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27 juillet 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
22/01246
N° RG 22/01246 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LJKR
C1
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES
Me David HERPIN
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 27 JUILLET 2023
Appel d’une décision (N° RG 19/00263)
rendue par le Tribunal judiciaire de Valence
en date du 16 mars 2022
suivant déclaration d’appel du 24 mars 2022
APPELANTS :
M. [W] [D]
né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 14] (07)
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 4]
M. [K] [D]
né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 14] (07)
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 4]
Société VERGERS [D] au capital de 8 000€, immatriculée au RCS de ROMANS SUR ISERE sous le n° D 523.043.529, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 13]
[Localité 4]
Société AGRI [D] au capital de 1 000 €, immatriculée au RCS de ROMANS SUR ISERE sous le n° D 528.315.898, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés au dit siège, [Adresse 13]
[Localité 4]
représentés par Me Vincent BARD de la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉS :
M. [U] [C], mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur de l’EARL VERGERS [D] par jugement du Tribunal de Grande Instance de VALENCE du 10.04.2019 confirmé par la Cour d’appel de Grenoble par un arrêt en date du 17.07.2019, et par extension à la SCI AGRI [D] par jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Valence en date du 20.11.2019, confirmé par arrêt de la Cour d’appel de GRENOBLE du 27.02.2020.
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté et plaidant par Me David HERPIN, avocat au barreau de VALENCE
Société FONDS [Localité 15] III société d’investissement à capital variable (SICAV), en son domicile élu à l’office de Maître [B], Notaire, [Adresse 2] à [Localité 11] représenté par son liquidateur judiciaire Maître [O] [V],
[Adresse 7]
[Localité 9]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me DAGO, avocat au barreau de PARIS
Me [O] [V] en qualité de liquidateur judiciaire de la société FONDS [Localité 15] III
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 10]
non représenté
M. LE PROCUREUR GENERAL 2
commercial
[Adresse 12]
[Localité 6]
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
Tribunal Judiciaire
Palais de Justice – [Adresse 12]
[Localité 6]
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 27 avril 2023, Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère qui a fait rapport assistée de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour, après prorogation du délibéré
EXPOSE DU LITIGE :
Par actes notariés des 30 avril et 8 décembre 2014, l’Earl Vergers [D] a souscrit deux emprunts auprès de la société de droit luxembourgeois [Localité 15] III SCA SICAV-FIS à hauteur de 750.000 et 560.000 €, soit un total de 1.310.000 €.
En garantie de ces deux emprunts, la SCI Agri [D], M. [K] et M. [W] [D] se sont constitués cautions simplement hypothécaires en affectant et grevant d’hypothèque différents biens immobiliers.
Par jugement du 17 février 2016, le tribunal de grande instance de Valence a ouvert le redressement judiciaire de de l’EARL Vergers [D] et a désigné Me [C] en qualité de mandataire judiciaire. ²
Le 8 avril 2016, la société [Localité 15] III a déclaré ses créances au titre des soldes des deux prêts qui ont été définitivement admises au passif par une ordonnance du juge-commissaire du 20 décembre 2016, pour les sommes de 750.000 euros, outre intérêts à titre chirographaire et de 560.000 euros, outre intérêts à titre chirographaire.
Par jugement du tribunal de grande instance de Valence du 10 avril 2019, confirmé par arrêt de cette cour du 17 juillet 2019, la liquidation judiciaire de l’EARL Vergers [D] a été prononcée et Me [U] [C] a été désigné en qualité de liquidateur.
Par jugement du 20 novembre 2019, confirmé par arrêt du 27 février 2020, la procédure de liquidation judiciaire de l’EARL Vergers [D] a été étendue à la Sci Agri [D].
Le jugement a été publié au BODACC le 29 novembre 2019.
Le 21 janvier 2020, la société [Localité 15] III a procédé à une nouvelle déclaration de créances au titre des deux prêts, à titre privilégié au passif de la société Agri [D], pour les sommes de 1.093.438, 18 euros, outre intérêts et de 738.173,25 euros, outre intérêts.
