7 juillet 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/02071
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 07 JUILLET 2023
N° 2023/246
Rôle N° RG 20/02071 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFSSZ
SCP JP.LOUIS & [B] [S]
C/
[R] [N]
Association AGS CGEA DE [Localité 1]
Copie exécutoire délivrée le :
07 JUILLET 2023
à :
Me Stéphane MÖLLER, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE
Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Loreleï CHEVREL, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 17 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F19/00082.
APPELANTE
S.C.P. JP. LOUIS & [B] [S] mandat conduit par Me [B] [S], ès- qualités de mandataire ad hoc de la SARL ASSE VERDON BTP, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Stéphane MÖLLER, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [R] [N], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Thomas NOVALIC, avocat au barreau de LYON
Association AGS CGEA DE [Localité 1], Unédic Délégation AGS- CGEA de [Localité 1], demeurant [Adresse 4]/France
représentée par Me Loreleï CHEVREL, avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023 et prorogé au 07 juillet 2023.
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 juillet 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par jugement du tribunal de commerce de Manosque du 13 décembre 2016, la SARL ASSE VERDON BTP a été placée en redressement judiciaire avec un plan de continuation et une période d’observation sur six mois, laquelle a été reconduite à plusieurs reprises (du 28 février 2017 au 13 juin 2017 et du 6 juin 2017 au 13 décembre 2017). La SCP [G] & ASSOCIES a été désignée en qualité d’administrateur judiciaire.
Le 3 avril 2017, Monsieur [R] [N] a été engagé pour les besoins de la poursuite de l’activité de la SARL ASSE VERDON BTP, suivant contrat de travail à durée déterminée, pour la période du 3 avril au 30 juin 2017, en qualité de chef de chantier, statut ouvrier, niveau 3, position 1, coefficient 150 de la convention collective des travaux publics (ouvriers). Par deux avenants, le contrat de travail a été reconduit jusqu’au 22 septembre 2017.
Par jugement du 10 octobre 2017, le tribunal de commerce de Manosque a ordonné la liquidation judiciaire de la SARL ASSE VERDON BTP, a maintenu Monsieur [H] en qualité de juge commissaire et a désigné la SCP JP. LOUIS & [B] [S] en qualité de liquidateur judiciaire, mandat conduit par Maître [S].
Par courrier du 31 octobre 2017, la SCP JP. LOUIS & [B][S] a informé Monsieur [N] que, dès lors que son contrat de travail a été conclu par le dirigeant de la société en période d’observation, sans information auprès des organes de la procédure et sans l’accord du juge-commissaire, les créances qu’il pourrait détenir à l’encontre de la SARL ASSE VERDON BTP ne feraient pas l’objet d’une demande de prise en charge auprès de l’AGS.
C’est dans ces conditions que Monsieur [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Digne-les-Bains.
Par jugement du 17 janvier 2020, le conseil de Prud’hommes a :
– constaté que les salaires de Monsieur [N] pour les mois de juillet, août et septembre 2017 n’ont pas été versés.
– fixé la créance de Monsieur [N] au passif de la SARL ASSE VERDON BTP à la somme de 10.991,59 € au titre des rappels de salaire des mois de juillet, août et septembre 2017 inclus.
– ordonné au mandataire liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], de déclarer les créances salariales de Monsieur [N] au passif de la SARL ASSE VERDON BTP.
– ordonné au mandataire liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], d’établir la déclaration de créance de Monsieur [N], conformément aux articles L.625-1 du code de commerce et L.3253-19 du code du travail.
– ordonné au mandataire liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], de transmettre sa déclaration au CGEA AGS de [Localité 1], sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement à intervenir.
– débouté Monsieur [N] de sa demande de mettre au passif de la SARL ASSE VERDON BTP la somme de 497,05 € à titre de remboursement des sommes avancées par le salarié.
– dit et jugé que le Centre de Gestion et d’Etudes AGS (CGEA AGS de [Localité 1]) Délégation Régionale AGS garantira la créance mise à la charge de la SARL ASSE VERDON BTP, représentée par Maître [B] [S], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ASSE VERDON BTP.
– condamné le liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], au paiement à Monsieur [N] de la somme de 1.500 € à titre de réparation du préjudice subi.
– condamné le liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– ordonné l’exécution provisoire du jugement à intervenir hormis les dépens et la somme de 1.500 € à titre de réparation du préjudice subi.
– condamné le liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], aux entiers dépens.
La SCP JP. LOUIS & [B] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ASSE VERDON BTP, le CGEA a interjeté appel de ce jugement.
Suivant ordonnance du 4 avril 2022 rendue par le conseiller de la mise en état, les deux instances ont été jointes sous le numéro 20/2071.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2022, la SCP JP. LOUIS & [B] [S] demande à la cour de :
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Digne-les-Bains du 17 janvier 2020 en ce qu’il a ordonné au mandataire liquidateur judiciaire, SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], de déclarer les créances salariales de Monsieur [N] au passif de la société ASSE VERDON BTP, ordonné au mandataire liquidateur judiciaire, SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], d’établir la déclaration de créance de Monsieur [N] conformément aux articles L.625-1 du code de commerce et L.3253-19 du code du travail, ordonné au mandataire liquidateur judiciaire, SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], de transmettre sa déclaration au CGEA AGS de [Localité 1], sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement à intervenir, condamné le liquidateur judiciaire, SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], au paiement à Monsieur [N] de la somme de 1.500 € à titre de réparation du préjudice subi, condamné le liquidateur judiciaire, SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire du jugement à intervenir, condamné le liquidateur judiciaire, SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], aux entiers dépens.
– confirmer ledit jugement pour le surplus.
Statuant à nouveau :
– débouter Monsieur [N] de toutes ses demandes fins et conclusions.
Subsidiairement:
– fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 1.500 € à titre de réparation du préjudice subi par Monsieur [N].
En tout état de cause :
– dire n’y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile.
– laisser les dépens à la charge de Monsieur [N], ceux d’appel distraits au profit de Maître MOLLER, avocat sous son affirmation de droit.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2023, l’AGS-CGEA [Localité 1], Centre de Gestion et d’Etudes AGS de [Localité 1] demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* considéré que le contrat de travail de Monsieur [N] était opposable à la procédure collective de la SARL ASSE VERDON BTP.
* fixé la créance de ce dernier à la somme de 10. 991.59 € à titre de rappels de salaire des mois de juillet, août et septembre 2017 inclus.
* dit et jugé que le Centre de Gestion et d’Etude AGS (CGEA) de [Localité 1], délégation régionale AGS garantira la créance mise à la charge de la SARL ASSE VERDON BTP, représentée par Maître [B] [S], ès-qualités de liquidateur judiciaire.
* débouté les AGS CGEA de l’ensemble de leurs demandes.
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [N] de sa demande relative au remboursement des sommes prétendument avancées à la SARL ASSE VERDON BTP.
Et statuant à nouveau :
– juger inopposable le contrat de travail de Monsieur [N] ainsi que ses avenants à la procédure collective de la SARL ASSE VERDON BTP.
– débouter Monsieur [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– dire n’y avoir lieu à la garantie de l’AGS CGEA [Localité 1].
– condamner Monsieur [N] à payer à l’AGS CGEA [Localité 1] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2023, Monsieur [N] demande à la cour de :
– juger recevable et bien-fondé l’argumentaire développé par Monsieur [N].
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Digne-les-Bains du 17 janvier 2020 en ce qu’il a :
* constaté que les salaires de Monsieur [N] pour les mois de juillet, août et septembre 2017 n’ont pas été versés.
* fixé la créance de Monsieur [N] au passif de la SARL ASSE VERDON BTP à la somme de 10.991,59 € au titre des rappels de salaire des mois de juillet, août et septembre 2017 inclus.
* condamné le liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], au paiement à Monsieur [N] de la somme de 1.500 € à titre de réparation du préjudice subi.
* condamné le liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
* condamné le liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], aux entiers dépens.
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Digne-les-Bains en qu’il a :
* ordonné au mandataire liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], de déclarer les créances salariales de Monsieur [N] au passif de la SARL ASSE VERDON BTP.
* ordonné au mandataire liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B][S], représentée par Maître [B] [S], d’établir la déclaration de créance de Monsieur [N] conformément aux articles L.625-1 du code de commerce et L.325-19 du code du travail.
* ordonné au mandataire liquidateur judiciaire, la SCP JP. LOUIS & [B] [S], représentée par Maître [B] [S], de transmettre sa déclaration au CGEA AGS de [Localité 1], sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement à intervenir.
– dit et jugé que le Centre de Gestion et d’Etudes, Délégation Régionale AGS garantira la créance mise à la charge de la SARL ASSE VERDON BTP, représentée par Maître [B] [S], ès- qualités de mandataire liquidateur de la SARL ASSE VERDON BTP.
* débouté Monsieur [N] de sa demande de mettre au passif de la SARL ASSE VERDON BTP la somme de 497,05 € à titre de remboursement des sommes avancées par le salarié.
Statuant à nouveau :
– ordonner à la SCP JP. LOUIS & [B][S], représentée par Maître [B] [S], ès-qualités de mandataire ad hoc de déclarer les créances salariales de Monsieur [N] au passif de la SARL ASSE VERDON BTP,
– ordonner à la SCP JP. LOUIS & [B] [S], ès-qualités de mandataire ad hoc, représentée par Maître [B] [S], d’établir la déclaration de créance de Monsieur [N] conformément aux articles L.625-1 du code de commerce et L.325-19 du code du travail.
– ordonner à la SCP JP. LOUIS & [B] [S], ès-qualités de mandataire ad hoc, représentée par Maître [B] [S], de transmettre sa déclaration au CGEA AGS de [Localité 1].
– fixer la créance de Monsieur [N] au passif de la SARL ASSE VERDON BTP à la somme de 497,05€ à titre de remboursement des sommes avancées par le salarié à la SARL ASSE VERDON BTP.
– fixer la créance de Monsieur [N] au passif de la SARL ASSE VERDON BTP à la somme de 1.099,15 € au titre des congés payés sur les rappels de salaire des mois de juillet, août et septembre 2017 inclus.
– déclarer l’arrêt à intervenir opposable à l’UNEDIC, Délégation AGS CGEA de [Localité 1] dans les limites de sa garantie légale, et dire que cet organisme ne devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d’un relevé par le mandataire ad hoc et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.
– condamner la SCP JP.LOUIS & [B][S], ès-qualités de mandataire ad hoc représentée par Maître [B] [S], à payer à Monsieur [N] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
– laisser les entiers dépens à la SCP JP. LOUIS & [B] [S] représentée par Maître [B] [S], ès-qualités de mandataire ad hoc de la SARL ASSE VERDON BTP.
Par jugement du 8 novembre 2022, le tribunal de commerce de Manosque a prononcé la clôture pour insuffisance d’actif des opérations de liquidation judiciaire de la SARL ASSE VERDON BTP représentée par Maître [B][S], ès qualités de mandataire ad’hoc de la, et par jugement rectificatif d’omission matérielle affectant le jugement du 8 novembre 2022, a désigné Maître [B] [S] en qualité de mandataire ad hoc ayant pour mission de poursuivre les instances en cours et de répartir le cas échéant les sommes perçues par celle-ci.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande au titre de la créance salariale
La SCP JP. LOUIS & [B] [S] fait valoir qu’aux termes des articles L.625-1 du code de commerce et L.3253-19 du code du travail, il ne lui appartient pas de déclarer les créances salariales de Monsieur [N], ni d’établir sa déclaration de créances. Il ne saurait non plus lui être ordonné de transmettre la déclaration au CGEA de [Localité 1], sous astreinte, et il conviendra de réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes sur tous ces points.
L’AGS-CGEA [Localité 1] conclut à l’inopposabilité du contrat de travail de Monsieur [N] et de ses avenants aux organes de la procédure collective ainsi qu’à l’absence de garantie de l’AGS en ce que, selon les articles L.631-12 et L.631-23 du code commerce, le débiteur n’a pas le pouvoir de passer seul les actes compris dans la mission de l’administrateur et qu’en l’espèce, aux termes du jugement prononçant le redressement judiciaire de la société ASSE VERDON BTP et ouvrant la période d’observation, la mission d’assistance de l’administrateur judiciaire concernait tous les actes de gestion et pas seulement les actes de disposition comme le prétend le salarié, distinction qui n’est pas formulée par le tribunal de commerce. Or, Monsieur [N] a été engagé pour les besoins de la poursuite de l’activité de la SARL ASSE VERDON BTP, suivant contrat de travail à durée déterminée du 3 avril 2017, en qualité de chef de chantier, par le gérant de la société mais sans l’assistance de l’administrateur judiciaire. Le seul fait qu’il s’agisse d’un contrat de travail de courte durée ou qu’il ait été conclu pour les besoins de la poursuite de l’activité de la SARL ASSE VERDON BTP est sans incidence sur la mission générale d’assistance de l’administrateur judiciaire alors que l’intervention de celui-ci aurait permis de veiller aux conditions financières du contrat par rapport à la situation d’endettement de la société. Notamment, Monsieur [N] a été embauché à des conditions financières excédant largement les minima conventionnels fixés puisque son salaire représentait plus de 4.000€ par mois alors que la convention collective fixe la rémunération minimale, pour la même qualification que celle de Monsieur [N], à la somme de 24.244 € par an, soit 2.020 € par mois, de sorte que le contrat de travail s’analyse en un acte de disposition lequel aurait dû, outre l’assistance de l’administrateur, faire l’objet d’une autorisation du juge commissaire en application de l’article L.621-24 du code du commerce. L’AGS conclut également qu’il est impossible de rapporter la preuve de la réalité d’un fait qui n’existe pas (l’information de l’administrateur judiciaire) et Maître [S] a pu confirmer que les organes de la procédure n’avaient pas été informés de l’embauche de Monsieur [N].
Monsieur [N] soutient que :
– la conclusion d’un contrat de travail pour une période de courte durée afin de faire face à un surcroît de l’activité habituelle de l’entreprise en redressement judiciaire est un acte de gestion courante et non un acte de disposition qui aurait également nécessité l’autorisation du juge commissaire. Or, en l’espèce, son contrat de travail à durée déterminée et ses renouvellements étaient nécessaires à la poursuite des chantiers de la société ASSE VERDON pendant la période d’observation et ni l’administrateur judiciaire, dont la mission était d’assister le débiteur pour les actes de gestion de son patrimoine et de fournir des éléments d’information sur la situation économique et sociale de l’entreprise et sur les perspectives de redressement, ni le mandataire judiciaire ne pouvaient ignorer que, pour la poursuite de l’activité dans le cadre de la période d’observation, le recrutement de salariés pour terminer les chantiers en cours dans le cadre d’une sous-traitance pour la société EIFFAGE était nécessaire. L’administrateur judiciaire n’avait qu’un rôle d’assistance du gérant et non de représentation de la SARL ASSE VERDON BTP.
– l’administrateur tout comme le mandataire judiciaire, étaient informés de sa présence aux effectifs et de son recrutement par la SARL ASSE VERDON BTP, pendant la période d’observation, pour assurer la continuité des chantiers en cours. Notamment, à la date du renouvellement de la période d’observation devant le tribunal de commerce de Manosque, soit le 6 juin 2017, l’administrateur judiciaire ne pouvait ignorer, tout comme le mandataire et le tribunal de commerce, la liste des salariés travaillant pour la SARL ASSE VERDON BTP dans le cadre de la poursuite de l’activité liée à la période d’observation et l’existence de son contrat de travail. L’AGS ne produit aucun élément permettant de démontrer que l’administrateur judiciaire n’a pas été informé par la société de son recrutement pour les besoins de la poursuite de l’activité.
– l’AGS fait preuve de mauvaise foi en ce que son salaire brut était fixé contractuellement à 2.275,05 € et que son salaire global s’explique par l’accomplissement de très nombreuses heures supplémentaires liées au temps de travail passé sur les chantiers, permettant ainsi à la SAS VERDON TP de respecter ses engagements contractuels et de tenter son redressement.
*
Selon l’article L 621-23 du même code : « Le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d’administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l’administrateur. En outre, sous réserve des dispositions des articles L. 621-24 et L. 621-28, les actes de gestion courante qu’accomplit seul le débiteur sont réputés valables à l’égard des tiers de bonne foi ».
Selon l’article L.631-12 du code de commerce : « Outre les pouvoirs qui leur sont conférés par le présent titre, la mission du ou des administrateurs est fixée par le tribunal.
Ce dernier les charge ensemble ou séparément d’assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion ou certains d’entre eux, ou d’assurer seuls, entièrement ou en partie, l’administration de l’entreprise. Lorsque le ou les administrateurs sont chargés d’assurer seuls et entièrement l’administration de l’entreprise et que chacun des seuils mentionnés au quatrième alinéa de l’article L. 621-4 est atteint, le tribunal désigne un ou plusieurs experts aux fins de les assister dans leur mission de gestion. Dans les autres cas, il a la faculté de les désigner. Le président du tribunal arrête la rémunération de ces experts, mise à la charge de la procédure.
Dans sa mission, l’administrateur est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au débiteur.
A tout moment, le tribunal peut modifier la mission de l’administrateur sur la demande de celui-ci, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d’office.
L’administrateur fait fonctionner, sous sa signature, les comptes bancaires ou postaux dont le débiteur est titulaire quand ce dernier a fait l’objet des interdictions prévues aux articles L. 131-72 ou L. 163-6 du code monétaire et financier ».
En l’espèce, il ressort du jugement du tribunal de commerce de Manosque du 13 décembre 2016 que celui-ci a ouvert la procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SARL ASSE VERDON BTP conformément aux dispositions du code de commerce (livre VI, titre III, chapitre 1er), a désigné, en qualité d’administrateur judiciaire, la SCP [G] & ASSOCIES, mandat conduit par Maître [G] « avec pour mission, outre les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, d’assister le débiteur pour tous les actes de gestion de son patrimoine et de fournir tous éléments d’information sur la situation économique et sociale de l’entreprise et sur les perspectives de redressement ».
Ainsi, l’administrateur judiciaire a été investi d’une mission d’assistance sans restriction, ce dont il résulte qu’il devait assister le débiteur pour tous les actes d’administration et de gestion à l’exception des actes de gestion courante.
En l’espèce, Monsieur [N] a été engagé par un contrat de travail à durée déterminée pour une courte durée (du 3 avril 2017 au 30 juin 2017 prolongée au 22 septembre 2017) pour les besoins de la poursuite de l’activité de la SARL ASSE VERDON BTP résultant du retard du chantier ‘PRAROUSTAN’ à Pra-Loup, moyennant une rémunération brute de 2.275,05 €, soit dans le respect de la grille de salaire issue de la convention collective des travaux publics (ouvriers) et notamment des rémunérations minimales.
Dans ces circonstances, le contrat de travail conclu par la SARL ASSE VERDON BTP constituait un acte de gestion courante pour l’exercice duquel ni l’assistance de l’administrateur judiciaire ni l’autorisation du juge-commissaire n’était requise.
Il en résulte que le contrat de travail et les avenants de Monsieur [N] sont opposables à la procédure collective.
Le montant de la créance salariale de Monsieur [N] n’est pas discutée à savoir les sommes de:
– 915,39 € au titre du solde du salaire du mois de juillet 2017,
– 5 522,93 € au titre du salaire du mois d’août 2017,
– 4 553,27 € au titre du salaire du mois de septembre 2017.
Il convient donc de fixer la créance à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL ASSE VERDON BTP à la somme de 10. 991,59 €, outre la somme de1.099,15 € au titre des congés payés afférents.
Alors que l’AGS ne conteste pas sa garantie sur un autre moyen, celle-ci devra donc procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L.3253-20 du code du travail.
Il n’y a pas lieu d’assortir l’exécution des obligations du mandataire ad hoc d’une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de sa part n’étant versé au débat.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait de l’absence de déclaration de créance par le mandataire judiciaire
Monsieur [N] conclut qu’il est incontestable que ses salaires bénéficiaient d’un superprivilège au titre duquel ils devaient être obligatoirement déclarés par le mandataire judiciaire . Or, la SCP JP. LOUIS & [B] [S] représentée par Maître [B] [S], a illégitimement refusé d’effectuer une déclaration de créance le privant ainsi de la perception de ses salaires pour un travail qu’il a bien effectué. Il soutient avoir nécessairement subi un préjudice financier du fait de ce refus abusif.
*
Celui qui réclame l’indemnisation d’un manquement doit prouver cumulativement l’existence d’une faute, d’un lien de causalité et d’un préjudice.
S’il est établi que Monsieur [N] n’a été en mesure, jusqu’à présent, de bénéficier de la garantie de l’AGS pour sa créance salariale du fait de l’absence de présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire, la preuve d’un préjudice résultant directement pour lui de ce manquement n’est pas rapportée, le salarié se limitant à invoquer son « nécessaire » préjudice.
La demande de dommages-intérêts doit donc être rejetée.
Sur la demande de remboursement des sommes avancées par Monsieur [N] pour le matériel de chantier
Monsieur [N] fait valoir qu’il a fait l’avance de frais à la demande de son employeur pour le compte de la société ASSE VERDON BTP pour la somme totale de 497,05 €.
Il demande donc d’ordonner au mandataire ad hoc d’inscrire au passif de la SARL ASSE VERDON BTP la somme de 497,05 € au titre de sa créance relative au remboursement de frais professionnels ou, à tout le moins, au titre de sommes engagées pour les besoins de la poursuite de son activité, au sens de l’article L.622-17 du code du commerce.
La SCP JP. LOUIS & [B] [S] ne conclut pas sur cette demande et l’AGS fait valoir que Monsieur [N] ne rapporte pas la preuve des sommes qu’il a avancées pour la SARL ASSE VERDON BTP.
*
Monsieur [N] produit les relevés de son compte bancaire sur lesquels apparaissent, en débit, les sommes réclamées et identifiées comme ayant été réglées par carte bancaire.
Or, ces seuls relevés ne suffisent pas à établir que ces dépenses ont été faites pour les besoins de l’activité de l’employeur.
Dans ces conditions, la demande de Monsieur [N] sera rejetée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Il est équitable de laisser à la charge de la liquidation judiciaire de la SARL ASSE VERDON BTP les frais irrépétibles engagés par Monsieur [N] en première instance et en cause d’appel et il convient de lui allouer à ce titre la somme de 2.500 €.
Les dépens de première instance et d’appel seront à la charge de la liquidation judiciaire de la SARL ASSE VERDON BTP, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Pour une meilleure compréhension, infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Fixe au passif de la SARL ASSE VERDON BTP la créance de Monsieur [R] [N] aux sommes de :
– 10.991,59 € au titre des salaire de juillet 2017 à septembre 2017 inclus,
– 1.099,15 € au titre des congés payés afférents,
– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit la présente décision opposable au CGEA-AGS de [Localité 1],
Dit que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du même code, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L3253-20 du code du travail,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Laisse les dépens de première instance et d’appel à la charge de la liquidation judiciaire de la SARL ASSE VERDON BTP.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction