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27 juillet 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
22/04283
N° RG 22/04283 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LTHZ
C1
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL EYDOUX MODELSKI
la SCP LSC AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 27 JUILLET 2023
Appel d’une ordonnance (N° RG 21/00168)
rendue par le Juge de la mise en état de GRENOBLE
en date du 15 novembre 2022
suivant déclaration d’appel du 01 décembre 2022
APPELANTS :
M. [E] [D]
né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 1]
S.A.R.L. B W F immatriculée au RCS de GRASSE sous le n° 488 575 903, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 7]
[Localité 1]
représentée par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Jean-François TOGNACCIOLI, avocat au barreau de NICE, substitué par Me ALVES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉ :
M. [T] [L]
né le [Date naissance 2] 1929 à [Localité 6] (Savoie) ([Localité 6])
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 4]
représenté par Me Cédric LENUZZA de la SCP LSC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me VROMET, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière
DÉBATS :
A l’audience publique du 26 avril 2023, Mme BLANCHARD, conseillère, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte authentique du 14 décembre 2007, la SCI de Vilaron, ayant pour gérant M. [T] [L], a vendu à la SARL EDCF Villaron, constituée entre la SARL BWF et M. [E] [D], un terrain à bâtir situé sur la commune de Montauroux et Callian (Var).
L’acte mettait à la charge de la cessionnaire la réalisation de travaux d’aménagement d’une servitude dans un délai de trois mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Un litige est survenu entre les parties sur l’exécution de ces travaux.
Par ordonnance du 17 juin 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan a notamment condamné la société EDCF Villaron à payer à la SCI de Vilaron diverses provisions pour un montant total de 158.500 euros au titre de la clause pénale et du coût des travaux.
En garantie de l’exécution de ces condamnations, la SCI de Vilaron a inscrit une hypothèque judiciaire sur le terrain acquis par la SARL EDCF Villaron.
Au terme d’un arrêt du 30 septembre 2011, la cour d’appel d’Aix en Provence a infirmé l’ordonnance de référé et condamné la SCI de Vilaron à restituer les sommes perçues.
En l’absence de restitution et sur l’assignation de la société ECDF Villaron, la SCI de Vilaron a été placée en liquidation judiciaire le 8 janvier 2016 publié au BODACC le 29 janvier 2016 et Maître [H] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par un arrêt irrévocable du 10 octobre 2019, la cour d’appel d’Aix en Provence a condamné la SARL EDCF Villaron à payer au liquidateur judiciaire de la SCI de Vilaron 58.000 euros au titre de l’astreinte contractuelle et 113.519 euros au titre du coût des travaux, rappelant que ces sommes avaient déjà été versées en exécution de l’ordonnance de référé du 17 juin 2009.
Dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SCI de Vilaron, la société ECDF Villaron a déclaré au passif une créance totale de 3.520.632 euros, par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 janvier 2016.
Par lettres recommandées avec accusé de réception du 21 décembre 2020, la société BWF et M [D] ont respectivement déclaré au passif une créance de 1.017.737 euros et de 1.449.528 euros à titre chirographaire.
Suivant acte d’huissier du 30 décembre 2020, la SARL EDCF Villaron, la SARL BWF et M. [D] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Grenoble MM. [T] [L], [G] [L] et [M] [L] sur le fondement des articles 1857 et 1858 du code civil, en paiement des sommes de :
– 1.448.740, 07 euros à la société EDCF Villaron,
– 418.551,87 euros à la société BWF,
– 596.480,77 euros à M [D],
en réparation de leurs différents préjudices.
En cours d’instance et par deux ordonnances en date des 3 décembre 2021 confirmées par jugements du 19 juillet 2022, le juge-commissaire a rejeté les requêtes en relevé de forclusion présentées par la société BWF et M [D]. Ces derniers ont relevé appel de ces décisions.
Sur les conclusions d’incident des consorts [L] et par ordonnance du 15 novembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Grenoble a :
– déclaré recevable l’action de la SARL EDCF Villaron à l’égard de M. [T] [L],
– déclaré irrecevable l’action de la SARL EDCF Villaron à l’égard de MM. [G] [L] et [M] [L], pour défaut de droit à agir,
– déclaré irrecevable l’action de la société BWF et de M. [E] [D] à l’encontre de M. [T] [L] et de MM. [G] [L] et [M] [L], pour défaut de droit à agir,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– dit que les dépens de l’incident suivront le sort du principal.
Suivant déclaration au greffe du 1er décembre 2022, la société BWF et M. [D] ont relevé appel de cette décision, en ce qu’elle a déclaré irrecevable l’action de la société BWF et de M. [E] [D] à l’encontre de M. [T] [L] et de MM. [G] [L] et [M] [L], pour défaut de droit à agir.
Par avis du greffe en date du 7 décembre 2022, le conseil de l’appelante a été informé que l’affaire était fixée à l’audience du 26 avril 2023, en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.
Prétentions et moyens de la société BWF et de M. [D]:
Au terme de leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 16 février 2023, la société BWF et M. [D] demandent à la cour de :
– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en ce qu’elle a déclaré irrecevable l’action introduite par la SARL BWF et M. [E] [D] à l’encontre de M. [T] [L] ;
– déclarer recevable l’action introduite par la SARL BWF et M. [E] [D] à l’encontre de M. [T] [L] ;
– rejeter l’intégralité des prétentions adverses ;
– condamner M. [T] [L] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 outre les entiers dépens distraits au profit de la SELARL Eydoux- Modelski.
Les appelants soutiennent que leur action est recevable malgré l’absence de déclaration de créance régulière et admise au passif aux motifs que le juge de la mise en état a fait une interprétation erronée de l’arrêt de la cour de casssation du 17 février 2021 sur lequel il a fondé sa décision, que la poursuite des associés d’une société civile n’est pas conditionnée à la détention d’un titre ayant autorité de chose jugée à l’encontre de la société, qu’elle doit être exercée dans les cinq ans de la déclaration de créance et non de l’admission au passif, que le créancier est donc tenu d’agir sans attendre la décision sur l’admission.
Ils ajoutent que l’action est recevable même en l’état d’une déclaration irrégulière tant qu’aucune décision ne l’a rejetée, que depuis l’ordonnance du 18 septembre 2000, l’absence de déclaration n’éteint plus la créance, mais la rend seulement inopposable à la procédure collective et ne fait pas perdre au créancier son droit de poursuite des associés.
Ils font valoir que la seule déclaration de la créance au passif dispense le créancier de la preuve de l’insuffisance du patrimoine social et que seule une décision de rejet de la créance fait obstacle à la poursuite des associés, l’absence
de décision sur le fond de la créance en admission ou en rejet, permettant à la juridiction saisie de l’action contre les associés d’apprécier l’existence de cette créance.
Ils contestent tout abus de leur droit de faire appel.
Prétentions et moyens de M. [L] :
Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2023, M. [L] entend voir :
– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré irrecevable l’action de la société BWF et de M. [E] [D] à l’encontre de M. [T] [L] et de MM. [G] [L] et [M] [L], pour défaut de droit à agir,
– infirmer la décision en ce qu’elle a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– statuant à nouveau,
– condamner in solidum la SARL BWF et M. [E] [D] au paiemenrt d’une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– condamner in solidum la SARL BWF et M. [E] [D] à payer à M. [L] la somme de 7000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum la SARL BWF et M. [E] [D] aux dépens de première instance et d’appel.
M. [L] fait valoir que le recours du créancier contre les associés d’une SCI est conditionné par un préalable de vaine poursuite à l’encontre de la société et par un principe de subsidiarité de l’obligation à la dette des associés qui impose que l’action à l’encontre de la société soit recevable.
