Your cart is currently empty!
6 septembre 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
22/00987
Arrêt N°23/
SP
R.G : N° RG 22/00987 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FWTM
[C]
C/
Etablissement Public POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE PRS
S.E.L.A.R.L. FRANKLIN BACH
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2023
Chambre commerciale
Appel d’une ordonnance rendue par le JUGE COMMISSAIRE DE SAINT DENIS en date du 05 MAI 2022 suivant déclaration d’appel en date du 30 JUIN 2022 rg n°:
APPELANT :
Monsieur [F] [C]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
Etablissement Public POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE PRS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Céline MAZAUDIER-PICHON DE BURY de la SELARL PRAGMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience en chambre du conseil du 19 avril 2023 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 21 juin 2023 prorogé par avis au 06 septembre 2023.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 06 septembre 2023.
Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
* * *
LA COUR
Dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte le 9 décembre 2020 au bénéfice de M. [F] [C], le comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé (le PRS) a déclaré le 8 février 2021 une créance totale de 251.648 euros auprès de la SELARL Franklin Bach, en sa qualité de mandataire judiciaire de M. [C], à savoir :
-Créances à titre définitif et privilégié
. Impôt sur le Revenu (IR) 2019 187 euros
. Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) novembre 2020 4.921 euros
. TVA décembre 2020 2.568 euros
7.676 euros
-Créance prévisionnelle à titre privilégié
.IR 2017 (dont pénalités) 114.434 euros
. TVA 2017 à 2019 (dont pénalités) 16.385 euros
. Formation professionnelle 2017 et 2018 (dont pénalités) 1.436 euros
.IR 2018 (dont pénalités) 111.808 euros
243.972 euros
Par courrier recommandé du 5 août 2021, la SELARL Franklin Bach a informé le PRS qu’elle proposait de rejeter l’intégralité de la créance portant sur la TVA de 2017 à 2019, soit 16.385 euros pour les raisons suivantes :
-irrégularité sur la forme ;
-absence de preuve de la réalité de la créance.
Par courrier du 18 août 2021, le PRS a transmis au mandataire judiciaire les éléments permettant de justifier de sa créance et a actualité sa créance à hauteur de 15.932 euros après déduction des pénalités.
C’est dans ces conditions que, par ordonnance en date du 5 mai 2022 (2021JC01416), le juge commissaire près le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a statué en ces termes :
ADMETTONS la créance du Pôle de Recouvrement Spécialisé au passif de la procédure de sauvegarde de Monsieur [F] [C] pour la somme de 15.932 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée du 01/01/2017 au 31/12/2019,
ORDONNONS la notification de la présente décision par les soins du greffe au créancier, au débiteur et son conseil, et au mandataire judiciaire,
Ordonnons au greffier de porter la mention de la présente décision sur la liste des créances déposée au greffe en application des dispositions de l’article R. 624-8 du code de commerce.
Par déclaration au greffe en date du 30 juin 2022, M. [C] a interjeté appel de cette décision.
L’affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 22 août 2022.
L’appelant a signifié la déclaration d’appel et l’avis à bref délai par acte du 30 août 2022 au PRS et à la SELARL Franklin Bach (remise à personne morale).
M. [C] a déposé ses premières conclusions d’appel par RPVA le 21 septembre 2022, conclusions qui ont été signifiées au PSR et à la SELARL Franklin Bach par actes du 21 octobre 2022 (remise à personne morale).
L’intimée s’est constituée par acte du 26 octobre 2022.
Le PSR a déposé ses conclusions d’intimée par RPVA le 17 novembre 2022.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 mars 2023 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience de circuit court du 19 avril 2023.
* * *
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 21 septembre 2022, M. [C] demande à la cour, au visa des articles L. 624-2 et L. 622-24 et suivants, R.622-24, R.624-4 et R.624-6 du code de commerce et 14 et 16 du code de procédure civile, de :
Sur le fond du litige :
-Infirmer l’ordonnance entreprise ;
Et statuant de nouveau
-Constater l’existence d’un recours auprès de l’administration fiscale portant sur le montant des créances déclarées par le PRS Réunion au titre de la TVA du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019, déclaré pour 15.932 euros.
En conséquence
-surseoir à statuer sur les créances déclarées par le PRS Réunion au titre de la TVA du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019.
* * *
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 17 novembre 2022, le PSR demande à la cour, au visa des articles L. 624-2 du Code de commerce dans sa version tirée de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, L. 622-24, L. 622-25-1, R.624-6, R.624-7 et R.661-3 du Code de commerce, 74, 122, 125, 378, 562, 910-1, 910-4 et 954 du code de procédure civile, L. 199, L. 252 A, L. 281, R.281-1, R.281-3-1 du livre des procédures fiscales, de :
A titre principal :
-Juger d’office que M. [C] est forclos à interjeter appel et irrecevables en ses demandes ;
-Confirmer en conséquence la décision déférée en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire :
Sur l’irrecevabilité du sursis à statuer :
-Juger que M. [C] n’a présenté aucune prétention au fond dans ses premières conclusions d’appelant ;
-Juger en conséquence que M. [C] est irrecevable à faire valoir ses prétentions au fond ;
-Confirmer en conséquence la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Sur le bien-fondé du sursis à statuer :
-Juger qu’il n’existe aucune instance en cours au sens de l’article L. 624-2 du code de commerce, et que M. [C] ne justifie d’aucune contestation sérieuse ;
-Juger en conséquence que la demande de sursis à statuer formulée par M. [C] est infondée ;
-Confirmer en conséquence la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Sur le bien-fondé de la créance du PRS :
-Confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause :
-Débouter M. [C] de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions ;
-Condamner M. [C] à payer au Comptable du Pôle de recouvrement spécialisé de la Réunion la somme de 2.000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner M. [C] aux entiers dépens de l’instance.
* * *
La SELARL Franklin Bach, auquel la déclaration d’appel et les conclusions d’appelante ont été signifiées suivant actes en date des 30 août et 21 octobre 2022 (remise personne morale), n’a pas constitué avocat.
* * *
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
A titre liminaire
D’une part, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentées au soutien de ces prétentions.
D’autre part, il résulte de l’article 472 du code de procédure civile qu’en appel, si l’intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Aux termes de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par le PRS
Sur le fondement des articles R.624-7 et R.661-3 du code de commerce et 122 et 125 du code de procédure civile, le PRS soutient en substance que M. [C] n’a pas respecté le délai de recours pour faire appel d’une décision du juge-commissaire, à savoir 10 jours à compter de la notification, ce qui est sanctionné par une fin de non-recevoir dont le juge a l’obligation de relever d’office.
M. [C] ne fait valoir aucune observation sur ce point.
Sur ce,
D’une part, aux termes de l’article 122 de code de procédure civile : ‘Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.’
Il résulte des dispositions des articles 123 et suivants du même code que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, y compris en appel et pour la première fois devant la cour de cassation, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse.
Les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours. Le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.
Enfin, dans le cas où la situation donnant lieu à une fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance.
D’autre part,
Conformément aux dispositions de l’article R.624-4 alinéa 2 du code de commerce, les décisions statuant sur la compétence, sur l’existence d’une contestation sérieuse ou sur la contestation d’une créance sont notifiées au débiteur et au créancier ou à son mandataire par le greffier, dans les huit jours.
Selon l’article R.624-7 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : « Le recours contre les décisions du juge-commissaire statuant sur l’admission des créances est formé devant la cour d’appel. »
Aux termes de l’article R.661-3 du même code :
« Sauf dispositions contraires, le délai d’appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d’actif, de faillite personnelle ou d’interdiction prévue à l’article L. 653-8.
Toutefois, le délai dans lequel le débiteur peut interjeter appel du jugement arrêtant ou rejetant le plan de cession de l’entreprise est de dix jours à compter du prononcé du jugement.
Dans les cas prévus au troisième alinéa de l’article L. 642-1 et à l’article L. 642-7, le greffier notifie la décision, dans les quarante-huit heures de son prononcé, au cocontractant, au cessionnaire ou au bailleur. Le délai d’appel est de dix jours à compter de la notification.
Le délai d’appel du procureur de la République et du procureur général est de dix jours. Ces délais sont comptés à partir de la réception par le procureur de la République de l’avis qui lui est donné de la décision dans les formes prévues, selon le cas, aux articles R.611-25, R.611-41, R.621-7 ou R.645-19. »
A l’appui de ses prétentions, le PRS verse aux débats la notification par le greffe du tribunal de l’ordonnance au seul conseil de M. [C] datée du 20 juin 2022.
L’ordonnance déférée n’ayant fait l’objet d’aucune notification à M. [C], le délai de recours n’a pas couru à l’encontre de ce dernier.
Le recours introduit par M. [C] n’encourt en conséquence aucune irrecevabilité pour tardiveté.
Sur les créances contestées
M. [C] soutient en substance qu’ayant engagé des recours auprès de l’administration fiscale en contestant le montant de la somme réclamée, la juridiction saisie doit surseoir à statuer sur l’admission et le montant de la créance déclarée par le PRS.
D’une part, le PRS fait valoir pour l’essentiel que la cour n’est saisie d’aucune demande au fond et que, dans ces conditions, elle ne pourra que confirmer la décision déférée en toutes sollicité. Il argue qu’aux termes de ses premières conclusions d’appelant, M. [C] a sollicité pour la première fois un sursis à statuer et n’a finalement pas demandé le rejet de la créance. Or, le sursis à statuer n’est pas une prétention au fond stricto sensu puisque cette demande ne vise qu’à obtenir la suspension de l’instance dans l’attente d’un événement déterminé. Il considère qu’en ne formulant pas expressément ses prétentions aux fond dans le corps de ses conclusions, notamment le rejet de la créance à titre principal ou subsidiaire, M. [C] n’a finalement saisi la cour d’appel d’aucune demande sur le fond.
D’autre part, le PRS argue principalement que la demande de sursis à statuer formée par m. [C] est irrecevable pour avoir été soulevée pour la première fois en cause d’appel, rappelant que le sursis à statuer est une exception de procédure qui doit être soulevée in limine litis.
Par ailleurs, le PRS soutient en substance qu’il n’existe aucune instance en cours au sens du droit des procédures collectives dans le cadre de ce litige et qu’en tout état de cause, il est forclos en ses contestation, pour avoir saisi l’administration fiscale le 28 juin 2022 alors qu’il ne disposait que d’un délai de 2 mois à compter de la notification de la déclaration de créance du 15 juillet 2021, qui constitue un acte de poursuite, soit jusqu’au 15 septembre 2021.
Enfin, le PRS fait valoir pour l’essentiel que sa créance est fondée. Il rappelle que la déclaration de créance a été transmise au mandataire judiciaire dans le délai de 2 mois à compter de la publication du jugement au BODACC effectuée le 5 janvier 2021 et qu’il a parfaitement démontré que M. [M] avait le pouvoir de la signer. Il argue que le trésor public dispose d’un régime spécifique en matière de déclaration de créance : en l’absence de titre exécutoire, ses créances sont admises à titre provisionnel par l’effet de la loi sur la base d’une évaluation ; cette déclaration provisionnelle devient définitive lorsque le trésor public justifie d’un titre exécutoire. En l’espèce, il a régulièrement déclaré ses créances fiscales au passif de M. [C], elles ont été admises par principe à titre provisionnel et, par la suite, il a fourni une copie du rôle relatif à ses créances au mandataire judiciaire puis au juge-commissaire. Ce rôle a valeur de titre exécutoire et lui permet donc de faire valoir ses prétentions.
Sur ce,
Pour rappel,
Aux termes de l’article L. 624-1 du code de commerce :
« Dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire établit, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d’admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge-commissaire.
Les observations du débiteur sont faites dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. Le débiteur qui ne formule pas d’observations dans ce délai ne peut émettre aucune contestation ultérieure sur la proposition du mandataire judiciaire.
Le mandataire judiciaire ne peut être rémunéré au titre des créances déclarées ne figurant pas sur la liste établie dans le délai mentionné ci-dessus, sauf pour des créances déclarées après ce délai, en application des deux derniers alinéas de l’article L622-24. »
L’article L. 624-2 du même code dans sa rédaction applicable au litige dispose :
« Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d’admission. »
D’une part,
Aux termes de l’article L. 622-22 du code de commerce :
« Sous réserve des dispositions de l’article L625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Le débiteur, partie à l’instance, informe le créancier poursuivant de l’ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci. »
Ainsi, lorsqu’une instance est en cours au jour du jugement d’ouverture pour l’établissement d’une créance, l’instance est alors suspendue jusqu’à ce que le créancier déclare sa créance évaluée au montant qu’il réclame. L’instance est ensuite reprise de plein droit, le mandataire judiciaire et le cas échéant l’administrateur dûment appelés (article L. 622-22). La juridiction saisie ne peut que constater la créance et en fixer l’objet d’un litige, la déclaration doit contenir l’indication de la juridiction saisie (article R.622-23).
Ce texte ne vise que les instances en cours du jugement d’ouverture et non les contestations qui naîtront éventuellement devant le juge-commissaire et seront renvoyées devant le juge compétent.
Selon l’article L. 622-24 alinéa 4 « La déclaration des créances doit être faite alors même qu’elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n’est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d’une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l’article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n’ont pas fait l’objet d’un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l’article L. 624-1. »
L’article L. 622-24 alinéa 4 réserve le cas de procédures administratives en cours. Dans ce cas, la règle est la même que celle qui vaut pour les instances en cours. Après interruption et mise en cause du mandataire judiciaire, elle est reprise et la créance ainsi fixée sera indiquée sur la liste des créances.
L’instance en cours qui enlève au juge-commissaire le pouvoir de décider de l’admission ou du rejet de la créance s’entend d’une instance engagée à l’encontre du débiteur et non d’une instance introduite par ce dernier.
Cependant, en matière fiscale et sociale, la notion d’instance en cours est élargie aux procédures dans lesquelles le débiteur conteste la demande de paiement de l’administration.
D’autre part,
Les créances fiscales ne peuvent être contestées que dans les conditions prévues au livre des procédures fiscales.
Aux termes de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige :
« Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l’administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu’elles tendent à obtenir soit la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire.
Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d’erreurs commises par l’administration dans la détermination d’un résultat déficitaire ou d’un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d’une période donnée, même lorsque ces erreurs n’entraînent pas la mise en recouvrement d’une imposition supplémentaire. Les réclamations peuvent être présentées à compter de la réception de la réponse aux observations du contribuable, mentionnée à l’article L. 57, ou à compter d’un délai de 30 jours après la notification prévue à l’article L. 76 ou, en cas de saisine de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, à compter de la notification de l’avis rendu par cette commission.
Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d’une imposition ou à l’exercice de droits à déduction ou à la restitution d’impositions indues, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, révélée par une décision juridictionnelle ou par un avis rendu au contentieux.
Ces actions sont introduites selon les règles de délais applicables aux réclamations mentionnées au premier alinéa et se prescrivent par deux ans, selon le cas, à compter de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification de l’avis de mise en recouvrement ou, en l’absence de mise en recouvrement, du versement de l’impôt contesté ou de la naissance du droit à déduction.
Pour l’application du troisième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d’État ainsi que les avis rendus en application de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, les arrêts de la Cour de cassation ainsi que les avis rendus en application de l’article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire (2), les arrêts du Tribunal des conflits et les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle. »
Et en vertu de l’article L. 281 du même livre,
« Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l’administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites.
Lorsque les contestations portent sur le recouvrement de créances détenues par les établissements publics de l’État, par un de ses groupements d’intérêt public ou par les autorités publiques indépendantes, dotés d’un agent comptable, ces contestations sont adressées à l’ordonnateur de l’établissement public, du groupement d’intérêt public ou de l’autorité publique indépendante pour le compte duquel l’agent comptable a exercé ces poursuites.
Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter :
1° Sur la régularité en la forme de l’acte ;
2° A l’exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l’obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l’exigibilité de la somme réclamée.
Les recours contre les décisions prises par l’administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l’exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés :
a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l’impôt prévu à l’article L. 199 ;
b) Pour les créances non fiscales de l’État, des établissements publics de l’État, de ses groupements d’intérêt public et des autorités publiques indépendantes, dotés d’un agent comptable, devant le juge de droit commun selon la nature de la créance ;
c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l’exécution.
En l’espèce, la cour constate que l’appelant ne justifie pas avoir saisi la juridiction administrative.
Il s’ensuit que le débat sur la nature de son moyen au soutien du sursis à statuer est inopérant.
En l’absence de réclamation contentieuse, la cour n’a donc d’autre choix que d’admettre, par principe, la créance fiscale.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective de M. [C].
L’équité commande d’écarter l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à la présente procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile;
ECARTE la fin de non-recevoir tirée des articles R. 624-7 et R. 661-3 du code de commerce soulevée par le Pôle de Recouvrement Spécialisé Réunion ;
DECLARE M. [F] [C] recevable en son appel ;
CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 5 mai 2022 (2021JC01416) par le juge-commissaire près le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion ;
Y ajoutant
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective de M. [F] [C] ;
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT