Déclaration de créances : 6 juillet 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/00835

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Déclaration de créances : 6 juillet 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/00835
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6 juillet 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/00835

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2023

N° 2023/92

Rôle N° RG 20/00835 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOWW

SCI LES ROUMANIOUS

C/

[W] [Y] [Z]

[V] [D]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Isabelle GARNIER-SANTI

Me Laurence FILIO-LOLIGNIER

Me Delphine DURANCEAU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX EN PROVENCE en date du 02 Décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/00238.

APPELANTE

SCI LES ROUMANIOUS, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Isabelle GARNIER-SANTI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Fabrice BATTESTI, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, plaidant, substituant Me Isabelle GARNIER-SANTI

INTIMES

Monsieur [W] [Z]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/003440 du 24/07/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le 04 Novembre 1963 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté de Me Laurence FILIO-LOLIGNIER, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [V] [D]

né le 10 Octobre 1972 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Delphine DURANCEAU de la SELARL DURANCEAU PARTENAIRES & ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRASSE

assisté de Me Magalie PIN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, plaidant, substituant Me Delphine DURANCEAU

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Françoise FILLIOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 20 juin 1995, la SCI Les Roumanious a donné à bail à la SARL Synergym, pour y exploiter une salle de culture physique, un local situé [Adresse 6].

Ce bail commercial, avec prise d’effet au 1er juillet 1995, a été conclu pour une durée de neuf ans moyennant un loyer annuel de 166.947,72 francs hors-taxes.

Le bail a été renouvelé selon acte du 1er avril 2004, moyennant un loyer annuel de 27.441 euros. M. [W] [Z] et M. [V] [D] se sont alors portés cautions solidaires des engagements de la SARL Synergym, envers la bailleresse.

Un second renouvellement du bail a été signé entre les sociétés le 24 avril 2013, le loyer étant fixé à la somme annuelle de 38.035 euros, MM. [W] [Z] et [V] [D] se portant à nouveau cautions solidaires des engagements de la SARL Synergym envers la SCI Les Roumanious.

La société preneuse a, à compter de l’année 2015, réglé de manière irrégulière son loyer et ses charges.

Par jugement du 24 mars 2016, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SARL Synergym, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 12 avril 2016.

Le 22 avril 2016, la SCI Les Roumanious a déclaré sa créance au passif de cette procédure collective pour la somme de 15.364,04 euros.

Dans le cadre de la liquidation judiciaire de la locataire, le bail a été résilié, selon courrier du 14 juin 2016, par le liquidateur judiciaire, qui a alors remis à la société bailleresse les clés de son local.

Par exploits des 29 décembre 2016 et 7 janvier 2017, la SCI Les Roumanious a fait assigner M. [W] [Z] et M. [V] [D], en leur qualité de cautions solidaires de la SARL Synergym, en paiement devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence.

Par jugement du 2 décembre 2019, ce tribunal a :

‘ déclaré nuls pour défaut de respect des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, les cautionnements donnés le 24 mai 2013 par MM. [V] [D] et [W] [Z] à la SCI Les Roumanious,

‘ débouté la SCI Les Roumanious de l’ensemble de ses demandes,

‘ débouté M. [V] [D] de ses demandes en restitution de matériel et réparation du préjudice moral,

‘ dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné la SCI Les Roumanious aux dépens.

Suivant déclaration du 17 janvier 2020, la SCI Les Roumanious a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 30 avril 2023, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande la cour de :

‘ infirmer le jugement rendu le 2 décembre 2019 par le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence,

à titre principal :

‘ juger que les cautionnements souscrits par MM. [V] [D] et [W] [Z] constituent des actes de commerce qui ne sont pas soumis aux dispositions des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation,

‘ débouter M. [D] et M. [Z] de leurs demandes tendant à déclarer irrecevable cet argument dès lors qu’il serait nouveau, les moyens nouveaux étant parfaitement recevables au visa des articles 563, 564, 565, 566 du code de procédure civile,

subsidiairement :

‘ juger qu’elle n’a pas la qualité de créancier professionnel, les dispositions des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation ne lui étant pas applicables,

‘ juger qu’elle justifie de sa créance,

‘ débouter MM. [D] et [Z] de leurs demandes tendant à juger la faute de la SCI Les Roumanious dans sa déclaration de créance de ce qui décharge la caution de ses engagements dès lors qu’elle est privée de son recours subrogatoire,

‘ débouter MM. [D] et [Z] de leurs demandes tendant à juger que leurs engagements étaient disproportionnés au visa de l’article L.341-4 du code de la consommation de sorte qu’elle ne pouvait s’en prévaloir,

‘ infirmer le jugement rendu le 2 décembre 2019 par le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence,

et statuant à nouveau :

‘ juger valides les actes de cautionnement signés par M. [V] [D] et M. [W] [Z] le 24 avril 2013,

en conséquence :

‘ condamner solidairement M. [W] [Z] et M. [V] [D], ès qualités de cautions solidaires, à lui payer une indemnité provisionnelle d’un montant de 23.847,64 euros correspondant aux loyers et charges impayés arrêtés au 17 juin 2016 outre intérêts au taux légal à compter de cette date,

‘ condamner solidairement M. [W] [Z] et M. [V] [D], ès qualités de cautions solidaires, à lui payer une indemnité d’occupation de 11.466 euros représentant l’indemnité d’occupation des mois de juillet, août et septembre 2016 au prorata,

‘ débouter M. [D] de sa demande tendant subsidiairement à fixer sa créance à la somme de 15.364,04 euros,

‘ débouter M. [D] de sa demande de restitution de matériel sous astreinte,

‘ débouter M. [D] de sa demande tendant à la déduction du dépôt de garantie à hauteur de 4.573 euros,

‘ le débouter de sa demande de délais de paiement,

‘ débouter M. [D] de sa demande de dommages et intérêts,

‘ débouter M. [D] de sa demande d’article 700 tant en première instance qu’en appel,

‘ le débouter de l’intégralité de ses demandes,

‘ débouter M. [Z] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner solidairement M. [W] [Z] et M. [V] [D] au règlement d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

‘ condamner solidairement M. [W] [Z] et M. [V] [D] au règlement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris la procédure de référé ainsi qu’aux entiers dépens de première instance.

Par ses dernières conclusions notifiées et déposées le 27 avril 2023, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [V] [D] demande à la cour de :

à titre principal :

‘ juger que la SCI Les Roumanious est un créancier professionnel,

‘ juger applicables les dispositions du code de la consommation au présent litige,

‘ juger que son engagement de caution ne respecte pas les dispositions d’ordre public des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation,

‘ confirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 2 décembre 2019 en ce qu’il a débouté la SCI Les Roumanious de sa demande visant à écarter l’application des dispositions du code de la consommation,

‘ confirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 2 décembre 2019 en ce qu’il a déclaré nuls pour défaut de respect des dispositions des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, les cautionnements donnés le 24 avril 2013 par lui et M. [W] [Z] à la SCI Les Roumanious,

‘ débouter la SCI Les Roumanious de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire :

‘ à titre subsidiaire, si par l’exceptionnel la cour devait considérer que les cautionnements ne sont pas nuls, juger que la SCI Les Roumanious n’apporte pas la preuve de l’existence de sa créance ni des paiements effectués par le débiteur principal,

‘ juger que la SCI Les Roumanious ne justifie pas de sa demande,

‘ confirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 2 décembre 2019 en ce qu’il a débouté la SCI Les Roumanious de sa demande de le condamner à payer la somme de 23.847,64 euros au titre des loyers et charges prétendument impayés et la somme de 10.933 euros au titre de l’indemnité d’occupation exigée,

‘ débouter la SCI Les Roumanious de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire :

‘ à titre infiniment subsidiaire, si par l’exceptionnel la cour devait considérer que les cautionnements ne sont pas nuls et qu’elle considérait que l’appelante est fondée en ses demandes, juger que l’engagement de caution par lui souscrit est manifestement disproportionné au sens de l’article L.341-4 du code de la consommation rendant la SCI Les Roumanious dans l’impossibilité de s’en prévaloir,

‘ confirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 2 décembre 2019 en ce qu’il a débouté la SCI Les Roumanious de sa demande de le condamner à payer la somme de 23.847,64 euros au titre des loyers et charges prétendument impayés et la somme de 10.933 euros au titre de l’indemnité d’occupation exigée,

‘ débouter la SCI Les Roumanious de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre extrêmement subsidiaire :

‘ juger que le bailleur ne justifie pas des sommes reçues dans le cadre de la liquidation,

‘ juger que la SCI Les Roumanious n’a déclaré sa créance à la procédure collective de la SARL Synergym qu’à hauteur de 15.364,04 euros,

‘ juger la faute de la SCI Les Roumanious dans sa déclaration de créance ce qui décharge la caution de son engagement dès lors qu’elle est privée de son recours subrogatoire,

‘ juger que la SCI Les Roumanious ne peut solliciter une quelconque indemnité d’occupation postérieurement à la reprise des lieux et à leur relocation en juillet 2016,

‘ juger que le dépôt de garantie de 4.573 euros n’a pas été restitué ni déduit des sommes réclamées par l’appelante,

‘ juger qu’il ne pourra être condamné que dans la limite de 15.364,04 euros auxquels devront être déduit le dépôt de garantie,

‘ confirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 2 décembre 2019 en ce qu’il a débouté la SCI Les Roumanious de l’ensemble de ses demandes,

‘ débouter la SCI Les Roumanious de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre d’appel incident :

‘ infirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 2 décembre 2019 en ce qu’il l’a débouté de ses demandes en restitution de matériel et réparation de préjudice moral,

‘ infirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 2 décembre 2019 en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau :

‘ condamner la SCI Les Roumanious à lui verser 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,

‘ ordonner la restitution du matériel séquestré sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

‘ déduire le dépôt de garantie non restitué à hauteur de 4.573 euros des sommes auxquelles il serait condamné,

‘ lui accorder les plus larges délais pour s’acquitter des sommes en cas de condamnation prononcée à son encontre,

‘ condamner la SCI Les Roumanious à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et 5.000 euros au titre de l’instance d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel distraits au profit de Me Duranceau sur son affirmation d’en avoir fait l’avance,

en tout état de cause :

‘ juger que la SCI Les Roumanious ne peut justifier d’un quelconque préjudice,

‘ confirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 2 décembre 2019 en ce qu’il a débouté la SCI Les Roumanious de sa demande de dommages et intérêts,

‘ débouter la SCI Les Roumanious de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Selon conclusions notifiées et déposées le 15 juillet 2020, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [W] [Z] demande à la cour de :

à titre principal :

‘ réformer le jugement entrepris en ce qu’il a décidé l’absence de condamnation à un article 700 du code de procédure civile,

‘ et condamner la SCI Les Roumanious ou tout succombant à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

à titre subsidiaire :

‘ constater le caractère manifestement disproportionné de l’engagement de caution litigieux souscrit par lui au profit de la SCI Les Roumanious,

‘ constater qu’il a perdu un droit à subrogation,

‘ dire que la SCI Les Roumanious ne peut se prévaloir de ce contrat de cautionnement,

‘ prononcer la déchéance du contrat de cautionnement,

‘ débouter la SCI Les Roumanious de l’ensemble de ses demandes, fins et écritures,

‘ condamner la SCI Les Roumanious ou tout succombant à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ la condamner aux entiers dépens de l’instance,

à titre infiniment subsidiaire :

‘ dire qu’aucune indemnité d’occupation n’est due par lui,

‘ dire qu’au titre des loyers et charges,

‘ prononcer la compensation entre les sommes dues par lui et le montant du dépôt de garantie conservé par cette dernière et qui ne saurait être inférieur à la somme de 4.573 euros,

‘ lui accorder les plus larges délais de paiement pour s’acquitter du montant réellement dû,

‘ dire n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ statuer ce que de droit sur les dépens.

MOTIFS

Sur la validité des cautionnements :

L’appelante fait grief au premier juge d’avoir considéré que les dispositions des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation s’appliquaient en l’espèce, et qu’à défaut d’avoir été respectées, les engagements de caution dont l’exécution était poursuivie étaient nuls.

Elle fait valoir qu’en effet, le cautionnement solidaire souscrit par l’associé d’une société commerciale pour un engagement pris par cette dernière revêt un caractère commercial dans la mesure où la caution a un intérêt personnel dans l’opération commerciale à l’occasion de laquelle elle est intervenue, que tel est le cas en l’espèce, les intimés, gérants et associés de la SARL Synergym, ayant un intérêt personnel à ce que le bail commercial dont bénéficiait cette dernière soit renouvelé, qu’il en résulte que le cautionnement souscrit est nécessairement un acte de commerce qui n’est pas soumis aux dispositions précitées, que, par ailleurs, elle n’a pas la qualité de créancier professionnel.

La SCI Les Roumanious ajoute que MM. [W] [Z] et [V] [D], en tant que co-gérants de la SARL Synergym, étaient tout à fait en mesure de comprendre la portée de leur engagement de par leur signature apposée sur cet acte de cautionnement, que force est de constater qu’aucune caution n’a contesté sa dette à la réception de son courrier de mise en demeure du 10 août 2016, que M. [V] [D] ne saurait donc opposer les dispositions de l’article 1338 ancien du code civil qui apparaissent totalement inopérantes.

M. [V] [D] réplique que l’argument, selon lequel le cautionnement qu’il a conclu serait commercial du fait de l’intérêt personnel qu’il tirerait du renouvellement du bail commercial de la SARL Synergym et serait ainsi de nature à exclure l’invocation par la caution des articles précités du code de la consommation, doit être écarté, s’agissant d’une demande nouvelle en cause d’appel, irrecevable aux termes de l’article 564 du code de procédure civile.

L’intimé expose que, d’autre part, la nature civile ou commerciale du cautionnement est sans conséquence sur l’application des dispositions du code de la consommation à l’engagement souscrit par une personne physique, que l’argument allégué selon lequel il aurait renoncé à se prévaloir de la nullité de l’acte en formulant une proposition d’échéancier n’est pas davantage pertinent au regard des dispositions de l’article 1338 du code civil, qu’il n’a notamment jamais réglé les sommes réclamées, ni proposé de prendre en charge personnellement l’échéancier dont tente de se prévaloir la SCI Les Roumanious.

Il soutient que, contrairement à ce qu’elle prétend, l’appelante est bien, en raison de son activité, un créancier professionnel au sens des dispositions du code de la consommation qui lui sont donc incontestablement opposables, qu’en aucun cas, les termes de la mention manuscrite de son engagement ne peuvent permettre de remplir les obligations d’ordre public édictées par l’article L.341-2 du code précité, que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a déclaré nul le cautionnement donné le 24 avril 2013.

Arguant de ce que la qualité de créancier professionnel de la SCI Les Roumanious ne fait pas de doute, au motif que les actes de caution portent sur l’exécution des dispositions d’un bail commercial, ce qui entre par nature dans l’objet social d’une société civile immobilière chargée de gérer par voie de vente, bail ou autre, les biens immobiliers qu’elle détient, M. [W] [Z] sollicite également la confirmation du jugement, en indiquant que, s’il a bien apposé une mention manuscrite sur son engagement de caution, celle-ci ne correspond aucunement à la mention prévue par le code de la consommation à l’époque de la conclusion dudit cautionnement.

Sur ce, l’argumentation désormais développée par la SCI Les Roumanious quant au caractère commercial des cautionnements souscrits par les intimés ne peut être écartée sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile, s’agissant, non pas d’une demande, mais d’un moyen nouveau au soutien de ses prétentions, tout à fait recevable en appel au visa de l’article 563 du même code.

Cependant, si le cautionnement, acte par nature civil, peut effectivement avoir un caractère commercial lorsque la caution a un intérêt patrimonial personnel dans l’opération à finalité commerciale garantie, il n’en relève pas moins des dispositions des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur à la date du contrat, dès lors qu’il s’agit d’une personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel.

En effet, ces textes, de portée générale, n’opèrent aucune distinction selon la nature du cautionnement, qu’il soit commercial ou civil, la qualité de celui qui s’engage, ou la dette cautionnée.

En revanche, la qualité du créancier importe, puisqu’est seul visé le créancier professionnel.

A cet égard, l’appelante soutient que le seul fait, pour une SCI, de donner à bail commercial, à une société commerciale, un local qu’elle possède ne constitue pas une profession et encore moins un acte de commerce, que ses quatre associés sont unis par des liens familiaux ou amicaux, qu’elle a pour objet la gestion de ce seul bien acquis le 19 février 1986, qu’elle n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés, ses associés étant soumis à l’impôt sur le revenu à raison d’une activité civile, qu’il s’agit donc d’une toute petite structure, qui n’a pas d’imposition propre et dont les produits sont imposés entre les mains de ses associés, que, surtout, il y a lieu de distinguer entre la gestion, qui est l’apanage des non-professionnels, et l’exploitation, attachée quant à elle à la notion de professionnel, qu’en l’occurrence, son objet social est la gestion, et non l’exploitation, des immeubles qu’elle possède.

Mais, l’objet social de la SCI Les Roumanious, qui selon elle permet de traduire l’intention commune des associés qui est de valoriser leur patrimoine par la location au moyen de baux commerciaux, est, aux termes de ses statuts, « La propriété, la construction, la location par bail ou autrement, la gestion, l’entretien et la mise en valeur d’immeubles à usage d’habitation, professionnel ou commercial que la société se propose d’acquérir. Et généralement, toutes opérations quelconques pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet social pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société. ».

Ainsi, il apparaît que le renouvellement du bail commercial signé le 24 avril 2013 par l’appelante relève directement de son activité telle que définie par son objet social, lequel lui confère la qualité de professionnel de l’immobilier.

Dès lors, peu important qu’elle ne soit propriétaire que d’un immeuble, qu’elle ne soit pas assujettie à l’impôt sur les sociétés, et qu’elle ne soit constituée que de proches parents ou amis, la SCI Les Roumanious est un créancier professionnel au sens des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation.

Or, il n’est pas contestable, ni d’ailleurs contesté, que les mentions manuscrites, lesquelles se réfèrent à la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation, portées par M. [V] [D] et par M. [W] [Z] sur les actes sous seing privé du 24 avril 2013 ne sont pas conformes à celles prescrites, à peine de nullité de l’engagement de caution, par les textes d’ordre public précités.

Et, l’argument de l’appelante fondé sur l’article 1362 alinéa 1er du code civil étant totalement inopérant quant à la validité des cautionnements litigieux, alors en outre que la pièce dont elle se prévaut à cet égard, qui concerne l’état de la dette de la SARL au 4 novembre 2015 et son échelonnement envisagé, n’est signée que par M. [V] [D], et ce, manifestement en sa qualité de gérant de la société débitrice, le jugement est confirmé en ce qu’il a déclaré nuls les engagements du 24 avril 2013 et débouté la SCI Les Roumanious de l’ensemble de ses demandes.

Sur l’appel incident de M. [V] [D] :

M. [V] [D] fait valoir qu’il a subi un préjudice moral et matériel avéré du fait de la résiliation du bail commercial et des agissements de son bailleur.

Il expose qu’il a été privé d’effets personnels, notamment son ordinateur qui a une valeur sentimentale très importante puisqu’il contient ses photographies de famille, que, pourtant l’appelante ne peut se prévaloir d’un droit de rétention, et, par son attitude, a délibérément subtilisé le matériel lui appartenant.

L’intimé ajoute qu’il ressent cette énième procédure à son encontre de son ancien bailleur, qui fait fi de plus de vingt ans de relation contractuelle sans encombre, comme un acharnement, qu’il est ainsi pour lui extrêmement vexatoire d’être attrait en justice, que la SCI Les Roumanious n’hésite pas à effectuer un usage détourné des voies d’exécution dans le seul but de lui nuire, qu’à ce titre, elle a multiplié les mesures conservatoires pour le priver de sa principale source de revenus.

L’appelante réplique que M. [V] [D], qui réclame la restitution d’un ordinateur et une indemnisation de 10.000 euros, ne démontre, ni qu’elle serait détentrice de ce matériel, ni l’existence d’une quelconque faute ou d’un préjudice.

Sur ce, il ne peut effectivement qu’être constaté que n’est versé aux débats aucun élément de nature à justifier de ce qu’un ordinateur, ou quelque matériel que ce soit, appartenant personnellement à M. [V] [D] aurait été conservé par la bailleresse, de sorte que la demande de restitution sous astreinte est nécessairement rejetée.

Par ailleurs, il n’est pas davantage établi que les poursuites exercées par la SCI Les Roumanious à l’encontre de l’intimé, en sa qualité de caution de la société locataire qui a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, aient été dictées par une intention de nuire à la personne de M. [V] [D], qui en outre ne justifie pas du préjudice qu’il invoque.

Le jugement est donc également confirmé en ce qu’il a débouté M. [V] [D] de ses demandes reconventionnelles en restitution et paiement de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne la SCI Les Roumanious à payer à M. [V] [D] et M. [W] [Z] la somme de 3.000 euros, chacun, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Les Roumanious aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle,

Accorde à Me Duranceau, avocat, le droit de recouvrement direct de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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