Il soutient que seule une déclaration de créance au passif régulière peut dispenser le créancier d’établir que le patrimoine social est insuffisant pour répondre de la dette ; qu’en l’espèce, les créances de la société BWF et de M.[D] n’ont pas été régulièrement déclarées et qu’au jour de l’assignation, aucun d’entre eux n’étant créancier de la SCI de Vilaron et ne justifiant d’une admission de sa créance au passif, leur action était irrecevable faute de qualité à agir.
Il considère que la SCI de Vilaron n’a commis aucune faute ayant causé préjudice à la société BWF et à M.[D], rappelant que par arrêt du 10 octobre 2019, la cour d’appel d’Aix en Provence a rejeté les demandes indemnitaires de la société EDCF Le Villaron au titre du refus de mainlevée de l’hypothèque judiciaire, et que les appelants ne sont titulaires d’aucune créance liquide, certaine et exigible, ni d’aucun titre à l’encontre de la SCI permettant de fonder leur action à l’encontre de ses associés.
Il relève que la société BWF et M.[D] ne justifient pas avoir sollicité paiement de leur créance auprès du liquidateur judiciaire, ni que l’actif de la SCI est insuffisant à les désintéresser.
Il ajoute que par deux décisions du juge-commissaire, confirmées par le tribunal judiciaire de Draguignan, la société BWF et M.[D] ont été déboutés de leur demande en relevé de forclusion.
L’intimé soutient que la société BWF et M.[D] ne pouvaient ignorer leur absence de qualité pour agir, ni se méprendre sur l’étendue de leurs droits et que leur action est manifestement abusive.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
Selon l’article 1858 du code civil, les créanciers d’une société civile de droit commun ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.
Il résulte de ces dispositions un principe de subsidiarité de l’obligation de l’associé d’une société civile au paiement d’une dette sociale qui impose au créancier de justifier de la mise en ‘uvre de poursuites à l’encontre de la société et de démontrer l’inefficacité de ses poursuites, conditions préalables et cumulatives à la recevabilité de son action en paiement.
Il est cependant de principe que dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de sa créance à la procédure collective dispense le créancier d’établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser.
La liquidation judiciaire de la SCI de Vilaron a été ouverte le 8 janvier 2016 et publiée au BODACC le 29 janvier 2016.
Il est établi que la société BWF et M.[D] ont procédé à la déclaration de leur créance respective auprès du mandataire judiciaire par courriers recommandés du 21 décembre 2020.
S’il est manifeste que ces déclarations de créance sont tardives au regard du délai prévu par les articles L.622-24 er R.622-24 du code de commerce et si l’admission de la créance n’est pas une condition de recevabilité de l’action contre les associés, au terme de deux ordonnances du 3 décembre 2021, confirmées par deux jugements du 19 juillet 2022, le juge-commissaire a rejeté les requêtes en relevé de forclusion présentées par les deux créancières.
La décision de rejet du relevé de forclusion est de nature à mettre à néant la déclaration de créance elle-même et de priver les créanciers des effets de cette dernière sur la recevabilité de leur action et ce en l’absence de preuve de toutes autres poursuites préalables et infructueuses à l’encontre de la société de Vilaron.
Cependant, il n’est pas discuté que les deux jugements du tribunal judiciaire de Draguignan du 19 juillet 2022 ont été frappés d’appel.
La fin de non recevoir tirée du défaut du droit d’agir étant susceptible de régularisation si sa cause a disparu au jour où le juge statue et la situation procédurale de la société BWF et de M.[D] dépendant des décisions de la cour d’appel, il y a lieu de surseoir à statuer jusqu’à celles-ci.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
SURSEOIT à statuer sur la recevabilité de l’action de la SARL BWF et de M. [E] [D] à l’encontre de M. [T] [L] et de MM. [G] [L] et [M] [L], dans l’attente des arrêts à venir de la cour d’appel d’Aix en Provence dans les recours exercés à l’encontre des jugements du tribunal judiciaire de Draguignan en date du 19 juillet 2022,
SURSEOIT à statuer sur les dépens de l’incident.
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente