 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile
— condamner la société Nature Effiscience aux entiers frais et dépens de l’instance.
En substance, elle soutient, d’abord, la nullité de l’assignation, au motif qu’elle ne comporte aucune motivation en droit, en violation de l’article 56 du code de procédure civile. Elle souligne qu’alors que la société Nature Effiscience lui reprochait d’avoir commis des actes de contrefaçon de marque et d’usage illicite de nom de domaine, il pouvait en être déduit qu’elle se fondait sur l’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle, mais cette action est réservée au propriétaire de la marque selon l’article L.713-5 dudit code. Elle ajoute qu’alors qu’un dénigrement lui était reproché, aucune règle de droit n’était invoquée. La référence à des dispositions pénales n’a pas donné lieu à la saisine des autorités pénales. Sa
‘responsabilité civile’ a été recherchée, sans précision. Elle ajoute que l’amalgame des fondements divers et variés s’apparente à une absence de motivation en droit, qui l’a empêchée de préparer sa défense. Elle reproche au premier juge de ne pas avoir tiré de conséquence en droit du défaut de motivation de l’assignation et de s’être attribué une compétence non prévue par la loi, en désignant le fondement juridique de la demande de la société. Elle en déduit l’irrecevabilité des demandes de la société.
Ensuite, s’agissant des conditions pour engager sa responsabilité, elle conclut à l’absence de faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.
S’agissant du dénigrement qui lui est reproché, elle invoque l’absence de preuve de ces conditions constitutives, soulignant qu’aucune relation de concurrence n’existait entre les parties, que le message publié sur Facebook était neutre et que les termes dans lesquels l’information a été présentée étaient proportionnels aux faits, qu’elle ne pouvait tirer aucun profit de cette publication.
S’agissant de la suspension de l’accès aux réseaux sociaux : En ce que l’intimée lui reproche un chantage, elle soutient que celle-ci ne détermine pas ce qu’elle pourrait obtenir en procédant au prétendu chantage, ni ne démontre un chantage.
En ce que l’intimée lui reproche un abus de confiance, elle soutient l’absence de preuve du détournement frauduleux des codes d’accès.
En ce que cette suspension aurait causé un préjudice, elle soutient l’absence de preuve, soulignant que l’accès au compte Facebook a été suspendu pour moins de 48 h le 6 février, et fonctionnait le 9 février 2016.
S’agissant de l’utilisation de l’adresse mail, elle soutient qu’elle avait été créée pour lui permettre, dans le cadre de ses missions, d’accéder aux outils Google Analytics.
A titre reconventionnel, elle demande paiement de sa facture, contestant la possibilité de lui opposer une exception d’inexécution, précisant que sa mission n’impliquait pas le référencement du site internet, et que le contrat ne l’obligeait pas à ‘restituer les mots clés’, qui sont d’ailleurs accessibles au public
Enfin, elle indique avoir restitué, le 29 décembre 2015, les codes d’accès et que l’intimée ne démontre pas ne pas avoir récupéré les codes d’accès, soulignant que le constat d’huissier de justice réalisé plus de 18 mois plus tard n’est pas probant, et qu’au contraire, il est constant que l’intimée utilise les réseaux Instagram et Pinterest, à l’exception de la plate-forme Google + qui a été fermée par la société Google.
Elle ajoute que la demande de publication par voie de presse de l’arrêt n’est pas prévue par la loi dans un tel cas.
Par déclaration en date du 10 juillet 2019, la société Nature Effiscience s’est constituée intimée.
Par ses dernières conclusions du 26 novembre 2019, transmises par voie électronique le même jour, la société Nature Effiscience demande à la cour de :
— confirmer le jugement, en ce qu’il a :
— déclaré recevable sa demande,
— condamné Mme X à payer des dommages-intérêts,
— condamné Mme X à lui restituer les codes d’accès aux réseaux Instagram, Pinterest et Google+,
— condamné Mme X aux frais et dépens ainsi qu’à une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— Sur appel incident :
— condamner Mme X à :
— payer la somme de 25 000 euros toutes causes confondues à titre de dommages-intérêts,
— restituer les codes d’accès aux réseaux sociaux lnstagram, Pinterest et Google+ sous peine d’une astreinte de 5000 € par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir,
— payer 3000 euros au titre de l’article 700 du CPC au titre de la procédure d’appel,
— ordonner la publication du jugement sur la page Facebook de Mme X, respectivement la page Be Influent aux frais de Mme X, pendant une durée de trois mois.
— condamner Mme X en tous les frais et dépens de la procédure d’appel.
En substance, elle soutient que l’assignation contient un exposé des moyens de fait et de droit, évoquant les agissements fautifs de Mme X, de sorte que le fondement de la demande est une action en responsabilité civile sur le fondement des articles 1382 du code civil devenu 1240 du code civil.
Elle précise lui reprocher les agissements fautifs suivants : un dénigrement par la publication d’un message sur ses propres supports de communication, c’est-à-dire la page Facebook de la société, aux vues des clients, portant atteinte à sa réputation ; la coupure des accès aux réseaux internet de la société, à savoir la page Facebook, l’accès Pinterest, l’accès à Twitter, le compte Instagram et l’accès à Google +, ce qui est établi par un courriel du 10 février 2016 ; faits s’apparentant également au chantage prévu par l’article 312-10 du code pénal et en un abus de confiance décrit par l’article 314-1 du code pénal.
Elle en déduit que ces agissements sont constitutifs d’une faute délictuelle qui engage sa responsabilité et lui ont causé un important préjudice, ses différents moyens de communication étant interrompus alors qu’elle était en pleine préparation d’un événement de communication et de commercialisation important pour la St Valentin, que pendant 15 jours, ses clients et ses prescripteurs n’ont plus aucun contact avec elle et que le 16 février 2016, Mme X a durci la punition, en désactivant totalement la page Facebook, le réseau le plus influent dans son référencement sur le web, puis, lors de la réactivation de la page, en diffusant un message dénigrant.
Elle soutient que Mme X n’a pas restitué les codes d’accès pour l’ensemble des réseaux sociaux, que ceux qu’elle a communiqués le 29 décembre 2015 ont été modifiés par Mme X et ne permettaient pas d’y accéder, et qu’à ce jour, elle n’a pu récupérer ses codes d’accès à Instragram, Pinterest et Google +.
Elle en déduit un préjudice matériel dans la mesure où elle a fait échouer une opération commerciale pour la St Valentin en 2016 et où ce préjudice se poursuit du fait de la
non-restitution des codes d’accès de trois réseaux sociaux importants, mais également un préjudice moral dû aux écrits diffamatoires, et un préjudice de perte de notoriété de la marque sur internet qui a fait ‘dégringoler’ son référencement. Soutenant que son préjudice est extrêmement important, et qu’à ce jour, elle ne peut toujours pas accéder aux réseaux sociaux Instragram, Pinterest et Google +, elle demande l’infirmation quant au quantum des dommages-intérêts alloués et demande paiement de 25 000 euros à ce titre.
Elle demande également la publication de l’arrêt, à titre de réparation du préjudice subi.
Soutenant n’avoir toujours pas obtenu les codes d’accès, elle demande que la condamnation à les communiquer soit assortie d’une astreinte.
Enfin, elle s’oppose à la demande en paiement, invoquant une exception d’inexécution fondée sur le fait que Mme X devait lui fournir la liste de mots-clés ayant une incidence sur son référencement sur internet.
Par ordonnance du 13 janvier 2021, la clôture de la procédure a été prononcée et l’affaire renvoyée à l’audience de plaidoirie du 8 février 2021.
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION :
1. Sur la recevabilité de l’action de la société Nature Effiscience :
Aux termes de l’article 56 du code de procédure civile, l’assignation contient à peine de nullité (….) 2° Un exposé des moyens (..) en droit (…)’.
En l’espèce, l’assignation délivrée à Mme X indique, au titre des ‘motifs de l’assignation qui vous est donnée’, un certain nombre de faits, et notamment les reproches émis à l’encontre de Mme Y-Z X, précisant qu’ils avaient eu lieu après la rupture des relations commerciales, à savoir : avoir coupé l’accès à cinq réseaux sociaux, publié un message dénigrant, utilisé une adresse électronique alors que la société est propriétaire du nom de domaine correspondant et de s’être rendue coupable de contrefaçon de marque.
Elle indique demander réparation du préjudice subi, par l’allocation de dommages-intérêts et publication de la décision, en soutenant :
— '(…) Les agissements de Mme Y-Z X sont fautifs, car totalement illicites. Dès lors sa responsabilité est engagée (…) Le préjudice subi est donc d’une part matériel, puisque Mme Y-Z X a fait échouer une opération commerciale pour un événement spécifique, et d’autre part, moral en raison des écrits diffamatoires publiés à son encontre,’
— ’S’ajoute à cela la contrefaçon de la marque et l’usage illicite du nom de domaine’.
Bien que ne citant aucune disposition légale, cette assignation énonçait ainsi les fondements juridiques de l’action suivants : une action en responsabilité pour fautes commises postérieurement à la résiliation du contrat ; une action en contrefaçon de marque ; une action fondée sur l’usage illicite du nom de domaine et permettait à Mme X de se défendre. D’ailleurs, dans l’analyse qu’elle effectue de l’assignation, celle-ci cite également la contrefaçon de marque, l’usage illicite de nom de domaine et la responsabilité ‘civile.’ En première instance, elle a également présenté des moyens de défense pour contester toute
contrefaçon de marque, usage illicite d’un nom de domaine et toute faute de sa part.
Il convient de prendre acte de ce que, selon la société Nature Effiscience, le fondement de sa demande était uniquement une action en responsabilité, et non une action en contrefaçon ou en usage illicite du nom de domaine, celle-ci précisant que la contrefaçon et ledit usage illicite ayant été évoqués comme illustration du comportement fautif au soutien de la demande de dommages-intérêts.
Ainsi, contrairement à ce qu’elle soutient, l’assignation comportait bien un exposé des moyens de droit. Mme X ne démontrant pas qu’elle était entachée d’une cause de nullité, la juridiction de première instance a donc été valablement saisie et la fin de non-recevoir opposée par Mme X sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
2. Sur l’action en responsabilité :
La société Nature Effiscience invoque diverses fautes à l’appui de son action en responsabilité, qui est de nature délictuelle :
— Elle reproche d’abord à Mme X d’avoir publié un message dénigrant sur la page Facebook de la société :
En l’espèce, Mme X ne conteste pas avoir publié le message suivant sur la page Facebook de la société : ‘Rectification ! Le compte n’a pas été piraté, mais bien bloqué pour non-paiement des factures de Community Management… Et absence de réponse aux relances’.
En revanche, elle conteste l’existence d’un dénigrement, soutenant que ne sont pas réunies les conditions permettant de retenir un dénigrement, qu’elle cite comme étant une concurrence entre les parties, l’utilisation de moyens disproportionnés et un avantage tiré par l’auteur des faits.
Cependant, d’une part, selon l’article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et l’existence d’une situation de concurrence n’est pas nécessaire à la qualification d’une faute de dénigrement. (Com., 4 novembre 2020, pourvoi n° 18-23.757) D’autre part, même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure. (Même référence et Com., 4 mars 2020, pourvoi n° 18-15.651).
Il en est également ainsi, et sous les mêmes réserves destinées à protéger la liberté d’expression, en cas de divulgation, par l’une des parties, d’une information de nature à jeter le discrédit sur l’autre partie.
Enfin, le dénigrement peut être constitué même si l’auteur n’en tire aucun avantage.
En l’espèce, le fait d’indiquer, sur la page Facebook de la société intimée, que son compte avait été bloqué en raison de l’absence de paiement de facture, en dépit de relances, est de nature à jeter un discrédit sur ladite société, quand bien même cette absence de paiement était exacte et que les termes utilisés étaient d’ordre purement factuel.
Mme X soutient donc vainement que l’information contenue dans son message était neutre et que dès lors, ‘les termes dans lesquels l’information a été présentée au public ne peut
qu’être considéré proportionnel eu égard aux faits de l’espèce’. En outre, elle ne soutient pas que cette information se soit rapportée à un sujet d’intérêt général, ce qui n’était d’ailleurs pas le cas, s’agissant du blocage de la page Facebook d’une société de vente de produits cosmétiques en raison de l’absence de paiement de factures.
La publication d’un tel message est ainsi fautive.
— La société Nature Effiscience reproche, en outre, à Mme X d’avoir coupé l’accès aux réseaux internet de la société et de ne pas lui avoir restitué les codes d’accès pour l’ensemble des réseaux sociaux.
S’agissant de la page Facebook, la société Nature Effiscience lui reproche d’avoir coupé l’accès au réseau à partir du 6 février 2016 et d’avoir le 16 février 2016 ‘durci la punition en désactivant totalement la page Facebook’, ‘la société n’existant alors plus sur le réseau’.
Mme X reconnaît avoir bloqué l’accès au compte, mais seulement le 6 février 2016 et pour une durée de 48 heures, soutenant qu’il était fonctionnel le 9 février 2016, et conteste toute suspension intervenue le 16 février 2016.
Elle produit des extraits de la page Facebook de la société intimée datés des 8 et 9 février 2016.
Cependant, la société Nature Effiscience produit également un courriel émanant de la messagerie électronique d’Y-Z X le 10 février 2016 l’informant que ‘sans réponse à mes précédentes relances et sans réception du paiement de la facture 0095, l’ensemble des accès réseaux sociaux ont été bloqué. A réception du règlement (par paiement virement), les accès vous seront restitués’, une lettre de l’avocat de la société Nature Effiscience du 15 février 2016 la sommant de rétablir l’accès aux réseaux sociaux (page Facebook, accès Pinterest, accès Twitter, compte Instagram, accès à Google +) et un courriel émanant de la messagerie électronique d’Y-Z X le 16 février 2016 à la société Nature Effiscience lui indiquant ‘je suis toujours dans l’attente du paiement de la facture 0095. Dans cette attente, la page Facebook a été désactivée’.
Mme X soutient que le mail envoyé à la société Nature Effiscience ne démontre pas que l’avertissement aurait été suivi d’exécution. Cependant, il résulte des termes clairs des courriels précités, qu’il ne s’agissait pas d’un avertissement mais de l’information d’une désactivation déjà opérée.
Elle soutient aussi que le fait que le compte ait été bloqué le 6 février et non pas le 16 février 2016 résulte des pièces produites par la société Nature Effiscience qui a tenté de contacter Facebook le 11 février 2018 (en réalité le 11 février 2016 ainsi qu’il résulte de la pièce jointe à la lettre adressée à Facebook) pour signaler le piratage du compte.
Cependant, comme il a été vu, la société Nature Effiscience fait état du blocage à compter du 6 février 2016 et se réfère au mail du 10 février 2016 au soutien de son affirmation selon laquelle l’accès aux réseaux sociaux a été coupé.
Si Mme X soutient et démontre que l’accès à la page Facebook a, à nouveau, été rendu possible le 9 février 2016, les messages ci-dessus montrent que la page a, à nouveau, été bloquée à compter du 10 février 2016, la lettre du 11 février 2016 adressée à Facebook étant ainsi compatible avec un nouveau blocage.
Ainsi, entre le 6 et le 9 février 2016, puis du 10 février jusqu’au moins au 16 février 2016, Mme X a bloqué l’accès à la page Facebook de la société Nature Effiscience.
Il résulte des conclusions de la société Nature Effiscience que cet accès a été rétabli grâce à son intervention auprès de Facebook, celle-ci soutenant que le message dénigrant de Mme X a, alors, été découvert.
S’agissant des accès aux comptes Pinterest et Instagram, Mme X reconnaît également en avoir bloqué l’accès pendant 48 heures à compter du 6 février 2016. Il résulte également du courriel précité de Mme X du 10 février 2016 que l’ensemble des réseaux sociaux étaient bloqués à cette date.
Par suite, elle disposait alors toujours des codes d’accès à ces comptes qu’elle avait communiqués, le 29 décembre 2015, à la société intimée.
S’agissant du réseau Instagram, ce blocage du 6 au 8 février 2016, puis à compter du 10 février 2016 est d’ailleurs corroboré par les échanges de courriels entre la société intimée et Instagram les 10 et 11 février 2016 concernant la démarche à effectuer pour accéder au compte.
La preuve d’un tel blocage n’est pas remise en cause par le fait qu’ont été publiés sur ce compte une photo le 7 janvier 2016 et des commentaires les 8 et 9 février, comme le mentionne son annexe 2 et non pas la date du 10 février 2016 comme elle le soutient.
Selon le constat dressé le 27 juin 2017, un huissier de justice a tenté de se connecter au compte Instagram de la société intimée, mais l’adresse e-mail et le mot de passe y afférant mentionnés dans le courriel de Mme X le 29 décembre 2015 conduisent à la réponse suivante : ‘votre mot de passe est incorrect’.
Ce constat d’huissier est suffisamment précis et donc probant sur le mode opératoire précisé, et il importe peu qu’il ne porte pas mention des codes précis utilisés.
Il ajoute qu’après avoir trouvé, via le navigateur Google, puis ouvert la page Instagram de la société intimée, l’huissier de justice a constaté l’existence de trois photographies, avec les dates des 7 janvier 2016, 20 juin 2015 et 8 octobre 2015.
Ainsi, la société intimée démontre que les codes d’accès ont été modifiés par Mme X et ne correspondent plus à ceux communiqués le 29 décembre 2015. Mme X ne démontre pas avoir restitué les codes d’accès qu’elle a ainsi modifiés.
La société intimée soutient avoir créée le 15 septembre 2017 un nouveau compte Instagram et ne peut donc soutenir ne toujours pas pouvoir accéder à ce réseau social. Il sera cependant observé que Mme X ne soutient ni ne démontre qu’il s’agit du même compte Instagram que celui dont elle détenait les codes.
S’agissant du réseau Pinterest, ce blocage du 6 au 8 février 2016, puis au moins à compter du 10 février 2016 est également corroboré les courriels échangés entre la société intimée et Pinterest du 10 au 16 février 2016.
Dans ces courriels, la société intimée affirme à deux reprises ne pas avoir accès à l’adresse de messagerie reliée au compte Pinterest, bien que la cour observe qu’il s’agisse de celle communiquée par Mme X le 29 décembre 2015 à la société intimée. Mme X indique d’ailleurs que cette adresse de messagerie avait été créée pour lui permettre, dans le cadre de l’exercice de ses missions, d’accéder aux outils Google Analytics.
Selon le constat d’huissier dressé le 27 juin 2017, qui a tenté de se connecter au compte Pinterest, l’adresse émail et le mot de passe y afférant mentionnés dans le courriel de Mme
X le 29 décembre 2015 conduisent à la réponse suivante : ‘cette adresse e-mail est déjà utilisée. Vous avez oublié votre mot de passe’. Sa valeur probante sera retenue pour les motifs précités.
Il résulte de tout ce qui précède que la société intimée démontre que les codes d’accès ont été modifiés par Mme X et ne correspondent plus à ceux communiqués le 29 décembre 2015. En outre, Mme X ne soutient ni ne démontre que la société intimée avait accès à l’adresse de messagerie permettant l’accès au compte.
Le fait qu’une page Pinterest de la société intimée était accessible en novembre 2020 comme le démontre Mme X ne suffit pas à démontrer qu’il s’agisse de la page Pinterest initiale et dont Mme X ne démontre pas avoir restitué les codes. En revanche, la société intimée n’est donc pas fondée à soutenir ne toujours pas pouvoir accéder à ce réseau social.
S’agissant de l’accès au compte Twitter, Mme X a contesté l’avoir bloqué. Cependant, il résulte de son courriel du 10 février 2016 ainsi que du courriel du même jour adressé à Twitter que l’accès à ce réseau avait été bloqué.
La société Nature Effiscience précise avoir pu récupérer son accès à Twitter par ses propres moyens, mais sans préciser la date. La société Nature Effiscience ne justifie donc pas avoir subi un préjudice résultant de la faute de Mme X au-delà du 10 février 2016, ni que Mme X aurait conservé des codes permettant l’accès actuel à ce réseau social.
S’agissant de l’accès au réseau Google +, les pièces produites sont insuffisantes à établir un blocage ou l’impossibilité d’obtenir un nouveau mot de passe.
— la société Nature Effiscience soutient, en outre, que le fait de couper l’accès aux réseaux sociaux s’apparente à du chantage au sens de l’article 312-10 du code pénal, faisant valoir que Mme X a évoqué dans ses échanges que le blocage des moyens de communication sur les réseaux sociaux ne cesserait pas tant que les virements sur son compte ne seraient pas effectués et elle l’expose aux lecteurs sur le mur Facebook de la société.
Alors qu’elle qualifie le chantage reproché au sens de l’article précité du code pénal, elle ne fait cependant état d’aucune menace de ‘révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération’.
— la société Nature Effiscience ajoute que cet agissement s’apparente également à un abus de confiance tel que décrit par l’article 314-1 du code pénal, puisqu’elle a ‘volontairement détourné les moyens et structures de communication de la société Nature Effiscience qui lui avaient été remis pour réaliser son travail, engagement qu’elle avait accepté d’en faire un usage déterminé, qu’elle a détourné à son profit pour dénigrer son donneur d’ordre, opérer un chantage et faire sa propre publicité.’
Il résulte de ce qui précède que Mme X a effectivement détourné les moyens qui lui avaient été confiés au titre de la page Facebook pour dénigrer la société Nature Effiscience. Son préjudice sera réparé à ce titre. En revanche, il a été vu que le chantage tel que qualifié par ladite société n’était pas constitué. Et celle-ci n’indique pas en quoi Mme X aurait détourné ses moyens de communication pour faire sa propre publicité.
Sur le préjudice subi :
La société Nature Effiscience soutient avoir subi un préjudice matériel, dès lors que Mme X a fait échouer l’opération commerciale de la Saint-Valentin du mois de février 2016.
Cependant, elle ne produit aucun élément de nature à justifier de l’existence d’un quelconque préjudice à ce titre. En particulier, sa pièce 10, dont l’auteur est inconnu, n’est pas de nature à apporter une quelconque preuve à cet égard.
Elle ne justifie pas non plus d’une perte de notoriété de la marque sur la toile Web ou d’une chute de son référencement.
D’ailleurs, comme il a été vu, la société Nature Effiscience ne démontre pas que son préjudice tenant au blocage des réseaux sociaux se soit poursuivi dans le temps.
En outre, elle invoque un préjudice moral en raison des écrits diffamatoires publiés à son encontre, mais sans qualifier en quoi les écrits auraient été diffamatoires.
En revanche, le préjudice moral subi du fait du dénigrement et du blocage des réseaux sociaux précités sera évalué à la somme de 5 000 euros.
Elle sera condamnée à payer cette somme à la société intimée, outre intérêts au taux légal à compter du jugement qui sera ainsi confirmé.
Enfin, une telle somme répare entièrement son préjudice, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner en sus la publication de la décision.
3. Sur la demande de communiquer les codes d’accès aux réseaux sociaux :
Les parties conviennent que le 29 décembre 2015, Mme X a restitué à la société Nature Effiscience les codes d’accès. Cependant, comme il a été vu, cette dernière justifie que Mme X a ensuite modifié les codes d’accès aux pages Instagram et Pinterest sans démontrer les avoir restitués.
Sa condamnation à restituer les codes d’accès à ces deux pages sera ainsi confirmée.
Afin de s’assurer de l’exécution de cette condamnation, celle-ci sera assortie d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du 8e jour suivant la signification du présent arrêt, et ce, dans la limite de deux mois.
En revanche, il résulte de ce qui précède que sera infirmée sa condamnation à restituer les codes d’accès au réseau Google +.
4. Sur les demandes reconventionnelles :
— Mme X demande paiement de la somme de 600 euros au titre de sa facture du mois de décembre 2015.
La société Nature Effiscience oppose une exception d’inexécution, dès lors qu’elle n’a pas restitué les mots-clés ayant une incidence sur son référencement sur internet.
Cependant, comme le soutient Mme X, les pièces produites par la société, et notamment 11 et 14, sont insuffisantes à établir que Mme X devait fournir les mots-clés du référencement. Selon la pièce 1 produite par la société, le devis émis par Mme X pour un ‘accompagnement stratégie digitale’ pour un montant minimum de 600 euros par mois, ne citait pas non plus sur une telle tâche.
Par conséquent, la société Nature Effiscience n’est pas fondée à opposer cette exception d’inexécution.
Elle sera condamnée à payer à Mme X la somme de 600 euros au titre de la facture n°0095, outre intérêts au taux légal à compter du 22 février 2016, date de réception de la lettre de mise en demeure de payer, le jugement étant infirmé de ce chef.
— Mme X demande également le paiement d’une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, mais ne justifie pas de l’existence d’une faute de la société, ni d’un préjudice qu’elle en aurait subi. Sa demande sera donc rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
5. Sur les frais et dépens :
Mme X succombant principalement, elle sera condamnée à supporter les dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, et d’appel.
Il convient également de confirmer le jugement ayant statué sur l’article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de condamner Mme X à payer à la société intimée la somme de 2 500 euros à ce titre et de rejeter sa demande de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 17 mai 2019, sauf en ce qu’il a :
— condamné Mme X à restituer à la SARL Nature Effiscience les codes d’accès au réseau Google +,
— débouté Mme X de sa demande reconventionnelle,
L’infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Rejette la demande tendant à condamner Mme X à restituer à la SARL Nature Effiscience les codes d’accès au réseau Google +,
Condamne la SARL Nature Effiscience à payer à Mme X la somme de 600 euros au titre de la facture 0095, outre intérêts au taux légal à compter du 22 février 2016,
Y ajoutant,
Dit que la condamnation de Mme X à restituer à la SARL Nature Effiscience les codes d’accès aux réseaux Instagram et Pinterest sera assortie d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du 8e jour suivant la signification du présent arrêt, et ce, dans la limite de deux mois,
Condamne Mme X à supporter les dépens d’appel,
Condamne Mme X à payer à la SARL Nature Effiscience la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande de ce chef.
La Greffière : la Présidente