Sur la contestation des sociétés Vergers [D] et Agri [D] et au terme d’une ordonnance du 16 mars 2022, le juge-commissaire a :
– rejeté la contestation présentée par l’EARL Vergers [D] et la SCI Agri [D] au titre de l’irrecevabilité de la déclaration de créances de la société [Localité 15] III, du calcul et du montant des créances, du taux des intérêts,
– dit que les créances de la société [Localité 15] III seront retenues à titre chirographaire,
– dit que la nature des créances de la société [Localité 15] III est chirographaire,
– condamné solidairement l’EARL Vergers [D] et la SCI Agri [D] à verser à la société [Localité 15] III représentée par son liquidateur judiciaire la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens seront affectés en frais privilégiés de procédure collective.
Suivant déclaration au greffe en date du 24 mars 2022, MM. [W] [D], [K] [D], les sociétés Vergers [D] et Agri [D] ont relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions, ainsi qu’elles ont été énumérées dans leur acte d’appel.
Prétentions et moyens des sociétés Vergers [D], Agri [D] et des consorts [D] :
Au terme de ses écritures notifiées par voie électronique le 24 juin 2022 et signifiées les 27 et 29 juillet 2022 à la société [Localité 15] III et à Me [V], son liquidateur judiciaire, les sociétés Vergers [D], Agri [D] et les consorts [D] demandent à la cour de :
– infirmer l’ordonnance attaquée ;
– à titre principal :
– dire et juger Maître [V] es qualité de liquidateur de la société [Localité 15] III irrecevable en ses demandes ;
– à titre subsidiaire :
– dire et juger Maître [V] es qualité de liquidateur de la société [Localité 15] III mal fondé en ses demandes ;
– débouter Maître [V] es qualité de liquidateur de la société [Localité 15] III de ses demandes d’admission de créances au titre des deux prêts ;
– à tout le moins,
– dire et juger que les deux créances en intérêts contractuels seront réduites à l’intérêt au taux légal ;
– confirmer l’ordonnance s’agissant du caractère chirographaire des créances;
– quoi qu’il en soit,
– condamner le liquidateur judiciaire, ès qualités, au paiement d’une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l’ instance d’appel,
– statuer ce que de droit sur les dépens des présente et première instances.
Les appelants soulèvent la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir du liquidateur du fonds Versailles III aux motifs qu’il n’est pas justifié du caractère exécutoire sur le territoire français du jugement du tribunal de Luxembourg désignant Me [V] et que la désignation de la société liquidée n’est pas identique.
Ils opposent également l’absence de justification de l’inscription des créances alléguées à l’inventaire des biens de la société en liquidation.
Ils contestent enfin le décompte des créances en faisant valoir que :
– les intérêts réclamés au titre du prêt de 750.000 euros sont indus et disproportionnés, ayant été calculés sur ce montant alors que seule la somme de 426. 250 euros a été mise à disposition,
– la prime d’assurance-vie de 150.000 euros aurait dû rapporter des intérêts contribuant au remboursement des prêts,
– le décompte produit ne peut valoir justificatif du montant des demandes en paiement,
– le calcul des intérêts n’est pas clair,
– les intérêts sont manifestement usuraires et doivent être réduits au taux légal.
Prétentions et moyens de la société [Localité 15] III :
Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022 la société [Localité 15] III entend voir :
– débouter la société Vergers [D], la société Agri [D], M. [W] [D], M. [K] [D] et Maître [U] [C] de l’ensemble de leurs moyens, fins et prétentions ;
– in limine litis :
– déclarer les demandes de Maître [U] [C] irrecevables pour défaut de qualité à agir ;
– à titre principal :
– confirmer l’ordonnance du juge-commissaire du tribunal judiciaire de Valence en ce qu’il a jugé que la créance de la société [Localité 15] III sera admise au passif de la SCI Agri [D] pour un montant de 1.836.442,34 euros au titre du prêt du 30 avril 2014 et du prêt du 5 décembre 2014 ;
– déclarer la société [Localité 15] III recevable et bien fondée en son appel incident ;
– ordonner l’admission à titre privilégié de la créance de la société [Localité 15] III au passif de la SCI Agri [D] d’un montant de 1.836.442,34 euros au titre du prêt du 30 avril 2014 et du prêt du 5 décembre 2014 ;
– à titre subsidiaire, si la cour considérait que le taux est usuraire :
– juger que le taux conventionnel du taux d’usure diminué de 0,01 point sera applicable ;
– en conséquence, ordonner l’admission à titre privilégié de la créance de [Localité 15] III au passif de la SCI Agri [D] pour un montant de 2.196.626,25 euros,
– en tout état de cause :
– condamner la société Vergers [D], la société Agri [D], M. [W] [D] et M. [K] [D] à payer à la société [Localité 15] III la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Vergers [D], la société Agri [D], M. [W] [D] et M. [K] [D] aux entiers dépens.
La société [Localité 15] III soulève l’irrecevabilité des demandes de Me [C] résultant de son appel incident aux motifs qu’elles sont nouvelles en appel et que Me [C] se contredit à son détriment, le liquidateur contestant l’admission de ses créances alors qu’il ne s’y était pas opposé en première instance en sollicitant le rejet des contestations élevées par les consorts [D] à l’encontre de cette admission.
Elle soutient que sa demande d’admission au passif de la société Agri [D] est bien fondée puisque :
– si une déclaration de créances est opposable à l’ensemble des sociétés dont les passifs ont été confondus, ce n’est qu’à la condition d’être faite après la confusion des patrimoines,
– sa précédente déclaration de créance a été accomplie avant le jugement prononçant la confusion des patrimoines et étendant la procédure collective à la société Agri [D], – elle n’est donc pas opposable à cette dernière.
Elle s’oppose à la fin de non recevoir soulevée par les appelants en se prévalant des pouvoirs de représentation dévolus au liquidateur qui lui a été désigné en la personne de Me [V], conformément aux dispositions de l’article 47 de la loi luxembourgeoise.
Elle fait valoir que le décompte de sa créance ne souffre d’aucune inexactitude, qu’il n’a pas fait l’objet de contestation lorsqu’il a été produit au soutien de sa première déclaration de créance du 8 avril 2016 à la procédure collective de la société Vergers [D] et qu’aucun règlement n’a été effectué depuis.
La société [Localité 15] III considère que les prêts ayant été contractés par une personne morale, la société Vergers [D], exerçant une activité agricole, pour les besoins de son activité ; qu’il s’agit de prêts professionnels exclus du champ d’application de l’article L.313-3 du code de la consommation relatif à l’usure, que les sociétés et les consorts [D] ne peuvent se prévaloir de la réduction des taux d’intérêts contractuels.
Elle soutient que les prêts sont contractuellement soumis à la loi luxembourgeoise qui ne permet la réduction du taux des intérêts que sous la double condition d’un abus par le prêteur de la faiblesse de l’emprunteur et d’un excès manifeste dans le montant du taux d’intérêt, que ces prêts ont été passés devant notaire qui a informé les emprunteurs et que ces derniers se sont engagés en toute connaissance de cause.
A titre infiniment subsidiaire, elle estime que les taux d’intérêts ne sont pas usuraires puisqu’ils sont inférieurs aux seuils d’usure applicables au 1er avril 2014 et au 1er octobre 2014 et qu’à toute fin, les contrats prévoient qu’en cas d’application de la législation française sur l’usure, le taux effectif global des prêts serait variable et égal au taux d’usure diminué de 0,01 point.
La société [Localité 15] III se prévaut du caractère privilégiée de sa créance, conséquence de la qualité de caution hypothécaire de la société Agri [D], des renouvellements des inscriptions hypothécaires enregistrés par les services de la publicité foncière.
Prétentions et moyens de Me [C], en sa qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Vergers [D] et Agri [D] :
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2023, Me [C], en sa qualité de liquidateur des sociétés Vergers [D] et Agri [D] sollicite de la cour qu’elle :
– infirme l’ordonnance rendue par le juge-commissaire en date du 16 mars 2022,
– statuant à nouveau,
– rejette la créance de la société [Localité 15] III résultant de sa déclaration de créance du 21 janvier 2020,
– dise que les dépens seront affectés en frais privilégiés de procédure collective.
Me [C] fait valoir qu’il n’existe aucune demande nouvelle , qu’il soutient devant la cour la même argumentation que devant le juge-commissaire fondée sur le fait que la créance de la société [Localité 15] III a déjà été admise au passif de la société Vergers [D] par une ordonnance du 20 décembre 2020.
Il relève que l’ordonnance dont appel n’admet pas la créance, mais rejette la contestation et dit que les créances sont retenues à titre chirographaire, le débat s’étant limité à la nature privilégiée ou non de la créance.
Il précise n’avoir déposé des conclusions de rejet qu’en raison de la demande de nouvelle admission formée devant la cour par la société [Localité 15] III.
Il fait valoir que la créance déclarée est identique à celle déclarée au passif de la société Vergers [D] puisque la société Agri [D] était caution de cette dernière au titre des deux prêts souscrits, que l’extension de la procédure collective emporte ouverture d’une procédure collective unique portant sur un patrimoine unique en masse passive et active, que l’extension a opéré une confusion des patrimoines et des qualités de débiteur principal et de caution de telle sorte que l’obligation issue du cautionnement s’est éteinte et que la créancière ne peut en conséquence déclarer la même créance une seconde fois.
Il ajoute que l’ordonnance ayant déjà admis la créance à la procédure collective est revêtue de l’autorité de chose jugée et s’impose à la société [Localité 15] III, que celle-ci a renoncé à son privilège dans sa déclaration de créance initiale.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des moyens des parties.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 30 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
1°) sur l’irrecevabilité des demandes de Me [C] en sa qualité de liquidateur judiciaire :
L’article 564 du code de procédure civile ne permet pas aux parties de soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l’intervention d’un tiers, de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Devant le juge commissaire, Me [C] avait conclu au rejet des contestations soulevées par les sociétés Vergers [D], Agri [D] et les consorts [D] au motif que la créance avait déjà été définitivement admise au passif.
Si Me [C] reprend devant la cour ce moyen tenant au caractère définitif de l’admission précédente de la créance, il n’en formule pas moins dans le dispositif de ses conclusions une prétention au rejet de la créance et donc de son admission alors que devant le juge commissaire, il avait demandé le rejet de la contestation s’opposant à l’admission qu’il soutenait donc nécessairement.
Outre la contradiction manifeste de sa position, de nature à induire la créancière en erreur et à le priver de qualité à agir, Me [C] formule une demande nouvelle à hauteur d’appel et devra en conséquence être déclaré irrecevable en cette demande.
2°) sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir du liquidateur de la société [Localité 15] III :
Il est établi que par jugement du 26 novembre 2020, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a déclaré dissous le fonds d’investissement à capital variable Versailles III et en a ordonné la liquidation, nommant liquidateur Me [V] et précisant que ce dernier : «représente tant le fonds que ses investisseurs et créanciers et qu’il est doté des pouvoirs les plus étendus en vue de la réalisation de sa mission qu’il exercera tant au Grand Duché de Luxembourg qu’à l’étranger».
Dès lors, que l’exécution forcée de cette décision judiciaire étrangère n’est pas poursuivie sur le territoire français, le liquidateur, qui justifie de ses pouvoirs de représentation du fonds [Localité 15] III, n’a pas à mettre en ‘uvre de procédure préalable visant à en voir reconnaître le caractère exécutoire en France.
Le jugement désigne la société liquidée comme étant le fonds d’investissement spécialisé constitué sous forme d’une société d’investissement à capital variable [Localité 15] III SCA SICAV-FIS et les conclusions ont été régularisées par : «le fonds [Localité 15] III SCA SICAV-FIS». Il s’agit donc bien de la même société que Me [V] a pouvoir de représenter à l’instance en sa qualité de liquidateur judiciaire.
Les appelants contestent l’existence des créances au motif qu’il ne serait pas justifié de leur inscription à l’inventaire des biens de la société [Localité 15] III, alors que cet inventaire, son absence ou son incomplétude ne font pas obstacle à ce que la preuve d’un droit de créance notamment soit rapportée par d’autres moyens.
De surcroît, les appelant ne peuvent se prévaloir de l’application de la loi française à une procédure collective soumise à la loi luxembourgeoise.
Les demandes présentées pour la société [Localité 15] III seront déclarées recevables.
3°) sur l’admission des créances :
Selon les termes des actes de prêt, la SCI Agri [D] et les consorts [D] se sont engagés en qualité de caution hypothécaire de la société Vergers [D], en consentant à la société [Localité 15] III des hypothèques sur plusieurs de ses biens immobiliers. Seuls les consorts [D] se sont également portés cautions personnelles.
Par jugement du 20 novembre 2019, confirmé par arrêt de cette cour en date du 27 février 2020, le tribunal de grande instance de Valence a étendu la liquidation judiciaire de la société Vergers [D] à la SCI Agri [D] en raison de la confusion de leurs patrimoines.
Il résulte de cette extension que la procédure collective est poursuivie à l’encontre des deux sociétés de manière unique comme portant sur un patrimoine commun, actif et passif.
Le jugement d’extension de la procédure collective pour confusion des patrimoines est dépourvu d’effet rétroactif de telle sorte que la déclaration de créance et l’admission intervenues antérieurement ne sont pas opposables à la personne morale à laquelle la procédure a été étendue, ce qui rend nécessaire pour le créancier de procéder à une nouvelle déclaration de sa créance.
En outre, la confusion des patrimoines du débiteur principal et de la caution hypothécaire n’emporte pas extinction de la garantie, dont la créancière, titulaire d’une sûreté réelle inscrite sur les biens de la société Agri [D], ne peut être privée.
Enfin, l’ordonnance d’admission de la créance à l’égard de la société Vergers [D] n’a pas autorité de chose jugée à l’égard de la société Agri [D], cette dernière n’ayant pas perdu sa personnalité juridique distincte par l’effet de l’extension de la liquidation judiciaire, de sorte que la renonciation de la créancière à se prévaloir du caractère privilégié de sa créance à l’égard de la société Vergers [D] est inopérante à l’égard de la société Agri [D] et des consorts [D].
Cette dernière ne conteste ni le principe des créances, ni le bien fondé de leur déclaration à la liquidation judiciaire étendue à son encontre, ne remettant en cause que leur montant et le taux des intérêts servis.
Les deux prêts étaient stipulés remboursables au terme d’un délai de cinq ans, soit les 30 avril et 5 décembre 2019, et producteurs d’intérêts payables annuellement à terme échu.
Si les appelants se prévalent de sommes déjà remboursées et reprochent à la créancière de ne pas les avoir déduites de ses décomptes, l’examen de ceux-ci permet à la cour de constater que la première échéance d’intérêts réglée par l’EARL Vergers [D] dans chacun des deux prêts a bien été déduite alors que les cautions qui supportent la charge de la preuve de leur libération, ne justifient d’aucun autre paiement depuis le 30 avril 2016.
Selon les termes des actes notariés, les deux prêts sont rémunérés selon un taux d’intérêts de 10 % l’an et prévoient également que : «pour le cas où la législation française relative à l’usure viendrait à s’appliquer aux prêts en cours soumis à une loi étrangère mais dont l’emprunteur a son siège social en France, lesdits prêts consentis aux personnes morales pour les besoins de leur activité professionnelle, le taux d’intérêt serait déterminé comme suit :
le taux d’intérêt serait stipulé variable.
Il serait indexé sur le seuil de l’usure suivant les modalités suivantes :
-le seuil de l’usure de référence retenue pour les présentes est le seuil de l’usure catégorie «prêt accordé aux personnes physiques agissant pour les besoins professionnels et aux personnes morales ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale»
-le taux sera égal au taux de l’usure diminuée de 0,01 point
-le taux sera revalorisé à la fin de chaque période, actuellement pour l’application de la législation sur l’usure le trimestre civil, pour la période suivante, concomitamment à la publication au journal officiel de la vie délivrée par la Banque de France.»
Les deux conventions de prêts sont en vertu d’un paragraphe «loi applicable» expressément soumis à la loi luxembourgeoise pour ce qui concerne leurs clauses et conditions.
Les appelants ne se prévalent d’aucune disposition du droit luxembourgeois réglementant l’usure et il résulte des dispositions de l’article 1907-1 du code civil luxembourgeois qu’en dehors des dispositions protectrices des incapables ou relatives à la validité des conventions, le juge ne peut réduire le taux de l’intérêt contractuel au taux légal que si le prêteur, en abusant sciemment de la gêne, de la légèreté ou de l’inexpérience de l’emprunteur, s’est fait promettre un intérêt excédant manifestement l’intérêt normal compte-tenu de la couverture des risques du prêt.
A défaut pour la société Agri [D] et les consorts [D] de justifier des conditions de cette réduction du taux d’intérêt contractuel, alors que les actes de prêts ont été régularisés devant notaire, il n’y a pas lieu de procéder à cette réduction du taux.
En conséquence, la cour confirmera l’ordonnance du juge-commissaire en ce qu’il a rejeté la contestation des sociétés Vergers [D], Agri [D] et des consorts [D] mais l’infirmera en ce qu’il a dit que les créances de la société [Localité 15] III sont de nature chirographaire et seront retenues à titre chirographaire.
La cour dira que ces créances sont de nature privilégiée à l’égard de la SCI Agri [D].
La cour relève que bien qu’expressément saisi de la demande d’admission de ses créances par la société [Localité 15] III, le juge commissaire n’a pas explicitement statué sur cette prétention dans le dispositif de son ordonnance. Il conviendra en conséquence de compléter celle-ci en prononçant cette admission à l’égard de la Société Agri [D] pour les sommes arrêtées au 20 novembre 2019 suivantes :
– 1.093.438,18 euros au titre du prêt du 30 avril 2014,
– 783. 173,25 euros au titre du prêt du 8 décembre 2014.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE Me [C] irrecevable en ses demandes,
DECLARE la SCA SICAV-FIS [Localité 15] III et Me [O] [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCA SICAV-FIS [Localité 15] III, recevables en leurs demandes,
INFIRME l’ordonnance du juge-commissaire en date du 16 mars 2022, en ce qu’elle a :
– dit que les créances de la société [Localité 15] III seront retenues à titre chirographaire,
– dit que la nature des créances de la société [Localité 15] III est chirographaire,
statuant à nouveau,
DIT que les créances de la SCA SICAV-FIS [Localité 15] III sont de nature privilégiée à l’égard de la SCI Agri [D],
CONFIRME l’ordonnance pour le surplus de ses dispositions,
y ajoutant,
– ADMET les créances de la SCA SICAV-FIS [Localité 15] III au passif de la SCI Agri [D] pour les sommes de :
– 1.093.438,18 euros au titre du prêt du 30 avril 2014,
– 783. 173,25 euros au titre du prêt du 8 décembre 2014,
arrêtées au 20 novembre 2019,
– REJETTE les demandes complémentaires présentées en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente