7 juillet 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
22/00356
ARRÊT N°
NC
R.G : N° RG 22/00356 – N��Portalis DBWB-V-B7G-FVNI
[B]
C/
S.A. [4]
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 07 JUILLET 2023
Chambre civile
Rétablissement personnel
Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT PIERRE en date du 23 FEVRIER 2022 suivant déclaration d’appel en date du 14 MARS 2022 RG n° 11-21-40
APPELANT :
Monsieur [U] [I] [B]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
non comparant représenté par Me Virginie VON PINE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
S.A. [4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
non comparante
DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 Mai 2023 devant Madame COURTOIS Nathalie, Présidente de chambre, qui en a fait un rapport, assistée de Mme Véronique FONTAINE, Greffier, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre
Conseiller : Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre
Conseiller : Monsieur Yann CATTIN, Président de chambre
Qui en ont délibéré
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 07 Juillet 2023.
* * *
LA COUR :
Exposé du litige:
Le 21 avril 2021, M.[U] [I] [B] a déposé un dossier de surendettement.
Dans sa séance du 27 mai 2021, la commission de surendettement des particuliers de la Réunion a constaté la situation de surendettement de M.[U] [I] [B]. Agé de 53 ans, agent de proximité, actuellement salarié en contrat à durée indéterminée, séparé avec un enfant à sa charge en garde alternée ‘âgé de 20 ans’. Ses ressources sont évaluées à 2285 euros et ses charges de 1367 euros. Il a été déterminé un minimum légal à laisser à sa disposition de 1367,65 euros, une capacité de remboursement de 918 euros et un maximum légal de remboursement de 917,35 euros. La commission, après examen du dossier, a retenu une mensualité de remboursement de 917,35 euros[;..].
Ainsi elle préconise le rééchelonnement de tout ou partie des créances sur une durée maximum de 84 mois, au taux de 0% selon les modalités décrites dans le document ci-joint.
Après analyse de la situation, compte tenu de l’importance de l’endettement au regard de la capacité de remboursement du débiteur, la commission impose un taux inférieur au taux de l’intérêt légal pour tout ou partie des mesures.
De plus constatant son insolvabilité partielle, la commission préconise l’effacement partiel ou total de dettes du dossier à l’issue des mesures.
La commission invite le débiteur à contacter l’assureur des crédits à la consommation et/ou immobiliers ou directement chaque créancier pour maintenir ou reprendre les garanties. Les primes d’assurance seront à régler en plus des présentes mesures.
M.[U] [I] [B] devra continuer à régler à échéance les charges courantes.
La commission l’invite à demander, dès que cela est possible, la mensualisation des charges et impositions courantes pour une meilleure gestion de son budget mensuel […]’.
Par courrier reçu au greffe du tribunal judiciaire de Saint-Pierre, la commission de surendettement des particuliers de la Réunion a transmis la contestation de la SA [4] à l’encontre des mesures imposées élaborées par la commission le 29 juillet 2021 dans le cadre du dossier de surendettement de M.[U] [I] [B].
Le motif du recours étant: ‘Le patrimoine immobilier de M.[U] [I] [B] n’a pas été déclaré. M.[U] [I] [B] a sollicité un emprunt immobilier pour un bien situé [Adresse 2], ce bien est toujours en sa possession. Le bien est actuellement occupé par les parents de M.[U] [I] [B] qui n’acquittent pas de loyer. En conséquence, nous souhaitons que l’effacement partiel soit annulé et que notre créance soit entièrement acquittée’.
Par jugement du 23 février 2022, le juge en matière de surendettement du tribunal judiciaire de Saint-Pierre a:
déclaré M.[U] [I] [B] irrecevable au bénéficie de la procédure de traitement des situations de surendettement en raison de sa mauvaise foi,
dit que le présent jugement sera notifié à chacune des parties par lettre recommandée avec accusé de réception,
laissé les dépens à la charge du Trésor.
Le 15 mars 2022, M.[U] [I] [B] a interjeté appel de la décision précitée.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience de plaidoirie du 25 novembre 2022.
Par courrier recommandé reçu le 26 septembre 2022, la SA [4] a accusé réception de la convocation précitée et a indiqué ne pas pouvoir y assister ni se faire représenter, joignant le détail de sa créance. Elle a rappelé que M.[U] [I] [B] avait indiqué lors de l’audience du 24 novembre 2021 qu’il avait vendu le bien, objet de son financement depuis 2015 pour un montant de 145000 euros sans la désintéresser et qu’il avait utilisé les fonds pour ses besoins personnels. Elle a joint à son courrier la copie de l’offre de prêt, de sa déclaration de créance n°S0108358911 réactualisée, de son recours du 6 août 2021.
Lors de l’audience du 25 novembre 2022, M.[U] [I] [B] a sollicité le renvoi de l’affaire aux fins de notifier à la SA [4] ses conclusions et pièces. L’affaire a été renvoyée pour plaidoirie à l’audience du 27 janvier 2023.
Par arrêt du 24 mars 2023, la chambre civile de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a:
ordonné avant dire droit la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur la recevabilité de l’appel interjeté par M.[U] [I] [B] à l’encontre du jugement du 23 février 2022 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Pierre,
autorisé les parties à formuler leurs observations par écrit sous réserve de les avoir notifiées par lettre recommandée avec accusé de réception à l’autre partie et d’en justifier au greffe de la chambre civile de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion conformément à l’article 831 du code de procédure civile,
sursis à statuer sur les demandes,
renvoyé l’affaire à l’audience du 26 mai 2023 à 9h devant la chambre civile de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion,
dit que le présent arrêt vaut convocation,
réservé les dépens.
Par conclusions transmises par RPVA du 24 mai 2023 et notifiées à la SAS [4] par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 mai 2023, M.[U] [I] [B] sollicite sur le fondement des articles 473 alinéa 2 et 477 du code de procédure civile, les articles 536 et 680 du code de procédure civile, de voir:
in limine litis, juger recevable l’appel interjeté par M.[U] [I] [B],
à défaut et en tout état de cause, infirmer la décision déférée,
requalifier la décision déférée,
juger que M.[U] [I] [B] pourra exercer, dans le délai de droit commun, la voie de recours approprié à compter de la notification de l’arrêt de la juridiction de céans,
statuant à nouveau pour les motifs sus-exposés, faire droit à la demande de M.[U] [I] [B],
dire et juger sa demande en surendettement recevable et fondée,
réexaminer l’ensemble de la situation de M.[U] [I] [B] et de l’ensemble de ses dettes en vue de l’élaboration d’un plan conventionnel de redressement,
en conséquence, débouter la SAS [4] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
suspendre toute procédure d’exécution.
La SAS [4], régulièrement convoquée, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.
Sur ce’:
Sur la recevabilité de l’appel
Dans ses écritures, M.[U] [I] [B] relève que le jugement a été qualifié de jugement rendu en premier ressort susceptible d’appel, de sorte qu’il estime son appel recevable. A minima, et au vu de la notification irrégulière, il considère que son droit à recours et la possibilité de l’exercer n’ont pas commencé à courir.
Il convient de rappeler que la qualification inexacte d’un jugement par les juges qui l’ont rendu, est sans effet sur le droit d’exercice d’un recours, de sorte que l’appel n’est pas ouvert à l’encontre d’un jugement qualifié à tort en premier ressort
Cependant, la qualification erronée d’un jugement, présenté à tort comme rendu en « premier ressort « , ne saurait avoir pour effet de préjudicier au justiciable qui, induit en erreur sur la voie de recours applicable, a interjeté appel de cette décision. Aussi, le délai de pourvoi à son encontre ne commence à courir que de la date de notification de l’arrêt sauf à ce que l’acte de notification mentionne la voie de recours effectivement ouverte.
Selon l’article L733-12 du code de la consommation, ‘Une partie peut contester devant le juge du tribunal d’instance, dans un délai fixé par décret, les mesures imposées par la commission en application des dispositions de l’article L. 733-1 ainsi que les mesures recommandées par la commission en application des dispositions de l’article L. 733-7 ou de l’article L. 733-8 ‘.
Selon l’article L733-13 du code précité, ‘ Lorsque les mesures prévues par les articles L. 733-7 et L. 733-8 sont combinées avec tout ou partie de celles prévues par l’article L. 733-1, le juge saisi d’une contestation statue sur l’ensemble des mesures dans les conditions prévues à l’article L. 733-15’.
En l’espèce, la SA [4] a contesté les mesures prises par la commission qui portaient sur des mesures telles que prévues par l’article L733-1 (échelonnement pour l’ensemble des créanciers) et L733-7 (effacement partiel pour la seule SA [4])
Selon l’article R713-5 du code précité, ‘ Les jugements sont rendus en dernier ressort, sauf dispositions contraires’.
Selon l’article R713-6 du code précité, ‘Les jugements rendus en application des articles L 761-1 et L.761-2 sont susceptibles d’appel’.
Selon l’article L761-1 du code précité, ‘Est déchue du bénéfice des dispositions du présent livre:
1o Toute personne qui a sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts;
2o Toute personne qui a détourné ou dissimulé ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens;
3o Toute personne qui, sans l’accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, a aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou aura procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel ou pendant l’exécution du plan ou des mesures prévues à l’article L. 733-1 ou à l’article’.
Selon l’article L761-2 du code précité, ‘ Tout acte ou tout paiement effectué en violation des articles L. 721-2, L. 722-2, L. 722-3, L. 722-4, L. 722-5, L. 722-12, L. 722-13, L. 722-14, L. 722-16, L. 724-4, L. 732-2, L. 733-1 et L. 733-4 peut être annulé par le juge des contentieux de la protection, à la demande de la commission, présentée pendant le délai d’un an à compter de l’acte ou du paiement de la créance.
L’établissement de crédit qui tient le compte du déposant, conformément à ses devoirs de non-immixtion et de diligence, ne peut, en raison de cette seule qualité de teneur de compte, voir sa responsabilité engagée du fait des paiements effectués par le débiteur non dessaisi, en violation de l’interdiction mentionnée à l’article L. 722-5’.
En l’espèce, le juge a fondé sa décision au seul visa de l’article L711-1 du code de la consommation selon lequel ‘Le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.
La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes, professionnelles et non professionnelles, exigibles et à échoir. Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement.
L’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement’.
C’est ainsi qu’il a motivé sa décision sur la mauvaise foi de M.[U] [I] [B], de sorte que le jugement ne relevait ni de l’article L761-1 ni de l’article L761-2 et donc devait être qualifié de jugement rendu en dernier ressort, non susceptible d’appel.
Le jugement déféré a donc qualifié à tort de jugement rendu en premier ressort et l’acte de notification dudit jugement adressé par le greffe a également informé à tort M.[U] [I] [B] de ce que cette décision était susceptible d’appel dans un délai de 15 jours à compter de cette notification.
Au vu de ce qui précède, il convient de dire l’appel irrecevable.
Sur les dépens
Il convient de condamner M.[U] [I] [B] aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Déclare irrecevable l’appel interjeté le 15 mars 2022 par M.[U] [I] [B] à l’encontre du jugement du 23 février 2022 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Pierre;
Le condamne aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT