Défaillances de progiciel : le calcul du préjudice

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Défaillances de progiciel : le calcul du préjudice
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Tous les préjudices liés directement à l’échec de l’implantation d’un ERP peuvent être indemnisés et notamment les factures des prestataires tiers ainsi que les salaires du personnel intérimaire.

En la cause, la responsabilité de la société Cegid a été retenue en raison de son échec dans la réalisation du projet, évalué à 25 % du premier contrat de 2007 et à la totalité du second contrat de mai 2011. Les dysfonctionnements et absences de mise en oeuvre de certaines fonctionnalités, ainsi que l’abandon du projet par la rupture des relations contractuelles, ont engendré des coûts pour la société Sodimas qu’il convient d’examiner.

Le coût du personnel ayant participé à la mise en place de l’ERP jusqu’en 2011 constitue une dépense qui ne peut être qualifiée de préjudice, dès lors que, selon l’expert, les prestations de la société Cegid réalisées jusqu’en mai 2011 ont apporté les services escomptés, pour les trois-quart du projet. En effet, l’implémentation de l’ERP exigeait la coopération nécessaire de la société Sodimas qui ne peut donc prétendre à l’indemnisation des frais de personnel sur la totalité de la période contractuelle.

Il résulte des contrats de mise à disposition qu’elle produit aux débats, que les intérimaires intervenus au sein de la société Sodimas en 2011 sur la période de préjudice retenue, et mentionnés dans ce tableau, avaient tous pour justificatif de mission l’accroissement d’activité lié à l’ERP. Le lien entre la responsabilité de la société Cegid et le préjudice est donc caractérisé, de sorte que le coût de ces intérimaires, représentant un total de 46.310,61 euros, doit être indemnisé.

En revanche, son préjudice causé par la défaillance de la société Cegid est certain sur la période de mai 2011 à fin 2011, dès lors que les prestations alors réalisées n’ont pas abouti.

Résumé de l’affaire : Les 30 août 2007 et 11 mai 2011, la société Sodimas a signé un contrat avec la société Cegid pour la conception et l’acquisition de progiciels de gestion. Le 6 janvier 2012, Sodimas a résilié le contrat en raison de défaillances graves. Cegid a alors assigné Sodimas en paiement de factures impayées. Après un audit, Sodimas a demandé une expertise, mais celle-ci a été rejetée. Le tribunal de commerce de Lyon a condamné Sodimas à payer Cegid. En appel, la cour a désigné un expert et, par un arrêt du 27 mai 2021, a jugé Cegid responsable des défaillances, a annulé la condamnation de Sodimas et a ordonné à Cegid de verser des dommages-intérêts. Les deux sociétés ont formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation a partiellement annulé l’arrêt de la cour d’appel le 29 mars 2023, renvoyant l’affaire devant la cour d’appel de Lyon. Sodimas a alors saisi la cour de renvoi, demandant des réparations, tandis que Cegid a demandé la confirmation du jugement initial. Les débats sont fixés à l’audience du 27 juin 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Lyon
RG n°
23/02861
N° RG 23/02861 – N° Portalis DBVX-V-B7H-O4W3

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 19 juin 2013

RG : 2012j1625

S.A. SODIMAS

C/

S.A. CEGID

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 26 Septembre 2024

statuant sur renvoi après cassation

APPELANTE :

S.A. SODIMAS au capital de 3 834 000,00 €, immatriculée au RCS de ROMANS SUR ISERE sous le n° 303 265 045, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, postulant et par Me Jean Louis BARTHELEMY de la société MAZARS SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de la DRÔME

INTIMEE :

S.A. CEGID au capital de 18.606.860 €, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro B 410.218.010., poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Julie FAIZENDE de la SELAS IMPLID AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 2247

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 18 Juin 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Juin 2024

Date de mise à disposition : 26 Septembre 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Aurore JULLIEN, conseillère

– Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Les 30 août 2007 et 11 mai 2011, la société Sodimas a conclu avec la société Cegid, éditeur de progiciels, un contrat portant sur la conception et l’acquisition de progiciels destinés à la gestion globale de sa production industrielle.

Le 6 janvier 2012, invoquant de graves défaillances, la société Sodimas a mis fin aux relations contractuelles.

Le 13 juin 2012 la société Cegid a assigné la société Sodimas devant le tribunal de commerce Lyon, en paiement du solde de factures.

La société Sodimas, après avoir sollicité un audit d’expert privé en avril 2012, a saisi le juge des référés par acte du 11 octobre suivant, aux fins d’instauration d’une mesure d’expertise fondée sur l’article 145 du code de procédure civile. Par ordonnance du 13 novembre 2012, cette demande a été rejetée comme étant irrecevable, au motif que le juge du fond était déjà saisi.

Par jugement du 19 juin 2013, le tribunal de commerce de Lyon a rejeté la demande d’expertise judiciaire formée par la société Sodimas et l’a condamnée à payer à la société Cegid la somme de 64.345,61 euros au titre des prestations effectivement réalisées.

La société Sodimas a interjeté appel par acte du 8 juillet 2013.

Par arrêt avant dire droit du 16 octobre 2014 la cour d’appel de Lyon a désigné un expert en la personne de M. [W] [H], qui a déposé son rapport le 6 février 2019.

Par un arrêt du 27 mai 2021, la cour d’appel de Lyon a :

– infirmé le jugement déféré du 19 juin 2013 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant,

– jugé la société Cegid responsable de la défaillance de l’implantation de l’ERP Cegid CMB V9 au sein du système informatique de la société Sodimas,

– jugé recevables les demandes en résiliation des contrats et en dommages-intérêts formulées par la société Sodimas,

– jugé que la société Sodimas était bien fondée à prononcer la résiliation des contrats la liant à la société Cegid, aux torts de celle-ci, pour une date d’effets de la rupture au 6 janvier 2012,

– débouté la société Sodimas de ses demandes au titre du préjudice relatif au coût des travaux effectués par les personnels affectés au projet ERP et au titre du préjudice commercial,

– jugé non écrite la clause limitative de responsabilité et inopposable à la société Sodimas,

– condamné en conséquence la société Cegid à verser à la société Sodimas une somme de 485.801 euros hors taxes en réparation de ses préjudices subis, avec intérêts moratoires au taux légal depuis le 10 mars 2014,

– débouté la société Cegid de sa demande en paiement des factures impayées à hauteur de 64.345,61 euros,

– dit que les intérêts sur cette somme de 64.345,61 euros acquittée par la société Sodimas dans le cadre de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré et à restituer par la société Cegid à la société Sodimas, sont dus par la société Cegid au taux légal à compter du versement jusqu’au jour de la restitution,

– condamné la société Cegid à verser à la société Sodimas une indemnité de procédure de 20.000 euros,

– dit que les dépens de première instance et d’appel, ces derniers intégrant le coût de l’expertise judiciaire et étant à recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, sont à la charge de la société Cegid.

La société Sodimas et la société Cegid ont chacune formé un pourvoi en cassation. Les pourvois ont été joints en raison de leur connexité.

Par arrêt du 29 mars 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de la société Sodimas en paiement de la somme de 369.680 euros au titre du préjudice relatif au coût des travaux effectués par les personnels affectés au projet ERP et en ce qu’il condamne la société Cegid à payer à la société Sodimas la somme de 292.958 euros hors taxes correspondant aux « factures de fournisseurs en remplacement », l’arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon, et renvoyé l’affaire et les parties devant la cour d’appel de Lyon autrement composée.

Par déclaration de saisine du 4 avril 2023, la société Sodimas a saisi la cour de renvoi.

Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 17 juin 2024, la société Sodimas demande à la cour, au visa des articles 1147 et suivants du code civil, de :

– dire recevable et bien fondé son appel à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 19 juin 2013, dans les limites de la cassation intervenue,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 19 juin 2013 en toutes ses dispositions,

– condamner la société Cegid à lui verser, en réparation de son préjudice :

‘ 369.680 euros au titre des salaires et charges du personnel Sodimas et intérimaire dédiés au projet Cegid,

‘ 664.203 euros hors taxes au titre des factures payées par Sodimas à des fournisseurs extérieurs,

– assortir ces condamnations des intérêts légaux à compter du 10 mars 2014 et ordonner la capitalisation des intérêts

– condamner la société Cegid à payer à la société Sodimas la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’appel.

Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 juin 2024, la société Cegid demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1184 anciens du code civil et l’article 564 du code de procédure civile, de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 19 juin 2013 dans les limites de la cassation intervenue,

– débouter la société Sodimas de l’ensemble de ses prétentions,

à titre subsidiaire,

– réduire à de plus justes proportions le préjudice subi par la société Sodimas au regard des incohérences tant des prétentions de la société Sodimas que du rapport d’expertise mais surtout de l’absence de preuve que les sommes sollicitées sont la suite directe et immédiate de l’inexécution contractuelle reprochée à la société Cegid ;

En tout état de cause,

– condamner la société Sodimas à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2024, les débats étant fixés à l’audience du 27 juin 2024.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le préjudice relatif au coût des personnels affectés au projet ERP par la société Sodimas

La société Sodimas fait valoir que :

– la responsabilité de la société Cegid est définitivement acquise, la cassation ne portant que sur l’évaluation des préjudices qu’elle a subis ;

– elle a mis en place des moyens matériels et humains destinés à permettre la réussite de l’implantation des solutions informatiques de la société Cegid, pendant les quatre années de la période contractuelle, alors que les prestations de cette dernière ont été soit inexistantes, soit insuffisantes ;

– elle a été contrainte d’embaucher du personnel spécialement dédié à la mise en place de l’ERP de la société Cegid ; les importantes difficultés de mise en place de l’ERP ont également provoqué une grave désorganisation de l’ensemble des services de la société ;

– son préjudice est indéniable et a été confirmé par l’expert, il représente la somme de 369.680 euros

La société Cegid réplique que :

– la société Sodimas produit enfin les contrats nécessaires à l’examen de sa demande en paiement ; il en résulte que, si l’on retient les conclusions de l’expert, seulement 60.829,85 euros devraient être pris en compte ; certains contrats à durée déterminée sont sans lien avec la faute qui lui est reprochée ;

– la société Sodimas échoue à rapporter la preuve d’un lien de causalité direct et suffisant, de sorte que sa demande doit être rejetée.

Sur ce,

La responsabilité de la société Cegid dans la défaillance de l’implantation de l’ERP a été retenue par l’arrêt de la cour d’appel de Lyon du 27 mai 2021 non atteint par la cassation sur ce point. Cette responsabilité, définitivement jugée, est donc acquise. Il en va de même de la résiliation des contrats liant la société Sodimas à la société Cegid, aux torts de cette dernière et à effet au 6 janvier 2012.

Il résulte du rapport d’expertise, que la société Cegid a mis en place une partie importante des fonctionnalités LOT1, LOT2 et pour partie LOT3 définies au contrat conclu en 2007, l’expert estimant ainsi que ce contrat avait été exécuté à 75 %. Il indique que ‘les prestations effectuées par la Sté CEGID jusqu’à mai 2011 ont apporté les services escomptés et devaient faire l’objet des factures correspondantes’ (rapport p. 87).

Toutefois, l’expert précise qu’ ‘il est certain que la Sté SODIMAS a sollicité de manière importante ses personnels utilisateurs et informatiques, afin de se former, tester et tenter de mettre en oeuvre l’ERP CEGID, en pure perte, à partir de mai 2011’, ajoutant que ‘le coût des travaux effectués par les personnels affectés au projet ERP, durant la période allant de mai 2011 à fin 2011, représente ainsi un préjudice réel pour la Sté SODIMAS’ (rapport p. 92).

Il s’avère en conséquence, que le coût du personnel ayant participé à la mise en place de l’ERP jusqu’en 2011 constitue une dépense qui ne peut être qualifiée de préjudice, dès lors que, selon l’expert, les prestations de la société Cegid réalisées jusqu’en mai 2011 ont apporté les services escomptés, pour les trois-quart du projet. En effet, l’implémentation de l’ERP exigeait la coopération nécessaire de la société Sodimas qui ne peut donc prétendre à l’indemnisation des frais de personnel sur la totalité de la période contractuelle.

En revanche, son préjudice causé par la défaillance de la société Cegid est certain sur la période de mai 2011 à fin 2011, dès lors que les prestations alors réalisées n’ont pas abouti. La société Sodimas a dressé un tableau du coût du personnel lié à la mise en place de l’ERP, pour la période de 2006 à 2011 (sa pièce n° 59), mais seuls les coûts exposés de mai 2011 à fin 2011 seront ainsi examinés.

Il résulte des contrats de mise à disposition qu’elle produit aux débats, que les intérimaires intervenus au sein de la société Sodimas en 2011 sur la période de préjudice retenue, et mentionnés dans ce tableau, avaient tous pour justificatif de mission l’accroissement d’activité lié à l’ERP. Le lien entre la responsabilité de la société Cegid et le préjudice est donc caractérisé, de sorte que le coût de ces intérimaires, représentant un total de 46.310,61 euros, doit être indemnisé.

Quant à la salariée en CDD Mme [P], elle a signé un contrat de travail avec la société Sodimas pour la période du 1er septembre 2010 au 31 août 2011, soit en partie sur la période à indemniser (pièce n° 68 de Sodimas). Au titre de ses diverses tâches apparaît la mission d’intégration d’une partie des tarifs dans la base SQL, ce qui rattache son intervention à la mise en place de l’ERP et établit ainsi le lien de causalité entre le coût exposé pour l’emploi de cette salariée et la responsabilité de la société Cegid. S’agissant du montant à retenir, le coût à prendre en compte est celui exposé pour les mois de mai à août 2011, correspondant à la période commune au préjudice et au contrat de travail. Le bulletin de paie du mois d’août 2011 fait apparaître en cumul annuel soit pour huit mois, un salaire brut de 17.958,89 euros et 7.396,93 euros de charges patronales, de sorte qu’il convient de retenir la somme de 12.677,91 euros pour la période d’indemnisation de mai à août 2011.

En conséquence, le coût du personnel retenu au titre de l’indemnisation de la société Sodimas est de 58.988,52 euros (46.310,61 + 12.677,91). La société Cegid sera donc condamnée à lui payer cette somme.

Sur le préjudice résultant des factures de fournisseurs ainsi que de conseil et d’assistance

La société Sodimas fait valoir que :

– elle a été contrainte de régler des factures afin de permettre l’implantation des solutions informatiques de la société Cegid ; ces factures portent sur du matériel informatique acquis en remplacement de celui sur lequel devait fonctionner la solution logicielle Cegid et qui était uniquement destiné à cette solution ; elle a été contrainte de maintenir l’utilisation de son ancien système AEG afin de pouvoir poursuivre son activité industrielle ;

– elle a également été contrainte de recourir à des prestations d’assistance et de conseil en vue de l’implantation de la solution Cegid (factures SINPARDE, ASMX, Ernst & Young) est causé par l’échec de l’ERP Cegid ; il s’agit d’un préjudice qui a été constaté par l’expert judiciaire ;

– l’ensemble de ces frais, réglés en pure perte, sont la conséquence directe de la résolution fautive du contrat conclu avec la société Cegid.

La société Cegid réplique que :

– la société Sodimas ne justifie pas du lien de causalité direct entre les factures invoquées et le projet litigieux ;

– les factures afférentes au matériel informatique ne peuvent être indemnisées car cela reviendrait à une gratuité, même partielle, de la maintenance courante du système informatique de la société Sodimas ; cette demande doit être rejetée en intégralité ; il en va de même des factures GBF pour la maintenance du serveur ;

– quant aux factures des prestations d’assistance et de conseil, ce poste de préjudice n’est pas justifié : la nature des prestations n’est pas précisée, le taux journalier est particulièrement élevé, aucune facture ne fait mention du projet Cegid ; une partie de la facturation de la société SINPARDE ne porte pas sur le projet Cegid ; les prestations de la société ASMX sont afférentes au maintien en condition opérationnelle de la solution informatique existante, de sorte que la société Sodimas ne peut réclamer cette double indemnisation, et certaines factures sont sans aucun lien avec le projet litigieux, de sorte que ce poste de préjudice doit être rejeté en intégralité.

Sur ce,

La responsabilité de la société Cegid a été retenue en raison de son échec dans la réalisation du projet, évalué à 25 % du premier contrat de 2007 et à la totalité du second contrat de mai 2011. Les dysfonctionnements et absences de mise en oeuvre de certaines fonctionnalités, ainsi que l’abandon du projet par la rupture des relations contractuelles, ont engendré des coûts pour la société Sodimas qu’il convient d’examiner.

– Factures DELL

L’expert indique que les matériels Dell (serveurs et postes clients) acquis pour la mise en oeuvre de la solution ERP de la société Cegid ‘ont été réellement utilisés durant toute la période d’exploitation de l’ERP CEGID allant de 2007 à fin 2011’.

Toutefois, il précise dans son pré-rapport auquel il renvoie dans son rapport définitif, que ‘la deuxième partie de projet (Version 9 CBM et fonctionnalités) ayant échoué, la Sté SODIMAS a nécessairement été conduite à remplacer ces matériels, en mettant en oeuvre une nouvelle solution ERP après 2012.’

Il estime que, ‘au regard de l’utilisation partielle dans le temps et de l’amortissement de ces matériels’, il estime le préjudice à 50 % du coût des matériels, soit la somme de 32.630 euros HT.

Il résulte de ces éléments, que la société Sodimas a été contrainte de changer le matériel en raison de l’échec de la solution de Cegid pour laquelle il avait été acquis, ce qui caractérise le lien de causalité entre le préjudice et les manquements de la société Cegid. De plus, l’estimation proposée par l’expert prend bien en compte l’utilisation partielle du matériel qui a été faite de 2007 à 2011, et son amortissement.

En conséquence, il convient de retenir la somme de 32.630 euros HT au titre du préjudice de la société Sodimas pour ce poste.

– Factures IBM et GBF

L’expert indique, dans son pré-rapport, qu’ ‘après implantation et mise en route effective de l’ERP CEGID, la Sté SODIMAS aurait dû arrêter l’exploitation de sa solution logicielle interne AEG. Ainsi, elle n’était plus tenue de faire fonctionner et maintenir son matériel serveur IBM RS/6000, et ainsi régler les factures de maintenance à la Sté IBM.’ Il ajoute, dans son rapport définitif, que ‘les coûts supportés par la Sté SODIMAS pour maintenir en place son ancien logiciel AEG sont bien la conséquence de l’échec de la mise en oeuvre de l’ERP CEGID en version 9’.

Cependant, comme le fait justement observer la société Cegid, la société Sodimas avait des coûts de maintenance à exposer, que ce soit pour le serveur IBM pour l’exploitation de l’ancienne solution logicielle AEG, ou pour l’ERP de Cegid. Or, l’ERP version 9 de Cegid n’a pas été mis en oeuvre. Et aux termes de l’arrêt du 27 mai 2021, non atteint par la cassation sur ce point, la société Sodimas a obtenu le remboursement des sommes versées à la société Cegid au titre des prestations non exécutées, soit la somme de 192.843 euros HT. Il n’est donc pas démontré que la société Sodimas aurait ainsi supporté un double paiement.

Les factures IBM et GBF ne constituent donc pas un préjudice et ce poste de demandes sera écarté.

– Factures Sinparde

L’expert a analysé les factures de la société Sinparde qui a fourni des prestations de conseil à la société Sodimas ‘afin de réaliser un audit du fonctionnement de l’entreprise SODIMAS et de son système d’information’ et ‘dans le but de proposer aux dirigeants de l’entreprise, un schéma directeur concernant son organisation et l’évolution de son système informatique’. L’expert considère que les prestations de la société Sinparde ‘ne sont que partiellement, mais certainement, liées au projet ERP’ de Cegid.

Il estime que, ‘si la Sté CEGID avait implanté de manière efficace et rapide les fonctionnalités prévues initialement au projet (à partir de 2007), la Sté SODIMAS n’aurait pas/ou moins sollicité la Sté SINPARDE pour accompagner son évolution.’ (rapport p. 90).

Il ajoute que, ‘en fin 2011, [la société Sodimas], constatant que l’implantation de l’ERP CEGID en V9 n’aboutissait pas, a eu recours, en urgence, à la Sté SINPARDE afin d’analyser au global, le fonctionnement de son entreprise, les flux d’information relatifs à sa gestion et à son activité réelle et la manière dont ceux-ci étaient organisés et traités au travers des logiciels CEGID depuis 2007. Cette intervention de la Sté SINPARDE est ainsi la conséquence directe de l’échec d’implantation de l’ERP CEGID CBM en version 9’ (rapport p. 119).

Il est donc établi que les manquements de la société Cegid et l’impossibilité de mettre en oeuvre l’ERP version 9 ont contraint la société Sodimas à faire appel à cette société de conseil afin de réorienter son système d’information. Ce préjudice invoqué par la société Sodimas présente ainsi un lien direct et certain avec la responsabilité de la société Cegid.

L’expert évalue le préjudice de la société Sodimas à 50 % des facture payées à la société Sinparde, soit la somme de 166.962 euros HT. Il résulte de l’examen des factures produites aux débats (pièce n° 85-7 de Sodimas), que ce montant correspond à la moitié du total des factures de la société Sinparde sur l’année 2011 uniquement, et que n’ont ainsi pas été prises en compte les factures de 2012.

En effet, c’est de manière tout à fait pertinente que l’expert indique que ‘ces prestations ont vraisemblablement consisté pour partie à l’implantation d’un nouvel ERP, en remplacement de l’ERP CEGID ‘ (rapport p. 91) et que ‘le financement de cette dernière activité ne peut évidemment pas être retenue comme étant un préjudice subi par la société SODIMAS’ (rapport p. 119).

Il convient donc de retenir la proposition de l’expert et d’évaluer le préjudice de la société Sodimas à la somme de 166.962 euros HT pour ce poste.

– Factures ASMX

L’expert indique que, ‘de même que les factures IBM et GBF, la Sté SODIMAS ayant été amenée à continuer l’exploitation de son ancien logiciel AEG, au regard de l’échec de l’implémentation de l’ERP CEGID, il convient de retenir ce poste de préjudice.’

Toutefois, il a été retenu précédemment, que le maintien de l’exploitation de l’ancien logiciel AEG ne constituait pas un préjudice pour la société Sodimas, dès lors qu’il n’y avait pas une double exploitation de deux systèmes et que la société Sodimas s’est vu restituer les sommes versées à la société Cegid pour la partie du projet qui n’avait pas abouti.

Il en va donc de même pour les factures ASMX et ce poste sera également écarté.

– Factures Ernst & Young

Il résulte du rapport de l’expert comme des écritures de la société Sodimas, que la société Ernst & Young est intervenue en 2006 et que ses prestations ont consisté à :

– rédiger un cahier des charges cernant les besoins de la société Sodimas et permettant de consulter différents fournisseurs d’ERP,

– analyser les offres techniques et commerciales pour retenir une solution et un fournisseur informatique.

Ces prestations sont antérieures à l’intervention de la société Cegid et s’avèrent sans lien avec l’échec, en 2011, de l’implantation de l’ERP dans sa version 9 dont la responsabilité incombe, aux termes du rapport d’expertise, à la seule société Cegid.

Il en résulte que les sommes payées par la société Sodimas à la société Ernst & Young ne constituent pas un préjudice et sont sans lien avec la responsabilité retenue à l’encontre de la société Cegid.

Ce poste de demande sera donc écarté.

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, la société Cegid est condamnée à payer à la société Sodimas la somme de 32.630 euros HT au titre des factures Dell et la somme de 166.962 euros HT au titre des prestations de la société Sinparde, soit un total de 199.592 euros HT au titre des factures de fournisseurs extérieurs.

Les condamnations, en ce compris celle au titre des frais de personnel affecté examinée supra, porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision, s’agissant, non de sommes contractuellement dues, mais de l’indemnisation de préjudices, déterminée par l’arrêt.

En revanche, conformément à l’article 1343-2 du code civil, il convient d’accueillir la demande de capitalisation des intérêts formée par la société Sodimas,

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Cegid succombant à l’instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel qui comprennent ceux afférents à l’arrêt cassé, en ce inclus le coût de l’expertise judiciaire, conformément à l’article 639 du code de procédure civile.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société Cegid étant tenue aux dépens, elle sera condamnée à payer à la société Sodimas la somme de 4.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement, dans les limites de la cassation,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Cegid à payer à la société Sodimas, en réparation de ses préjudices :

– la somme de cinquante-huit mille neuf-cent-quatre-vingt-huit euros et cinquante-deux centimes (58.988,52 euros) au titre des frais de personnel affecté,

– la somme de cent quatre-vingt-dix-neuf mille cinq-cent-quatre-vingt-douze euros (199.592 euros) HT au titre des fournisseurs extérieurs ;

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Cegid aux dépens de première instance et d’appel, qui comprennent ceux afférents à l’arrêt cassé, en ce inclus le coût de l’expertise judiciaire ;

Condamne la société Cegid à payer à la société Sodimas la somme de quatre mille euros (4.000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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