Déclaration de créances : 6 septembre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00339

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Déclaration de créances : 6 septembre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 22/00339

6 septembre 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG
22/00339

Arrêt N°23/

SP

R.G : N° RG 22/00339 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FVMH

[R]

C/

S.E.L.A.R.L. [M]

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2023

Chambre commerciale

Appel d’une ordonnance rendue par le JUGE COMMISSAIRE DE SAINT DENIS (LA REUNION) en date du 10 MARS 2022 suivant déclaration d’appel en date du 25 MARS 2022 rg n°: 2012RJ0156

APPELANT :

Monsieur [O] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4])

Représentant : Me Lynda LEE MOW SIM-WU TAO SHEE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. [M] Prise en la personne de Maître [F] [M], ès-qualité de liquidateur de Monsieur [R] [O]

[Adresse 3]

[Localité 4])

Représentant : Me Pierre HOARAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience en chambre du conseil du 19 avril 2023 devant la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 21 juin 2023 prorogé par avis au 06 septembre 2023.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le  06 septembre 2023.

Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.

* * *

LA COUR

Par jugement en date du 8 août 2012, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de M. [O] [R] et désigné la SELARL Franklin Bach, en qualité de liquidateur de M. [T].

Par jugement du 3 octobre 2012, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire. La SELARL [M] a été désigné en qualité de liquidateur.

M. [R] a interjeté appel de cette décision, qui a été confirmée par un arrêt du 29 juillet 2013.

M. [R] s’est pourvu en cassation et par arrêt du 27 janvier 2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi.

Le 17 novembre 2015, le liquidateur a déposé une requête en vue de la vente aux enchères publiques d’un bien appartenant à M. [R], à savoir un bâtiment situé [Adresse 2], sur une mise à prix de 1.280.000 euros.

Par ordonnance du 21 avril 2016, le juge-commissaire a autorisé la vente par adjudication dudit bien sur une mise à prix de 1.280.000 euros.

M. [R] a interjeté appel de cette ordonnance, qui a été confirmée par arrêt du 3 mai 2017.

Par jugement du 8 mars 2018, le juge de l’exécution immobilière près le tribunal de grande instance de Saint Denis de la Réunion a constaté la carence d’enchères.

Le 9 avril 2018, le liquidateur a de nouveau déposé une requête en vue de la vente aux enchères publiques dudit bien, cette fois sur une mise à prix de 500.000 euros.

Par ordonnance du 21 juin 2018, le juge-commissaire a autorisé la vente par adjudication dudit bien sur une mise à prix de 500.000 euros.

Par jugement du 28 mai 2020, le juge de l’exécution immobilière a adjugé l’immeuble à la SA K Price au prix de 570.000 euros.

M. [R] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 16 mars 2021, la cour d’appel de Saint Denis de la Réunion a infirmé le jugement en toutes ses dispositions et déclaré nulle la publicité de l’adjudication du 28 mai 2020.

Par requête du 22 novembre 2021, le liquidateur a saisi le juge-commissaire une troisième fois aux mêmes fins, à savoir la vente aux enchères publique du bien appartenant à M. [R] sur une mise à prix de 500.000 euros.

M. [R] a sollicité un renvoi au motif que :

-la société EOS France a été désignée en qualité de contrôleur à la liquidation judiciaire sans qu’il en soit informé au préalable ;

-une cession de créance serait intervenue au profit du Fonds Commun de Titrisation (FCT) Crédinvest sans qu’il en soit informé ;

-la société EOS France doit être invitée à justifier de ces éléments et de son bien-fondé à agir.

C’est dans ces conditions que, suivant ordonnance en date du 10 mars 2022, le juge commissaire près le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a statué en ces termes :

Vu les articles L642-18 et R642-37-I du code de commerce,

REJETONS la demande de renvoi,

AUTORISONS la vente aux enchères publiques du bien immobilier situé [Adresse 2], à [Localité 6], cadastré [Cadastre 5] pour une contenance de 04a 98ca, et constitué d’un bâtiment en R+2+comble sur sous-sol, sur la mise à prix de 500.000 euros,

DISONS que la vente se tiendra sous le ministère de Maître Pierre HOARAU, avocat, à qui il appartiendra d’effectuer les formalités prévues en matière de vente publique et de publicité foncière,

DISONS que les publicités annonçant la vente devront intervenir par voie de presse dans le JIR et le Quotidien,

DISONS qu’une visite du bien interviendra dans les 10 jours qui précéderont la vente et qu’un huissier pourra pénétrer dans les lieux pour dresser procès-verbal de description,

DISONS que les autres conditions essentielles de la vente sont celles du droit commun,

ORDONNONS la radiation sur les registres du service de la publicité foncière de [Localité 6] de l’ordonnance du juge commissaire du 21 juin 2018 publiée le 20 août 2018 Volume 2018 S n° 80 à la diligence de la SELARL [M], ès qualité de liquidateur judiciaire de [O] [R],

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée par les soins du greffe au liquidateur judiciaire, à son conseil, au débiteur, et à son conseil.

Par déclaration au greffe en date du 25 mars 2022, M. [R] a interjeté appel de cette décision.

L’intimée s’est constituée par acte du 27 avril 2022.

L’affaire a été fixée à bref délai selon avis en date du 16 mai 2022.

L’appelant a signifié la déclaration d’appel et l’avis à bref délai par acte du 17 mai 2022.

M. [R] a déposé ses premières conclusions d’appel par RPVA le 15 juin 2022.

Le liquidateur a déposé ses conclusions d’intimée par RPVA le 6 juillet 2022.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 mars 2023 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience de circuit court du 19 avril 2023 ;

* * *

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 mars 2023, M. [R] demande à la cour, au visa des articles 339 et 341 du code de procédure civile, L111-6 et L111-7 du code de l’organisation judiciaire, R621-21 du code du commerce, 1324 du code civil, D214-227 du code monétaire et financier, 16 et 17 (droit de la propriété) de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 6 de la CEDH (principe du respect des droits de la défense et droit à une procédure équitable et principe du contradictoire), de :

Rejetant toutes prétentions, fins et conclusions contraires,

1. Recevoir M. [R] en son appel et l’y dire bien fondé

2. Infirmer et réformer l’ordonnance de référé (sic) due par le juge commissaire près le tribunal de commerce de Saint Denis le 10 mars 2022 en toutes ses dispositions

En conséquence, Statuer à nouveau et,

A titre principal,

3.1

Recevoir M. [R] en sa contestation tenant à l’impartialité du premier juge

Dire et juger qu’il existait un conflit d’intérêt puisque le premier juge était déjà intervenu dans une affaire précédente.

3.2

Recevoir M. [R] en sa contestation tenant à l’absence de notification de l’ordonnance du 9 juillet 2021 nommant la société EOS France, représentant recouvreur du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest, en qualité de contrôleur.

3.3

Recevoir M. [R] en sa contestation tenant à l’irrégularité et à l’inopposabilité de la cession de créances du 26 novembre 2020 intervenue entre la CEPAC et le Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest

3.4

Recevoir M. [R] en sa contestation tenant à l’incertitude du montant du passif et à l’absence de créance certaine, liquide et exigible

Dès lors,

3.5

Annuler la vente par adjudication de l’immeuble litigieux.

A titre subsidiaire,

4. Ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’ordonnance sur la demande de désignation d’un mandataire ad hoc formulée par M. [R]

En tout état de cause

5. Condamner la SELARL [M] au paiement de la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens tant de première instance que d’appel, dont distraction au profit de Me Lynda Lee Mow Sim conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

* * *

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 août 2022, le liquidateur demande à la cour, au visa des articles L. 642-18 et suivants et R. 642-22 du code de commerce, de :

-Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel formé par M. [R] ;

-Constater qu’aucune démarche de « récusation » du premier juge n’a été formée dans les délais par M. [R] ;

-Juger en conséquence irrecevable toute argumentation sur ce point formulée uniquement en cause d’appel ; (article 342 du code de procédure civile)

-Juger par ailleurs que tout le débat sur l’opposabilité de la cession d’une créance au profit de

EOS FRANCE, n’a aucune incidence sur l’obligation de vendre l’actif immobilier dépendant de la liquidation, ce qui ressort de la mission première du liquidateur, étant établi que le passif de ladite liquidation est très important en tout état de cause.

