Déclaration de créances : 6 septembre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 20/01141

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Déclaration de créances : 6 septembre 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 20/01141
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6 septembre 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
20/01141

ARRÊT N°23/

FA

R.G : N° RG 20/01141 – N° Portalis DBWB-V-B7E-FMPK

[F]

S.E.L.A.R.L. [S] [L]

C/

[N]

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2023

Chambre commerciale

Appel d’une décision rendue par le TJ A COMPETENCE COMMERCIALE DE SAINT-DENIS en date du 17 MARS 2020 suivant déclaration d’appel en date du 21 JUILLET 2020 RG n° 18/01697

APPELANTS :

Monsieur [J] [F]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentant : Me Frédérique FAYETTE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.E.L.A.R.L. [S] [L] es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL LOVE TO LOVE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentant : Me Frédérique FAYETTE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

Madame [W] [T] [N] épouse [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Agnès GAILLARD de la SCP GAILLARD – SAUBERT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 23/01/2023

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Juin 2023 devant Monsieur ALZINGRE Franck, Conseiller, qui en a fait un rapport, assisté de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2023.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 06 Septembre 2023.

* * *

LA COUR

Par acte en date du 12 septembre 2007, l’indivision [N] [C] représentée par Mme [P] [N] a donné à bail à la SARL Love To Love, représentée par M. [J] [F], un local commercial situé n° [Adresse 2] aux fins d’exploiter une discothèque.

Le 22 juillet 2015, un contrat de location gérance était conclu entre la SARL Love To Love et la SARL La Suite (locataire-gérant).

Le 11 septembre 2015, le locataire-gérant qui devait effectuer des travaux d’aménagement a découvert que le local était infesté de termites.

Une expertise amiable a été réalisée par M. [O] qui a confirmé que le local commercial était infesté et très fragilisé par les termites et que des travaux de traitement anti-termites étaient nécessaires, évalués à 100.000 euros environ.

Par ordonnance de référé en date du 16 juin 2016, une expertise a été ordonnée et la consignation des loyers depuis le mois de septembre 2015 jusqu’à la fin des opérations d’expertise a été autorisée. L’expert judiciaire a rendu son rapport le 12 avril 2017.

Ne pouvant plus exploiter le fonds, la société Love To Love a été placée en redressement judiciaire par jugement en date du 17 août 2016 puis en liquidation judiciaire selon jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion en date du 23 août 2017.

Par acte d’huissier en date du 19 avril 2018, la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love, et M. [F] ont fait assigner Mme [W] [T] [N], épouse [E], devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion aux fins d’homologation du rapport d’expertise judiciaire et condamnation de Mme [E] à payer à la SELARL [S] [L] les sommes de 185.534,28 euros, au titre du manque à gagner du fait des loyers commerciaux de location gérance, 212.736,96 euros au titre de la perte de chance de céder le fonds de commerce, à payer à la SELARL [S] [L] et à M. [F] les sommes de 13.680 euros au titre du manque à gagner du fait des loyers du « contrat de licence 47 M CATÉGORIE » qu’il a perdu du fait de l’inaction des propriétaires et leur attitude fautive et 5.000 euros chacun au titre des frais irrépétibles, et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

Mme [E] a conclu au débouté des prétentions de M. [F] et de la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love, et a sollicité à titre reconventionnel et principal la production de constats d’huissier réalisé par Me [L] dans le cadre de la procédure collective ainsi que les éléments comptables de la société Love To Love depuis 2012 et la condamnation de M. [F] et la société Love To Love à lui verser les sommes de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts et 4.000 euros au titre des frais irrépétibles et à titre subsidiaire la compensation entre la perte des loyers de la location gérance et la dette locative d’un montant de 142.590,70 euros.

C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 17 mars 2020, le tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion a :

-DONNÉ ACTE de la production aux débats de l’attestation de remise des clés du local sis [Adresse 2] ainsi que du procès-verbal de vente aux enchères publiques en date du 8 décembre 2017,

-DIT n’y avoir lieu à homologation du rapport d’expertise rendu par Mme [Z] le 12 avril 2017,

-DÉBOUTÉ la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love, et M. [J] [F], de l’intégralité de leurs demandes,

-DÉCLARÉ irrecevable la demande de communication de pièces faites par la défenderesse,

-DÉBOUTÉ Mme [W] [T] [N] épouse [E] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

-CONDAMNÉ la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love, et M. [J] [F] à payer à Mme [W] [T] [N] épouse [E] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-ORDONNÉ l’exécution provisoire du présent jugement

-CONDAMNÉ la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love, et M. [J] [F] aux entiers dépens.

* * *

Par déclaration au greffe en date du 21 juillet 2020, la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love a interjeté appel de cette décision (RG 20/1141).

Par déclaration à même date, M. [F] a également interjeté appel de cette décision (RG 20/1142).

Le 23 juillet 2020, l’affaire a été orientée sur le circuit de la mise en état et, le 12 août 2020, Mme [N] s’est constituée intimé.

Par ordonnance en date du 16 septembre 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

Les appelants ont notifié par voie électronique leurs premières conclusions, le 20 octobre 2020. Le 21 octobre 2020, toujours par RPVA, la SELARL [L] a notifié des conclusions en son seul nom. L’intimé a répondu par RPVA le 20 janvier 2021.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2021.

Par arrêt avant-dire droit en date du 21 septembre 2022, la cour de céans a révoqué l’ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats afin de solliciter les explications de l’intimée quant à l’identité du bailleur et permettre aux parties de faire toutes observations utiles sur ce point, et ce avant le 14 novembre 2022 sous peine de radiation.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 septembre 2021, M. [F] demande à la cour, au visa du décret n° 2016-230 du 26 février 2016 et de l’arrêté du même jour, des articles 605, 606 du code civil, L. 621-11 et L. 622-20 du code de commerce, de :

-DIRE recevable et bien fondé l’appel interjeté par M. [F],

-INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

Dit n’y avoir lieu à homologation du rapport d’expertise rendu par Mme [Z] le 12 avril 2017

Débouté la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love, et M. [J] [F] de l’intégralité de leurs demandes,

Condamné la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love, et M. [J] [F] à payer à Mme [W] [T] [N] épouse [E] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En conséquence et statuant à nouveau,

-HOMOLOGUER le rapport d’expertise judiciaire de Mme [Z] en date du 12 avril 2017,

-DIRE ET JUGER que le bailleur, Mme [N], épouse [E], est responsable des désordres subis par le locataire, la SARL Love To Love dans le local commercial et des préjudices subis par M. [F],

-CONDAMNER Mme [N], épouse [E], à payer à M. [F] la somme de 13.680 euros au titre du manque à gagner du fait des loyers du contrat de licence IV qu’il a perdu du fait de l’inaction des propriétaires et leur attitude fautive,

-DÉBOUTER Mme [N], épouse [E], de l’ensemble de ses demandes,

-CONDAMNER Mme [N], épouse [E], à payer à M. [F] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

-DIRE ET JUGER dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par cet huissier, par application du décret n° 2016-230 du 26 février 2016 et de l’arrêté du même jour (tarif des huissiers) devront être supportées par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

Selon dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 décembre 2022, la SELARL [L] demande à la cour de :

-Déclarer recevable et bien fondée la SELARL [S] [L], agissant en qualité de liquidateur de la société Love To Love, désignée en cette qualité par jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion du 23 août 2017, en toutes ses demandes dirigées contre Mme [N], épouse [E], ;

-INFIRMER le jugement rendu le 17 mars 2020 en ce qu’il a :

Dit n’y avoir lieu à homologation du rapport d’expertise rendu par Mme [Z] le 12 avril 2017

Débouté la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love, et M. [J] [F] de l’intégralité de leurs demandes,

Condamné la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love, et M. [J] [F] à payer à Mme [W] [T] [N] épouse [E] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love, et M. [J] [F] aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

Vu le rapport d’expertise judiciaire déposé le 12 avril 2017 par Mme l’expert [Z],

-DIRE ET JUGER que le bailleur n’a pas respecté les dispositions combinées des articles 606 et 1720 du code civil,

-DIRE que la très grande majorité des désordres constatés dans l’immeuble sur lequel porte bail commercial sont les suites et la conséquence de l’humidité et des infiltrations d’eau, ce qui démontre que le bailleur n’a pas délivré à son locataire un local commercial clos et couvert,

En conséquence,

-CONDAMNER Mme [W] [N] épouse [E] à payer à la SELARL [L] es qualité de liquidateur de la société Love To Love une somme de 185.534,28 euros au titre du manque à gagner du fait de la perte des loyers commerciaux location gérance,

Subsidiairement, si la cour devait considérer qu’il s’agissait d’une perte de chance,

-DIRE que cette perte de chance de bénéficier des loyers commerciaux de location gérance est de 80 %,

En conséquence subsidiairement,

-CONDAMNER Mme [W] [N], épouse [E], à payer à la SELARL [L] es qualité de liquidateur de la société Love To Love une somme de 148.187,42 euros au titre du manque à gagner du fait de la perte de 80 % des loyers commerciaux de location gérance,

-CONDAMNER Mme [W] [N], épouse [E], à payer à la SELARL [L] es qualité de liquidateur de la société Love To Love une somme de 212.736,96 euros au titre de la perte de chance de céder le fonds de commerce,

-CONDAMNER Mme [W] [N], épouse [E], à payer à la SELARL [L] es qualité de liquidateur de la société Love To Love une somme de 13.680 euros au titre du manque à gagner du fait des loyers de la licence IV qu’il a perdus,

-Enfin, REJETER la demande reconventionnelle de Mme [E],

Dans tous les cas,

-CONDAMNER Mme [W] [N], épouse [E], à payer à la SELARL [L] es qualité de liquidateur de la société Love To Love une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance, d’appel, de référé et d’expertise judiciaire, outre les dépens liés aux mesures conservatoires engagées.

* * *

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 novembre 2022, Mme [E] demande à la cour, au visa des articles 1728 et 1147 ancien du code civil, de :

Confirmant la décision querellée sauf en ce qui concerne les demandes reconventionnelles de Mme [E] :

-DIRE ET JUGER l’appel incident de Mme [E] recevable et le dire fondé,

-ORDONNER la production des constats d’huissier réalisés par Me [B] sur requête de Me [L] dans le cadre de la procédure collective, ainsi que les éléments comptables de la SARL Love To Love depuis 2012,

-à défaut, EN TIRER toutes conséquences

-CONSTATER que, dès qu’elle a été informée de la présence de termites, Mme [E] a immédiatement mis en ‘uvre les moyens de les éradiquer,

-CONSTATER que le locataire n’a jamais informé le bailleur d’un quelconque désordre du local autre que la présence de termites,

-DIRE ET JUGER que sa responsabilité ne saurait dès lors être engagée, ni au titre de l’obligation de délivrance, ni au titre de l’obligation d’entretien

-REJETER par suite l’intégralité des demandes adverses

-CONSTATER que le locataire a cessé d’exploiter le local loué et l’a aménagé de manière à créer un environnement propice aux insectes xylophages

-DIRE ET JUGER qu’il n’a pas joui du local raisonnablement, mais bien au contraire de manière à compromettre la solidité de l’ouvrage

-DIRE ET JUGER que son comportement est constitutif d’une faute de nature à engager sa responsabilité, qui a causé un grave préjudice à Mme [E],

-en conséquence, CONDAMNER M. [F] et la SARL Love To Love (sous réserve d’inscription au registre des créances de la SARL Love To Love) à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,

-CONDAMNER les mêmes à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel,

A titre subsidiaire, et si par impossible la juridiction de céans engageait la responsabilité de Mme [E],

-REJETER les demandes liées à la prétendue perte d’une chance de vendre le fonds de commerce et à la prétendue perte de revenus liés à la location de la licence IV,

-PRONONCER la compensation entre la perte des loyers de la location gérance et la dette locative d’un montant de 142.590,70 euros.

* * *

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour observe que la production aux débats de l’attestation de remise des clés du local loué, sis [Adresse 2] ainsi que du procès-verbal de vente aux enchères publiques en date du 8 décembre 2017 n’est plus discutée à hauteur d’appel.

Sur les suites de l’arrêt avant-dire droit et la qualité à agir de Mme [N]

Le liquidateur judiciaire sollicite que, faute d’observation de l’intimée, aucune radiation ne soit prononcée dans la mesure où lui-même n’a pas manqué de diligence, ce d’autant plus qu’au regard de l’acte de partage de l’indivision des consorts [N] daté du 19 novembre 2008, il est établi que le partage a eu lieu et que la propriété du bien loué a été attribué à Mme [W] [N].

Cette dernière réplique qu’au moment de la signature du bail, le 12 septembre 2007, la succession n’avait pas été réglée et, dans l’attente, il avait été donné mandat à la doyenne des consorts [N] pour passer les actes au nom de l’indivision. Quoi qu’il en soit, la qualité de bailleresse a été dévolue à Mme [W] [N] à la suite de l’acte de partage.

Sur ce,

En l’espèce, le bail du 12 septembre 2007 versé aux débats, a été signé entre « l’indivision [N] [C], représentée par Mme [N] [P] » et la SARL Love To Love représentée par M. [J] [F].

En outre, par attestation du 4 avril 2014, Maître [Y], notaire associé, affirme qu’aux termes d’un acte qu’il a reçu le 19 novembre 2008, concernant partage entre Mme [P] [A], Mme [W] [N], Mme [R] [N], Mme [H] [N], Mme [U] [K], Mme [I] [N], Mme [X] [N], M. [M] [N], qu’il a été attribué à Mme [W] [N] la pleine propriété du bien ci-après désigné, un bâtiment à usage commercial, élevé d’un étage, et des dépendances, le tout étant cadastré en section [Cadastre 6], sis [Adresse 3].

La comparaison de ces deux documents permet d’en conclure qu’il est question du même bien.

Par ailleurs, l’article 6 des conditions générales du bail précité stipule que « le preneur pourra, s’il remplit les conditions légales, consentir à une location gérance du fonds de commerce par lui exploité et concéder au locataire-gérant un droit d’occupation des lieux loués. Il devra notifier au bailleur cette mise en location-gérance et lui remettre une copie du contrat ».

Le contrat de location-gérance, également produit aux débats, reprend cette obligation de notification au bailleur qui a été respectée. En effet, M. [F], en sa qualité de représentant de la SARL Love To Love, produit un acte de dénonce au bailleur en la personne de Mme [W] [N].

De l’ensemble, il en résulte qu’il n’y a aucun doute quant à l’identité du bailleur, il s’agit bien de Mme [W] [N] de sorte que sa qualité et son intérêt à agir ne font pas défaut et que son appel incident devra être déclaré recevable.

Sur l’homologation du rapport d’expertise en date du 12 avril 2017

M. [F] fait valoir que le juge du fond, comme l’a fait en première instance le tribunal judiciaire de Saint-Denis, ne peut nullement se fonder sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile aux fins de rejeter la demande d’homologation d’un rapport d’expertise, de sorte que la décision déférée manque de ce chef de base légale.

Sur ce,

Le juge civil n’est pas lié par les constatations et conclusions des experts, comme le précise expressément l’article 246 du code procédure civile. Il apprécie souverainement la portée des rapports d’expertise (Cass. 2e Civ. 27 mars 2014 pourvoi n° 13-15.820) sous réserve de ne pas dénaturer les conclusions et constatations des rapports d’expertise et sous réserve de répondre aux griefs invoqués par les parties.

Il peut prendre en compte d’autres éléments de preuve et apprécie s’il dispose d’éléments suffisants pour statuer, notamment en présence d’une expertise ordonnée dans le cadre d’une procédure amiable ou pénale. En présence de plusieurs expertises contradictoires, il peut décider de se fonder seulement sur l’une d’elles.

Au cas d’espèce, pour que puisse être conservée une totale liberté d’appréciation des preuves, la demande d’homologation exprimée par l’appelant principal sera rejetée.

En effet, la cour rappelle que l’homologation est le fait pour une juridiction d’approuver les conclusions d’un acte juridique, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Sur l’expertise amiable

Mme [N] verse aux débats le rapport établi par M. [G] en date du 21 août 2016, expert saisi à titre privé par ses soins.

Comme l’a rappelé le premier juge, ces conclusions ont été débattues tant en première instance que durant la mise en état s’étant déroulée à hauteur d’appel, dans ces conditions le respect du principe du contradictoire ne fait pas défaut. La décision du premier juge sera donc confirmée de ce chef.

Sur la communication de pièces

Mme [N] sollicite la production de l’ensemble des constats d’huissier réalisés par Maître [B] sur requête de Maître [L] dans la procédure collective (état des lieux, restitution des clés, notamment). Elle souligne que le procès-verbal constatant la remise des clés a été produit, mais pas celui se rapportant à l’état des lieux qu’elle estime pourtant primordial.

Elle souhaite également voir produites les pièces comptables du locataire pour les années 2012 à 2016, étant rappelé qu’aucun bilan n’a été déposé au greffe du tribunal mixte de commerce et qu’il ne peut lui être opposé l’application des règles de la procédure collective, la production de ces pièces étant de nature à lui permettre d’exercer les droits de la défense.

Les deux autres parties ne répondent pas à cette demande.

Sur ce,

Pour déclarer irrecevable cette demande, le juge de première instance a indiqué que « cette demande constitue un incident de mise en état de la seule compétence du juge de la mise en état et non de la juridiction de fond ».

Cette argumentation ne peut prospérer au regard de l’article 138 du code de procédure civile. Selon un arrêt rendu par la Cour de cassation, en effet, dans les procédures comportant une mise en état, une demande de production de pièces formées conformément aux articles 138 et suivants peut être présentée devant la juridiction de jugement par une partie qui n’en a pas saisi le juge ou le conseiller de la mise en état (Civ 3ème, 15 octobre 2014).

Malgré tout, il résulte de l’expertise judiciaire qu’au moment de l’état des lieux, la présence des termites n’était pas détectée, pas plus que tout autre désordre, ce dont conviennent le liquidateur judiciaire et M. [F]. De surcroît, la cour n’estime pas nécessaire la production des autres pièces sollicitées, à savoir les constats d’huissier effectués par Maître [B] sur requête de Maître [L] dans le cadre de la procédure collective, ainsi que les éléments comptables de la SARL Love To Love.

C’est pourquoi la demande sera rejetée et non déclarée irrecevable, et la décision des premiers juges sera donc infirmée de ce chef.

Sur la faute du bailleur

Le liquidateur judiciaire se fonde sur les articles 606, 1719 et 1720 du code civil. Il ajoute qu’en première instance n’ont pas été tirées les conséquences du rapport de l’expert judiciaire, lequel relève des désordres multiples dans différentes parties du bâtiment ayant pour origine directe les infiltrations et l’humidité que présente le local commercial loué. Il ne peut être considéré que l’immeuble se trouvait ruiné du fait exclusif de la présence de termites.

Il poursuit en affirmant que le bailleur n’a pas respecté ses obligations de donner à bail un immeuble clos et couvert (la toiture fuit, les murs de façade ne sont pas étanches, les gouttières sont inexistantes, le sous-sol a été inondé), ses obligations se déclinant en une obligation de délivrance puis une obligation d’entretien ; que le problème des termites est donc secondaire ; que ce sont les désordres d’humidité et d’infiltration qui ont provoqué l’infestation des termites ; que, quoi qu’il en soit il y a lieu de distinguer parmi les catégories de termites : celles à l’origine de l’infestation sont de type souterrain et de bois sec, tandis que celles qui se sont développées sont les termites de bois humide, ce qui signifie que le propriétaire n’a pas entretenu le clos et le couvert (article 606 du code civil) ; que l’humidité est liée à la structure du bâtiment

Par ailleurs, les conclusions de l’expert privé sont sujettes à caution en ce qu’elles comportent des allégations mensongères et que les modifications apportées par le preneur ne sont pas responsables de l’infestation par les termites, sans compter que les aménagements ont été apportés en lien avec l’activité projetée pour laquelle le contrat de bail avait été signé et que le problème de ventilation n’est pas pointé du doigt par l’expert judiciaire.

M. [F] abonde dans le même sens, tout en précisant que le bailleur est tenu d’une obligation de délivrance et d’une obligation de maintenir les locaux conformes à leur destination contractuelle, et ce pendant toute la durée du bail ‘ lui imposant de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices structurels des lieux loués. Il insiste sur le fait que l’infestation des termites a pour origine des désordres structurels relevant des obligations du bailleur et qu’il résulte des clauses contractuelles une obligation pour le bailleur de répondre de la vétusté du local commercial. Or, selon l’expert judiciaire, cette vétusté est ancienne.

Il ajoute que le tribunal a fondé sa décision exclusivement sur une expertise non judiciaire demandée par une seule partie même débattue contradictoirement et, ce faisant, le tribunal n’a pas respecté une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation ; que le procès-verbal d’huissier en date du 31 juillet 2018 intervient trois ans après les faits en litige et plus d’un an après la remise des clés ; que ce rapport privé n’est pas impartial sans respect du contradictoire, et qu’il est tardif.

Mme [N] oppose les obligations qui reposent sur le preneur, en particulier celle d’user des lieux raisonnablement, ce que le bail reprend expressément en page 5. La faute du locataire est caractérisée par :

-l’absence d’exploitation du local (depuis 2014 a minima), celle-ci survenant après des difficultés liées à des actes de délinquance mais aussi du fait d’infractions aux règles d’hygiène et de sécurité notifiées par la préfecture ; par ailleurs, elle rappelle avoir été confrontée à un local fermé et un gérant absent, ce qui a rendu difficile l’accès à la société de désinsectisation, des procès-verbaux de constat d’huissier en attestent ;

-la modification du local loué sans autorisation préalable qui a conduit à une absence totale de ventilation et à une obscurité constante ;

-l’ameublement du local, constitué à partir de cellulose et dont les termites sont friands ;

-la pompe équipée d’un système de relevage n’a pas été alimentée électriquement, de sorte qu’elle ne pouvait pas se mettre en marche ;

Elle en déduit que le locataire a créé des conditions propices à l’invasion de termites.

Elle fait également remarquer que l’expert judiciaire ne s’est prononcé ni sur la date d’apparition des termites ni sur leur origine, et n’a pas non plus évoqué ni la modification des lieux, ni l’impact de la fermeture du local durant une longue période antérieure à sa nomination, contrairement à l’expert privé, lequel précise que ce sont les modifications apportées qui sont responsables de l’infestation des termites.

En tout état de cause, elle estime n’avoir commis aucune faute. Tout d’abord, parce que lors de la délivrance initiale du local, les lieux étaient sains et que le locataire a pu installer durablement son activité, tant et si bien qu’il n’a effectué aucune remarque sur l’état du local jusqu’au mois de septembre 2015. Ensuite, parce qu’elle a réagi immédiatement lorsque la présence des termites lui a été signalée. Encore, parce qu’il n’est pas établi que la présence des insectes xylophages a empêché l’exploitation du local pris à bail (le procès-verbal et rapport de M. [D] [O] doit être écarté des débats faute de contradictoire et d’impartialité), ou encore que les termites étaient présents lors de l’entrée dans les lieux (la datation de leur apparition n’est pas possible). En tout état de cause, les conclusions de l’expertise judiciaire ne permettent pas d’engager la responsabilité de Mme [N], lesdites conclusions étant imprécises et contradictoires. Cette absence de responsabilité est corroborée par le fait qu’en 2015, le seul désordre allégué était la présence d’insectes xylophages.

Pour finir, elle rappelle que la dette locative de 142.590,70 euros est irrécouvrable du fait de la procédure de liquidation judiciaire, sans compter que le local s’est dégradé (nécessitant de lourds travaux afin de pouvoir être reloué) et que cette situation a eu un impact sur son état de santé. L’ensemble justifie un dédommagement.

A titre subsidiaire, la compensation – entre les dommages-intérêts au titre de la perte de revenus tirés de la location-gérance sollicités par le locataire et la perte loyers ‘ se justifie par la connexité de ces dettes qui découlent du même contrat. Quant à la perte de chance de céder le fonds de commerce, l’absence de tout élément comptable permettant d’évaluer le fonds s’y oppose. S’agissant de la perte de loyer de la licence IV, elle est déjà incluse dans le calcul de l’expert.

Sur ce,

Vu l’article 606 du code civil,

Les articles 1719 et 1720 décrivent les principales obligations pesant sur chacun des parties à un contrat de bail,

Aux termes des articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée. Cette obligation de délivrance est valable tant à la prise d’effet que pendant tout le cours du bail.

Au cas d’espèce, en vertu d’un bail commercial en date du 12 septembre 2007, Mme [P] [N] a donné à bail à la société SARL Love To Love, représentée par M. [J] [F], un local sis [Adresse 2].

La clause 1.3 dudit contrat rappelle les exigences posées par l’article 606 précité : « Entretien, travaux et réparation à la charge du bailleur : le bailleur conservera exclusivement à sa charge les grosses réparations telles que définies à l’article 606 du code civil et les frais de ravalement que ceux-ci soient afférents aux biens loués ou à l’immeuble dans lequel il se trouve ». Mais, il est également précisé par la clause 1.2.1 que : « Pendant tout le cours du présent bail et de ses renouvellements, le preneur devra entretenir les biens loués constamment en bon état d’entretien et de réparations de toutes sortes quelles qu’en soient la nature et l’importance, à l’exclusion de ce que le bailleur conserve à sa charge. Il devra notamment assurer, sans aucun recours contre le bailleur, l’entretien complet de la devanture et des fermetures des biens loués. Le tout devra être constamment maintenu en parfait état de propreté et les peintures extérieures refaites aussi souvent qu’il sera nécessaire et au moins une fois tous les dix ans. Le preneur supportera toutes les réparations y compris celles visées à l’article 606 du code civil qui seraient rendues nécessaires en raison d’un défaut d’entretien ou d’exécution de travaux lui incombant ou en cas de dégradations de son fait, de celui de sa clientèle ou de son personnel [‘]. Il ne pourra rien faire ni laisser faire qui puisse détériorer les biens loués et devra prévenir le bailleur, sans aucun retard, par lettre recommandée avec avis de réception. »

Le même jour, les parties au contrat ont signé un avenant duquel il résulte qu’il « est convenu que le bailleur autorise le preneur à réaliser tous travaux de modification de la distribution intérieure ne mettant pas en péril l’édifice, ainsi que tout aménagement rendu nécessaire pour une mise aux normes en matière de sécurité.

Il est également convenu que l’entretien et la réparation de la pompe à eau du sous-sol est à la charge exclusive du preneur sans aucun recours possible contre le bailleur ».

Le 22 juillet 2015, un contrat de location gérance est conclu entre la SARL Love To Love et la SARL La Suite et, lorsque cette dernière entreprend des travaux d’aménagement intérieur, il est découvert la présence de termites, et ce dès le 11 septembre 2015.

Par suite, le locataire-gérant a alors fait appel à un architecte, expert près la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, en la personne de M. [D] [O], lequel dresse un procès-verbal de constat en date du 9 décembre 2015, rédigé en ces termes : « Les constats effectués permettent de confirmer l’infection par des insectes xylophages. Nous avons pu relever que l’intégralité de la construction principale était concernée [‘]. En marge du traitement chimique visant à éradiquer les termites, il est indispensable de procéder à un diagnostic complet de la structure et des habillages afin d’évaluer le risque de ruine éventuelle. Étant donné le niveau des dégradations et l’importance des travaux à envisager, tant pour le traitement que pour les réparations des conséquences, nous pouvons établir qu’il y a, en l’état, impropriété à destination ».

Sur cette base et celle d’une expertise amiable, la société Love To Love et M. [J] SCIARLI ont fait assigner par acte en date du 1er avril 2016 Mme [W] [N] par devant le président du tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion, statuant en matière de référés aux fins de voir ordonner une mesure d’expertise judiciaire, et suspendre le paiement des loyers commerciaux échus depuis octobre 2015.

Les conclusions de l’expertise judiciaire remettent en question, selon le liquidateur judiciaire et M. [F], le lien existant entre la découverte de l’infestation et l’impossibilité de continuer un exercice commercial des lieux loués.

Selon l’expert, Mme [Z], il existe plusieurs désordres d’étanchéité, d’infiltrations et d’humidité – sur la toiture, les murs de façade, les gouttières, les menuiseries, la charpente, les faux-plafonds, le sous-sol et les sols ‘ lesquels sont liés à la vétusté du bâtiment et non à la présence des termites : « Les désordres étaient existants bien avant l’infestation et se sont aggravés avec le temps. La date d’apparition des désordres ne peut pas être chiffrée avec exactitude. Ils relèvent directement de la vétusté du bâtiment. La structure est ancienne et n’a pas subi de rénovation ».

Toutefois, en ajoutant que « lors de la prise de possession des lieux, les désordres ne devaient pas être visibles. La quasi-totalité des bois infestés et visibles le jour de la visite était recouverte par d’autres matériaux (carrelage, contreplaqué, lambris’) Des profanes peuvent ignorer les déjections de termites et les assimiler à des poussières », l’expert admet qu’aucune des parties au moment de la signature du bail n’avait connaissance des désordres, et, plus encore, que cet état de méconnaissance a perduré pendant plusieurs années.

D’autres éléments abondent en ce sens :

-la SARL Love To Love dit avoir exploité le local commercial jusqu’en septembre 2015, ce qui prouve qu’elle n’a pas été gênée pour le faire ;

-cette société a envisagé sans difficulté aucune la poursuite de son activité sous la forme d’un contrat de location-gérance au profit de la SARL La Suite – pour mémoire, ce contrat a été signé le 22 juillet 2015 ;

-lorsqu’elle a saisi en 2016 le juge des référés, aux fins de voir désigner un expert judiciaire, il n’était alors question que d’un problème de termites.

En outre, antérieurement à ces événements, le preneur ne justifie pas avoir avisé le bailleur de désordres quelconques, aussi était-il impossible pour celui-ci de réagir et de prendre des mesures adéquates, sauf à admettre que les obligations de délivrance et d’entretien impliquent pour le bailleur de se renseigner au-delà de ce que le preneur est lui-même censé connaître, en particulier du fait qu’il est seul habilité à pénétrer dans les lieux durant le temps de la location.

Autrement dit, Mme [N] ne peut être tenue pour responsable de désordres non signalés par son locataire, alors que ce dernier avait l’obligation de le faire sans délai. Le respect par le bailleur de son obligation de délivrance et d’entretien présuppose en effet le respect d’un devoir d’information de la part du preneur.

Cette conséquence s’impose d’autant plus que les aménagements opérés par le preneur ont eu pour effet non seulement de cacher l’infestation mais aussi d’en favoriser le développement.

À propos de ces aménagements, le rapport de M. [O], effectué après une visite en date des 2 et 4 décembre 2015, donne des précisions éclairantes :

– « dans la pièce principale du RDC, le plafond est totalement recouvert par des panneaux d’habillage ; la structure du fond plafond n’est pas visible ; nous n’avons pas pu établir si l’ouvrage était atteint par l’attaque xylophage ; le sol du niveau RDC est constitué d’une rehausse type estrade en pin recouvert de planches contreplaquées ;

-à l’étage le plafond a été partiellement démonté ; nous voyons sur les différentes strates qui composent le plafond que certains éléments étaient touchés par l’infection xylophage ;

– dans les locaux annexes au volume principal nous relevons également des traces d’attaques ; l’entrepreneur indique que certains éléments d’agencement (mobilier) en bois étaient infectés »

Ces effets néfastes pour la « santé de l’édifice », attachés aux aménagements opérés par le preneur, sont corroborés par d’autres pièces versées aux débats :

-tout d’abord, les constats opérés le 31 juillet 2018 par procès-verbal d’huissier de justice, duquel il résulte la présence de meubles en bois et contreplaqués, l’obturation de plusieurs ouvertures (certaines ont été murées), l’existence d’une eau stagnante au sous-sol nécessitant d’actionner une pompe de relevage à partir d’un tableau électrique situé au rez-de-chaussée ;

-ensuite, les conclusions de l’expert privé, dont le rapport a été établi le 20 août 2018 : « presque toutes les ouvertures, portes fenêtres, fenêtres ont été obstruées par le locataire précédent et ceci ne permet pas une ventilation normale de l’immeuble. La cave est légèrement humide du fait du non fonctionnement de la pompe, le fonctionnement de la pompe a été vérifié ».

Or, l’expert judiciaire a rappelé dans son rapport que « la situation dans un département fortement touché par les insectes xylophages ainsi que les désordres constatés dans le bâtiment accentuaient fortement les probabilités d’attaques. Les infiltrations constatées, l’humidité du sous-sol, la fermeture du local, l’absence de luminosité, l’absence de ventilation et la température importante sont des facteurs propices au développement des termites souterrains et des termites de bois secs. En l’espèce, les deux types de termites ont été constatées [‘]. » Autant de facteurs qui sont en lien avec les aménagements entrepris par le preneur.

Enfin, s’agissant de l’humidité présente au sous-sol, et qui n’est manifestement pas en lien avec l’infestation par les termites, la lecture du contrat de bail et de son avenant apprend que le preneur a été dûment informé d’un problème d’inondation nécessitant d’actionner une pompe de relevage, présente sur place.

Puisqu’il n’est pas contesté que le preneur a cessé toute activité en 2015, il est tout à fait logique qu’en l’absence de personnels pour effectuer la manipulation, deux à trois ans après, les experts et huissier de justice aient pu constater la présence d’eau stagnante au sous-sol.

En conséquence, le non-respect d’une obligation de délivrance et d’une obligation d’entretien n’est pas caractérisé à l’encontre de Mme [N].

Il s’en déduit que toutes les demandes dont elles sont la conséquence (indemnisations liées au manque à gagner du fait des loyers commerciaux de location gérance, du fait de la perte de chance de céder le fonds de commerce, du fait des loyers de contrat de licence IV) seront rejetées, et que la décision du premier juge de ces chefs sera confirmée.

Sur l’appel incident et la demande d’indemnisation du bailleur

Le bailleur, à l’appui de sa demande, soutient que le locataire, au mépris de ses obligations légales et contractuelles, a participé à la dégradation du bien à tel point que ce dernier se trouve dans un état déplorable.

Au vu de ce qui précède, il est manifeste que le preneur, par les aménagements qu’il a entrepris’ en particulier l’obstruction des ouvertures entraînant une grande obscurité ‘ a créé des conditions favorisant le développement des termites, accélérant ainsi et nécessairement la dégradation du bien.

Reste que cela s’est produit sans qu’il en ait pleinement conscience.

En effet, l’infestation n’a été décelée qu’avec le rapport de M [O], soit le 9 décembre 2015, et ses causes n’ont pu être débattues qu’avec les expertises privé et judiciaire, soit presque deux ans après la cessation d’activité.

Dans ces conditions, aucune responsabilité ne peut être imputée au preneur et la décision du premier juge sera confirmée de ce chef, étant rappelé que la dette locative a fait l’objet d’une déclaration de créance dans le cadre de la procédure collective ouverte pour la SARL Love To Love.

Sur les mesures accessoires

Compte tenu de la décision de confirmation, à l’exception du chef visant la communication de pièces, les mesures accessoires décidées en première instance seront confirmées.

À hauteur d’appel, l’équité commande de condamner le liquidateur judiciaire et M. [F] à payer à Mme [N] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les mêmes seront condamnés aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

DIT recevable l’appel incident de Mme [W] [N] épouse [E],

CONFIRME la décision rendue le 17 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion, sauf en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande de communication de pièces faites par Mme [N],

Statuant de nouveau sur le chef infirmé,

REJETTE la demande de communication de pièces formulée par Mme [W] [T] [N] épouse [E],

Y ajoutant,

CONDAMNE la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love et M. [J] [F] à payer à Mme [W] [T] [N] épouse [E] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SELARL [S] [L], es qualité de liquidateur de la société Love To Love et M. [J] [F] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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