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4 juillet 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/03589
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53H
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 JUILLET 2023
N° RG 22/03589
N° Portalis DBV3-V-B7G-VHDR
AFFAIRE :
[R] [B]
C/
LE CREDIT LYONNAIS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mars 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2020F01248
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Katia DEBAY
Me Marion CORDIER
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [R] [B]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 7] (94)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Katia DEBAY de la SELARL DEBAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 541
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 78646/2022/003917 du 01/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANT
****************
LE CREDIT LYONNAIS
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 189 – N° du dossier S200082
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
Par acte sous seing privé du 10 octobre 2015, la SA Crédit lyonnais (le Crédit lyonnais) a consenti à la SAS Valexo un prêt professionnel destiné au financement de travaux et à l’acquisition de matériels, d’un montant de 470 000 euros, remboursable après un différé de trois mois, en 81 mensualités et au taux de 1,26%.
Par acte du même jour, M. [R] [B], président de la société Valexo et M. [D] [M], son directeur, se sont chacun portés caution solidaire et personnelle de la société envers le Crédit lyonnais, à hauteur de 25 % de toutes les sommes susceptibles d’être dues par la société Valexo au titre du prêt, dans la limite chacun de la somme de 117 500 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard.
Au terme d’un second acte du 17 septembre 2015, le Crédit lyonnais a consenti à la société une ouverture de compte courant.
Par actes séparés du 1er avril 2016, M. [B] et [M] se sont portés chacun caution personnelle et solidaire de la société Valexo en faveur du Crédit lyonnais de tous les engagements dont celle-ci pourrait être redevable dans la limite de la somme de 26 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, et ce, pour une durée de dix ans.
Par jugement du 4 octobre 2018, le tribunal de commerce de Versailles, a ouvert à l’égard de la société Valexo une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 9 janvier 2020.
Par lettre recommandée du 24 janvier 2020, le Crédit lyonnais a actualisé sa déclaration de créance à hauteur de la somme de 364 786,71 euros, à titre privilégié, relative au solde restant dû sur le prêt et de la somme de 19 676,29 euros, à titre chirographaire, relative au solde débiteur du compte courant outre intérêts de retard au taux de 13 %.
Par lettres recommandées du 22 janvier 2020, le Crédit lyonnais a mis en demeure M. [B], en sa qualité de caution de la société Valexo, d’avoir à lui rembourser les sommes de :
* 91 196,67 euros représentant 25 % des sommes dues au titre du prêt travaux et équipement,
* 20 292,99 euros, en principal et intérêts, au titre du débit du compte courant professionnel.
Par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 11 mars 2022, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi par assignations du 13 août 2020 délivrées à MM. [B] et [M], a :
– condamné MM. [B] et [M], en leur qualité de caution du prêt octroyé à la société Valexo, à payer chacun au Crédit lyonnais la somme de 25% de 366 537,35 euros, avec intérêts au taux de 4,26 % à compter du 21 février 2020 avec capitalisation des intérêts par année entière en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, dans la limite de 117 500 euros chacun ;
– débouté le Crédit lyonnais de sa demande de paiement à l’encontre de MM. [B] et [M] au titre du cautionnement du solde du compte courant débiteur de la société Valexo ;
– condamné le Crédit lyonnais à payer à MM. [B] et [M] la somme de 5 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour défaut de mise en garde ;
– ordonné la compensation des condamnations réciproques prononcées à l’encontre de MM. [B] et [M] d’une part et à l’encontre du Crédit lyonnais d’autre part ;
– condamné MM. [B] et [M] à payer chacun au Crédit lyonnais la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum MM. [B] et [M] aux dépens.
Par déclaration en date du 30 mai 2022, M. [B] a interjeté un appel partiel du jugement en intimant uniquement le Crédit lyonnais.
Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 juillet 2022, il demande à la cour de :
– infirmer le jugement ;
Statuant à nouveau,
– juger que le cautionnement du 10 octobre 2015 est manifestement disproportionné au regard de ses revenus et de son patrimoine ;
– juger que le Crédit lyonnais ne peut se prévaloir l’acte de cautionnement du 10 octobre 2015 ;
– condamner le Crédit lyonnais à lui verser la somme de 117 499 euros au titre du préjudice subi suite au manquement à son devoir de mise en garde ;
– débouter le Crédit lyonnais de l’ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
– juger que le Crédit lyonnais est déchu du droit de réclamer les pénalités et intérêts de retards sur les sommes dues ;
– lui accorder un délai de deux ans afin de régler les sommes dues au Crédit lyonnais ;
– juger qu’il s’acquittera de sa dette en 24 mensualités ;
– juger que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts au taux légal et que les échéances réglées s’imputeront sur le capital ;
– condamner le Crédit lyonnais à lui régler la somme de 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner le Crédit lyonnais aux entiers dépens.
Le Crédit lyonnais, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 16 février 2023 demande à la cour de :
– débouter M. [B] de toutes ses demandes ;
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il l’a :
* débouté de sa demande de paiement à l’encontre de M. [B] au titre de l’acte de cautionnement du solde du compte courant débiteur de la société Valexo ;
* condamné à payer à M. [B] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de mise en garde ;
A ce titre,
– réformer le jugement et
Statuant à nouveau,
– condamner M. [B] à lui payer la somme de 20 657,41 euros au titre du solde du compte courant outre intérêts au taux de 13 % à compter du 21 février 2020 et jusqu’à parfait paiement et dans la limite de son engagement de caution de 26 000 euros ;
– débouter M. [B] de sa demande de dommages-intérêts fondée sur un défaut de mise en garde ;
En tout état de cause,
– condamner M. [B] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ‘ou dépens d’appel’ dont distraction au profit de maître Marion Cordier.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la disproportion manifeste :
M. [B], après avoir rappelé les dispositions de l’article L.341-4 du code de la consommation et la jurisprudence de la Cour de cassation, fait valoir qu’au regard des revenus annuels qu’il percevait à la signature de ce cautionnement, d’un montant de 8 194 euros et non de 24 250 euros comme l’indique le jugement, le cautionnement en date du octobre 2015 représentait plus de 100 % de son revenu et de son patrimoine après règlement de ses échéances d’emprunt immobilier de sorte qu’il est ‘évident’ que lors de sa conclusion, le cautionnement était disproportionné, ajoutant qu’il avait et a toujours un enfant à charge. Faisant ensuite état de sa situation actuelle et des revenus qu’il perçoit, il soutient qu’au moment de la demande de règlement, il est également ‘démontré une disproportion manifeste’.
Le Crédit lyonnais, au visa de l’article L.332-1 du code de la consommation et de la jurisprudence de la Cour de cassation, expose qu’il résulte de la fiche de renseignement remplie par M. [B] en 2015 qu’il a déclaré bénéficier d’un revenu de 24 250 euros en qualité de chef d’entreprise et d’un patrimoine immobilier d’une valeur nette de 95 117 euros de sorte qu’au titre de son premier cautionnement, ses disponibilités s’élevaient à 119 617 euros ; il ajoute que lors de la souscription de son second engagement, M. [B] disposait de revenus disponibles et d’un patrimoine net lui permettant de faire face à ses engagements.
Il en conclut, qu’en l’absence d’éléments sur les anomalies apparentes alléguées par M. [B] qui ne peut pas s’affranchir des déclarations patrimoniales qu’il lui a remises, c’est à juste titre que le tribunal a considéré que le cautionnement du 10 octobre 2015 ne pouvait être qualifié de disproportionné.
La banque qui critique le jugement en ce qu’il a jugé disproportionné le cautionnement du 1er avril 2016, fait valoir que le caractère manifeste de la disproportion suppose la révélation évidente d’une incapacité à faire face à ses obligations et que la disproportion soit importante, voire très importante, ce qui n’est pas le cas en l’espèce de sorte que le jugement doit être infirmé de ce chef.
Il résulte des dispositions de l’ancien article L. 341-4 du code de la consommation, reprises aux anciens articles L. 332-1 et L. 343-4 du même code applicables aux engagements souscrits à compter du 1er juillet 2016, qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Ces dispositions s’appliquent que la caution, personne physique, soit ou non avertie, la preuve de la disproportion incombant à cette dernière.
En outre, lorsque la caution, lors de son engagement, a déclaré des éléments sur sa situation financière au créancier, celui-ci, en l’absence d’anomalies apparentes, peut se fonder sur ces seules déclarations de la caution dont il n’a pas à vérifier l’exactitude. Cette dernière n’est pas alors admise à établir devant le juge que sa situation financière était en réalité moins favorable sauf si le créancier professionnel a eu connaissance de l’existence d’autres charges pesant sur la caution.
Enfin, en l’absence de disproportion du cautionnement au moment où il est conclu, il est inopérant de rechercher si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée.
Il est justifié par la pièce 29 du Crédit lyonnais que le 17 septembre 2015, il a été établi et signé par M. [B] une fiche de ‘renseignements confidentiels à fournir par une caution’ sur laquelle, en page 3, il est mentionné qu’il ‘déclare sur l’honneur que les renseignements ci-dessus sont exacts’ ; l’appelant ne formulant dans ses écritures aucune observation sur cette fiche de renseignements dont la lecture ne relève pas d’anomalies apparentes, la cour doit s’appuyer sur ce document pour apprécier si une disproportion manifeste est caractérisée à la date de cet engagement sans que M. [B] puisse opposer à la banque le montant des revenus figurant sur son avis d’imposition relatif aux revenus perçus en 2015.
Il ressort de cette fiche de renseignements que :
– M. [B], célibataire, a un enfant à charge ;
– il est ‘gérant’ de la SAS Valexo depuis le 10 août 2015 et dispose annuellement de revenus disponibles, après déduction des charges fiscales, à hauteur de 24 250 euros ;
– il est propriétaire d’un bien immobilier à [Localité 6] d’une valeur de 260 000 euros mais rembourse le prêt qui a financé l’acquisition du bien par mensualités de 1 098 euros ; le capital restant dû est de 164 883 euros et la valeur nette est donc de 95 117 euros.
Au regard des revenus et du patrimoine net ainsi déclarés, le cautionnement donné le 10 octobre 2015 dans la limite de 117 500 euros n’apparaît pas manifestement disproportionné, ainsi que le tribunal l’a jugé, de sorte que le Crédit lyonnais est fondé à se prévaloir de cet engagement et à solliciter la condamnation de M. [B] à ce titre.
S’agissant du second cautionnement, M. [B] a établi et signé le 1er avril 2016 une seconde fiche de renseignements dans les mêmes termes que la précédente dans laquelle il a fait état d’une situation personnelle, professionnelle et patrimoniale identique avec un revenu annuel disponible de 24 250 euros, seuls le capital restant dû sur le prêt immobilier et la valeur nette du bien ainsi financé étant modifiés, compte tenu des remboursements intervenus au titre de l’emprunt, à hauteur respectivement de la somme de 153 752 euros et de la somme de 106 248 euros.
La cour devant prendre en compte l’ensemble des cautionnements souscrits à la date de l’acte litigieux, le second cautionnement a porté la totalité des engagements de la caution à l’égard du Crédit lyonnais à la somme de 143 500 euros, ce que la banque ne pouvait ignorer même si le premier cautionnement n’est pas rappelé sur la fiche signée en avril 2016.
Il est ainsi manifeste, au regard en outre des charges de famille de M. [B], père d’un enfant né le [Date naissance 4] 2011, qu’à la date du cautionnement consenti en avril 2016, cette nouvelle sûreté était manifestement disproportionnée.
A la date à laquelle il a été appelé en paiement, qui est celle de l’assignation délivrée en août 2020, M. [B] était sans emploi, d’après le curriculum vitae qu’il communique, celui-ci ayant précisé dans ses écritures avoir connu ‘une longue période de chômage’ ; l’intimé qui a la charge de prouver que la caution était en mesure de faire face au paiement des sommes qui lui étaient demandées, n’apporte pas la preuve contraire, M. [B], en sa qualité d’ancien mandataire social, ne pouvant pas bénéficier des indemnités versées par le Pôle emploi.
M. [B] était toujours propriétaire de son logement, la valeur nette de celui-ci ayant augmenté compte tenu des remboursements intervenus en avril 2016 et août 2020 ; l’évaluation de cette valeur faite par le Crédit lyonnais à hauteur de la somme de 146 000 euros apparaît cohérente au regard du montant du capital restant dû à la date de chacune des fiches de renseignements, M. [B] qui communique le tableau d’amortissement de son prêt immobilier après réaménagement des remboursements en mai 2022 justifiant en outre qu’à l’été 2022 le capital restant dû était de 108 167,51 euros. M. [B] qui ne verse pas aux débats le tableau d’amortissement initial ne contredit pas cette évaluation.
Dès lors que le Crédit lyonnais ne peut pas solliciter la condamnation de la caution au-delà de ses engagements, M. [B], au regard de son patrimoine immobilier, était en mesure à la date de l’assignation de faire face au paiement de la somme totale de 138 157,41 euros, même si on y ajoute les intérêts dès lors que le montant de sa condamnation ne pouvait excéder la somme de 143 500 euros.
Il convient par conséquent d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté le Crédit lyonnais de sa demande en paiement en rapport avec le cautionnement consenti par M. [B] en avril 2016.
Sur le devoir de mise en garde :
M. [B] qui fait valoir qu’avant d’être président de la société Valexo, il n’avait eu des expériences professionnelles qu’en tant que salarié, expose que d’une part il doit être considéré comme une caution non avertie ; que d’autre part, le montant du prêt accordé à la société nouvellement créée dont les dirigeants étaient sans expérience étant important, l’opération de crédit présentait un risque d’endettement pour lui eu égard à la composition de son patrimoine, d’autant que le loyer des locaux dans lesquels la société exploitait son activité était particulièrement élevé, une demande de réduction ayant été refusée par le bailleur. Il soutient que la banque s’est bien gardée de le mettre en garde contre ce risque d’endettement excessif de sorte qu’il doit être indemnisé du préjudice résultant de la méconnaissance de cette obligation, lequel s’analyse en une perte de chance de ne pas contracter ; il demande à la cour de l’évaluer à la totalité de sa dette moins un euro, relevant que la jurisprudence alloue ‘en général’ un montant correspondant à ’80 % du montant dû.’
Le Crédit lyonnais qui rappelle l’étendue du devoir de mise en garde auquel les banques sont tenues à l’égard d’une caution non avertie, expose d’abord que M. [B] disposait d’une situation financière et patrimoniale lui permettant de faire face à son engagement de caution dans sa quasi intégralité de sorte qu’il n’existait pas de risque d’endettement excessif ; qu’ensuite, il ne disposait d’aucune information de nature à lui commander d’alerter la caution sur un quelconque risque d’endettement de la société Valexo aux dates auxquelles les cautionnements ont été sollicités dans la mesure où la société n’était nullement défaillante, celle-ci n’ayant été placée en redressement judiciaire que trois ans après le prêt souscrit en octobre 2015 et la date de cessation des paiements fixée au 4 avril 2017. Il estime que rien ne permet de déduire de ces éléments que le prêt était inadapté aux capacités financières de la société emprunteuse qui a d’ailleurs imputé ses difficultés lors de l’ouverture de la procédure collective à des charges locatives trop élevées de sorte que le jugement doit être infirmé.
Plus subsidiairement, le Crédit lyonnais fait valoir que la perte de chance de ne pas souscrire l’engagement contesté apparaît faible, voire nulle, dans le cas de M. [B], compte tenu de son implication en sa qualité de dirigeant dans l’activité de la société Valexo qu’il a souhaité créer de sorte que même mis en garde, il ‘paraît probable’ qu’il aurait contracté ‘le cautionnement’.
Le banquier dispensateur de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur. La charge de la preuve d’un manquement de la banque à ce titre incombe à la caution qui l’invoque.
A l’égard de la caution avertie, le banquier n’est tenu d’un tel devoir que s’il avait sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de l’opération cautionnée, des informations que la caution ignorait.
Il n’est pas discuté par le Crédit lyonnais que M. [B] était une caution non avertie, le curriculum vitae de ce dernier ne mentionnant que des emplois salariés préalablement à la création de la société Valexo en qualité de dirigeant, celle-ci exploitant un magasin à l’enseigne Franprix dans un centre commercial situé à [Localité 8].
Les éléments relevés précédemment à propos de l’examen de l’éventuelle disproportion des cautionnements démontrant que les engagements de M. [B] étaient adaptés à ses capacités financières, il appartient à la cour de rechercher s’il existait un risque d’endettement de la société Valexo, né de l’octroi du crédit garanti et résultant de l’inadaptation du prêt, remboursable à compter de novembre 2015, aux capacités financières de cette dernière.
S’il est certain que le montant emprunté était très important pour la société qui débutait son exploitation, il n’est pas pour autant démontré que ce prêt était inadapté à ses capacités financières ; en effet, si la date de cessation des paiements a été fixée au 4 avril 2017 par le tribunal qui a ouvert, le 4 octobre 2018, la procédure collective de la société Valexo, les difficultés de cette société ont alors été imputées, comme rappelé dans le jugement d’ouverture, à des charges locatives trop élevées.
De plus, le réaménagement dont ce prêt a fait l’objet d’après le tableau d’amortissement communiqué par le Crédit lyonnais, établit que celui-ci n’ est intervenu qu’en septembre 2017, soit plus de dix-huit mois après le début des remboursements, le montant des mensualités s’élevant à 6 177,80 euros à compter du 16 février 2016 puis, à compter d’avril 2018, à 4 290,77 euros ; dans sa déclaration de créance au passif de la société, le Crédit lyonnais mentionne que les échéances n’ont été impayées par la société qu’à compter du 4 octobre 2018 et il ressort aussi des pièces communiquées par l’appelant, que l’administrateur a tenté d’obtenir une diminution du montant du loyer auprès du bailleur de la société qui était la ville de [Localité 8], étant indiqué dans ce courrier que le passif était principalement composé d’une dette locative de 131 000 euros.
Enfin, il n’est pas versé aux débats d’éléments comptables concernant la société Valexo.
Dans ces circonstances, contrairement à ce que le tribunal a décidé et en l’absence de démonstration d’un risque d’endettement né de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de la société Valexo, il ne peut être considéré que le Crédit lyonnais a manqué à son devoir de mise en garde ; par conséquent, le jugement est également infirmé en ce qu’il a condamné l’intimé au paiement de la somme de 5 000 euros à ce titre.
Sur le devoir d’information annuelle et le quantum de la condamnation en paiement :
Sur le fondement de l’article L.313-22 du code monétaire et financier et au visa de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la preuve de l’envoi des lettres valant information annuelle, M. [B] soutient qu’il n’est pas établi que les lettres d’information communiquées par la banque lui ont été véritablement adressées dès lors qu’elles n’ont pas été adressées par courrier recommandé avec avis de réception de sorte que le Crédit lyonnais doit être déchu du droit de réclamer les pénalités et intérêts de retard au titre des sommes dues.
Le Crédit lyonnais demande à la cour de rejeter cette demande formulée pour la première fois en appel dès lors qu’il est justifié de l’information délivrée à M. [B] par ses pièces 9 à 11 et 13 et que celui-ci n’en avait pas contesté la réalité devant les premiers juges.
En application de l’article 2302 du code civil, dans sa version modifiée par l’ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021, en vigueur, y compris pour les cautionnements constitués antérieurement, depuis le 1er janvier 2022 conformément à l’article 37 de cette ordonnance, le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.
La seule production de la copie d’une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi, de sorte que le Crédit lyonnais qui ne produit aucun document justifiant de l’envoi des lettres dont il communique la copie, est déchu de son droit aux intérêts et pénalités de retard, et ce à compter de la date à laquelle l’information aurait dû être donnée pour la première fois à M. [B], soit à compter du 31 mars 2016 pour le premier cautionnement et à compter du 31 mars 2017 pour le second.
Dès lors que la créance de la banque à l’égard de la société Valexo au titre du prêt a été admise à titre privilégié au passif de cette dernière à hauteur de la somme de 341 523,47 euros, montant du capital restant dû au 4 octobre 2018, que le cautionnement a été donné à hauteur de 25 % des sommes dues par la société emprunteuse dans la limite de la somme de 117 000 euros, que M. [B] sollicite la déchéance du droit aux intérêts et pénalités au titre des sommes dues, il convient, infirmant le jugement, de condamner M. [B], dans la limite de la somme de 117 000 euros, au paiement de la somme de 85 380,87 euros ( 25 % de 341 523,47 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2020, date à laquelle l’avis de réception de la lettre de mise en demeure, signé par M. [B], a été renvoyé au Crédit lyonnais.
S’agissant du second cautionnement, au regard de la demande de M. [B] sur l’étendue de la déchéance, il convient, infirmant le jugement, de condamner ce dernier au paiement de la somme de 18 996,71 euros, montant du solde débiteur au 31 janvier 2020, avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2020, date à laquelle l’avis de réception de la lettre de mise en demeure qu’il a signé à été renvoyé au Crédit lyonnais.
Sur la demande de délais de paiement :
M. [B], sur le fondement de l’article 1343-5 et au regard de ses difficultés financières, demande à la cour de prévoir que les sommes correspondant aux échéances reportées portent intérêt au taux légal, que les paiements s’imputent sur le capital et qu’il soit autorisé à régler sa dette en 24 versements.
Le Crédit lyonnais s’oppose à ces demandes dès lors que M. [B] ne justifie pas être un débiteur de bonne foi puisqu’il ne lui a payé aucune somme malgré l’ancienneté de sa dette, que sa situation ne justifiait pas cette totale abstention et qu’il ne prouve pas en tout état de cause que dans le délai de l’article 1343-5 du code civil, il serait en capacité d’apurer sa dette.
Conformément aux dispositions de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Il ressort du bulletin de salaire de juin 2022 de M. [B] que celui-ci, qui n’avait alors qu’une ancienneté d’un peu plus d’un mois dans son emploi, ne percevait alors qu’un revenu mensuel imposable de 2 195,36 euros ; précédemment, d’après la décision lui accordant l’aide juridictionnelle totale, il ne percevait qu’un revenu mensuel de 389 euros.
La situation de M. [B], compte tenu de ses charges incompressibles, ne lui permet donc pas de s’acquitter de sa dette en 24 mois.
Par conséquent sa demande de délais de paiement ne peut qu’être rejetée
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire, dans les limites des appels principal et incident,
Infirme le jugement du 11 mars 2022 concernant M. [R] [B], sauf en ce qu’il a condamné ce dernier en paiement au titre du cautionnement souscrit le 10 octobre 2015 et en ce qu’il l’a condamné aux dépens et à verser à la société Le Crédit lyonnais la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
Dit que la société Le Crédit lyonnais est déchue du droit de réclamer les pénalités et les intérêts de retard sur les sommes dues au titre des cautionnements consentis les 10 octobre 2015 et 1er avril 2016 ;
Condamne M. [R] [B], au titre du cautionnement donné le 10 octobre 2015, à payer à la société Le Crédit lyonnais la somme de 85 380,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2020, dans la limite de la somme de 117 000 euros ;
Condamne M. [R] [B], au titre du cautionnement donné le 1er avril 2016, à payer à la société Le Crédit lyonnais la somme de 18 996,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2020, dans la limite de la somme de 26 000 euros ;
Déboute M. [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre du devoir de mise en garde ;
Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [R] [B] aux dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi relative à l’aide juridictionnelle.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,