En conséquence

-Confirmer l’ordonnance entreprise en toute ses dispositions ;

-Condamner M. [R] au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

* * *

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

A titre liminaire

La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentées au soutien de ces prétentions.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le liquidateur

Au visa de l’article 341 du code de procédure civile, le liquidateur soutient en substance que la demande de récusation du premier juge par M. [R] est irrecevable pour n’avoir été soulevée qu’en cause d’appel alors qu’elle aurait dû être formulée dès que M. [R] avait connaissance de la cause de récusation et en tout cas avant la clôture des débats.

M. [R] ne fait valoir aucune observation sur ce point, se contenant de motiver sa demande tendant à l’annulation de la décision du juge-commissaire par sa partialité supposée, ce que la cour ne peut qu’interpréter, conformément aux dispositions de l’article 12 du code de procédure civile, en une requête en récusation du juge-commissaire fondée sur l’article L111-6 du code de l’organisation judiciaire.

Sur ce,

Aux termes de l’article L111-6 du code de l’organisation judiciaire :

« Sous réserve de dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d’un juge peut être demandée :

1° Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;

2° Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l’une des parties ;

3° Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l’une des parties ou de son conjoint jusqu’au quatrième degré inclusivement ;

4° S’il y a eu ou s’il y a procès entre lui ou son conjoint et l’une des parties ou son conjoint ;

5° S’il a précédemment connu de l’affaire comme juge ou comme arbitre ou s’il a conseillé l’une des parties ;

6° Si le juge ou son conjoint est chargé d’administrer les biens de l’une des parties ;

7° S’il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l’une des parties ou son conjoint ;

8° S’il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l’une des parties ;

9° S’il existe un conflit d’intérêts, au sens de l’article 7-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Les magistrats du ministère public, partie jointe, peuvent être récusés dans les mêmes cas. »

En vertu de l’article L111-7 du même code :

« Le juge qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir se fait remplacer par un autre juge spécialement désigné.

Le magistrat du ministère public qui suppose en sa personne un conflit d’intérêts, au sens de l’article 7-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, ou estime en conscience devoir s’abstenir se fait remplacer. »

Conformément aux dispositions des articles 341 et suivants du code de procédure civile, sauf disposition particulière, la récusation d’un juge est admise pour les causes prévues par l’article L111-6 du code de l’organisation judiciaire.

A peine d’irrecevabilité, la partie qui veut récuser un juge doit présenter sa requête dès qu’elle a connaissance de la cause de récusation, mais en aucun cas après la clôture des débats (article 342). Ces délais ont été jugés compatibles avec l’exigence d’impartialité de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les juges du fond apprécient souverainement tant les causes de récusation que la tardiveté de la demande.

Même fondée sur l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors que le requérant procède à une demande de récusation, non seulement la procédure prévue aux articles 341 et suivants trouve à s’appliquer, mais encore les juges du fond apprécient souverainement le moment ‘ tardif ou non ‘ de la demande.

Si la cause de récusation est connue hors de l’audience, la demande de récusation est portée devant le premier président de la cour d’appel par acte remis au greffe de la cour d’appel.

Si la cause de récusation est découverte à l’audience, la procédure peut être soit orale, soit écrite, par déclaration consignée par le greffe dans un procès-verbal, qui est adressé sans délai au premier président de la même cour d’appel, contre récépissé.

La demande doit, à peine d’irrecevabilité, indiquer les motifs de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime et être accompagnée des pièces justificatives.

La requête présentée au premier président ne dessaisit pas le magistrat dont la récusation est demandée ou la juridiction dont le dessaisissement est demandé. Toutefois, le premier président peut, après avis du procureur général, ordonner qu’il soit sursis à toute décision juridictionnelle jusqu’à la décision sur la demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime.

Le premier président statue sans débat dans le délai d’un mois à compter de sa saisine après avis du procureur général.

Si la demande de récusation est admise, il est procédé au remplacement du juge.

En l’espèce, la cour constate que M. [R] n’a formé aucune requête en récusation du juge-commissaire, ni avant l’audience, ni pendant l’audience.

Or, a minima, M. [R] a eu connaissance de l’identité du juge-commissaire lors de l’audience qui s’est tenue en sa présence le 3 février 2022.

Il s’en suit que M. [R] a contrevenu aux dispositions de l’article 342, prescrites à peine d’irrecevabilité, en ne présentant pas de requête en récusation auprès du premier président de la cour d’appel de Saint Denis de la Réunion avant la clôture des débats.

Il résulte de ce qui précède que M. [R] est irrecevable en sa demande tendant à la récusation du juge-commissaire.

Sur la demande principale de M. [R] tendant à « l’annulation » de la décision

Sur l’absence de notification de l’ordonnance nommant la société EOS France en qualité de contrôleur, M. [R] soutient, sur le fondement de l’article R621-21 du code de commerce, qu’il n’a été informé de cette nomination que de manière fortuite, dans le cadre de la procédure devant le juge-commissaire suite à la requête du liquidateur en adjudication et que ce n’est qu’à la demande de son conseil qu’il a pu en avoir copie, soit postérieurement à l’ordonnance dont appel. Il considère que ce défaut de notification lui a nécessairement causé un grief car il n’a pu utilement faire valoir ses droits et contester cette décision de nomination de son principal créancier (CEPAC) qui aurait cédé ses droits à EOS France.

Sur l’incertitude du montant du passif, M. [R] fait valoir que, d’une part, la BR-CEPAC a fait valoir une créance de 300.891,09 euros pour laquelle il était caution de la SCI [R] Fils. Or, ce prêt a été intégralement remboursé par la SCI et est terminé depuis le mois d’octobre 2020 : cette somme n’est donc pas due et doit être soustraite du passif. D’autre part, il ne lui a pas été possible de vérifier la régularité et l’opposabilité de la cession de créances entre la CEPAC et la société EOS France, raison pour laquelle il a saisi le tribunal d’une demande de désignation d’un mandataire ad hoc qui aura pour mission de le représenter dans le cadre de la procédure à intervenir contre la société EOS France. Enfin, la majorité du passif est composé de dettes non professionnelles lesquelles auraient pu être traitée dans le cadre d’une procédure de surendettement.

Sur l’opportunité de la demande d’adjudication forcée, sur le fondement des articles L214-180 et D214-227-4° du code monétaire et financier, M. [R] argue que le fonds commun de titrisation n’a pas la personnalité morale si bien qu’il est impératif que la société EOS France rapporter la preuve du pouvoir de représentation ou de subrogation par une entité dotée de la personnalité morale pouvant ainsi valablement et régulièrement agir dans le cadre de la présente procédure. Il soutient que le bordereau de cession doit permettre l’identification de manière certaine de la créance à son égard. Il considère qu’avant que soit ordonnée la vente aux enchères publiques d’un bien immobilier, il convient de s’assurer non seulement de la qualité à agir de la société EOS France mais aussi de l’opposabilité de la cession de créance intervenue et de la régularité du bordereau de cession entre la CEPAC et le fonds commun de titrisation Crédinvest. Il estime que ces éléments ont une incidence certaine sur la demande de vente du bien immobilier, la CEPAC étant son créancier principal : 1.356.850,31 euros sur un passif de 2.297.340 euros. Or, la cession de cette créance ne lui a jamais été notifiée et le bordereau est manifestement irrégulier et incomplet. Il en déduit que cette cession de créance étant irrégulière et lui étant inopposable, son montant doit venir en déduction du montant du passif de la liquidation judiciaire. Il ajoute que les deux autres prêts BR (708.010 euros pour un résiduel de 118.499,35 euros et 91.469,87 euros pour un résiduel de 71.122,54 euros) étaient garanti par une mesure spéciale à l’habitat ainsi qu’un nantissement d’un contrat d’assurance vie, non actionné par la BR, ce qui réduit le montant du passif à la somme de 1.427.972,85 euros. Après avoir rappelé qu’il est de jurisprudence constante que l’efficacité des ventes aux enchères doit être recherchée et que la vente aléatoire ne doit pas constituer un acte exorbitant par rapport au passif connu à recouvrer, il considère qu’eu égard au caractère incertain du passif, il est manifeste qu’une cession amiable est réalisable dans de meilleures conditions et qu’ainsi la vente aux enchères publiques est disproportionnée, voire abusive.

Le liquidateur fait valoir que le passif n’a rien d’incertain, que ce soit EOS ou la Caisse d’épargne, qui est un des principaux créanciers.

Le liquidateur argue que la cession à EOS ne peut avoir aucune incidence sur la nécessaire réalisation de la liquidation judiciaire.

Il ajoute que si cette cession n’était pas opposable à la liquidation, c’est la Caisse d’Épargne qui resterait comme créancier et qu’enfin, même si on imaginait que la créance de la Caisse d’Épargne disparaisse du passif, il resterait quand même un passif d’un million d’euros.

Sur ce,

Pour rappel, conformément aux dispositions des articles L. 641-4 et L. 641-5 du code de commerce, le liquidateur procède aux opérations de liquidation en même temps qu’à la vérification des créances. Il peut introduire ou poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire. Il poursuit les actions introduites avant le jugement de liquidation, soit par l’administrateur, soit par le mandataire judiciaire, et peut introduire les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire.

En vertu de l’article L. 641-9 I du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige :

« Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d’établir la culpabilité de l’auteur d’un crime ou d’un délit dont il serait victime.

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l’administrateur lorsqu’il en a été désigné. »

Dans le cadre de la cession des actifs des débiteur, l’article L. 642-19 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, dispose :

« Le juge-commissaire soit ordonne la vente aux enchères publiques, soit autorise, aux prix et conditions qu’il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur. Lorsque la vente a lieu aux enchères publiques, il y est procédé dans les conditions prévues, selon le cas, au second alinéa de l’article L322-2 ou aux articles L322-4 ou L322-7.

Le juge-commissaire peut demander que le projet de vente amiable lui soit soumis afin de vérifier si les conditions qu’il a fixées ont été respectées. »

Ainsi, en vertu de la règle du dessaisissement, le débiteur est privé de disposer d’éléments de son patrimoine et la règle de l’arrêt des poursuites individuelles et des voies d’exécution justifie l’interdiction de principe des créanciers de procéder à la réalisation forcée des biens de leur débiteur en liquidation judiciaire : c’est donc le liquidateur, dont la mission principale est de procéder aux opérations de liquidation, c’est à dire aux réalisations d’actifs en vue d’une transformation de ces éléments en liquidité, qui est l’initiative de la vente.

Il résulte de ce qui précède, et comme le relève à juste titre le juge-commissaire lorsqu’il répond à la demande de renvoi formée par M. [R], les moyens développés par le débiteur sur la désignation du contrôleur et la présence de la société EOS France à la procédure sont sans rapport avec la requête du liquidateur, qui tend à la vente d’un bien immobilier et n’ont aucune incidence sur celle-ci.

Ils sont donc parfaitement inopérants au regard de la décision querellée consistant en une autorisation d’adjudication d’un bien immobilier appartenant à M. [R] placé en liquidation judiciaire.

S’agissant de l’incertitude supposée du montant du passif et de la question de l’opportunité de la demande d’adjudication, il convient de rappeler que, compte tenu du principe de l’arrêt des poursuites pour le créancier, lorsque son débiteur fait l’objet d’une procédure collective, le créancier déclare sa créance aux organes de la procédure afin de faire constater en justice sa créance pour que celle-ci soit réglée dans le cadre de la procédure collective de règlement du passif.

Conformément aux dispositions de l’article L622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’État.

Aux termes de l’article L622-25 du même code, dans sa rédaction applicable au litige :

« La déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie.

Lorsqu’il s’agit de créances en monnaie étrangère, la conversion en euros a lieu selon le cours du change à la date du jugement d’ouverture.

Sauf si elle résulte d’un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier. Le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l’expert-comptable sur la déclaration de créance peut être demandé par le juge-commissaire. Le refus de visa est motivé. »

La déclaration doit contenir les éléments de nature à prouver l’existence et le montant de la créance.

La déclaration des créances doit être faite, alors même qu’elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n’est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d’une évaluation.

En l’espèce, aucune des pièces versées aux débats par M. [R] ne vient établir, comme il l’affirme dans ses conclusions, que le prêt souscrit par la SCI [R], et pour lequel il s’est porté caution, a été intégralement remboursé.

Il en est de même s’agissant des dettes prétendument majoritairement non professionnelles.

Pour ce qui est de la désignation d’un mandataire ad hoc, M. [R] ne produit au dossier que la requête rédigée et signée de son avocat : la cour est donc totalement ignorante de la suite donnée à cette requête.

En tout état de cause, comme le conclut jugement le liquidateur, en admettant même que les créances d’EOS ou de la CEPAC, les plus importantes, ne soient pas retenues, le passif déclaré s’élevant à 2.297.340 euros, l’adjudication se justifie pleinement dans l’intérêt des créanciers.

Il résulte de ce qui précède que, c’est à bon droit et par une juste appréciation des faits de la cause, que le juge-commissaire a, au visa de l’article L642-19 du code de commerce, autorisé la vente requise, sur une mise à prix de 500.000 euros.

Sur la demande subsidiaire de sursis à statuer

M. [R] soutient que la procédure à l’encontre de la société EOS France aura une incidence certaine, directement ou indirectement, sur le sort de la présente procédure eu égard à la validité de cette créance et ainsi, de l’opportunité de la mesure de saisie immobilière eu égard au montant à retenir du passif. Il en déduit qu’il convient d’ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’ordonnance sur sa demande de désignation d’un mandataire ad hoc chargé de le représenter dans le cadre de la procédure à intervenir contre la société EOS France.

Le liquidateur ne fait valoir aucune observation sur ce point.

Sur ce,

Pour rappel, l’article 377 du code de procédure civile dispose qu’en dehors des cas particuliers où la loi le prévoit, l’instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer ou qui radie l’affaire.

Selon l’article 378, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.

C’est une mesure d’administration judiciaire.

Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l’opportunité du sursis à statuer.

Aux termes de l’article L622-22 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige :

« Sous réserve des dispositions de l’article L625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. »

Ainsi, lorsqu’une instance est en cours au jour du jugement d’ouverture pour l’établissement d’une créance, l’instance est alors suspendue jusqu’à ce que le créancier déclare sa créance évaluée au montant qu’il réclame. L’instance est ensuite reprise de plein droit, le mandataire judiciaire et le cas échéant l’administrateur dûment appelés. La juridiction saisie ne peut que constater la créance et en fixer l’objet d’un litige, la déclaration doit contenir l’indication de la juridiction saisie (article R622-23).

Ce texte ne vise que les instances en cours du jugement d’ouverture et non les contestations qui naîtront éventuellement devant le juge-commissaire et seront renvoyées devant le juge compétent.

En l’espèce, M. [R] évoque, sans d’ailleurs en établir l’existence, une instance en cours relative à la désignation d’un mandataire ad hoc.

En l’état, rien ne justifie qu’il soit sursis à statuer.

Le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [R] succombant, il convient de le débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel et de le condamner aux dépens d’appel.

L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la SELARL [M], il convient de lui accorder de ce chef la somme de 2.000 euros pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

DECLARE irrecevable sur le fondement de l’article 342 du code de procédure civile la demande de récusation du premier juge formée par M. [O] [R] ;

CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 10 mars 2022 par le juge-commissaire près le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion ;

Y ajoutant

DEBOUTE M. [O] [R] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE M. [O] [R] à payer à la SELARL [M] en sa qualité de liquidateur de M. [O] [R] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LE CONDAMNE aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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