AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Sapro, société à responsabilité limitée, dont le siège est …,
en cassation d’un arrêt rendu le 21 mai 1996 par la cour d’appel de Rennes (5e chambre), au profit de Mlle Marie-Aline Y…, demeurant …,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l’audience publique du 1er juin 1999, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire rapporteur, M. Lanquetin, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, M. Besson, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, les observations de Me Luc-Thaler, avocat de la société Sapro, de la SCP Boré et Xavier, avocat de Mlle Y…, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que Mlle Y… est entrée le 1er juin 1970 au service de l’entreprise « Le Guignol de France » devenue en 1981 société Sapro, en qualité de décoratrice ; qu’elle a reçu le 15 juin 1994 une lettre de son employeur mettant fin à son contrat de travail pour mise à la retraite ; que le 30 juin 1994, l’employeur, revenant sur le motif de la rupture, lui notifiait son licenciement pour motif économique, puis, le 17 août suivant, revenant sur cette deuxième lettre, lui indiquait qu’il la gardait au sein de ses effectifs et annulait le licenciement par lettre du 8 septembre 1994 ; que la salariée a saisi la juridiction prud’homale afin de faire constater qu’elle avait été licenciée dès le mois de juin 1994 et obtenir des dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
Attendu que la société Sapro fait grief à l’arrêt attaqué (Rennes, 21 mai 1996) d’avoir dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l’avoir condamnée à payer des dommages-intérêts du fait de ce licenciement et du non-respect de la procédure, alors, selon le moyen, que la lettre du 15 juin par laquelle l’employeur a mis fin aux relations contractuelles en prévoyant une mise à la retraite de la salariée était fondé sur un motif économique précis tiré de l’obligation d’arrêter partiellement la production devant les difficultés de vente de ses articles ; que certes dès lors que la salariée n’avait pas les 150 trimestres requis, cette mise à la retraite constituait en réalité un licenciement, mais que celui-ci était fondé, contrairement à ce qu’ont cru pouvoir décider les juges du fond sur des motifs réels et précis permettant d’en vérifier la réalité ; qu’ainsi les juges du fond ont violé les articles L. 122-14-13, L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail ; et alors que les motifs dubitatifs équivalent à un défaut de motifs, les juges du fond n’ont pu de manière tout à fait incidente, considérer qu’on peut « légitimement douter » de la réalité de ce motif économique, sans répondre aux conclusions de la société Sapro faisant valoir que les raisons pour lesquelles elle avait été amenée à proposer à Mlle Y… de reprendre temporairement son travail sans examiner les bilans et les pièces comptables versées aux débats et établissant la réalité des difficultés économiques invoquées ; et alors, subsidiairement, qu’aucune indemnité pour irrégularité de procédure ne peut être allouée lorsqu’est attribuée une indemnité sanctionnant l’absence de cause réelle et sérieuse ;
qu’ainsi, en allouant une somme réparant à la fois l’absence prétendue de cause réelle et sérieuse et le non-respect de la procédure, les juges du fond ont violé l’article L. 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu d’abord que la cour d’appel qui a constaté que la lettre de licenciement du 30 juin 1994 ne comportait aucun motif, a exactement décidé, sans encourir les griefs du moyen, que le licenciement ne procédait pas d’une cause réelle et sérieuse ;
Et attendu que la cour d’appel qui, constatant l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et l’existence d’une irrégularité de procédure, a réparé par une seule et même somme l’entier préjudice de la salariée, a fait une juste application du texte susvisé ; que le moyen n’est pas fondé ;