Décodeurs Canal plus Ready : ouverture à la concurrence

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Décodeurs Canal plus Ready : ouverture à la concurrence
Ce point juridique est utile ?

Commercialisation des décodeurs satellitaires compatibles

L’Autorité de la concurrence a rendu obligatoires les engagements proposés par la société Groupe Canal Plus (GCP) dans le cadre de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des décodeurs de signaux de télévision par satellite. L’Autorité a considéré qu’en mettant un terme aux partenariats dits « Canal Ready » que GCP avait conclus avec les fabricants de décodeurs compatibles avec ses offres linéaires, ces derniers étaient privés de la possibilité d’offrir une alternative au décodeur mis à disposition par GCP à ses abonnés. La décision de GCP était en effet susceptible d’exclure ces fabricants du marché de la fourniture de décodeurs satellitaires compatibles avec ses offres payantes et d’affecter les consommateurs finals, dépourvus de leur faculté de choisir leur décodeur.

Restrictions de concurrence et piratage

Ces effets sur le fonctionnement de la concurrence apparaissaient disproportionnés au regard de l’objectif de lutte contre le piratage de GCP. GCP paraissait ainsi susceptible d’avoir abusé de son éventuelle position dominante sur le marché de la distribution de la télévision payante en méconnaissance des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Engagements du Groupe Canal Plus

À la suite de cette évaluation préliminaire, Groupe Canal Plus a présenté des engagements. Le groupe s’est engagé notamment, jusqu’au 31 décembre 2021, à permettre aux industriels tiers de fabriquer des décodeurs recevant non seulement les contenus linéaires mais également les contenus non-linéaires, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent. Les décodeurs seront assortis du logo « myCanal », afin d’indiquer aux consommateurs qu’ils permettent de recevoir les contenus inclus dans cette offre. Les équipements en question devront comporter un module d’accès logiciel qui permettra à GCP de contrôler la sécurité du signal. Les abonnés équipés d’un matériel « Canal Ready » dépourvu du module d’accès et voué à l’obsolescence auront la possibilité de résilier leur abonnement tous les mois s’ils ne souhaitent pas se munir d’un nouveau décodeur ou en louer un auprès de GCP. Ces engagements feront l’objet d’une communication par GCP auprès des fabricants de décodeurs « Canal Ready » et des abonnés « carte seule ».

Les différentes fonctions des décodeurs

Pour rappel, les signaux télévisuels émis sont encodés, compressés et éventuellement cryptés avant d’être envoyés vers les téléspectateurs qui doivent alors s’équiper d’un récepteur spécifique pour les visionner. Il peut s’agir d’offres de services de télévision cryptées ou non cryptées, gratuites ou payantes, quelle que soit la plateforme de diffusion concernée. Sur les réseaux filaires, seuls les décodeurs développés par ou pour les opérateurs permettent de recevoir les offres de GCP. Les décodeurs sont mis à disposition des abonnés par les FAI.

Sur la TNT, les décodeurs sont mis à disposition des abonnés par GCP. Sur le satellite, plus de 90 % des abonnés de GCP louent un décodeur auprès de ce dernier au prix de 6 euros par mois. L’abonné doit également payer un dépôt de garantie de 75 euros. La version la plus répandue du décodeur loué par GCP est « Le Cube » 5ème génération ou « G5 ». Dans le cas des décodeurs « carte seule » et les contrats de partenariat Canal Ready, les abonnés achètent dans le commerce un décodeur où ils insèrent une carte à puce délivrée par GCP. Ces cartes sont dites « cartes seules » et les décodeurs concernés « décodeurs carte seule ». Ce choix leur est présenté, sur le site internet de GCP, au moment de la souscription à l’offre payante. Ils peuvent donc choisir entre la souscription d’un abonnement de télévision payante accompagnée de la location d’un décodeur fourni par GCP ou la seule souscription à l’abonnement. Les décodeurs carte seule ne permettent cependant que d’accéder à l’offre linéaire de GCP.

Historique des contrats conclus

En 2009, GCP a conclu des accords dénommés « Partenariat CANAL READY Décodeurs Satellite » avec 24 fournisseurs de décodeurs. Ces accords définissaient les conditions de conception, fabrication et commercialisation de décodeurs « permettant de recevoir les Offres Payantes de CANAL+ […] ». Une liste des décodeurs compatibles avec l’offre de GCP était disponible sur son site internet. Environ 5 % des abonnés disposent d’un décodeur satellitaire fourni par Orange ou SFR aux foyers inéligibles à la télévision par ADSL ou fibre.

Avant la création du label, l’accès aux offres de GCP via les décodeurs « carte seule » était déjà possible par l’achat d’un terminal certifié Viaccess dans lequel l’abonné insérait une carte fournie par CGP. La mise en place du label impliquait un plan de migration des décodeurs TNT SAT vers des décodeurs permettant, à la guise du consommateur, de souscrire à un abonnement payant en sus des chaines gratuites de la TNT. L’objectif était ainsi d’étendre la base d’abonnés de GCP en s’appuyant sur le parc de terminaux TNT SAT.

Depuis cette date, seuls les décodeurs respectant le cahier des charges établi par GCP et ayant fait l’objet d’une certification permettent d’accéder à l’offre payante de GCP. L’apposition de la marque Canal Ready sur les décodeurs fabriqués dans le cadre de ce partenariat permet aux consommateurs d’identifier, dans le commerce, les décodeurs compatibles avec les offres payantes de GCP. Par ailleurs, outre l’acquisition d’un décodeur compatible, le consommateur doit également se procurer une carte seule délivrée par GCP qu’il insère dans le décodeur. Pour GCP, le label Canal Ready renforce aussi la sécurité du système carte seule, et permet de lutter contre le piratage, en soumettant les fabricants de décodeurs « à un certain nombre d’exigences techniques destinées à progressivement combler les failles inhérentes à l’utilisation des cartes seules ».

Système de protection des droits

La position commerciale du groupe GCP était notamment justifiée par le risque de piratage de ses ressources. En effet, les distributeurs de contenus télévisuels procèdent au cryptage des signaux afin de restreindre le cercle des utilisateurs à ceux qui se trouvent dans la zone d’exploitation des droits (TNT gratuite), ou qui paient un abonnement dans le cas d’une offre payante. Les décodeurs vérifient les droits des utilisateurs et déchiffrent le flux chiffré grâce à un algorithme et une clé secrète. La gestion des clés (notamment leur chiffrement et déchiffrement) est assurée par des fournisseurs de systèmes d’accès conditionnels choisis par le distributeur de télévision. GCP a choisi de recourir à plusieurs systèmes de sécurité de manière simultanée sur le parc de décodeurs permettant la réception de ses offres. En effet, il a recours à « Merlin » pour son parc locatif permettant d’accéder à ses offres payantes et à « Viaccess » pour le parc TNT SAT (chaînes gratuites) et carte seule (contenu payant). Le recours à des systèmes différents permet en principe de cloisonner une éventuelle faille sur un système afin d’éviter que celle-ci se généralise. Ces solutions de sécurité, dont l’objectif est de limiter l’accès au contenu aux seules personnes autorisées, sont toutefois régulièrement contournées par les manœuvres de pirates. Bien que le piratage existe dans des formes variées sur la plupart des plateformes de diffusion, il touche particulièrement la plateforme satellitaire. Sur le satellite, le piratage peut en effet avoir lieu au niveau du signal, du décodeur ou de la carte.

Une forme très répandue de piratage propre à cette plateforme consiste à récupérer, dupliquer et partager les mots de contrôle décryptés (« control word sharing » ou « card sharing »). Les récepteurs pirates, disponibles notamment en ligne, peuvent accéder en clair aux contenus encryptés sans carte à puce. Les FAI, qui utilisent principalement les réseaux filaires fermés, seraient par conséquent moins exposés au piratage que ne l’est GCP.  S’agissant en particulier de la lutte contre le piratage de type « card sharing », les actions entreprises incluent par exemple la mise en place de contremesures techniques (détection et changement de cartes), l’identification de points d’entrée des pirates et des serveurs alimentant les pirates, mesures auxquelles s’ajoutent la sensibilisation des abonnés et l’introduction d’actions contentieuses.


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